Opération déminage pour Manuel Valls au Mali

En visite au Mali le 18 février, le premier ministre Manuel Valls devra évaluer la résilience du pays face aux troubles incessants de ces derniers mois

Malgré la présence de 1300 soldats français trois ans après l’opération “Serval” menée par l’armée française, la situation sécuritaire du Mali est tout sauf brillante. On ne le sait guère tant l’armée française cadenasse les informations en direction de la France. Seuls deux violents attentats perpétrés en plein coeur de Bamako en 2015, l’un contre le café bar “La Terrasse” et l’autre contre l’hôtel Radisson ont été médiatisés, parce que ces deux lieux sont très fréquentés par des occidentaux.

Hélas, le territoire malien est le théâtre quotidien d’attaques visant les forces françaises et internationales (1). Au Nord du pays, les groupes terroristes multiplient les attaques dans des conditions qui rappellent à beaucoup sur place la période qui a précédé l’intervention tricolore. Plus grave, les groupes terroristes du nord ont accouché de nouvelles franchises composés de combattants originaires du sud du Sahara. C’est le cas notamment du “Front de libération du Macina” et de la katiba “Khaled Ibn Walid” qui sévissent respectivement dans les régions de Mopti, au centre du pays, et près de la frontière sud avec la Côte d’Ivoire.

A travers le journal mauritanien Al-Akhbar, l’émir algérien d’Al-Qaida au Sahara, Yahya Abou Hamam, a réaffirmé, le 11 janvier dernier, l’alliance entre Aqmi, Ansar Eddine et Al Mourabitoune, le groupe dirigé par le tristement célèbre chef djihadiste Mokhtar Belmokhtar. Les trois organisations affirmant être en guerre contre la France.

Un Mali fantasmé

On est loin en tout cas du tableau idylllque que le pouvoir français dresse généralement d’un Mali fantasmé où la paix civile serait revenue grace à la France. Récemment encore sur le plateau de l’émission de France2 “On n’est pas couché”, Manuel Valls a expliqué que, contrairement au président gabonais Ali Bongo, le chef d’Etat malien aurait été “bien élu”. Le Mali ajoutait-il, a été “sauvé” des terroristes par l’armée française.`

L’obsession de François Hollande et de Manuel Valls est que le Mali tienne bon. Du moins jusqu’aux élections présidentielles. Si le pays s’effondrait, un des principaux thèmes de campagne des socialistes -un paradis malien opposé au chaos libyen créée par Nicolas Sarkozy- disparaitrait.

Il va falloir au Premier ministre vérifier cette gageure sur place. Il n’est pas forcément le mieux placé pour engager un débat franc avec l’allié et membre de l’Internationale socialiste, le président malien Ibrahim Boubakar Keita, dit IBK.

L’affaire Tomi enterrée

En mars 2014, Paris envoyait un sérieux scud en direction du chef de l’Etat malien qui alors ne s’était pas privé quatre mois avant d’attaquer l’armée française, à la une du “Monde”, pour complaisance avec les rebelles touaregs du MNLA, allié traditionnel des services français. “Le Monde” révèle, avec force détails, qu’une information judiciaire est ouverte mi 2013 par le parquet de Paris pour enquêter notamment sur les relations entre le chef de l’Etat malien et le sulfureux « parrains des parrains » corses, Michel Tomi.

Immédiatement, les soupçons de fuite se portent vers le cabinet du ministre de l’Intérieur qui était alors un certain Manuel Valls. Lequel déclarait à l’époque dans les pages de “l’Express”: “Je n’exclus pas l’existence de donneurs d’ordre supervisant ces systèmes criminels, soit depuis le continent, soit depuis l’étranger, en Amérique latine ou encore en Afrique”. Ambiance…

Changement de braquet

L’arrivée de Manuel Valls à Matignon change les règles du jeu. Happé par l’escalade sécuritaire qui suit les attentats de 2015, le Premier Ministre enterre les scandales corso-africains. On le voit, lors de la marche du 11 janvier, saluer avec émotion IBK, l’”ami africain” qui défile à la droite de Hollande en tête du cortège.

Il n’est pas sûr pourtant que la rencontre Valls-IBK aborde les sujets qui fâchent. Le premier, comme il l’a redit durant l’émission de Ruquier, s’inquiète de la progression du Wahabbisme en Afrique. Le second est soutenu à Bamako par l’imam wahhabite Mahmoud Dicko qui jouit d’une immense popularité au sein de la société malienne et a permis l’élection d’IBK en 2013.

Personnage d’influence, partisan d’un islam rigoriste, l’imam Dicko a récemment assimilé les troupes internationales et françaises à des “forces d’occupation” et affirmé que le Mali était victime d’un “complot orchestré par l’Occident”, dont les “djihadistes” ou “terroristes” sont les complices.

Ainsi IBK fait-il le grand écart entre Paris et Bamako où son “Je suis Charlie” lui a coûté très cher en terme d’image et valu la réprobation de ses soutiens wahhabites.

Le président est passé maître dans l’art d’offrir à la France un discours de tolérance, tout en veillant à se présenter devant une opinion malienne de plus en plus sensible aux valeurs islamiques comme un rempart face à l’Occident.

(1) Le mois de février 2016 a été particulièrement sanglant. Le 14 février 2016, un 4×4 de Barkhane a sauté sur une mine sans faire de victimes. Deux jours avant, le camp de la Minusma – la force onusienne au Mali – à Kidal a été ciblé par des tirs d’obus et un camion kamikaze conduit par un djihadiste mauritanien. Résulat: six casques bleus guinéens tués et 42 autres soldats blessés. L’attaque est revendiquée par Aqmi. Le même jour, des djihadistes de la même organisation ont tendu une embuscade à une patrouille de l’armée malienne causant la mort de trois soldats sur la route qui relie Tombouctou à Goundam dans le nord du pays. Enfin le 7 février, une katiba d’Aqmi a lancé trois attaques kamikazes dans la ville de Tombouctou dont deux visaient des check points de l’armée malienne et le troisième un hôtel où logent des soldats de la Minusma.