A moins d’un an de l’élection présidentielle pour désigner un successeur au président Muhammadu Buhari l’insécurité, qui se propage à grande vitesse dans le pays, menace désormais directement Abuja, la capitale fédérale.
Deux attaques spectaculaires espacées de 48 heures sont venues donner la mesure de la grande insécurité que traverse le Nigeria. Alors que le train était considéré jusqu’ici comme le moyen de déplacement le plus sûr du pays, une attaque attribuée à des « bandits armés » a visé le 28 mars dernier l’axe ferroviaire qui relie Abuja, la capitale fédérale à Kaduna, la grande ville du nord-ouest. Près de 160 personnes avaient disparu lors de cette audacieuse opération montée par des assaillants qui ont réussi à stopper le train et à enlever des dizaines de passages dont la libération est désormais conditionnée au paiement d’une rançon. Habituellement, faute de réponse adéquate de l’Etat fédéral, les familles de personnes enlevées négocient directement avec les bandits la libération de leurs proches.
Un business des rançons avec ses intermédiaires, ses barons, des complicités tourne à plein régime
Moins de 48 heures avant cette attaque, c’est l’aéroport de Kaduna, ville-garnison qui abrite la plus prestigieuse académie militaire du pays, qui a été visée par une attaque des bandits qui ont réussi à s’introduire jusqu’au tarmac. Depuis plusieurs mois, les Nigérians ne peuvent plus emprunter sans peur certains axes routiers dans les Etats de Zamfara, épicentre du banditisme dans le pays, de Katsina, de Yobé, Sokoto, de Kaduna et du Niger.
Un business des rançons avec ses intermédiaires, ses barons, des complicités dans l’entourage des gouverneurs des Etats fédérés tourne à plein régime. Il brasse des millions de dollars. Ce qui n’est pas surprenant pour la première économie d’Afrique.
La course effrénée à la succession de Buhari
Fait totalement surprenant, cette propagation de l’insécurité dans le pays le plus peuplé d’Afrique (environ 206 millions de personnes) ne préoccupe pas outre mesure des autorités fédérales. Le pouvoir a ainsi tenté de dédramatiser l’attaque spectaculaire de l’aéroport de Kaduna, en soulignant que les forces de l’ordre avaient très vite repris le contrôle de la situation. Alors que l’attaque du train Abuja/Kaduna avait provoqué une onde de choc dans le pays, le gouvernement nigérian a manifesté une retenue surprenante, se contenant seulement d’un communiqué indiquant que « le président Buhari a été très peiné » par cet incident. En réalité, c’est désormais la succession du président Buhari qui préoccupe la classe politique nigériane. Au terme de deux mandats de 4 années de l’actuel président, le Nigeria devra lui trouver un successeur en février 2023. Le Parti démocratique populaire (PDP, opposition) et le Congrès des progressistes (APC) ont déjà commencé les grandes manœuvres pour déterminer leur ticket comprenant les candidats à la présidence et à la vice-présidence.
L’opposition compte faire de l’insécurité qui se généralise dans le pays son principal thème de campagne. Ancien général et ancien chef d’Etat militaire du pays, le président sortant Buhari avait été élu en 2015 puis réélu en 2019 sur ses promesses de lutter contre la corruption et l’insécurité, deux fléaux majeurs du Nigeria. A l’heure du bilan, aucune de ces deux promesses n’a été tenue. Affaibli par l’âge (78 ans) et la maladie Buhari n’aura finalement pas été le président à poigne qu’il fut pendant son pouvoir militaire (1983-1985). Quel que soit son successeur, il héritera de l’insécurité comme première urgence.