Deux mouvements politique de gauche à l’île Maurice, soit Rezistans ek Alternativ (ReA) et Lalit, réclament que l’océan Indien soit décrété zone de paix après la décision du Royaume Uni de rétrocéder l’archipel des Chagos. Ces îles situées au Nord-est de l’océan Indien avaient été sorties du territoire mauricien peu avant son indépendance acquise le 12 mars 1968.
Un article de Vel Moonien
Les Britanniques avaient promis aux Mauriciens qu’ils allaient rétrocéder l’archipel, qu’ils comptaient utiliser pour des besoins de télécommunication, lorsqu’ils n’en auront aucune utilité. Or, les 2 000 habitants ont été expulsés vers Maurice et les Seychelles pour faire de la place à une base militaire et navale sur l’atoll de Diego Garcia où des bombardiers ont décollé durant la guerre en Irak, entre autres.
Durant ces deux dernières décennies, Maurice a saisi des instances onusiennes afin que sa souveraineté soit reconnue sur les Chagos. Au début de novembre 2022, à la surprise générale, Londres et Port-Louis ont annoncé des pourparlers pour la rétrocession. Seule ombre au tableau : Diego Garcia demeurera sous contrôle britannique afin que les Américains puissent continuent à utiliser la base militaire dans le contexte sécuritaire au niveau mondial.
« Démonstration de force »
Avec la récente « démonstration de force » de l’US Navy avec le passage du sous-marin USS West Virginia, équipé de missiles nucléaires, à Diego Garcia, ReA appelle à la dénucléarisation de l’océan Indien. Il s’inquiète également quant aux débats initiés sur l’avenir des Chagos par le député conservateur britannique Daniel Kawczynski à la Westminster House depuis que le Royaume Uni a fait connaître sa position.
Alors que la deuxième round des négociations débute ce mercredi à Port-Louis, ReA s’interroge ainsi sur ce qui adviendra de la base de Diego Garcia. A ses yeux, l’atoll fait partie intégrante des Chagos. Le Premier ministre Pravind Jugnauth, dit-il, ne détient « aucun mandat démocratique » pour signer un tel accord. « Les deux parties sont d’accord pour que Diego Garcia demeure sous occupation britannique et soit utilisé par l’armée américaine. Au moment des débats à la Westminster House, la marine américaine a voulu démontrer ses capacités de dissuasion vis-à-vis de ses ennemis et à ses partenaires à travers l’USS West Virginia, » s’indigne Ashok Subron, l’un des animateurs de ReA.
Diego Garcia, fait-il ressortir, est « spécifiquement mentionné » comme y faisant partie intégrante du territoire mauricien dans l’amendement constitutionnel de 1982. En 1991, un autre amendement a été voté, où mention est faite que Maurice est un État souverain. « Si un Premier ministre signe un accord afin de céder un territoire à un pays étranger, c’est qu’il abdique la souveraineté de Maurice, » souligne Ashok Subron. Il y a une différence à faire entre l’ancienne colonie britannique qu’était Maurice et l’État souverain qu’il est devenu, dit-il. « Pravind Jugnauth est en train de jouer avec le feu sur ce dossier, » fait-il ressortir tout en déplorant qu’il y a une tentative tant aux Etats-Unis, qu’au Royaume Uni, de faire croire que Maurice va céder une partie des Chagos à la Chine.
« Nous n’avons pas à choisir de camp »
« Le député britannique Kawczynski décrit la Chine comme un État hostile. Nous n’avons pas à développer une forme de belligérance envers un autre pays. Notre peuple souhaite la paix. L’océan Indien est au centre d’un conflit géopolitique entre l’Occident et l’Asie. L’île Maurice est un pays non-aligné, nous n’avons pas à choisir de camp, surtout à un moment où l’on ignore si la guerre en Ukraine peut se solder par une Troisième Guerre mondiale », martèle Ashok Subron.
« Il nous faut militer pour que l’océan Indien soit une zone de paix. C’est extrêmement important afin que les générations futures soient protégées. Il ne faut pas oublier que Maurice a signé le Traité de Pelindaba en 1996. Il promeut la création d’une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique. L’archipel des Chagos y a été inclut », poursuit Ashok Subron. Diego Garcia, dit-il, ne peut être « détaché » des Chagos.
Il lance un appel aux différents partis politiques mauriciens à s’unir afin que la Constitution prône le non-alignement et la paix dans l’océan Indien. « La zone doit être démilitarisée comme prôné par les Nations Unies dans les années 70. Il faut éviter que des pyromanes ne mettent en péril la souveraineté et la sécurité du pays. L’histoire a démontré que toute tentative de régler le problème des Chagos par la voie diplomatique durant un demi-siècle n’a rien donné, » rappelle-t-il. « De quelle souveraineté parlons-nous s’ils nous imposent qu’il ne doit y avoir aucun développement sur telle île ou que la zone maritime doit être protégée ? Nous avons eu le soutien des pays de l’océan Indien et de l’Union africaine. Il y a trop de silences sur ce dossier. Il faut poser des questions. C’est ainsi que nous avons fait dans les années 60, ce qui nous a conduit dans la situation où nous sommes, » analyse-t-il tout en appelant à un référendum.
« Transformez-la en centre météo »
Lalit, d’où sont issus les fondateurs de ReA, n’en mènent pas large. Il suggère au chef de gouvernement mauricien que les négociations sur la rétrocession soient conduites à Pelindaba, en Afrique du Sud. « Ce choix devrait rappeler à toute les parties, incluant le Premier ministre mauricien, qu’il faut fermer la base militaire de Diego Garcia. Transformez-la en centre météo. Ne tentez pas d’engranger des dollars sous forme de location, » lance-t-il.
Lalit rappelle aussi aux bons souvenirs des politiciens les tentatives des Occidentaux durant les années 60 visant à faire croire que les Russes vont opérer une base militaire au Vieux-Grand-Port, au Sud-est de Maurice pour justifier la création de la base à Diego Garcia. « C’est du déjà vu. Et maintenant, on veut faire croire que Maurice va céder une partie des Chagos aux Chinois. Encore une fois, c’est la presse britannique de droite qui véhicule ces allégations, » commente-t-il.