Le Quai d’Orsay est intervenu, et avec succès, auprès de la junte au pouvoir à Bamako pour que cesse le « french bashing » d’une partie de la population malienne. Lequel est pourtant en perte de vitesse
La manifestation du 20 janvier 2021 à Bamako contre l’intervention militaire française au Mali a tourné court. Le rassemblement avait été interdit sous prétexte de Covid-19, mais un cortège d’une centaine de personnes s’était quand même réuni à l’appel du collectif « Yerewolo debout sur les remparts ». A peine avait-il commencé à marcher sur le boulevard de l’indépendance que les lacrymos ont commencé à pleuvoir.
Paris et Bamako, même combat
Le dispositif policier ressemblait à s’y méprendre à celui mis en place lors des rassemblements de Gilets Jaunes. Dispersion de la manifestation avant même qu’elle ait le temps de se former ; barrage des rues adjacentes du boulevard de l’indépendance ; course poursuite des petits groupes de jeunes qui se reconstituaient de-ci de-là ; largage de gaz irritants pour dissuader les plus téméraires.
La doctrine du très répressif préfet de police de Paris Lallement a tout de même été légèrement tropicalisée, avec un flic tout sourire qui s’est avancé vers un petit groupe en criant « Les honnêtes citoyens doivent partir, on va tirer » et comme il n’y avait que de bons citoyens jeunes et agiles, tout le monde s’est enfui comme une nuée d’oiseaux. Rien d’étonnant, toutefois, que la méthode de maintien de l’ordre à Bamako soit copiée sur celle en cours dans l’Hexagone puisque les forces de l’ordre maliennes sont formées par des instructeurs français.
2022 en ligne de mire…
Pour plusieurs raisons, ce qui avait été annoncé bruyamment comme la première grande manifestation de 2021 s’est donc transformé en un non-événement. Ce rassemblement avait comme figure de proue Adama Diarra, dit Ben le Cerveau, activiste bien connu au Mali et Amina Fofana, tous deux membres du Conseil National de Transition (CNT) présidé par Malik Diaw, l’un des cinq colonels auteur du coup d’Etat du 18 août 2020. Compte tenu du mode de désignation des membres du CNT, tous choisis par la junte au pouvoir, le président de cette institution a été soupçonné par Paris de porter, a minima, un regard bienveillant sur ce rassemblement.
Coup de sang à Paris
Selon un ministre malien, le Quai d’Orsay a tapé du poing sur la table. Après ce rappel à l’ordre, Malik Diaw a été à Canossa et a dû publier un long communiqué dans lequel il désavouait les déclarations contre la présence française qui « n’engagent que leurs auteurs » et réaffirmait son soutien aux partenaires qui « œuvrent aux côtés du Mali dans la lutte contre le terrorisme ».
A la veille de la manifestation, le Président de la transition, Bah Ndaw, a lui aussi réitéré « la gratitude de son pays » envers les armées étrangères. Il fallait donc rassurer la France et surtout Emmanuel Macron qui est tétanisé à l’idée que le Sahel ne devienne un clou dans sa chaussure pour 2022. Une manifestation antifrançaise après le récent sondage qui montre que les Français ne soutiennent plus majoritairement l’intervention militaire aurait été du plus mauvais effet.
Faible mobilisation
En réalité, toute cette agitation et cette nervosité étaient infondées, puisque même si la manifestation n’avait pas été dispersée, c’eût été un flop. Des personnalités comme le chanteur Salif Keïta ou Oumar Mariko, président du parti de gauche Sadi, toujours en pointe pour contester l’ingérence française au Mali, ont boudé l’événement. De nombreux Maliens déçus par les nouvelles autorités ne souhaitaient pas non plus répondre à l’appel de proches de la junte, d’où la si faible mobilisation.
Kemi Seba, l’hyper activiste antifrançais qui était pourtant présent dans la capitale malienne, n’a pas pointé le bout de son nez. A moins qu’il n’ait pas eu le cran de jouer au chat et à la souris avec les forces de l’ordre maliennes.
Les Gilets jaunes du département de Seine Saint Denis qui avaient fait couler beaucoup d’encre sur les réseaux sociaux en annonçant leur présence, n’étaient en réalité que deux et ils se sont volatilisés aux premiers gaz lacrymogènes. L’un deux, Sébastien Périmony, disciple de Jacques Cheminade et expert pour l’Afrique à l’institut Schiller, une organisation allemande fondée par Lyndon Larouch, a donné une conférence de presse qui aurait pu tenir dans une cabine de téléphone.
Bref, si on leur ajoute les deux activistes d’Afrique-Europe interact, un mouvement allemand proche de Die Linke, qui étaient aussi de la partie, et qui ont, eux, courageusement résisté aux lacrymogènes, il n’y avait pas de quoi affoler les autorités franaçises….