Lorsque le président malien IBK affirme qu’il doit tenir compte de la Communauté internationale auprès de qui il a pris des engagements, il dit vrai. Et pourtant, il est le mieux placé pour savoir que même la communauté internationale ne peut aller contre la volonté de son peuple, puisque c’est grâce à ce peuple qu’il a été élu dans des conditions de régularité qu’il faudra mettre un jour au clair. A sa décharge, créditons-le de petits problèmes de mémoire, sans vouloir faire offense à son grand âge.
Pour nous faire pardonner ce rappel inconvenant, nous lui dédions volontiers, ainsi qu’à ses congénères et à leur progéniture qui s’agrippent au pouvoir sans jamais avoir produit de valeurs sociale et économique utiles pour leur pays, ce mot de Jules Barbey d’Aurevilly (in Les Prophètes du passé, 1851) : « On n’a pas progressé parce qu’on a vieilli ; on a progressé parce qu’on a élevé son sens moral ».
Le Nord, rien que le Nord
Un des principaux objectifs de la MINUSMA, la principale composante militaire de l’intervention étrangère au Mali, est de « contribuer à un développement équilibré entre toutes les régions du Mali en mettant en œuvre la phase de relèvement rapide de la Stratégie Spécifique de Développement des Régions du Nord du Mali. ». Une fois décodée la formulation pour le moins un peu alambiquée, nous avons bien compris que le développement équilibré du Mali passe par celui du nord du Mali et seulement du Nord du mali… Rappelez-moi déjà combien de milliards ont été engloutis dans les dunes de sable depuis 2007 ? Pour quels résultats ?
Aujourd’hui le gouvernement malien met en place une stratégie de développement à 10 – 15 ans pour la même région, pour un montant de plus de 2 000 milliards de francs CFA, avec pour objectif d’améliorer « la gouvernance, l’accès aux services sociaux de base et renforcer les infrastructures ou encore la vitalité économique » des régions du Nord. ». Sans véritable justice et volonté politique, comment améliorer la gouvernance ? Sans gouvernance, vous pouvez tirer tous les plans que vous voulez sur la comète, ils ne resteront que des mots écrits en lettres d’or couchés sur papier. Selon Boubou Cissé, cet énième plan serait « un rattrapage de développement de façon générale, mais un rattrapage qui va nous permettre d’aller vers une émergence sociale et économique sur l’ensemble du territoire malien. ».
Au-delà de la langue de bois empruntée au jargon des bailleurs, peut-il nous expliquer pourquoi ce plan-ci servira plus les populations du Mali que les autres plans d’enfer égrenés au fil des ans ? Les hommes ont-ils changé à l’insu de leur plein gré ? Une révolution des mentalités a-t-elle eu lieu à l’insu de nous-mêmes ? Le ministre de la justice a t’il reçu des instructions strictes pour faire le ménage dans ses écuries, payer décemment le personnel judiciaire et traquer jusque dans le plus petit trou de souris celui qui aura retiré de la bouche du citoyen justiciable 1 seul Franc CFA ? Les populations ont-elles subitement retrouvé une confiance aveugle en leur justice au point d’abolir l’ « article 320 » qui condamne le voleur d’en bas à être brûlé vif sans autre forme de procès ? Les fonctionnaires, les représentants de nos institutions alibi, les commerçants, les corrompus et corrupteurs divers et variés, entendent-ils au loin le sifflement du glaive de la justice qui avance, impitoyable et droit dans son fourreau, prêt à s’abattre sur leur tête ?
Morts programmées
Colonne dévertébrée, langue pendante et bave aux lèvres, mains aux doigts crochus tendues, ventres gargouillant repus du sang des maliens, cerveau et cœur en mort clinique depuis si longtemps, comptes en banque à l’étranger cliquetant pour appareil respiratoire. Du nord au sud, les voilà déjà en rangs serrés, zombies obligés de se soutenir, incapables de tenir debout seuls. Prêts à dézinguer un peuple malien encore vivant malgré tous leurs efforts pour l’anéantir, aussi sûrement que s’ils lui tiraient dessus à bout portant, en le privant d’eau potable, d’éducation, de justice, de santé, d’armée, de police. Leur espoir en une vie meilleure pour leurs enfants tués net par un environnement où batifolent en toute impunité malnutrition, maladies hydriques et palu, bras armés de nos affamés affameurs.
Il y a dix mille façons plus ou moins radicales de tuer, sans aller jusqu’au génocide. Il y a dix mille raisons de justifier ces morts programmées. Et l’on s’étonne que mourir pour mourir, nos jeunes veuillent tout « faire péter » avec eux.
Question d’argent ? Pas vraiment
Comment se fait-il qu’avec tous les milliards déversés sur ce pays depuis des décennies, la pauvreté soit toujours aussi triomphante partout au Mali ? Ce que confirme le document quand il relève que « trois régions affichent une incidence de la pauvreté (monétaire) particulièrement importante : Sikasso (65,8%), Mopti (60,4%), Ségou (56,8%). Ces trois régions accueillent près de la moitié de la population malienne. Par ailleurs, l’analyse de la pauvreté des communes a toutefois mis en exergue les handicaps structurels des communes dans les régions de Gao, Tombouctou, et Kidal. Ce sont des régions où la densité est faible (respectivement 4 hbts/km², 2 hbts/km² et 0,4 hbt/km²). Ces régions comptent pour 9% de la population malienne. ». Le même document précise que « l’analyse pluriannuelle des situations récurrentes d’insécurité alimentaire a fait ressortir que presque toutes les régions sont considérées comme particulièrement vulnérables Gao, Tombouctou, Kidal, Mopti, Ségou, Koulikoro et Kayes… Les Régions de Sikasso, Koulikoro, Mopti, Kidal et Kayes sont les plus inégalitaires en termes de dépenses alimentaires tandis que Bamako, Tombouctou et Gao le sont moins. ». On essaie, mais vraiment on n’arrive pas à comprendre pourquoi aider ce pauvre-ci aidera celui-là, surtout si ce dernier doit se saigner encore un peu plus.
Admettons que le Nord avale le peu de ressources laissées vacantes par les prédateurs pour l’ensemble du pays. Par quel miracle des hommes qui hier, fussent-ils du Nord, ayant activement participé au développement d’un système maffieux et criminel, responsable de tous les problèmes que nous connaissons aujourd’hui, seraient-ils devenus vertueux et soucieux du développement durable d’une région livrée au trafic de drogue dont ils profitent tous ?