Avec la complicité du résident mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, l’activisme des Saoudiens et Émiratis en Mauritanie s’est étendu en Mauritanie à un nombre croissant de domaines: la diplomatie, la Défense, les médias…
Cet hiver, le ministre saoudien des Affaires étrangères avait saisi l’ambassade de son pays à Nouakchott pour la sonder sur un éventuel projet d’établissement d’une base militaire saoudienne en Mauritanie ! Dès janvier 2017, Riyad et Nouakchott avaient conclu un accord de coopération militaire, portant sur la formation militaire, l’échange d’informations à ca-ractère sécuritaire, l’appui logistique, l’échange de visites et d’expériences et les presta-tions médicales militaires.
À cette occasion, le vice-ministre saoudien de la Défense avait déclaré que « cet accord constitue le point de départ pour une coopération militaire plus grande et plus profonde entre les deux pays ».
Autant de prises de position qui expliquent que le Qatra, frère ennemi de la monarchie séoudienne, soutienne les opposants au président Mohamed Ould Abdel Aziz, dont certains ont trouvé refuge à Doha. Le risque existe désormais que le conflit du Golfe est-il s’exporte vers la Mauritanie
Offensives médiatiques
Les investissements des monarchies pétrolières ne se limitent pas à une coopération militiare renforcée. La Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA) de Nouakchott vient d’autoriser, au nom d’un journaliste peu connu, la création d’une télévision privée dénommée : le Réseau d’Information Arabo-Africain. « L’intéressé aurait versé, rubis sur ongle, le prix de la licence d’exploitation, quelque trente millions d’ouguiyas (près de 75 000 euros) », estime dans un rapport fort instructif la Fondation pour la Recherche Stratégique, un organisme français proche du ministère de la Défense.
Les fonds proviendraient du gouvernement émirati, qui oeuvre à contre-carrer l’influence, très forte en Mauritanie, d’Al-Jazeera, la chaîne qatarie. L’objectif naturellement était aussi d’influencer l’actuelle campagne pour l’élection présidentielle qui doit avoir lieu le 22 juin.
L’inquiétude des pays voisins
L’intérêt des deux pays du Golfe pour la Mauritanie irrite ses voisins, le Maroc comme l’Algérie. Dans son édition du 6 avril 2019, le journal marocain Yabiladi, qu’on dit proche du Palais royal, a écrit : « Au grand dam du Maroc, l’arrimage de la Mauritanie aux Émirats et à l’Arabie saoudite est sur le point d’être accompli ».L’éditorialiste poursuit, citant un haut fonctionnaire marocain : « Abou Dhabi et Riyad prévoient d’asseoir leur influence politique et militaire chez le voisin du sud en lançant de grands projets d’investissements. La construction du port de Nouadhibou serait dans le viseur… ».
En Algérie, pays traditionnellement proche du pouvoir mauritanien, le rapprochement de Nouakchott avec Ryad et Abou Dhabi est perçu également avec beaucoup d’inquiétude. La diplomatie algérienne comme l’institution militaire veillent depuis toujours à ce que les pays voisins comme la Libye, la Tunisie ou la Mauritanie ne tombent pas dans l’escarcelle des monarchies pétrolières. Au delà des querelles de clans qui divisent le pouvoir algérien ces dernières semaines, il existe une certaine unanimité pour contenir l’offensive actuelle des Séoudiens, des Emiratis et des Egyptines dans l’ensemble du monde arabe et africain
Ce rapprochement est-il durable? Sans doute pas au rythme imposé par l’actuel président, Mohamed Ould Abdel Aziz. Les principaux candidats à l’élection présidentielle du 22 juin n’ont pas d’affinités particulières pour les monarchies du Golfe. Pas plus le dauphin désigné, le général Ghasouani, qu’on dit proche du Maroc que l’ancien Premier ministre Boubacar, soutenu par le mouvement islamiste mauritanien dont le coeur penche vers le Qatar.