L’interminable attente de l’invasion de Gaza

Les Etats Unis freinent les Israéliens dans leur désir d’éradiquer le Hamas. Mais il semble que Benjamin Netanyahou a aussi ses raisons de retarder l’échéance

Le président des Etats Unis Joe Biden a soutenu sans réserve le droit d’Israël à se défendre contre le Hamas : visites de haut niveau (y compris la sienne), mobilisation militaire, aide financière … Mais ses conseillers glissent confidentiellement à la presse qu’il a aussi méthodiquement et méticuleusement poussé à retarder l’invasion de Gaza.

Quelles raisons Joe Biden a-t-il de retarder l’invasion ?

Si l’on en croit Axios, une lettre d’information généralement bien introduite, l’administration américaine souhaiterait :

  1. Limiter une crise humanitaire à Gaza et empêcher une réaction mondiale massive.
  2. Faire sortir les 500 et quelques citoyens américains coincés à Gaza et que le Hamas a empêché de sortir jusqu’à présent.
  3. Donner à la présence militaire américaine au Moyen-Orient les moyens de se préparer à un élargissement du conflit avec d’autres milices pro-iraniennes. En d’autres termes, si les Etats Unis doivent faire la guerre au Moyen Orient, ils veulent être prêts.
  4. Être sûr que l’opération israélienne ne s’enlise pas des semaines, voire des mois dans une sanglante bataille de rue.
  5. Donner du temps à Benjamin Netanyahu, qui a ses propres raisons de retarder l’opération. Le Premier ministre israélien douterait de la capacité de l’armée israélienne à agir rapidement et de manière décisive en milieu urbain. Il est donc ouvert à des pourparlers sur la libération des otages ce qui donne à l’armée israélienne du temps pour mieux se prépare à une attaque terrestre.

Mais la droite israélienne soupçonne le président américain d’avoir des raisons cachées non seulement de retarder l’invasion, mais peut être aussi de l’empêcher de crainte qu’elle dégénère en conflit régional. Que disent des intellectuels comme Gadi Taub, journaliste, sociologue et historien ? Que l’administration américaine tente de sauver une politique d’apaisement de l’Iran qui fait eau de toute part et n’a jamais donné les résultats escomptés. Les Etats Unis sont peut-être conscients de leur échec diplomatique avec l’Iran, mais ils souhaiteraient éviter d’en payer le prix avec une guerre contre l’Iran à moins de douze mois des prochaines présidentielles.

Cette volonté d’éviter la guerre expliquerait que, dès le 7 octobre, date du pogrom meurtrier du Hamas sur Israel, le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré qu’il n’y avait aucune preuve « directe » de l’implication iranienne. Une affirmation surprenante dans la mesure ou les dirigeants du Hamas se sont publiquement vanté du soutien politique et militaire de l’Iran et que des journaux comme le Wall Street Journal et le New York Times en ont fait état de manière précise et circonstanciée.

Il n’est pas sur toutefois que la guerre Etats Unis – Iran (ou Etats Unis – Hezbollah) soit évitable. Le ministère américain de la Défense a reconnu mardi dernier que les troupes américaines et de la coalition en Irak et en Syrie avaient été attaquées au moins 13 fois au cours de la semaine dernière.

Entre le 17 et le 24 octobre, les troupes de la coalition américaine ont été la cible d’attaques de roquettes et de drones au moins dix fois en Irak et trois fois en Syrie, a déclaré mardi le porte-parole du ministère américain de la Défense, Pat Ryder.

Antony Blinken a averti mardi que les États-Unis ne « souhaitaient pas de conflit militaire avec l’Iran », mais qu’ils répondraient « rapidement et de manière décisive » à toute attaque contre les forces américaines de la part de l’Iran ou de ses mandataires. Mais il est douteux que ce message ferme suffise à dissuader les mollahs de Téhéran et leurs agents. Les Etats Unis ont dans un passé pas si lointain tracé différentes « lignes rouges » mais ne sont jamais passés à l’acte quand ces lignes rouges ont été franchies. Et si les Iraniens tentent de les pousser vers la porte de sortie du Moyen Orient, il n’est pas sur qu’ils n’obtempèrent pas.

Israel n’a par ailleurs reçu aucune garantie sécuritaire de la part de Joe Biden. Lors du vol de retour d’Israël vers Washington, un journaliste a demandé au président s’il avait dit aux Israéliens que les États-Unis interviendraient en cas d’attaque d’Israel par le Hezbollah et son arsenal de 200 000 roquettes et missiles ? Le président a répondu très clairement : « Ce n’est pas vrai. Je ne l’ai jamais dit ».