Libye, une stabilité politique précaire

Depuis l’échec de la bataille de Tripoli menée par le maréchal Haftar entre le 4 Avril 2019 et 5 juin 2020 pour s’emparer du pays tout entier, le choix d’une solution négociée devient une issue envisageable dans un contexte international qui a changé. Sur fond de fractures politiques et ethniques profondes.

Un compromis entre les adversaires d’hier est l’option désormais soutenue par l’ensemble des puissances impliquées dans le conflit libyen. Une page est tournée. En dépit de l’appui militaire et diplomatique qui a pu être apporté au maréchal Haftar par la Russie, la France, l’Egypte ou les Emirats arabes unis, ce dernier est désormais sur la défensive face au Gouvernement d’Union Nationale (GUN) soutenu par la Turquie et le Qatar. 

La nomination d’une représentante de l’ONU pour la Libye, Stéphanie Williams, devrait favoriser cette nouvelle phase de rapprochement. L’élection de Joe Biden aux États-Unis donne lui aussi un coup d’accélérateur à ce compromis possible. L’implication américaine est en effet un choix stratégique pour contenir la présence russe qui se manifeste à travers le soutien de la société militaire privée Wagner au camp d’Haftar. Le prédécesseur de Biden, Donald Trump, avait une fois pour toutes détourné le regard du théatre d’opérations libyen. . 

La conférence de Berlin, le 19 Janvier 2020, marquait le voeu de la communauté internationale de jeter les bases d’une négociation. Mais la réunion de Tunis, le 9 novembre 2020, illustrait la volonté des acteurs locaux d’un dénouement durable. L’élection du conseil présidentiel, le 5 février 2021, en fut la traduction. Depuis, les armes se sont tues, mais les tensions demeurent palpables.

Présence de milices, armes à profusion, intérêts pétroliers divergents: la situation n’est guère assainie        

Des élections avant fin 2021

Le premier ministre Abdelhamid Debaida a désormais pour tâche d’organiser une élection législative avant la fin de l’année dans un pays qui sort d’une guerre fratricide entre les deux régions de la Cyrénaïque et de la  Tripolitaine, dont les rancunes régionales et tribales sont anciennes. Circonscrit par la durée, le travail d’Abdelhamid Debaida s’apparente plus à celui d’un chargé de mission qu’à celui d’un un chef du gouvernement. 

Natif de Misrata, chef d’une petite structure politique le Parti du Futur, le Premier ministre joue la carte de réconciliation. L’homme est consensuel, disposant de bonnes relations avec les Khaddafistes, y compris avec le fils ainé du Guide, Seif Al Islam. Le chef du gouvernement peut faire valoir ses liens dans le monde des affaires dont sa Holding est très liée aux Turcs dans les télécommunications et certaines entreprises européennes, notamment Italiennes dans le BTP. Si ses relations avec le GUN sont cordiales, celles avec le maréchal Haftar le sont moins. 

Mais les capacités de nuisance du bon maréchal sont réduites. Les Emirats et l’Arabie Saoudite sont neutralisés en raison de la volonté du président Biden de les sortir de l’échiquier libyen, comme en témoignent les récents accords égypto-turcs. L’alignement français sur les positions américaines est un coup dur.

Le maréchal Haftar ne peut compter que sur les éléments de sa tribu Al Ferjani. La récente liquidation de son ex partenaire et allié des Saoudiens, Mahmoud Al Ouarfelli, en témoigne. Désormais, c’est le propre fils d’Haftar, Saddam, à la tète de sa brigade 106 à Benghazi, assure da sécurité. 

Milices, pétrole et désarmement.

Le processus de la concorde nationale entamé à Tunis et confirmé à Genève place le désarmement des milices intérieures et le retrait des mercenaires étrangers comme des priorité absolues. Sur le papier, les deux camps de Tripoli et de Benghazi s’engagent à coordonner leurs actions en vue de constituer une armée unifiée. Néanmoins, la présence Russe avec son armée privée Wagner est un épineux problème sans solution pour l’instant. Sel un pouvoir légitimement élu pourra demander officiellement son départ. Plus généralement, la dissolution des milices reste un casse-tête, et pas seulement pour la Libye, comme l’illustre l’assassinat du président Tchadien par des rebelles aguerris et adossés au sud Libyen.

Le partage de la rente pétrolière est la clé de voute d’une solution durable. Des négociations, placées sous l’égide de l’ONU et de la banque mondiale, se sont déroulées à Genève en décembre 2020.  Stéphanie Williams, chargée de mission de l’ONU en Libye (Manul), a réussi à imposer un système de redistribution des dividendes du pétrole. Néanmoins, l’existence de deux banques centrales, l’une à Tripoli et l’autre à Benghazi, pose à l’évidence quelques soucis. Un seul Etat avec deux institutions financières devient ingérable.

Les élections législatives du décembre prochain doivent s’effectuer dans un contexte sécurisé afin de leur donner une crédibilité. Les candidats doivent avoir des garanties de faire leur campagne loin des pressions et des obstacles que les forces irrégulières peuvent jouer. La reconstruction d’un Etat libyen se joue dans les six prochains mois.