Après sa reconduction à la tête du pays, Alassane Ouattara doit désormais désigner un premier ministre qui composera un nouveau gouvernement. Ce denier devrait faire la part belle au parti de l’ex chef d’Etat Henri Konan Bédié, le PDCI, auquel le président doit en grande partie sa victoire.
Elu dès le premier tour à la tête de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara s’apprête à nommer un nouveau premier ministre chargé de recomposer l’équipe gouvernementale. Celle-ci devra donner le ton de ce second mandat que le président souhaite orienter notamment sur la lutte contre la corruption jusque dans son entourage au sommet de l’Etat. Prévu aujourd’hui, mercredi 4 novembre, le premier conseil des ministres après les élections devrait apporter plus d’indications sur la composition de la nouvelle équipe.
Fière chandelle au PDCI
Pour la primature, tous les regards se portent sur Thierry Tanoh. L’actuel secrétaire adjoint à la présidence et ancien patron d’Ecobank a montré une fidélité sans faille au président qu’il a soutenu activement pendant toute la campagne. Héritié d’une famille respectée dans le pays et proche de l’ex président Henri Konan Bédié (HKB), ce « métis » – dénomination attribuée aux binationaux en Côte d’Ivoire – formé à l’économie en Côte d’ivoire et aux Etats-Unis a surtout l’avantage d’être étiqueté PDCI, le parti de Bédié dont l’alliance avec le parti présidentiel, le RDR, a permis a Ouattara de remporter une large victoire. « Il faut bien qu’il y ait un renvoi d’ascenseur à un moment » commente un diplomate français. Thierry Tanoh entretient par ailleurs de bons rapports avec la France, notamment à travers l’ambassadeur ivoirien à Paris, Charles Providence Gomis, dont il a épousé l’une des filles, Sylvie.
Quoique davancées dans la course à la primature, d’autres personnalités marquées PDCI avaient été pressenties. Nul doute qu’ils pèseront de tout leur poids dans la balance politique ivoirienne ces prochaines années.
Parmis eux, l’actuel ministre du commerce Jean-Louis Billon, un autre « métis » issu d’une famille influente et fortunée. Son père, Pierre Billon, ami intime de Félix Houphouët Boigny et de HKB a légué à sa progéniture l’empire Sifca, le premier groupe privé ivoirien, numéro un africain de l’huile de palme et du caoutchouc. Entré dans le gouvernement fin 2012 sous le premier mandat Ouattara, Jean-Louis Billon n’y entretient pas que des amitiés. Ses critiques à l’égard des conditions d’attribution de la gestion du deuxième terminal à conteneurs d’Abidjan au groupe Bolloré lui a notamment valu des remontrances du côté de la présidence. Au cours de la campagne présidentielle, il a toutefois redoublé d’effort pour soutenir l’élection du président sortant. Directeur général de campagne pour la région du Hambol, au centre-nord du pays, Jean-Louis Billon avait donné pour ordre a tous ses directeurs départementaux et locaux de réaliser 100% de retrait de cartes d’électeurs dans les bureaux de vote. Marié, lui aussi à l’une des filles Charles Providence Gomis, Jean-Louis Billon entretient surtout de très bonnes relations avec Paris où il a longtemps été « l’ivoirien le plus reçu par l’Elysée ». Au moment des émeutes de 2010, c’est par ailleurs l’armée française qui s’est chargée de son exflitration hors du pays.
Autre personnalité d’envergure, le ministre des Infrastructures économiques Patrick Achi, membre influent du PDCI, est un fidèle allié d’Alassane Ouattara. Connu pour sa maîtrise des langues ivoiriennes et étrangères dont l’arabe, il ne fait toutefois pas l’unanimité au sein de son propre parti. Les luxueuses villas dont il est propriétaire dans Abidjan éveillent par ailleurs de nombreux soupçons dans les cercles politiques et diplomatiques.
Quel que soit le nouveau visage de l’équipe qui prendra les manettes du gouvernement, celle-ci ne manquera pas de faire la part belle aux « pdcistes » auxquels Ouattara doit en grande partie sa victoire. Un tremplin pour le parti historique d’Henri Konan Bédié dont de nombreux observateurs n’hésitent pas à déjà prédire le retour aux affaires en 2020. Dans cette perspective, apporter son soutien à l’une de ces personnalités éviterait à Alassane Ouattara d’avoir à choisir un dauphin entre deux de ses proches, Guillaume Soro et Hamed Bakayoko, en compétition pour lui succéder. La volonté du président de modifier rapidement la Constitution afin de permettre aux binationaux de se présenter aux scrutins présidentiels ne dit pas autre chose.