Le nouvel homme fort d’Arabie Saoudite et l’héritier du trône, le prince Mohammed Ben Salmane al Saoud, dit MBS, n’est pas apparu publiquement depuis trente six jours.
Après des voyages médiatisés à Londres et à Paris en mars et en avril 2018, le jeune prince Salman, ministre de la Défense et homme fort du Royaume, n’a fait aucune apparition publique. Sans preuves, la rumeur de sa mort qui a été reprise par les médias iraniens hostiles court sur les réseaux sociaux. Pour l’instant, le ministère saoudien de l’Intérieur n’a pas réagi pour démentir ces allégations. D’où le sentiment au minimum d’un malaise à Ryadh.
Dans les milieux de l’opposition séoudienne à Londres, on pense qu’il aurait été sévèrement blessé lors de la sévère attaque du Palais royal qui a eu lieu le 21 avril à Ryadh. Ce jour là, l’armée saoudienne avait officiellement abattu un drone qui avait survolé le quartier de Riyad où se trouve le palais royal, déclenchant une alerte dans la capitale. « A 19h50 (heure locale), un poste de contrôle dans le quartier de Khuzama à Riyad a repéré un drone de loisir contrôlé à distance », a précisé l’agence officielle Saudi Press.
Avant la diffusion de cette information, une vidéo avait circulé sur les réseaux sociaux, alimentant les spéculations. En visionnant ces images amateur, on entendait nettement des tirs nourris.
Une journaliste Clarence Rodriguez, qui connait très bien l’Arabie Saoudite, a expliqué à Paris-Match: « J’ai appris qu’il était blessé, mais on ne sait pas si cela est lié à l’attaque du 21 avril. On n’a aucune indication sur la gravité de sa blessure. Mais officiellement, on n’en parle pas ».
Une absence troublante
Les 28 et 29 avril, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo s’est rendu en Arabie Saoudite puis en Israël, deux alliés stratégiques de Washington qui considèrent l’Iran comme leur ennemi. Une certitude, le prince Salman n’a pas accueilli lui même cette éminente personnalité à l’aéroport comme le protocole l’exxigeait. C’est son frère Khaled qui s’en est chargé, avant de recevoir au Palais royal, l’hôte de marque en compagnie de son père, le souverain séoudien.
Le 17 mai et sans doute pour faire taire les rumeurs, l’équipe de MBS a diffusé sur twitter, une photo du prince héritier avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, mais sans qu’elle ne soit datée. Mohammed ben Salmane y apparaît portant une casquette dont la visière cache en partie son visage. Cette mise en scène n’a pas convaincu grand monde.
Coup d’arrèt à la modernisation
Dans l’hypothèse où le prince Ben Salmane serait dans l’incapacité aujourd’hui d’agir, on comprendrait mieux le revirement spectaculaire qu’a connu la politique de modernisation qu’il affichait afin de donner des nouveaux droits aux Séoudiennes, notamment la possibilité de conduire. Voici quinze jours en effet, une dizaine de militantes féministes ont été en effet placées en détention, sans qu’on s’explique vraiment les raisons d’un tel durcissement.
Parmi elles, se trouvent de grandes figures de la cause féminine en Arabie Séoudite, telles que Aziza al-Yousef, 70 ans et de nombreuses années d’activisme, Loujain al-Hatloul, emprisonnée 73 jours en 2014 après avoir bravé l’interdiction de conduire, ou encore la blogueuse Eman al-Nafjan, qui a également participé à de nombreuses campagnes pour réclamer le droit de prendre le volant.
L’aile conservatrice du pouvoir séoudient aurait-elle profité du retrait du Prince Salmane pour avancer ses pions? L’hypothèse mérite d’être évoquée, compte tenu de l’étrange climat qui rêgne en Arabie Saoudite.