Le président mauritanien reste obsédé par « Mondafrique »

Si notre site possède au moins un lecteur fidèle et attentif, c’est bien le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz qui ne manque pas une occasion de s’en prendre à « Mondafrique ». Les relations entre l’auteur de ces lignes et le pouvoir mauritanien avaient fort mal commencé lors d’un voyage en 2013 à Nouakchott, avant même la création de notre média en ligne. Sans avoir jamais écrit une ligne sur ce pays, le directeur de « Mondafrique » se voyait retirer son passeport pendant de nombreuses heures, sans autre forme de procès et sans le moindre mot d’explication.

Depuis, les relations ne sont pas redevenues vraiment cordiales. Ainsi tout récemment, le journal « le Monde » a publié une enquête dévastatrice sur les mises en garde de la bourse américaine, la SEC, contre le pouvoir de Nouakchott. D’après les enquêteurs américains, le président-général et les siens, qui pillent structurellement le pays (jusqu’à confisquer les précieux mètres carrés des écoles pour construire leurs villas), ont entretenu, dans le passé, des liaisons coupables avec le groupe canadien Kinross, principal exploitant d’or en Mauritanie.

Mauvaise foi

Plus cocassse, lorsque l’ami Aziz reçoit tout récemment des journalistes français qui l’interrogent justement sur le dossier de Kinross, le chef d’Etat trouve une bien médiocre parade pour se justifier. « Ce sont les journalistes de Mondafrique et eux seuls qui propagent ces rumeurs ». En confondant ainsi « le Monde » et « Mondafrique », le chef de l’Etat fait-il preuve de mauvaise foi ou simplement d’ignorance? Une certitude, il ne distingue pas une enquête dévastatrice d’une organisme indépendant et respecté du compte rendu précis qui en est fait dans un média français reconnu.

Ce n’est pas la première fois que le président Aziz s’en prend à notre site. Il l’avait déja fait lors d’une conférence de presse de Mai 2015 où il attribuait à « Mondafrique » et à son directeur les révélations sur le « Ghanagate ». Des enregistrements clandestins avaient en effet montré qu’il avait négocié avec un trafiquant notoire la livraison de faux dollars, alors qu’il n’était que le patron du Basep (la garde présidentielle mauritanienne). Ce sont des medias mauritaniens qui avaient courageusement donné cette information.

Mondafrique n’avait jamais évoqué ce dossier, faute de certitude absolue sur la paternité des échanges. C’est « le Monde » dans sa version Afrique, cette fois encore, et non « Mondafrique », qui avait publié le témoignage d’un expert authentifiant les enregistrements.

Tel le Malade imaginaire de Molière attribuant au « poumon » et à lui seul l’origine de tous ses maux, le bon président Aziz, sans plus d’imagination, nous considère comme la source unique de tous ses malheurs.

Ce qui est trop d’honneur pour un modeste site d’information.

Article précédentTensions à l’ambassade du Kenya à Paris
Article suivantBaisse des prix du pétrole : une bonne nouvelle pour l’Afrique
Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)