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Alger, le chef des services extérieurs contre « la sanctuarisation » de l’Europe

Lors du IVeme séminaire international sur la Sécurité en Méditerranée à Barcelone en 2006, Noureddine Mekri, nommé cette semaine à la tète du service de renseignement extérieur, se montrait très critique sur les positions de l’Europe en matière notamment d’immigration ou de nucléaire

Dans une intervention de haut niveau voici une quinzaine d’année, le général Mekri, un esprit libre et le nouveau patron des renseignements extérieurs, l’équivalent de la CIA américaine pour l’Algérie, s’en prenait à l’égoïsme des pays du Nord. « Le document qui traite de la Stratégie Européenne de Sécurité (SES) identifie les nouvelles menaces pour la sécurité européenne et reprend, pour cela, les idées, les analyses et les concepts largement développés depuis maintenant une quinzaine d’années, dans les discours politiques et dans les écrits académiques. »
Et d’ajouter: « La première impression est qu’une telle stratégie découle d’un processus de « sanctuarisation » de l’Europe, qui établit le principe de « sécurisation » de l’Europe sans réellement tenir compte de l’environnement international et régional, ni envisager la possibilité d’une interaction avec ce dernier ».

L’appel à un partenariat équilibré

Paradoxalement, c’est un haut gradé algérien qui défend une sorte de multilatéralisme, un maitre mot chez Emmanuel Macron, et qui parle d’écologie, qui ne passe pas vraiment pour une priorité en Algérie. Mais à condition de sortir d’un face à face jugé stérile et inégal avec l’Union Européenne. De quoi faire réfléchir la classe politique française où on a parfois tendance à considérer l’Algérie comme une chasse gardée de la France . »Les risques et menaces, aussi réels qu’ils puissent paraître –au moins en ce qui concerne les cas de détérioration de l’équilibre écologique de la planète ou de terrorisme– font appel à des réponses beaucoup plus volontaristes que les mesures préconisées par l’Union Européenne. »

Et notre général d’enfoncer le clou: »Sur ces questions essentielles, sinon vitales, la réponse doit être politique et non stratégique et doit jaillir d’un consensus international fort le plus large possible au sein des institutions internationales, et en particulier au sein de l’ONU. »Et de résumer sa pensée: « Ce n’est pas un appel à la charité, que nous demandons, mais au partenariat », et un partenariat où « les deux gagnent » .

Flux migratoires et nucléaire

Ce général formé à l’école du renseignement algérien version DRS, ces services dirigés sans états d’âme mais avec une grande exigence politique, par le fameux général Toufik, n’hésite pas à mettre sur la table les dossiers des flux migratoires et du nucléaire.  » « Concernant d’autres questions, comme les cas de la non-prolifération et de flux migratoires, la SES n’envisage pas la problématique de fond et semble se préoccuper plus de la sauvegarde de sa propre sécurité, de son propre pouvoir et de sa propre prospérité. Les mesures préconisées ne peuvent garantir à long terme la réussite politique, économique et sociale de l’Europe et encore moins la paix, la sécurité et le développement harmonieux de l’ensemble de la région euroméditerranéenne. »


A ce stade, le nouveau patron des services algériens pose deux questions simples. La première, la voici. « • Pourquoi l’arme nucléaire serait-elle plus dangereuse entre les mains de l’un, démonisé selon ce qu’il convient, qu’entre les mains de l’autre, exonéré à l’avance de toute responsabilité ?
L’immigration est aussi une de ses principales préoccupations, mais en des termes inhabituels ». Qui peut –et avec quels moyens–, demande-t-il, arrêter un jeune candidat à l’immigration d’un pays du Sud, dont l’horizon est fermé et qui a accèsi nexorablement à l’opulence nord-américaine et européenne, étalée dans des centaines de chaînes de télévision via satellite « .

Et d’appeler l’Europe à « une coopération et la négociation avec les pays du Sud à partir d’une optique de développement et de stabilisation des populations dans les pays du Sud.

Des « menaces » aux « défis »

Dans un développement brillant où ce haut gradé se montre tour à tour héritier d’un certain humanisme et partisan de thèses alter mondialistes plus radicales, ce haut gradé appelle à un rééquilibrage entre le Nord et le Sud. «  »Dans un monde fini comme celui d’aujourd’hui, totalement interconnecté, globalisé et mondialisé mais néanmoins fracturé, les problèmes posés ne peuvent plus seulement être abordés en terme de menaces mais également en terme de défis, qui doivent être construits de façon concertée et solidaire par toute l’humanité.Le principal défi de nos jours, visible à simple coup d’oeil dans toute la zone Méditerranéenne, est l’importante concentration de la richesse, du pouvoir, de la consommation excessive et du gaspillage des ressources en Europe et en Amérique du Nord, tandis que l’immense majorité de la planète survit et meurt de faim, d’ignorance, d’épidémies, des guerres et des conflits ».

De là çà reposer en termes neufs la démocratisation des pays du Sud, il n’y a qu’un pas que ce général h’hésite )pas à franchir. « L’objectif n’est pas ici de chercher des justifications ou des prétextes pour retarder ou reporter la démocratisation nécessaire des pays du Sud.On considère aujourd’hui que c’est une exigence non seulement morale etpolitique mais également une condition pour le développement économique et social. Cependant, l’objectif est de souligner avec insistance que la démocratie et le développement sont intimement liés dans une relation
dialectique ».

L’Espagne, partenaire apprécié

Comment donner tort au nouveau patron du renseignement algérien dont on espère qu’il parviendra à rehausser, en termes d’anticipation, le dialogue trop souvent stérile entre la France et l’Algérie? L’éloge qu’il fait de l’Espagne voici quinze ans est une bonne piqure de rappel pour les autorités françaises qui n’ont pas toujours compris que Paris avait perdu sa place d’interlocuteur privilégié de l’Algérie. « L’Espagne, écrit-il, a joué un rôle primordial dans le rapprochement entre leNord et le Sud de la Méditerranée, conformément à sa vocation historique de pont entre les deux rives ».

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