Le dialogue avec les groupes djihadistes, qui est à l’oeuvre au Mali depuis deux ans, est désormais la règle au Niger et au Burkina Faso. Une option à laquelle la France s’est toujours opposée. Ce qui constitue une nouvelle déconvenue pour sa diplomatie dans la région.
Au Sahel, le second quinquennat d’Emmanuel Macron, qui débute officiellement le 13 mai prochain avec son investiture, devrait être comme le premier balisé de revers diplomatiques et militaires. Macron qui avait dit fermement qu’« on ne négocie pas les terroristes, mais on les combat » n’a pas su convaincre les alliés sahéliens de la France de ne pas franchir le pas du dialogue avec les djihadistes.
Revanche malienne
Pendant longtemps la France a présenté l’idée du dialogue avec les groupes djihadistes maliens comme une option marginale portée les différents pouvoirs maliens d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK) à Assimi Goïta, en passant par le tandem Bah N’Daw/Moctare Ouane. Même la légitimation du dialogue par deux fois par des Assises nationales maliennes n’avaient pas converti la France à l’idée que ses alliés sahéliens avaient bien le droit d’explorer la voie des négociations avec les groupes armés. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait heurté les Maliens en octobre 2020 à Bamako en réitérant publiquement l’opposition de la France à l’option du dialogue avec les groupes djihadistes qui venait pourtant d’être plébiscité par les partisans aux Assises nationales.
Le Premier ministre de transition Moctar Ouane a dû sortir de ses gongs pour recadrer Le Drian et réaffirmé la détermination du Mali à ouvrir les canaux de négociations avec les djihadistes. La France, qui ne souhaite pas fâcher ses armées et qui considère le dialogue comme un aveu d’échec de sa stratégie au Sahel, a persisté à présenter cette option comme une démarche marginale malienne. Sauf qu’entretemps la solution militaire a fait la preuve de son impasse et convaincu d’autres pays de la région d’explorer l’option de la négociation.
Un revers pour la France
Après presque une année au pouvoir, le nouveau président nigérien Mohamed Bazoum a révélé, lors d’une rencontre avec les cadres du pas en mars, qu’il avait décidé de dialoguer avec certains djihadistes détenus dans les prisons nigériennes. Le président Bazoum avait précisé à cette occasion que des djihadistes avaient été libérés de la prison de haute sécurité de Koutoukallé, dans le nord-ouest du Niger, avant d’être convoyés à Niamey où il les avait reçus. Il avait même ajouté que les parents de certains chefs djihadistes avaient été mis à contribution pour convaincre leur progéniture de renoncer au terrorisme.
Que le Niger, son plus fidèle allié dans la région ait franchi le pas du dialogue avec les groupes djihadistes, est un immense revers pour la stratégie antiterroriste française au Sahel. Elle traduit incontestablement une perte d’influence de la diplomatie française dont la parole devient ainsi moins convaincante, y compris chez ceux qui sont considérés comme ses plus fidèles dans la région. Ce n’est pas du Burkina Faso que viendra la bonne nouvelle pour la France. Moins de trois mois après son arrivée au pouvoir à Ouagadougou, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et le renouveau (MPSR) a annoncé sa volonté de dialoguer avec les groupes terroristes. Paul-Henri Damiba, le chef de la junte burkinabé, est allé bien plus loin que son prédécesseur Roch Marc Christian Kaboré, que la France critiquait régulièrement à demi-mots pour « son déni » de la situation sécuritaire de son pays et le faible niveau de la coopération avec Barkhane. La désignation du ministre d’Etat Yéro Bolli, comme chef de file des négociateurs du pouvoir, traduit la volonté des autorités militaires de transition du Burkina Faso d’aller vite vers le dialogue avec les djihadistes.
Précédent mauritanien
Avant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, la Mauritanie a longtemps privilégié le dialogue avec les djihadistes. Avec des résultats plus probants dans la lutte contre le terrorisme que dans les pays de la région où la France s’oppose à l’option de la négociation.
Sous la pression de leurs opinions nationales et déçus par la faiblesse des résultats de la stratégie militaire soutenue par Paris, le Burkina Faso et le Niger ont finalement rejoint la Mauritanie et le Mali pour prospecter l’idée des discussions directes avec les groupes terroristes. Reste maintenant à savoir si Macron et la diplomatie, qui ont toujours refusé cette approche lors du premier quinquennat, vont se résoudre à l’accepter avec le second mandat.
Des cinq pays du G5 Sahel seul le Tchad, l’allié fidèle de la France, reste dans une opposition résolue à tout dialogue avec les groupes armés.
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