Dans une interview fleuve publiée vendredi par Jeune Afrique, le Président français s’exprime sur la politique de la France à l’égard du continent africain, trois ans après le discours de Ouagadougou présenté alors comme l’annonce d’une rupture. Cette interview suscite une marée de réactions en Afrique de l’Ouest. Mondafrique publie ici celle de Moussa Tchangari, leader historique de la société civile au Niger, secrétaire général de l’association Alternative Espaces Citoyens.
Le président Macron est le plus jeune de tous les occupants du palais de l’Élysée à Paris; il est le seul chef d’État français de la cinquième république né après la colonisation. C’est un atout important; et beaucoup ont pensé que cela pourrait faire de lui un chef différent dans ses rapports à l’Afrique.
Au cours de sa campagne, il avait promis de changer les choses dans ces rapports ; et beaucoup l’ont cru en France et en Afrique, se disant qu’un homme de son âge en est capable.
Le temps est passé : tout le monde découvre qu’un jeune Français, qui n’a rien appris de la colonisation et de ses crimes sur les bancs de l’école, peut en être le gardien. En Afrique, où chaque jeune de l’âge de Macron ayant eu la chance d’aller à l’école a suivi au moins un cours d’histoire sur l’aventure coloniale, on sait que l’esprit qui l’a guidé continue toujours d’habiter l’Élysée ; et c’est bien ce que Macron est venu étaler dans les pages de Jeune Afrique.
Son interview à ce journal est une insulte à notre intelligence collective; mais, on peut lui dire grand merci. En effet, il faut admettre que ses propos ont le mérite de la clarté : tout ce que nous pensons et disons sur l’impérialisme français nous est dicté par les ennemis stratégiques de la France, la Russie en tête, et la Turquie ensuite.
Sarkozy disait que l’homme africain n’est pas suffisamment rentré dans l’histoire; Macron nous dit en quelque sorte qu’il n’y a pas de pensée africaine sur les problèmes africains. Oui, il l’a dit à sa manière, en parlant de l’influence de la Russie et de la Turquie sur la formation de l’opinion africaine. On ne peut être plus clair : Tout ce qu’un jeune africain dit sur la francafrique, il l’a appris sous la tente d’un tuteur russe ou turque. La France dont l’Afrique est l’avenir, n’est pas rejetée par la jeunesse africaine pour ce qu’elle a fait et continue à faire sur le continent ; elle l’est parce que russes et turques l’ont travaillée.
A travers son interview, le chef Macron, qui se défend de jouer les moralisateurs, n’a pas pu se départir de la condescendance à laquelle nous ont habitué ses prédécesseurs ; il a distribué médailles et avertissements aux dirigeants africains du pré carré : médaille d’or à Issoufou Mahamadou ; médaille d’argent à Alassane Ouattara ; avertissement à Alpha Condé. On sait pourquoi ; et ça fait mal : l’Afrique est l’avenir de la France; elle doit le rester encore longtemps. Barkhane y sera toujours en place. Le franc CFA aussi.