L’ancien chef de l’armée nigérienne en renfort de Hama Amadou

Le général Moumouni Boureima au meeting de l'opposition le 07 novembre 2020.

L’ancien chef d’état-major de l’armée nigérienne, le général Moumouni Boureima, a pris la parole samedi lors du meeting de Hama Amadou à Niamey, pour peser de tout son poids à ses côtés et lancer des menaces directes ou voilées au Président Mahamadou Issoufou.

Vêtu d’un costume sombre, celui qui fut le chef d’état-major de Tandja Mamadou jusqu’au coup d’Etat de 2010 a pris la parole devant un stade Seyni Kountché comble. Il a d’abord présenté ses condoléances aux forces de défense et de sécurité et aux familles des victimes militaires et civiles, avant de s’en prendre violemment au parti au pouvoir, qu’il a qualifié en haussa de « parti des voleurs. » Poursuivant dans la même veine, il a accusé le candidat du parti rose Bazoum Mohamed de menacer et d’intimider les Nigériens.

Mais le temps de l’intimidation est révolu, a poursuivi le général retraité. « Le Niger est une République et la République a ses droits. Vous traitez les Nigériens de peureux, donc vous pouvez mettre la police, nous écraser, nous mettre en prison. M. Bazoum, je vous fais connaître que la police, c’est une police nationale. C’est pas la police de Bazoum, ni la police du PNDS, ni la police de Mahamadou Issoufou. »

Il a également reproché au candidat du parti rose de refuser de prouver publiquement sa nationalité d’origine. « Quand on veut être candidat, on montre patte blanche. Et vous, comme votre patte est zébrée, vous ne pouvez que vous cacher derrière la fibre ethnique. (…) Vous avez acquis la nationalité nigérienne, vous n’êtes pas plus que les Nigériens, vous êtes candidat, mettez-vous au niveau des autres candidats. Vous nous menacez une fois, on va vous menacer 1000 fois ! »

« Vous, vous avez juré sur le Coran »

S’adressant aux Nigériens de toutes les régions du pays, il les a exhorté de ne plus avoir peur de personne. « Terminé, c’est terminé ! Et si la nuit, puisqu’ils envoient des gens cagoulés pour aller attraper les gens, sortez massivement dans les quartiers, empêchez-les de prendre la personne. Ca suffit comme ça !  »

Il a ensuite interpellé le Président Mahamadou Issoufou lui-même, dont le fils est le directeur de campagne du candidat rose, dans des termes triviaux. « Bazoum, c’est un danger pour la quiétude sociale du Niger. Je vous demande, M. le Président, je vous le demande humblement, de le tenir en laisse, à moins que vous ne soyez complice de ce qu’il raconte. Dans ce cas c’est extrêmement grave, puisque vous, vous avez juré sur le Coran », a-t-il dit, faisant allusion à la foudre de Dieu supposée s’abattre sur quiconque viole son serment coranique.

Revenant au scrutin en cours, il a réaffirmé, à l’instar de l’opposition réunie à l’intérieur de la CAP 21, que les conditions de sa tenue n’étaient pas encore réunies.

« M. le Président, vous avez dit que vous allez partir en laissant un Niger en paix. Mais, M. le Président de la République, pour que le Niger soit en paix, il faut qu’il y ait des élections apaisées. Pour qu’elles soient apaisées, il faut qu’elles soient démocratiques, transparentes et intégrales. Or, quand on prend la chaîne des élections, tout est pourri : le fichier électoral est pourri, la CENI est pourrie, le code électoral est pourri, la Cour constitutionnelle est pourrie. Alors comment voulez-vous organiser des élections libres et transparentes ? »

« Laissez-nous un Niger en paix ! »

Il a donc souhaité des aménagements de dernière minute, qui paraissent de moins en moins probables à sept semaines des élections. « M. le Président, (…) pardon, faites-nous des élections libres et transparentes ! Nous avons des spécialistes nigériens qui peuvent faire le toilettage du fichier et du code électoral. Laissez-nous un Niger en paix ! »

Mais il est revenu à la menace pour conclure sa brève allocution : « C’est sûr que dans les urnes, nous allons vous écraser, vous écraser et vous réduire en poussière et la poussière, on va aller la larguer là-bas dans le ciel. Et s’il plaît à Dieu, quand le Lumana et son Président vont arriver au pouvoir, le Niger va renaître. »

Mêlant Dieu, le Coran, l’appel voilé aux forces de défense et de sécurité et à la police, où le parti Lumana est bien représenté, l’adresse aux Nigériens de ne plus craindre quiconque et les périls qui guetteraient la paix, Moumouni Boureima n’a pas lésiné. Sa carrure, sa réputation militaire et son influence, sans doute encore réelle, sur l’armée nigérienne, en font une intervention clé dans la démonstration de force du chef de file de l’opposition, destinée en particulier à dissuader la Cour constitutionnelle d’invalider sa candidature.

Après le coup d’Etat de 2010, dont Salou Djibo, également candidat à la présidentielle de 2020, fut l’auteur principal, Moumouni Boureima avait été nommé ambassadeur en Egypte, où il a été maintenu à l’arrivée au pouvoir de Mahamadou Issoufou jusqu’à ce qu’il fasse valoir ses droits à la retraite. Il est réapparu pour la première fois en public lors du déplacement de Hama Amadou à Zinder.