Les forces de sécurité camerounaises ont dispersé des manifestations pacifiques le 22 septembre par des gaz lacrymogènes et des canons à eau et arrêté des centaines de personnes, principalement des partisans de l’opposition, a affirmé Human Rights Watch.
Dans un rapport publié le 19 octobre, l’organisation de défense des droits de l’Homme précise que de nombreux manifestants pacifiques ont été battus et maltraités lors de leur arrestation et pendant leur détention.
Human Rights Watch regrette le silence de l’Union africaine (UA), de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et des autres partenaires régionaux et internationaux du Cameroun.
« Les organisations africaines et régionales devraient dénoncer la répression et les abus généralisés du gouvernement camerounais », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique à Human Rights Watch, qui s’insurge contre « des violations flagrantes » de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Plus de 500 arrestations
Selon le parti d’opposition Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), plus de 500 personnes ont été arrêtées le 22 septembre, dont 155 ont été libérées par la suite. Les avocats du parti indiquent que 21 personnes ont été présentées devant des juridictions civiles pour rébellion et participation à une manifestation illégale, 107 personnes ont été traduites devant des juridictions militaires pour terrorisme et insurrection et 63 personnes continuent à être détenues sans inculpation, la situation des autres n’étant pas clarifiée.
Entre le 22 septembre et le 10 octobre, Human Rights Watch a interviewé 10 dirigeants et membres du parti d’opposition MRC, 5 avocats, 3 journalistes et 4 parents de personnes arrêtées et battues par la police lors des manifestations du 22 septembre. Human Rights Watch a également examiné des photographies et des vidéos.
Début septembre, les autorités camerounaises ont interdit les manifestations dans tout le pays après que le MRC a encouragé les gens à descendre dans la rue suite à la décision du gouvernement d’organiser des élections régionales en décembre. Le parti a déclaré qu’avant la tenue de ces élections, le gouvernement devrait réviser la loi électorale et régler la crise dans les régions anglophones où la violence est vive depuis fin 2016.
Maurice Kamto toujours en résidence surveillée
Prétextant la pandémie de Covid-19, le ministre de l’Administration territoriale a annoncé que toute personne à l’initiative de manifestations serait arrêtée et le 15 septembre, le ministre de la Communication a averti les partis politiques que les manifestations pourraient être considérées comme une « insurrection » et que les manifestations illégales seraient punies en vertu de la loi antiterroriste.
Le leader du MRC, Maurice Kamto, arrêté en janvier 2019 après des manifestations pacifiques dans tout le pays, puis libéré en octobre 2019, se trouve en résidence surveillée depuis le 22 septembre dernier. Ses avocats ont déposé plainte contre l’Etat. La première audience a été reportée au 29 octobre. Deux autres dirigeants du MRC – son trésorier, Alain Fogue, et son porte-parole, Bibou Nissack – ont eux aussi été arrêtés, respectivement les 21 et 22 septembre. Ils sont détenus sans inculpation.
« Nous avons le sentiment que la répression se normalise », a déclaré à Human Rights Watch Michelle Ndoki, une avocate camerounaise des droits humains. « La communauté internationale doit savoir que l’espace politique dont disposent les groupes d’opposition pour s’exprimer librement se réduit de jour en jour ».
Le 12 octobre, 14 experts indépendants des droits humains des Nations Unies ont appelé le Cameroun à libérer Maurice Kamto et les autres personnes arrêtées lors de manifestations pacifiques et à mettre fin à l’intimidation des militants politiques. Deux jours plus tard, le ministre de la Communication a rejeté ce communiqué qu’il a qualifié de « partial et biaisé ».
Par ailleurs, l’ONU a annoncé la mort d’au moins 8 enfants, le 24 octobre, dans l’attaque d’une école à Kumba, dans la région anglophone, par des assaillants armés d’armes à feu et de machettes.