Pour achever cette série de papiers sur les événements qui ont précédé le coup d’état au Mali, Mondafrique revient sur la mission de bons offices de la CEDEAO qui devait repartir totalement bredouille en raison de l’opposition grandissante qui s’exprime contre le maintien en fonctions du président IBK.
Dans un communiqué publié à la fin de sa mission, dimanche 19 juillet, la délégation de la CEDEAO conduite par l’ancien Président du Nigeria Jonathan Goodluck a rendu compte de cinq jours de rencontres intenses très fructueuses à ses yeux, bien qu’ayant échoué à convaincre le M5-RFP à l’origine de la crise.
Flanqué d’experts constitutionnalistes, l’ex Président du Nigeria et les quelques politiques qui l’accompagnaient se félicitent, en caractères gras dans le texte, de « l’adhésion de toutes les délégations rencontrées aux mesures proposées à l’exception du Comité Stratégique du M5-RPF. »
En cinq jours, la délégation s’est entretenue avec les dirigeants maliens, des diplomates, le Haut Représentant de la Commission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies au Mali et chef de la MINUSMA, l’imam Mahmoud Dicko, chef spirituel du mouvement de protestation, et, à plusieurs reprises, des représentants du comité stratégique du M5-RFP.
Le 17 juillet, dans un communiqué signé Choguel K. Maiga pour le M5-RFP, le mouvement demande toujours la démission du Président IBK et de « son régime corrompu »,
Elle a également échangé avec les organisations de la société civile, les femmes et la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA).
De leur côté, les dirigeants du M5-RPF n’ont pas attendu la fin de la mission pour rejeter les propositions de la CEDEAO et s’exprimer dans les medias sur le sujet. Le 17 juillet, dans un communiqué signé Choguel K. Maiga pour le M5-RFP, le mouvement demande toujours la démission du Président IBK et de « son régime corrompu », en raison de son « incapacité avérée à redresser le Mali », de sa responsabilité dans « la dislocation de l’unité nationale, de sa perte de légitimité, des violations graves des droits et libertés et, plus récemment, des massacres perpétrés par les forces antiterroristes contre des manifestants aux mains nues jusque dans les lieux de culte. »
Le M5 a demandé l’ouverture prioritaire et immédiate d’enquêtes judiciaires sur les événements d’il y a une semaine.
« Mais tout en reconnaissant le caractère juste et légitime de ses points de vue ; le M5-RFP s’est entendu invariablement dire par la CEDEAO que la démission de Monsieur Ibrahim Boubacar Keita, bien que n’étant pas contraire à la Constitution, est pour elle une ligne rouge. »
Effectivement, la délégation de la CEDEAO rappelle en caractères gras dans son communiqué final qu’aucune « forme de changement non constitutionnel d’accession au pouvoir ne sera acceptée par la CEDEAO. »
Le M5-RFP, lui, constate « avec surprise, que la CEDEAO supposée trouver des solutions à la crise dans le respect de la Constitution malienne, a procédé à des arrangements qui violent, précisément, la dite Constitution et qui ne tiennent aucun compte du contexte sociopolitique. » Il note « avec regret, que ces propositions sont les mêmes que celles antérieurement formulées par M. Ibrahim Boubacar Keita et rejetées par notre mouvement. »
Les propositions de la mission, en effet, apparaissent peu ambitieuses face à la crise, au-delà des mots convenus condamnant avec fermeté les violences, s’inclinant sur les morts, souhaitant prompt rétablissement aux blessés ainsi que la libération du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, enlevé dans sa circonscription pendant la campagne des législatives. Elle déploie même un zèle étrange au sujet des enquêtes sur les violences qui ont fait, selon les sources, entre une dizaine et une vingtaine de morts par balles, en préconisant que les enquêtes s’étendent « à toutes les violences et destructions de biens publics (…) en vue de sanctions appropriées. »
La délégation s’est cantonnée à scruter les contentieux surgis après les législatives du printemps, proposant la nomination de 6 juges constitutionnels, dont la moitié, par le Président de la République, sur une base consensuelle. Cette nouvelle Cour réunissant désormais le quorum légal pourra alors statuer sur les 31 litiges électoraux. La CEDEAO insiste également sur la nécessité de « mettre en place de toute urgence un gouvernement d’union nationale », dont elle pousse l’obligeance jusqu’à proposer la recette : 50% de ministres provenant de la coalition au pouvoir, 30% de l’opposition et 20% de la société civile.
Quant à la Coordination des Mouvements de l’Azawad, qui n’a pas souhaité être embarquée dans le satisfecit de la CEDEAO, son porte-parole Almou Ag Mohamed a rendu public un communiqué rappelant qu’elle « garde une position de neutralité dans ce bras de fer. » Convaincue que la crise est en partie due au « retard et tergiversations liés à la mise en en oeuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation », signé il y a cinq ans, elle salue la médiation de la CEDEAO et indique avoir rencontré la délégation officielle samedi 18 juillet, pour « exprimer ses préoccupations et inquiétudes liées à une entente entre les parties sur fond de remise en cause ou de modification de l’Accord d’Alger. » Et elle prévient « que tout compromis qui touche à l’accord d’Alger ne saurait l’engager. »