Est ce une coïncidence? Ces derniers jours, Ali Bongo a durci considérablement la répression. Depuis samedi dernier, une vingtaine d’opposants -dont Jean Ping, son adversaire de la présidentielle du 27 août et Casimir Oyé Mba, l’ancien Premier ministre – sont interdits de quitter le territoire national.
Or peu auparavant, Ali Bongo avait reçu une lettre de félicitation adressée par Emmanuel Macron pour la fête l’indépendance du Gabon. « Monsieur le Président…. » Cette entête vaudrait-elle légitimation de l’élection présidentielle de l’été dernier? Les partisans du président gabonais ont célébré « la courtoisie diplomatique » de Macron et ont fait passer ce message convenu pour une légitimation de la France, une sorte de feu orange qui laisserait désormais les mains libre au pouvoir pour réprimer ses opposants.
La carotte et le baton
Même si Paris se défend de tout changement d’attitude, il reste que le régime s’est radicalisé. En réalité, Ali Bongo utilise à la fois la carotte et le bâton. Le basculement soudain vers la répression s’accompagne de tentatives de récupération de ses opposants.
Depuis la présidentielle, Ali Bongo a laissé « végéter » ses opposants tout en récupérant quelques-uns pour en faire des ministres ou de hauts fonctionnaires. Dans un pays où les hommes politiques sont habitués à vivre sur la rente de l’Etat, la tactique s’est révélée payante. Bruno Ben Moubamba, un des critiques les plus virulents de la famille Bongo, est désormais ministre d’Etat. Après avoir conduit le dialogue national, Jean Tchicaya, autre grande figure de l’opposition, a été à nouveau jugé fréquentable par le pouvoir.
Fuite en avant
Reste qu’il n’est pas sûr que cette stratégie soit durable. Ali Bongo a gagné la présidentielle avec 50,%6% selon les résultats officiels proclamés par une Cour constitutionnelle aux ordres. Le président sortant aurait obtenu 95% des suffrages exprimés dans le fief familial du Haut-Ogoué où la participation a atteint jusqu’à 99%. Cette anomalie et bien d’autres ont amené l’Union européenne a jugé le scrutin présidentiel peu crédible et pas transparent.
Dans le contexte actuel, Ali Bongo doit compter sur un autre adversaire : la situation économique catastrophique du Gabon. Après l’effondrement du cours du pétrole, principale ressource d’exportation du pays, la dette gabonaise a doublé entre 2015 et 2016 alors que le déficit des comptes courants représentent 10% du produit intérieur brut (PIB). Dans la conjoncture politique et économique actuelle, la « radicalisation » ressemble à une fuite en avant.