- Mondafrique https://mondafrique.com/decryptage/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Sat, 27 Dec 2025 08:50:54 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/decryptage/ 32 32 La démographie conditionne le destin des peuples https://mondafrique.com/decryptage/la-demographie-conditionne-le-destin-des-peuples/ https://mondafrique.com/decryptage/la-demographie-conditionne-le-destin-des-peuples/#respond Fri, 26 Dec 2025 07:30:19 +0000 https://mondafrique.com/?p=144453 L’expression « la démographie, c’est le destin » est souvent rejetée comme déterministe. Bien comprise, elle signifie pourtant l’inverse. La démographie ne dicte pas les résultats ; elle délimite le champ du possible

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 Aux États-Unis, en Europe et au Moyen-Orient, les structures démographiques sont désormais au premier plan de la géopolitique. Elles ne se contentent plus de conditionner la puissance : elles en fixent de plus en plus étroitement les limites.

Une chronique de Malek Baroudji (Beyrouth)

L’expression « la démographie, c’est le destin » est souvent rejetée comme déterministe. Bien comprise, elle signifie pourtant l’inverse. La démographie ne dicte pas les résultats ; elle délimite le champ du possible. Elle façonne les projets politiques soutenables, les guerres que l’on peut mener — et leur durée —, les modèles économiques viables et les contrats sociaux capables de résister à la contrainte. Par le passé, les États pouvaient différer l’échéance démographique par l’expansion, la migration ou la conquête. À une époque de croissance plus lente, de frontières plus étanches et d’attentes sociales plus élevées, cette marge s’est fortement réduite.

Cette intuition circule depuis longtemps dans un langage moins formalisé. Une formule apparue dans les débats pacifistes allemands de la fin de la guerre froide — keine Kinder, kein Krieg (« pas d’enfants, pas de guerre ») — résumait une idée simple mais de plus en plus pertinente : la guerre moderne n’est pas seulement contrainte par les armes ou les budgets, mais par la disponibilité de populations jeunes et par la tolérance politique à leur perte. Dans les sociétés vieillissantes, chaque victime pèse davantage sur le plan social et politique. Les guerres d’attrition deviennent plus difficiles à soutenir, non parce que les sociétés deviennent pacifistes, mais parce que l’arithmétique démographique renchérit le coût de leur prolongation.

Le paysage géopolitique actuel reflète cette contrainte sous de multiples formes : déclin et vieillissement démographiques, excédents de jeunesse et difficultés d’absorption, fragmentation démographique, dépendance à la main-d’œuvre importée, collision démographique, évidement démographique, et — plus récemment — menaces démographiques fantasmées qui confondent changement relatif et effacement existentiel. Certaines de ces tensions sont matérielles et arithmétiques ; d’autres relèvent de la perception et du politique. Les confondre est devenu une source majeure d’erreurs stratégiques. Les empires ne s’effondrent pas parce qu’ils deviennent divers. Ils s’effondrent parce qu’ils perdent confiance dans leur capacité à gérer la diversité — et finissent par traiter le changement démographique lui-même comme une menace existentielle plutôt que comme une condition à gouverner.

Déclin, vieillissement et arithmétique 

L’Europe affronte le défi démographique le plus classique de l’ère moderne : une fécondité durablement inférieure au seuil de remplacement combinée à un vieillissement rapide. Les populations en âge de travailler diminuent, l’âge médian augmente et les ratios de dépendance s’élèvent — des réalités structurelles difficiles à inverser.

Les conséquences géopolitiques sont souvent mal comprises. L’Europe n’est pas contrainte par un déficit de valeurs ou d’institutions, mais par une base démographique qui ne soutient plus des ambitions expansives. Les sociétés vieillissantes privilégient la préservation plutôt que la projection. Les ressources budgétaires sont absorbées par les retraites et la santé, réduisant la marge pour un investissement militaire durable ou une prise de risque stratégique. Les systèmes politiques deviennent plus sensibles aux électeurs âgés, dont les préférences penchent vers la stabilité.

Cette arithmétique éclaire la posture stratégique européenne. Le recours aux règles, aux normes et au multilatéralisme institutionnalisé reflète autant la réalité démographique que l’idéologie. Les instruments juridiques et réglementaires se substituent aux formes d’influence intensives en main-d’œuvre. L’immigration compense en partie les pénuries de travail, mais introduit un défi de second ordre : la cohésion politique. La tension entre nécessité économique et légitimité est devenue le dilemme structurel central de l’Europe.

Démographie et conduite de la guerre

La démographie façonne désormais non seulement la puissance à long terme, mais aussi le déroulement et la durée des conflits. La guerre de haute intensité est de nouveau contrainte par la structure des populations, en particulier par la disponibilité de contingents jeunes mobilisables.

La guerre en Ukraine l’illustre clairement. L’Ukraine comme la Russie font face à des cohortes décroissantes de jeunes hommes et à des pyramides des âges défavorables. La mobilisation n’est plus politiquement ni socialement indolore. Chaque vague supplémentaire de conscription impose un coût marginal plus élevé en termes de cohésion sociale, de productivité économique et de légitimité politique.

La démographie ne produit pas automatiquement la paix, mais elle réduit l’éventail des options stratégiques. Les guerres d’attrition prolongées deviennent plus difficiles à soutenir lorsque les sociétés manquent de profondeur démographique. Les États peuvent encore choisir l’escalade, mais l’arithmétique pousse de plus en plus les décideurs vers le compromis, l’externalisation du conflit ou le gel des lignes. La démographie agit ainsi comme un négociateur silencieux, façonnant les conditions de sortie de guerre.

Excédents de jeunesse et recompositions régionales

Si la rareté démographique est le défi européen, une grande partie du Moyen-Orient et de certaines régions d’Afrique fait face au problème inverse : des excédents de jeunesse qui croissent plus vite que la capacité des économies et des institutions à les absorber. Les populations jeunes ne sont pas intrinsèquement déstabilisatrices ; elles le deviennent lorsque la capacité institutionnelle ne suit pas la réalité démographique.

Le Printemps arabe n’a pas été un réveil idéologique spontané. Il a constitué l’expression politique d’un décalage structurel entre des sociétés jeunes et des systèmes figés. Une génération plus éduquée, plus connectée et plus aspirante que les précédentes est entrée dans l’âge adulte, tout en se heurtant à des blocages de mobilité économique et politique. Le résultat n’a pas été une révolution coordonnée, mais une rupture synchronisée.

Les excédents de jeunesse ne produisent pas une instabilité permanente, mais des points d’inflexion périodiques. Lorsque contraction économique, resserrement budgétaire ou rupture technologique coïncident avec des trajectoires bloquées, la pression se reconstitue. Le calme régional ne doit pas être confondu avec une résolution démographique.

Les États-Unis : fragmentation sans déclin

La situation démographique des États-Unis est distincte. Contrairement à l’Europe, le pays ne vieillit pas rapidement et ne décline pas numériquement. La population continue de croître, principalement grâce à l’immigration, et la structure par âge demeure relativement favorable.

Ces atouts sont toutefois de plus en plus contrebalancés par une fragmentation démographique. La croissance n’a pas produit de cohésion. Les transformations démographiques sont interprétées à travers des récits polarisés qui présentent la diversité comme un jeu à somme nulle. L’immigration, longtemps moteur de renouvellement, est devenue un axe central de la conflictualité culturelle. La démographie n’est plus perçue comme une ressource à gérer, mais comme un champ de bataille identitaire.

Il en résulte un paradoxe : une force démographique générant une incohérence stratégique. La politique étrangère oscille non seulement en raison de chocs externes, mais aussi parce qu’un consensus interne durable ne peut être maintenu d’un cycle électoral à l’autre. Les engagements de long terme s’affaiblissent et les alliés peinent à interpréter les intentions américaines.

Menaces démographiques  et « effacement civilisationnel »

Dans les sociétés avancées, le phénomène démographique le plus délétère aujourd’hui n’est pas matériel mais imaginaire. Les menaces démographiques fantasmées apparaissent lorsque des changements relatifs de statut sont interprétés comme un effacement existentiel.

Cette logique a été formalisée dans le langage officiel. La Stratégie de sécurité nationale de l’administration Trump mettait en garde contre un « effacement civilisationnel », présentant l’immigration et l’évolution démographique comme des menaces pour la survie de la civilisation. L’expression est révélatrice — non parce qu’elle décrit une condition objective, mais parce qu’elle montre comment l’angoisse démographique est traduite en rhétorique stratégique.

Sur le plan démographique, ni l’Europe ni les États-Unis ne sont menacés d’extinction. Ce qui est en jeu relève du changement relatif, non de la disparition. Lorsque ces évolutions sont narrées comme des menaces existentielles, les politiques publiques répondent non à la réalité démographique, mais à une panique civilisationnelle. Les restrictions migratoires fragilisent l’offre de travail et la soutenabilité budgétaire. Les guerres culturelles supplantent la réforme institutionnelle. Le recul de l’éducation et de la recherche érode le capital humain. Le langage de l’« effacement civilisationnel » amplifie le stress démographique au lieu de le gérer. Historiquement, les empires ne s’effondrent pas parce que leurs populations changent, mais parce que leurs élites convainquent les majorités que l’adaptation équivaut à l’anéantissement.

Israël–Palestine : la collision démographique 

Le conflit israélo-palestinien est souvent abordé sous un angle moral ou idéologique. Ces dimensions comptent, mais elles masquent une réalité structurelle plus fondamentale : il s’agit d’un cas de collision démographique. Deux populations dotées d’identités nationales distinctes occupent le même espace territorial, revendiquent des souverainetés incompatibles et suivent des trajectoires démographiques divergentes.

Israël dispose d’une supériorité militaire, technologique et institutionnelle écrasante. Pourtant, l’arithmétique démographique impose des contraintes que la domination tactique ne peut neutraliser durablement. Gouverner une population sans l’intégrer politiquement engendre une instabilité persistante. La séparation sans souveraineté alimente la résistance ; le contrôle sans intégration entretient le conflit.

L’enjeu n’est pas l’effondrement imminent, mais la stagnation stratégique. La gestion administrative se substitue au règlement politique, sans résoudre le déséquilibre démographique sous-jacent. La démographie ne dicte pas les résultats, mais elle invalide les illusions de permanence sans résolution.

Jeunesse, réforme et substitution technologique

La pression démographique peut également forcer l’adaptation. En Arabie saoudite et en Iran, des populations jeunes ont accru le coût de l’immobilisme politique. En Arabie saoudite, les réformes associées à Mohammed ben Salmane doivent être comprises comme une accommodation démographique — une stratégie de préservation du régime face aux aspirations d’une jeunesse nombreuse. En Iran, des réalités similaires sont de plus en plus débattues au sein des cercles dirigeants comme un défi de gouvernance de long terme.

En Chine, la démographie agit différemment : comme un moteur de l’innovation. Le vieillissement rapide et la contraction de la main-d’œuvre coïncident avec le piège du revenu intermédiaire. La robotique, l’automatisation et l’intelligence artificielle ne sont donc pas des options, mais des nécessités démographiques. L’IA n’efface pas le destin démographique ; elle le médiatise, permettant aux États de substituer la technologie au travail humain lorsque les institutions le permettent.

La ligne de fracture du XXIᵉ siècle ne sépare pas les sociétés jeunes et âgées, diverses et homogènes, en croissance ou en déclin. Elle oppose celles dont les systèmes politiques savent absorber la réalité démographique sans panique, à celles qui en sont incapables.

La démographie ne dicte pas le destin, mais elle punit le déni. Les États qui traitent le changement démographique comme une menace à combattre s’affaiblissent. Ceux qui le considèrent comme une condition à gouverner conservent leur capacité stratégique. Dans un monde aux marges de plus en plus étroites, la confiance dans la gestion de la diversité devient une forme de puissance. Son absence devient une vulnérabilité qu’aucune supériorité militaire ou économique ne peut compenser.

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Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète)  et du Moyen Orient (notamment le Liban).

Avec quelques 500000 visiteurs par mois pour le site fondé en 2014, 35000 abonnés sur Instagram et 5000 fidèles de nos pages WhatsApp , « Mondafrique » a imposé une vision pluraliste et originale en matière d’information sur le monde arabe et africain. Depuis le début des guerres en Ukraine et au Moyen Orient, nous ne nous interdisons pas d’accueillir des analyses sur les grands équilibres mondiaux qui ne peuvent pas manquer de se répercuter sur le mode africain et maghrébin. 

Notre positionnement critique vis à vis des pouvoirs en place, la diversité des contributeurs du site -journalistes, diplomates, universitaires ou simples citoyens-, la volonté enfin d’apporter des informations et des analyses qui tranchent avec la reste de la presse ont été nos seules lignes de conduite.  

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La déconfiture de la diplomatie française en Afrique et au Maghreb https://mondafrique.com/decryptage/la-deconfiture-de-la-diplomatie-francaise-en-afrique-et-au-maghreb/ https://mondafrique.com/decryptage/la-deconfiture-de-la-diplomatie-francaise-en-afrique-et-au-maghreb/#respond Sat, 20 Dec 2025 08:13:48 +0000 https://mondafrique.com/?p=58336 La diplomatie française en Afrique, en baisse de forme, est prise de malaise dès qu’elle essaye de se relever ! On dirait qu’elle approche de sa fin. Une chronique de Xavier Houzel En Afrique de l’Ouest et du Centre, où le ridicule ne fait plus rire personne (fini les traits d’humour involontaires de Idi Amin Dada […]

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La diplomatie française en Afrique, en baisse de forme, est prise de malaise dès qu’elle essaye de se relever ! On dirait qu’elle approche de sa fin.

Une chronique de Xavier Houzel

En Afrique de l’Ouest et du Centre, où le ridicule ne fait plus rire personne (fini les traits d’humour involontaires de Idi Amin Dada et de Jean-Bedel Bokassa), la pauvreté rampe et la corruption s’étend, la Chine avale tout ce qui passe (entre parenthèse, c’est très joli de dire que la France ne doit pas faire la loi en Afrique, mais c’est oublier que la jungle est en Afrique !). Au Sahel, la débandade est crépusculaire : on y tourne « Le Dernier Spahi » avec Delon et Bardot (le narratif de Lucchini en est pathétique et les couleurs y sont féériques…). Au Maghreb, la France se couvre de honte à chaque répartie qu’elle donne : on sombre à Paris dans l’idiotisme… le BHLisme et le Zémmourisme. Au Levant, Syrie comprise, la gêne est indicible, tellement on ne s’attendait peu à ce que la France y soit aussi nulle (trois présidents français, trois matamores !). Et jusque dans la Mer du Nord, d’où le continent se voit chassé comme un mendiant. Un remake de… « L’année dernière à Fachoda ».

 

Bon ! Tout n’est pas perdu ! La France est encore présente avec un petit contingent militaire à Djibouti, où elle conserve l’impression de côtoyer les grands. À force de s’être éparpillée dans des partenariats (comme celui avec l’Angleterre, qui fut pour elle et l’Europe continentale le cheval de Troie le plus magistral des temps modernes), de s’être diluée dans l’OTAN et de se complaire dans la mondialisation aux antipodes et dans le libéralisme économique et la privatisation à domicile, la France a pris de mauvaises habitudes. Elle a surtout manqué des rendez-vous avec l’Histoire et pris des risques considérables. Je donnerai deux exemples paradoxaux dans le registre régalien. Le premier, dans le secteur de l’énergie, est hélas consommé. Le second stigmatise le danger qui guette le pays dans le transport maritime et la gestion des ports.

Après la Guerre du Golfe, l’Irak offrit aux deux majors français, la Compagnie Française des Pétroles (qui deviendra Total) et ELF Aquitaine, d’opérer chacun un gisement géant de Pétrole Brut – celui de Majnoun pour ELF et celui de Nahr Umr pour Total : un (grand) président de gauche accepta cette main tendue, un (petit) gouvernement de droite la snoba ! Après quatre ans d’intense négociation de contrats de partage de production – ce qui ne s’était jamais vu en Irak depuis la nationalisation – un accord devait être conclu en octobre 1995 sans objection américaine affichée[i]. Or un certain Edouard Balladur, né à Izmir, en Turquie, naturalisé Français en 1932, Premier ministre de cohabitation, traître de Jacques Chirac, lui-même traître de Valéry Giscard d’Estaing, s’y opposa. Balladur ambitionnait la présidence de la République Française ! On ne le savait pas alors. Il cherchait des faveurs Outre-Atlantique et voulait pouvoir disposer du viatique financier que Loïc Le Floch-Prigent pourrait lui refuser, sachant en revanche que Philippe Jaffré – aux ordres – ne lui dirait pas non. 

ELF a disparu corps et âme. TotalEnergies a fini par conclure à Bagdad – 26 ans plus tard – quatre petits contrats d’un montant global de 9 milliards d’Euros (et non pas de 27 comme claironné). C’est accoucher d’une souris. L’âge d’or des hydrocarbures fossiles n’est plus et il ne s’agit pas d’exploration pétrolière mais, principalement, de traitement de l’eau pour la réinjecter dans le sol, de panneaux photovoltaïques et de gaz fatal récupérable à la tête du puits des autres. Bref, rien à voir avec les capacités du groupe en rapport avec les occasions perdues.

Total, devenu TotalFinaElf puis TotalEnergies, est un groupe florissant. Il poursuit brillamment par sa percée en Russie au sein de plusieurs coentreprises (projets Yamal LNG et Arctic LNG 2) avec les Russes (Novatek), les Chinois (CNPC, CNOOC et Silk Road Fund) et les Japonais Mitsui et JOCMEC, la politique d’investissement initiée par Christophe de Margerie. Mais le groupe ne détient que 20% et 10% dans chacun desdits projets, assortis de transferts de technologie dans la tradition des méga-contrats conclus au cours des trente dernières années par les entreprises françaises en Chine. C’est grâce à ces transferts que les entreprises chinoises sont en mesure de damer le pion à leurs ex-bailleurs de technologie.

TotalEnergies n’est plus la France depuis que le gouvernement a été contraint par la Cour Européenne de Justice de céder au grand public la golden share (instituée pour ELF, dont il faut rappeler qu’il avait été créé par Guillaumat à l’instigation du général de Gaulle) qu’après la fusion, l’État avait conservée dans TotalFinaElf[ii]. Le capital de TotalEnergies est en grande partie détenu par des Fonds américains ; ce n’est plus une SA française, mais une SE européenne, qui a multiplié son bénéfice net par 23 au troisième trimestre de 2021, grâce à l’augmentation des prix du Gaz et du Pétrole, qui pénalise le panier de la ménagère sans que le groupe ne bouge un cil. Ses dirigeants suivent l’argent comme le « brachet » le sang. Ils se comportent, après tout, comme il se doit.

« « Le nez de Cléopâtre : s’il eût été plus court, toute la face de la Terre aurait changé. » (Blaise Pascal)

Le deuxième exemple fait appel à la science prospective et à une transmission de pensée aussi méchante que gratuite ! Là aussi, ils sont deux, les Saadé et les Bolloré. Tout le monde a entendu parler de la Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie générale maritime (CMA CGM) : c’est un armateur de porte-conteneurs français, dont l’offre globale de transport intègre le transport maritime, la manutention portuaire et la logistique terrestre. Il occupe la troisième place du transport maritime en conteneurs dans le monde et c’est le premier français. À ce double titre, il espère être choisi comme opérateur du Port de Beyrouth[iii], ravagé par l’explosion de silos mal sécurisés. Mais ce n’est pas sûr. Ce groupe fait la fierté du président de la République Française venu au secours moral des Libanais. Or ce fleuron de l’armement maritime appartient à hauteur des trois-quarts à la famille marseillaise des Saadé. Le père de Rodolphe Saadé, l’actuel PDG, est né à Beyrouth et a grandi en Syrie. Le pavillon est pourtant français et il y a toutes les chances pour qu’il le reste. Mais qui sait ? Les membres de la famille Saadé n’ont pas cessé, pendant cinquante ans, de s’écharper !

Il est également question dans la presse, dans le journal La Croix récemment, de Vincent Bolloré, à la fois le fervent « catholique aux origines bretonnes », qui promeut de manière intensive les vertus d’une France chrétienne[iv]  et l’ « industriel que rien n’arrête[v] », dont la chaîne d’info CNews fait aussi parler d’elle.Mme Martin – « Comme c’est curieux, mon Dieu, comme c’est bizarre ! et quelle coïncidence ! … » (Eugène Ionesco, La Cantatrice chauve, scène IV)

Bolloré donne aussi dans l’armement maritime, les infrastructures et la gestion portuaire. Il est détenteur de l’autre atout stratégique français dans le domaine maritime. Peu importe la manière avec laquelle il a constitué ce trésor, le fait est là. Imaginons que par inadvertance, ce capitaine d’industrie cède son empire à celui du Milieu ! Eh bien, c’est toute l’Afrique qui tomberait comme un fruit mûr entre les mains de la Chine. 

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Bolloré Port exploite 15 terminaux à conteneurs dans le cadre de partenariats public-privé en Afrique et 5 ailleurs :

  • Conakry Terminal (Port de Conakry, Guinée)
  • Freetown Terminal (Port de Freetown, Sierra Leone)
  • Terminal conteneurs du port de Monrovia(Liberia)
  • Terminal conteneurs port de San-Pédro(Côte d’Ivoire)
  • Abidjan Terminal (Port d’Abidjan, Côte d’Ivoire)
  • MPS Terminal (Port de Tema, Ghana)
  • Togo Terminal (Port de Lomé, Togo)
  • Bénin Terminal (Port de Cotonou, Bénin)
  • Tincan Terminal (Port de Lagos, Nigéria)
  • Douala International Terminal (Port de Douala, Cameroun)
  • Bangui Terminal (Port de Bangui, République Centrafricaine)
  • Owendo Terminal (Port de Libreville, Gabon)
  • Terminal conteneurs du port de Port-Gentil(Gabon)
  • Congo Terminal (Port de Pointe-Noire, Congo)
  • Moroni Terminal (Port de Moroni, Union des Comores
  • Terminal conteneurs de Le Port(La Réunion)
  • Port de Rouen
  • Terminal du Grand Ouest, Montoiret Saint-Nazaire
  • Tuticorin Terminal (Port de Thoothukudi, Inde)
  • TVB Port-au-Prince (Port de Port-au-Prince, Haïti)

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Qu’arriverait-il en effet, si un gros chèque atterrissait sur le bureau du  prince breton ? Qui sait ? C’est dire combien la posture de la France est fragile. Beyrouth et les ports d’Afrique font partie du subconscient français, ils sont l’âme de la Francophonie, leurs épices en font la saveur et en assurent la vigueur. Couper la France de ces points d’ancrage, de ses cordons ombilicaux, et elle sera comme une coque de noix, ses amarres larguées, emportée par le courant, au pire moment.

Pourquoi le pire moment ? Parce que l’opinion publique éprouve encore quelque difficulté à accepter l’idée que l’Amérique de Roosevelt et de Nixon serait malade et que Donald Trump, s’il n’est pas d’ici-là assassiné ou « empêché », puisse revenir et déclencher un tsunami. Nos édiles ne semblent pas avoir l’honneur de se rendre compte que la Russie et la Chine sont les battants d’une double porte de prison qui pourrait se refermer sur l’Europe pour endiguer un torrent. Ils n’ont pas non plus l’air de comprendre qu’avec l’Afrique et le Proche et le Moyen-Orient, la République Islamique d’Iran pourrait passer par-dessus bord, en entraînant  avec elle non seulement le Yémen des Houtis[vi] et la Corne de l’Afrique (y compris l’Éthiopie[vii]) mais aussi la Syrie de Bachar al-Assad, le gentil Liban et la bande de Gaza… sachant que, si l’Iran a déjà la bombe atomique (comme cela est évident, au moins dans le Cloud !), l’ancienne Perse vient aussi d’actionner une bombarde dans le paysage gazier mondial[viii]avec la découverte, dans la Mer Caspienne, du gisement géant de Chalous[ix] et que ses réserves de Gaz sont désormais les plus importantes du monde.  


Or je n’ai pas entendu de participant à l’éliminatoire de la droite classique en vue de la prochaine élection présidentielle soulever l’ombre de ces questions portant sur l’emprise, le crédit et la vulnérabilité de la France dans le monde. Au fait, pas d’autres candidats déclarés non plus ! Ce qui est abracadabrantesque.

[i] Cf. France Etats-Unis 50 ans de coups tordus, Fabrizio Calvi et Frédéric Laurent, Albin Michel – 338 pp.

[ii]https://www.latribune.fr/archives/2002/economie/france/idb0a0fe6dac71956ec1256bce002b23d5/la-france-condamnee-pour-sa-golden-share-dans-totalfinaelf.html

[iii] https://www.lorientlejour.com/article/1280465/le-terminal-a-conteneurs-du-port-de-beyrouth-objet-de-convoitises-des-geants-de-la-mer.html

[iv] https://www.la-croix.com/France/Vincent-Bollore-catholique-2021-11-12-1201184796

[v] https://www.la-croix.com/Economie/Vincent-Bollore-industriel-rien-narrete-2021-11-14-1201185018

[vi] https://www.aa.com.tr/fr/analyse/et-si-ma-rib-tombait-aux-mains-des-houthis-analyse/2419709

[vii] https://www.lesoir.be/407241/article/2021-11-18/ethiopie-une-annee-de-guerre-dans-la-province-du-tigre-mine-la-stabilite-du-pays

[viii] Russia’s Biggest Move Yet To Take Control Of The European Gas Market | OilPrice.com (ampproject.org)

[ix] t- L’Iran a révélé au mois d’août 2021 la découverte d’un énorme nouveau gisement de gaz situé dans le sud de la mer Caspienne. Le champ gazier de « Chalous » a une capacité de production estimée à 11 phases de South Pars, plus grand champ gazier du monde que l’Iran partage avec le Qatar (source Parstoday)

 

 

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Le face à face dramatique en 2026 entre les djihadistes et les juntes au Sahel https://mondafrique.com/decryptage/le-face-a-face-dramatique-en-2026-entre-les-djihadistes-et-les-juntes-au-sahel/ Sun, 14 Dec 2025 08:05:26 +0000 https://mondafrique.com/?p=144172 On devrait assister au Sahel en 2026 à une confrontation de plus en plus dure entre les groupes djihadistes et les juntes militaires au pouvoir au Sahel. La surprise vient de ce que ces régimes militaies sont sont désormais soutenus en coulisses par certains régimes en place depuis des décennies avec la bénédiction des Français […]

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On devrait assister au Sahel en 2026 à une confrontation de plus en plus dure entre les groupes djihadistes et les juntes militaires au pouvoir au Sahel. La surprise vient de ce que ces régimes militaies sont sont désormais soutenus en coulisses par certains régimes en place depuis des décennies avec la bénédiction des Français comme celui du Togo, où le Président  Faure Gnassingbé se livre, selon notre chroniqueur, à « de périlleuses acrobaties »

Note chroniqueur, L’archer d’ébène

L’aventure sans lendemain du Lieutenant-colonel Pascal Tigri au Niger

Durant la tentative de mutinerie, qui eut lieu au Bénin, la junte nigérienne décida d’ouvir là nouveau a frontière avec le Bénin  fermée à la suite d’une décision unilatérale de Niamey. Mais  quelques heures après, le rêve se dissipa ! La double intervention du Nigéria et d’une unité des Forces spéciales françaises antérieurement en charge de la formation, jugula l’aventure du Lieutenant-colonel Pascal Tigri.

Réputé admirateur du Capitaine burkinabé Ibrahim Traoré, le putschiste contrarié aurait trouvé refuge à Ouagadougou, en passant par Lomé au Togo, désormais capitale de l’ambivalence. Tantôt ami de Poutine, de l’Occident ou relais du credo de l’AES qui regroupe les nouveaux pouvoirs sahéliens, le maître des horloges de cette nouvelle Afrique, Faure Gnassingbé, héritier d’une dictature familiale, se livre à des périlleuses acrobaties. Jihadisme aidant, la prochaine vague de factieux, pourrait l’emporter.

Grosse frayeur

La fin de l’année renoue avec la jurisprudence des changements anti constitutionnels. La pathologie résulte de mandats sans limitation, de gestion néo patrimoniale de l’Etat et/ou de fraude dans les urnes. La politisation des dispositifs de défense nationale arrive rarement ex-nihilo. Au centre de la diversité des contentieux, se conjugue, en permanence, un duo de causalités favorables à la tentation de la table rase : La privatisation des prérogatives et du cachet, les atteintes au pluralisme partisan et l’extension de l’insécurité demeurent les arguments souverains du coup d’Etat sous les tropiques.  Au lendemain de l’auto-dissolution postélectorale à Bissau, le Bénin, s’apprêtait à choisir un nouveau président, moins d’un semestre plus tard. Or, l’échéance a été verrouillée, à l’avantage du dauphin de Patrice Talon, afin de lui épargner le hasard d’une défaite.

En septembre 2023, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont décidé de créer l’Alliance des États du Sahel (AES), un pacte de défense commune pour faire face aux menaces extérieures. Cette initiative est née en réaction à la menace d’une intervention militaire de la CEDEAO, après le coup d’État de juillet 2023 qui a renversé le président nigérien Mohamed Bazoum.

La mise à l’écart des opposants avant le vote est une trouvaille ingénieuse de la démocrature : Le procédé permet de « sécuriser » le jeu, d’en élaguer l’aléa, l’occasionnel. Vaine et périlleuse précaution si l’embûche surgit ailleurs. La tentative avortée au Bénin procure des sueurs froides à la plupart des leaders de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Ils y ont entrevu le danger d’une contagion, déjà à l’œuvre depuis l’évènement d’une série de régimes d’exception dans l’espace du Sahel central. La République de Guinée (septembre 2021) suivra la tendance tandis que le Gabon (août 2023) rejoignait la liste ouverte. La réaction calibrée de la Cédéao au Bénin correspond à un sursaut dicté par l’échec du dessein d’expédition militaire de juillet 2023, en vue de rétablir le Président déchu du Niger, Mohamed Bazoum. Les répliques concentriques de la secousse continuent d’opérer à temps différé, en lenteur et profondeur.

La dictée de la nécessité

Aussi, l’Organisation cessait de susciter la peur et portait les stigmates de son discrédit, auprès des populations et des puissances alliées. Ainsi, elle perdait-elle l’essentiel de ses facultés de dissuasion.  Sous peine de l’effilochage garanti, il lui fallait envoyer un signal univoque et se préserver d’une nouvelle pandémie de treillis en train d’ânonner le communiqués numéro1, sur les écrans de télévision. A rebours de la pièce de théâtre de Samuel Beckett où Godot ne vient jamais, la fameuse Force en attente de la Cédéao prenait soudain corps et donnait du canon.

Pourtant, au début de novembre, l’Union africaine (Ua), à la demande du Président du Ghana, se retrouva à deux doigts d’adopter la reconnaissance d’une Aes distincte de la Cédéao. De surcroît, le texte réclamait la levée des sanctions contre l’ensemble des pays sous administration prétorienne. Au prétexte de mieux contenir la progression du jihadisme, les promoteurs de l’essai du grand pardon raisonnaient, d’emblée, en termes de pari sur une victoire, hautement invraisemblable. Le projet de déclaration, d’ailleurs étouffé au Siège de la Commission de l’Ua en Ethiopie, prévoyait l’exonération ensuite l’adoubement des braqueurs de légitimité. De facto, il recelait un encouragement de taille aux apprentis putschistes (lire https://mondafrique.com/international/le-ghana-tente-un-compromis-entre-lunion-africaine-et-les-juntes-militaires/?_). Le mois d’après, voici les récateurs, en majorité des civils, pris à leur piège !

L’on notera, qu’aux prémices du bouleversement à Cotonou, les fameuses Brigades d’intervention de la communication (Bic) du Burkina Faso inondèrent la toile d’annonces d’une adhésion imminente du Bénin à l’Aes. Certains, non dépourvus d’imagination stratégique, se réjouissaient de l’accès futur à un débouché d’approvisionnement et d’exportation, grâce aux infrastructures d’un débarcadère sur le littoral atlantique. Le panafricanisme francophone allait, enfin, conquérir son port d’attache, libéré de la domination de l’Occident, en particulier de la France. La déconvenue fut de taille : A l’inverse du Gabon durant la chute des Bongo, aucune marche spontanée n’accueillit, à Cotonou, la promesse de l’équité au bout du fusil. A Tchaourou (centre), fief de l’ex-Président Thomas Yayi Boni et dans des localités comme Malanville et Kandi où résident beaucoup de commerçants Nigériens (nord), il y eut, certes, des concerts de klaxons, de brefs défilés de motos et des cris de joie à l’intérieur de cours communes mais l’enthousiasme retomba assez vite.

Ce Coup d’État raté qui fragilise Patrice Talon, le président du Bénin

Cependant, la réussite du parapluie militaire de la Cédéao au Bénin ne préjuge, en rien, de la viabilité d’institutions souvent vidées de leur substance par des clans cleptocratiques qui trichent, pillent et intimident. Des dérèglements identiques vont survenir tant les grands équilibres de la sous-région tanguent. L’instabilité découle de logiques tribales de monopole du prestige et de la jouissance. A l’épreuve des faits, leur exercice, parfois primaire, s’avère déconnecté de l’impérialisme, en somme totalement endogène.

Les citoyens désabusés succombent au fatalisme et se mettent à espérer la salve salutaire. Le putsch, maladie africaine sous label de thérapie, remplit un vide, colmate des brèches et, en de brèves occurrences, rétablit un peu d’équité. Il finit, néanmoins, par reproduire les griefs consubstantiels à tout pouvoir non contenu.

Et ce n’est pas fini…

L’effervescence mondiale des crises, l’agonie du multilatéralisme, le narcotrafic, le blanchiment, l’impunité de la corruption, le terrorisme et les migrations de masse au cœur du Continent constituent, en dessous des apparences de la diplomatie, un cumul de vulnérabilités propices à l’anarchie. De tels facteurs d’incertitude esquissent une redéfinition des paradigmes de la science politique. Demain, le règne des officiers, à l’ombre des baïonnettes, redeviendrait la norme d’arbitrage et de régulation des convoitises à la tête de l’Exécutif. Adieu le suffrage universel direct ! L’on assisterait, alors, à l’un de ses tours de malice de l’histoire où des peuples, déçus des faux-semblants de scrutins dévoyés, cèdent aux sirènes de la démagogie et tombent, sous le joug d’une domination encore plus féroce et sans délai.

Le 9 décembre 2025, le Gambien Oumar Touray Président de la Commission de la Cédéao, l’avait compris. Il invitait, les gouvernements, à envisager leur conservation, en réflexe de survie : « Il est justifié de déclarer que notre communauté est en état d’urgence », rappelait-il. Pris en tenaille par le terrorisme, la désinformation et l’appétit mimétique de leurs armées, le petit syndicat des Chefs d’Etats rescapés s’apprête à restreindre la démocratie, du moins à tordre son maigre reliquat dans le sens de l’ordre et de la discipline. L’avènement d’un modèle de société civile en voie d’embrigadement préfigure des lendemains de pénurie pour les libertés en Afrique…La cadence des bottes résonne, partout au sud du Sahara. L’assurance martiale revient à la mode. Stupeurs et tremblements d’Amélie Nothomb ne manquerait de lecteurs barricadés en leurs palais qui guettent, anxieux, le moindre écho de pétard ou de pneu éclaté.

 

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Le Maghreb se mobilise pour sauver la Libye en crise https://mondafrique.com/a-la-une/le-maghreb-se-mobilise-pour-sauver-la-libye-en-crise/ Wed, 03 Dec 2025 08:11:41 +0000 https://mondafrique.com/?p=143708 L'événement n'était pas une simple conférence académique traditionnelle, mais un cri d'alarme transfrontalier, un pont de coopération maghrébin

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À Tunis, chercheurs, diplomates et citoyens unissent leurs forces contre le pillage, l’oubli et le dérèglement climatique qui menacent le patrimoine d’une nation en crise.

Rachid Khara (correspondance Tunis)

Libye, les menaces de Khalifa Haftar sur fond de corruption généralisée

Tunis – Dans la salle de l’hôtel « Africa », au cœur de l’avenue Habib Bourguiba à Tunis, là où le passé rencontre l’avenir, s’est tenu pendant trois jours (17-19 novembre 2025) un symposium international exceptionnel, intitulé « Le patrimoine matériel (archéologique et manuscrit) et immatériel en Libye et dans les pays voisins : situations contemporaines et perspectives ». L’événement n’était pas une simple conférence académique traditionnelle, mais un cri d’alarme transfrontalier, un pont de coopération maghrébin et une feuille de route pour sauver la mémoire d’une nation menacée de déchirure.

Organisé par l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC), en partenariat stratégique avec l’Ambassade de France en Libye, avec la participation qualitative de plus de 60 chercheurs et experts de neuf pays, plus de la moitié d’entre eux (34 chercheurs) venant de Libye elle-même, affirmant ainsi clairement la volonté de donner la parole aux acteurs directs. La représentation de la Tunisie (8 chercheurs) et de l’Algérie (4 chercheurs) aux côtés de la Libye a esquissé les contours d’une coopération maghrébine prometteuse dans un espace longtemps dominé par les conflits politiques.

Le patrimoine archéologique sous le feu… Entre milices et changement climatique

La conférence s’est ouverte par des allocutions des organisateurs, soulignant la profondeur des relations franco-maghrébines dans le domaine de la recherche archéologique. Puis, Salah El-Agab, Délégué permanent de la Libye auprès de l’UNESCO, a prononcé une conférence inaugurale passionnante intitulée « La triade de la dégradation du patrimoine culturel en Libye », analysant la crise de la protection du patrimoine à travers une terrifiante trilogie : des interprétations idéologiques déformantes, une fragilité institutionnelle étouffante et une détérioration des pratiques de conservation. El-Agab a révélé les souffrances du patrimoine libyen face à des « menaces multiples à travers les âges, des fatwas au nom de la religion à la colonisation et aux guerres », critiquant sévèrement « des groupes liés à des missions étrangères (non précisées) ayant endommagé des antiquités libyennes par des méthodes de restauration non professionnelles ».

La première session a porté sur la situation catastrophique du patrimoine archéologique. Abdelkarim Ahmed Issa Faraj, de l’Office des Antiquités libyen, a dressé un diagnostic précis de l’impact de l’effondrement politique post-2011 sur le système de protection, tandis que l’experte juridique Mofida ESouidi a discuté des lacunes du cadre légal. Le jeune chercheur Khalifa El-Bashbash a soulevé l’idée d’« ingénierie institutionnelle » comme solution radicale pour faire face au chaos et à la gouvernance de la gestion patrimoniale.

Lors de la session « Le patrimoine face aux menaces », l’étendue du désastre est apparue dans toute son ampleur, des profondeurs de la mer aux sommets des montagnes. Ahmed Saad Amergez a alerté sur les risques sérieux de disparition du patrimoine maritime en Cyrénaïque si la situation actuelle persiste. Miftah Ahmed El-Haddad a révélé l’utilisation des techniques d’intelligence artificielle et de télédétection pour surveiller les atteintes aux sites archéologiques via satellite, une technologie devenue indispensable dans un pays en proie aux menaces sécuritaires et aux conflits armés. Amin Abdelati a, quant à lui, mis en lumière un danger silencieux tout aussi dévastateur : les changements climatiques et leur impact destructeur sur des sites du Fezzan, au sud de la Libye.

Mais la menace la plus pressante est apparue dans l’intervention des chercheurs français Camille Blanchet et Morgan Belzic, qui ont dévoilé l’ampleur des réseaux de pillage organisé et de trafic illicite des antiquités libyennes, devenus un commerce finançant les guerres. Khaled El-Haddar, intervenant à distance depuis Benghazi, a confirmé ce tableau tragique par une étude approfondie sur le trafic des antiquités de Cyrénaïque entre 1990 et 2025, s’appuyant sur des sources de terrain et des recherches documentées révélant un laisser-aller important et un trafic florissant depuis des décennies, malgré les tentatives de lutte via la coopération bilatérale et multilatérale.

Ici, la dimension maghrébine de solidarité est ressortie avec force. Yasser Djerad, de l’Institut National du Patrimoine tunisien, a présenté les leçons de l’expérience tunisienne en matière de lutte contre le trafic illicite, offrant un modèle adaptable pour le voisin libyen, tenant compte des réalités nationales et des différences de systèmes, à un moment où les frontières communes font face aux mêmes menaces, nécessitant un effort et une coordination au plus haut niveau.

 

Manuscrits… La guerre pour sauver la mémoire des chambres oubliées

Si le premier jour était dédié à la résistance face à la destruction, le second fut consacré au sauvetage de ce qui reste. Le deuxième axe portait un titre évocateur : « Manuscrits : des trésors de connaissances menacés par l’oubli et la déchirure ». Mohamed Tahar El-Jazaeri, directeur du Centre Libyen des Archives, a parlé de la bataille pour préserver la mémoire nationale au sein d’une institution pilier de l’identité, révélant qu’il a opposé un refus catégorique à toute offre susceptible de porter atteinte à la souveraineté nationale Ahmed Najm Mabrouk a dévoilé des trésors de manuscrits rares conservés à l’Université de Benghazi, mais attendant toujours d’être sauvés de la négligence.

Une fois encore, l’expertise a franchi les frontières. La chercheuse tuniso-allemande Khouloud Trad a présenté des leçons tirées des liens communs dans la protection du patrimoine de Tombouctou et Kairouan, tandis que Yahia Ben Yahoun d’Algérie a partagé l’expérience impressionnante de la société civile dans la vallée du M’zab pour la numérisation et la préservation des manuscrits. La coopération internationale-locale s’est incarnée dans le projet libyen « Bibliothèques Nafusa » supervisé par Ali Youssef El-Mezawi, et le projet « Archives en péril » (EAP) présenté par le Tunisien Ali Boujbidi pour la préservation des manuscrits familiaux de Djerba.

Le patrimoine immatériel… Quand l’identité est en jeu

Le troisième axe s’est concentré sur le patrimoine vivant, « la mémoire non écrite du peuple ». Les méthodologies de documentation ont été discutées, et Mofida Djebran, de l’Autorité Libyenne pour la Recherche Scientifique, a présenté une vision ambitieuse d’intégration du patrimoine dans les curricula éducatifs libyens, affirmant que la protection de l’avenir commence à l’école.

Les sessions ont révélé une richesse étonnante menacée : de la mémoire orale préservée par Ali El-Hazel, à la documentation du patrimoine oublié du sud libyen, en passant par l’étude des toponymes comme mémoire géographique vivante. L’intervention de Heba Chalbi sur l’artisanat textile libyen a constitué un modèle de revitalisation du patrimoine par des initiatives créatives modernes portées par la société civile, tandis que la chercheuse Najeh Ben Miftah a dévoilé la « Bouqala Tripolitaine » comme patrimoine poétique féminin négligé pendant des siècles.

 

Cartographie de la destruction et de l’espoir : et après Tunis ?

Hafedh Abdouli, membre du comité scientifique de la conférence, a résumé l’enjeu lors d’une intervention médiatique en déclarant : « Le capital patrimonial en Libye et dans les pays voisins a une spécificité locale mais présente des points communs reflétant le fait que les ancêtres ont coopéré pour le constituer ». Il a affirmé que l’objectif est de « le transmettre aux générations futures dans les meilleures conditions ».

Abdouli a révélé une situation tragique, indiquant que « cinq sites libyens sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en péril : Leptis Magna, Sabratha, Shahat (Cyrène), les montagnes de l’Acacus et Ghadamès. La seule bonne nouvelle est peut-être que les efforts de la communauté locale à Ghadamès ont réussi à sortir leur ville de cette liste dangereuse, prouvant que les solutions commencent à la base ».

Les solutions proposées ont varié du local à l’international : du soutien à la mission archéologique française, qui célébrera bientôt un demi-siècle de travaux en Libye, aux projets d’urgence de l’Alliance Internationale pour la Protection du Patrimoine dans les Zones de Conflit (ALIPH), en passant par l’idée de créer un centre national de restauration en Libye formant des dizaines de jeunes, en coopération avec des experts tunisiens et internationaux.

Un symposium et un message

Ce symposium n’était pas seulement un état des lieux des crises. C’était un message clair en quatre points :

  1. Le patrimoine libyen est une cause humanitaire mondiale. Sa menace est une perte pour l’humanité tout entière, nécessitant de tous les partenaires des efforts redoublés pour sa protection, sa conservation et sa valorisation.
  2. Les solutions maghrébines communes ne sont pas un luxe, mais une nécessité existentielle. Le trafic d’antiquités, le changement climatique et l’oubli ne connaissent pas de frontières. L’hommage aux pères fondateurs de la coopération régionale exige de marcher dans leurs pas, de préserver et de développer leur héritage.
  3. Le rôle local et communautaire est la pierre angulaire. Les recommandations des conférences doivent dépasser les murs des salles. L’histoire du sauvetage de Ghadamès en est la meilleure preuve.
  4. La technologie et la coopération technique internationale sont les meilleures armes pour faire face aux réseaux de pillage et aux effets du climat.

Une question demeure en suspens dans les couloirs de l’hôtel « Africa » après la clôture des sessions : ces riches recommandations scientifiques et cet enthousiasme maghrébin évident se traduiront-ils en programmes d’action concrets, en financements réels et en une coopération institutionnelle durable ? La réponse ne dépendra pas seulement des travaux et recherches de haut niveau présentés, mais de la volonté des politiques à Tripoli, Tunis et Alger, de la pérennité du soutien des partenaires internationaux, et surtout, de la détermination des Libyens à maintenir vivante leur mémoire, témoin de la grandeur d’un passé et phare pour un avenir digne d’être construit.

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Libye, Khalifa Haftar mobilise ses forces dans le Sud du pays https://mondafrique.com/decryptage/escalade-politique-corruption-generalisee-et-crises-humanitaires-en-libye/ Mon, 01 Dec 2025 03:41:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=143129 Le 2 novembre, recevant une délégation de notables de la ville de Tarhouna– une localité stratégique de l'Ouest –, le maréchal Haftar a lancé son message le plus percutant : « Nous disons au peuple que l'heure est venue de son mouvement pacifique pour décider de son propre destin ».

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 Tandis que la guerre au Soudan s’enfonce dans un cahaos humanitaire, le clan du maréchal Haftar réorganise ses forces dans le sud du pays. La surenchère politique de l’homme fort de l’Est libyen est une tentative délibérée de reconfigurer les équilibres sociaux à son profit. Les scandales de corruption révèlent l’ampleur du pillage des ressources nationales. Face à ces menaces de reprise des conflits, le gouvernement de Tripoli tente de se maintenir par la promesse d’un renforcement sécuritaire. 

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1) La stratégie d’influence du maréchal Haftar 

Le maréchal Khalifa Haftar, commandant de l’Armée nationale libyenne (ANL) qui contrôle l’Est et une partie du Sud, a mené une offensive politique remarquée, visant à étendre son influence au-delà de son fief traditionnel.

  • L’appel à la rue comme levier politique :
    • Le 2 novembre, recevant une délégation de notables de la ville de Tarhouna– une localité stratégique de l’Ouest –, il a lancé son message le plus percutant : « Nous disons au peuple que l’heure est venue de son mouvement pacifique pour décider de son propre destin ». Il a assorti cette déclaration d’une promesse lourde de sens : ses forces « garantiraient tout accord rassemblant les Libyens », instrumentalisant clairement la force militaire comme garant d’une éventuelle transition.
    • Le 9 novembre, il a réitéré cet appel devant des tribus de Beni Walid, mettant en garde contre les « divisions qui ravagent le pays » et affirmant que « la solution véritable réside dans la voie que le peuple décidera lui-même ».
  • La conquête des coeurs et des allégeances :
    • Le 5 novembre, c’est une délégation de la ville de Zintan(Ouest) qui a été reçue à Benghazi, ses membres saluant le « projet de dignité » incarné par l’ANL.
    • Ces visites n’ont pas manqué de provoquer un tollé. Dès le 10 novembre, la municipalité de Beni Walid a officiellement désavoué la délégation l’ayant rencontré, menaçant de poursuites ceux qui « usurpent le titre de notables ». Le 17 novembre, la « Dar Al-Ifta » de Tripoli, institution religieuse alignée sur le pouvoir occidental, est allée jusqu’à qualifier ces visites de « complaisance envers les injustes ».
  • La réaction de Tripoli : le clientélisme comme parade :
    • Face à cette percée, le chef du gouvernement d’unité nationale (GUN), Abdelhamid Dbeibah, a réagi avec célérité. Le 19 novembre, il a courtisé les notables de Tarhouna, leur promettant l’achèvement de l’hôpital de la ville, la résolution de la crise de l’eau et la fourniture de 10 000 arbres, une tentative transparente d’étouffer dans l’œuf l’influence gagnée par Haftar.

2) Une corruption endémique

Les scandales de corruption ont dominé l’actualité, peignant le tableau d’un État pillé de l’intérieur, au bord du gouffre financier.

  • Le scandale du carburant : 20 milliards de dollars évaporés :
    • Le 20 novembre, un rapport de l’organisation d’enquête « The Sentry » a révélé une estimation vertigineuse : les pertes liées à la contrebande de carburant entre 2022 et 2024 s’élèveraient à près de 20 milliards de dollars. Le document pointait du doigt l’implication de « personnalités influentes, politiques et militaires », tant dans l’Est que l’Ouest, utilisant les revenus de ce trafic pour consolider leur emprise.
    • Un membre de la commission Défense et Sécurité du Parlement, Ali Al-Takbali, a confessé que ces chiffres avaient provoqué un « choc profond » dans la population.
  • L’état des finances libyennes : la banqueroute en ligne de mire :
    • Le 4 novembre, le gouverneur de la Banque centrale, Naji Issa, a tiré la sonnette d’alarme : les dépenses cumulées des deux gouvernements s’élèvent à 3 milliards de dollars par mois, pour des revenus pétroliers ne dépassant pas 1,5 milliard. Il a averti qu’une baisse des cours du pétrendrait l’État « incapable de payer les salaires ».
    • Le même jour, Abdelhamid Dbeibah a dévoilé une dette publique abyssale de 300 milliards de dinars libyens.
  • Une lueur d’espoir fragile :
    • Une lueur d’espoir, aussi ténue soit-elle, a pointé le 18 novembreavec l’annonce d’un accord entre les Chambres des Représentants et de l’État pour mettre fin aux « dépenses parallèles » et unifier la voie financière. Les Nations Unies et les États-Unis ont salué cette avancée.
  • Des arrestations qui font sensation :
    • Preuve que la justice tente, ponctuellement, de réagir, le 2 novembre, le ministère public a ordonné l’incarcération du ministre de l’Éducation, Ali Abed, et du directeur des Programmes scolaires, pour des « irrégularités financières et administratives » dans des contrats d’impression de manuels scolaires d’une valeur de plus de 11 millions de dinars, ayant retardé la distribution des livres à 2 millions d’élèves.

3) Crises humanitaires : la dignité en suspens

En marge des jeux de pouvoir, la tragédie humaine quotidienne se poursuit, implacable.

  • La route migratoire, un cimetière maritime :
    • Le 12 novembre, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé qu’au moins 42 migrantsavaient péri dans le naufrage de leur embarcation au large des côtes libyennes. Parti de Zouara le 3 novembre, le bateau transportait 49 personnes.
    • La veille, le 11 novembre, le chercheur en droits de l’homme Tarek Lamloum alertait sur le seul centre de détention de « Bir al-Ghanam », où 600 migrantsde 10 nationalités différentes étaient entassés dans des conditions décrites comme un « surpeuplement extrême et de la torture ».
  • Un système de santé à l’agonie :
    • Le 19 novembre, la commission Santé du Parlement a publié un communiqué virulent, dénonçant des « complexités administratives épuisantes » et des « violations financières et administratives » dans le secteur, réclamant une enquête urgente et globale du procureur général.
  • Liban : la libération d’Hannibal Kadhafi :
    • Le 6 novembre, la justice libanaise a ordonné la libération d’Hannibal Kadhafiaprès dix ans de détention, réduisant sa caution de 11 millions à 900 000 dollars. Cette décision est intervenue après qu’une délégation libyenne de haut rang eut remis aux autorités libanaises une copie des enquêtes libyennes sur la disparition de l’imam Moussa Sadr.
  • Les voisins tentent une médiation :
    • Le 6 novembre, les ministres des Affaires étrangères de l’Égypte, de l’Algérie et de la Tunisie se sont réunis à Alger, pressant les parties libyennes de « mettre fin à la division » et de rejeter les « ingérences extérieures », tout en réaffirmant leur soutien à une solution politique.

 

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Emmanuel Macron prépare les Français à la guerre!!! https://mondafrique.com/decryptage/la-france-de-macron-se-preparerait-a-faire-la-guerre/ Sun, 30 Nov 2025 05:37:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=143276 Ce qui est plus dramatique, c'est de voir une grande partie de la classe politique et médiatique, le Président français en tète, distiller la peur d'un conflit mondial alors que l'heure est plutôt d'appeler à une paix juste et durable entre l'Ukraine et la Russie.

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Ce qui est cocasse dans la posture guerrière d’Emmanuel Macron c’est qu’il n’a pas effectué son service national en raison de la poursuite de ses études supérieures, qui reportent sa date d’incorporation. Ce qui est plus dramatique, c’est de voir une grande partie de la classe politique et médiatique, le Président français en tète, distiller la peur d’un conflit mondial alors que l’heure est plutôt d’appeler à une paix juste et durable entre l’Ukraine et la Russie.

Une charge d’une rare violence a fait vaciller le plateau de L’Heure des Pros ce jeudi 20 novembre. Ségolène Royal, ancienne candidate à la présidentielle et figure historique de la gauche, a littéralement incendié Emmanuel Macron en direct sur CNews, l’accusant d’orchestrer sciemment un « climat de terreur » pour paralyser le pays et, peut-être, esquiver le verdict des urnes en 2027.
D’une voix calme mais implacable, elle a ressorti Machiavel comme une lame : « Pour maintenir un peuple dans l’obéissance et le silence, inventez-lui un ennemi, faites-lui peur, et traitez ceux qui appellent à la paix d’antipatriotes. » Puis, sans trembler, elle a asséné :
« Si la France entre en guerre, il n’y aura pas d’élection présidentielle. Si c’est le fantasme caché d’Emmanuel Macron, qu’il vienne s’en expliquer devant l’Assemblée nationale et rende des comptes au peuple français ! »
Le plateau, d’ordinaire bruyant, s’est figé. Pascal Praud lui-même, rarement à court de mots, est resté sans voix quelques secondes. En une phrase, Ségolène Royal venait de poser la question que personne n’osait formuler publiquement : et si le bellicisme ambiant n’était qu’un moyen de suspendre la démocratie ?.

Avant de dramatiser la situation en Ukraine en diabolisant un Poutine qui serait prêt à déclarer la guerre à l’Europe, Emmanuel Macron aurait pu, durant toutes ces années, faire progresser l’organisation d’une défense européenne qu’il a appelé de ses voeux, évoquant même le partage du feu nucléaire fraançais dans le cadre de ce projet, mais sans faire avancer vraiment le dossier.

Des retournements diplomatiques spectaculaires

Des paroles aux actes, voici ce que les Français, particulièrement déçus par leur classe politique, demandent au Président de la République qui reste le chef de la diplomatie française, mais dans une solitude et une improvisation qui n’ont abouti pour l’instant, de l’Afrique et du Maghreb au Moyen Orient et au Liban, qu’à diminuer l’influence française dans le monde. Sur fond de changements de cap incessants.

Comment l’Élysée a-t-il pu « en même temps » appeler à une force commune contre le terrorisme avec les Israéliens après le 7 octobre et soutenir au Liban le candidat du Hezbollah à la dernière élection présidentielle? Comment ;e chef de l’État français a-t-il pu envoyer moins d’armes à l’Ukraine que l’Allemagne, tout en traitant nos voisins et allié d’outre Rhin de « munichois » parceque sceptiques sur la possibilité d’envoyer des troupes à Kiev au secours de l’armée ukrainien?  

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Madagascar, une justice sélective à l’oeuvre contre une seule ethnie https://mondafrique.com/politique/madagascar-une-justice-selective-a-loeuvre-contre-une-seule-ethnie-les-merinas/ Wed, 26 Nov 2025 07:29:48 +0000 https://mondafrique.com/?p=143269 Moins de deux mois après la mise en place d’un nouveau gouvernement, des inquiétudes surgissent face à des décisions qualifiées par certains observateurs comme relevant d’une « justice sélective », dirigée à l’encontre d’une catégorie particulière de la population malgache, les Merinas, une ethnie des Hauts plateaux qui fait les frais des arrestations, poursuites et […]

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Moins de deux mois après la mise en place d’un nouveau gouvernement, des inquiétudes surgissent face à des décisions qualifiées par certains observateurs comme relevant d’une « justice sélective », dirigée à l’encontre d’une catégorie particulière de la population malgache, les Merinas, une ethnie des Hauts plateaux qui fait les frais des arrestations, poursuites et détentions prolongées .

Dans une missive adressée au grand public, Zaza Ramandiambiarison ancien directeur de cabinet de Andry Rajoelina en 2010, partage ses appréhensions devant ce qu’il dénonce comme « une justice à géométrie ethnique », « des libérations arrangées entre gens de la même région », et des dossiers effacés en coulisses. Il déplore que le président de transition qui, au lieu d’apaiser, laisse planer l’idée d’une candidature future. Les statistiques montrent, estime-t-il, que ce sont les Merinas sont les premiers visés par les mesures de répression, tandis que les originaires d’autres régions, accusés de détournements massifs, se promènent librement, ou sont libérés en grande pompe grâce à des « réseaux régionaux, des alliances locales, et des loyautés ethniques ».

Le Journal de l’Ile Rouge (JIR) du 17 novembre confirme d’ailleurs ces faits en notant que Anthelme Raparany, l’ancien ministre en exil accusé de trafic de bois de rose à Singapour, est « rentré au pays sans coup férir ». Il en est de même pour l’ex premier ministre Ravelonarivo, mis en cause dans une des nombreuses affaires d’exactions au sein de la CNAPS (caisse nationale de prévoyance sociale) et qui a pu bénéficier de la protection de personnalités du régime de transition. L’ex-Directeur général de l’ACM (Aviation civile de Madagascar), impliqué dans l’affaire des Boeings livrés frauduleusement à l’Iran, est sorti de la prison sans procès. JIR présente la situation comme « une revanche des côtiers » et ne réfute pas l’existence d’une connotation politique dans la prise de ces différentes dispositions.

Et Zaza Ramandimbiarison de s’alerter : « C’est ainsi que naissent les purges. C’est ainsi qu’on fabrique le terreau du génocide. Et pourtant, aucun responsable socio- politique ne semble vouloir reconnaître la gravité du moment. On joue avec les nerfs du pays comme avec une allumette au-dessus d’un bidon d’essence ».

Madagascar semble donc atteindre, une fois de plus, un point critique.  Comme à chaque crise politique majeure que traverse le pays, le spectre du tribalisme et du conflit ethnique ressurgit. L’on se souvient que lors de la révolution de 1972, les Merinas ont été chassés de la ville de Tamatave, le grand port situé sur la Côte est de Madagascar.  En 1974, la rébellion des forces de police et des officiers côtiers conduits par le Colonel Bréchard Rajaonarison planifiait « la destruction de la ville de Tananarive », capitale historique du royaume merina et devenu capitale de Madagascar.  Dans un entretien accordé au journal Le Monde, en date du 19 février 2002, Didier Ratsiraka, Président sortant, accusait son rival Marc Ravalomanana de vouloir asseoir la domination de la haute bourgeoisie merina sur la Grand Ile. Il s’en est ensuivi l’érection par Ratsiraka et ses partisans d’un blocus meurtrier contre la capitale. En 2009, la mutinerie ayant conduit à l’éviction du président Marc Ravalomanana fut menée au départ par le C.O.C (« collectif des officiers côtiers »).   

C’est dire que le contentieux ethnique Merina-Côtier, bien que basé le plus souvent sur des représentations mentales floues et embrouillées, n’en reste pas moins vivace surtout en période de crise. Il est entretenu par les traditions orales, les coutumes et les fady (tabous), qui parfois se rattachent aux conflits issus de la tentative d’unification du pays par la royauté merina au XIXe siècle. Ainsi, dans le Nord de l’ile, il existe même de nos jours des endroits où les originaires des hauts plateaux ne peuvent visiter.

La dominance historique des Merinas a causé des tensions intérieures au pays, qui ont été plus tard utilisées par la puissance coloniale pour asseoir son emprise dans la grande ile et affaiblir en même temps la résistance. Dans son grand rapport de 1905, le général Gallieni (Gouverneur général de Madagascar) dépeignait ainsi l’une des facettes de la « politique des races » qui caractérisa sa gouvernance : « S’il y a des mœurs et des coutumes à respecter, il y a aussi des haines et des rivalités qu’il faut savoir démêler et utiliser à notre profit, en les opposant les unes aux autres, en nous appuyant sur les unes pour mieux vaincre les secondes ». Ainsi naquit la doctrine anti-Merina que les successeurs de Gallieni appliquèrent fidèlement, comme le relevaient Hanotaux et Martineau dans un livre sur l’empire colonial français en 1933 : en ce qui concerne Madagascar, il fut recommandé d’une manière générale aux commandants de cercle de toujours se laisser guider par deux principes, politique des races et destruction de l’hégémonie des Hova (une autre appellation donnée aux originaires des hauts-plateaux).

A l’indépendance, diverses politiques ont été mises en œuvre pour atténuer la dominance de Tananarive et combler le retard des provinces côtières. Sous la deuxième république, l’Etat a ainsi créé des centres universitaires régionaux dans tout Madagascar. Afin de réduire le déficit en personnels d’encadrement, faute de jeunes provinciaux en formation supérieure, le baccalauréat est octroyé, dans les provinces côtières au début des années 1980, à 8/20. A la même époque, à Tananarive il n’est obtenu qu’à partir de 12/20. Dans la même foulée, des quotas réservés aux cadres côtiers sont établis dans les différents concours administratifs et dans l’accession aux emplois publics (fonctionnariat et sociétés d’Etat).

En ce troisième millénaire, les mentalités commencent à changer et l’entente nationale est plus ou moins effective dans les relations au quotidien entre Malgaches.  Mais dans de nombreux cas,  l’instrumentalisation des tensions historiques peuvent provoquer aujourd’hui encore des dissonances sociales. Les clichés sont tenaces, à un point tel que dans certains milieux, les Merinas sont toujours dépeints négativement comme des individus « malins, rusés, indignes de confiance, lisses de cheveux mais aussi glissant d’esprit » ! Certains Côtiers reprochent par ailleurs  aux   Merinas d’exploiter les provinces périphériques par le truchement de la centralisation administrative à outrance. Mais force est de constater que la revendication de la décentralisation est devenue un simple slogan politique pour les élites régionales qui, une fois arrivées au pouvoir central se coupent de leurs bases et deviennent des centralisateurs invétérés. Devant cet état de fait, de plus en plus de voix réclament l’instauration du fédéralisme pour briser ce qu’ils estiment être un « comportement prédateur des tananariviens ». De leur côté, les Merinas adhèrent de plus en plus ouvertement à l’idée du fédéralisme, considéré comme le gage d’une plus grande liberté de manœuvre politique et économique pour la province de Tananarive. Il faut en effet savoir qu’à elle seule, la région d’Analamanga (la commune urbaine de Tananarive et les districts qui lui sont adjoints) produit les 48% du PIB national malgache : en d’autres termes, c’est Tananarive qui fait vivre bon nombre de régions périphériques et non l’inverse !

La menace de l’anarchie est latente, surtout en cette période de transition où les rivalités politiques et ethniques prennent le pas sur les considérations d’intérêt général. Zaza Ramandimbiarison veut ainsi tirer la sonnette d’alarme, et insiste sur l’urgence de la mise en branle d’une transition équitable, apaisée et réellement nationale. Aujourd’hui plus que jamais, Madagascar a besoin, affirme-t-il, d’une justice indépendante, d’une transition strictement limitée à son mandat, d’une société civile lucide et ferme, et d’un discours politique qui rassemble plutôt que de diviser.

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La minorité indo-pakistanaise domine la vie économique de Madagascar (volet 1) https://mondafrique.com/decryptage/la-minorite-indo-pakistanaise-domine-la-vie-economique-de-madagascar-volet-1/ Sat, 22 Nov 2025 19:52:53 +0000 https://mondafrique.com/?p=143112 Madagascar compte en son sein une importante communauté d’origine indienne, que la population désigne par deux dénominations : « indo-pakistanais » ou « karana ». Bien qu’assez peu nombreux, les Indopakistanais exercent une immense influence au sein de la société malgache grâce au rôle dominant qu’ils jouent dans la vie économique du pays.  Leur situation […]

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Madagascar compte en son sein une importante communauté d’origine indienne, que la population désigne par deux dénominations : « indo-pakistanais » ou « karana ». Bien qu’assez peu nombreux, les Indopakistanais exercent une immense influence au sein de la société malgache grâce au rôle dominant qu’ils jouent dans la vie économique du pays.  Leur situation se trouve d’autant plus confortée que les Malgaches ont une faible tradition d’entreprise et une capacité d’organisation peu développée. L’histoire de l’implantation de cette minorité nous aidera à comprendre la mauvaise réputation qu’is ont dans la population.

Daniel Sainte Roche

Dans un classement du magazine Forbes de 2015, sur les quatre plus grosses fortunes professionnelles malgaches figurant parmi les 25 plus importantes en Afrique, trois sont indiennes. Le seul Axian par exemple pèse 2,75 milliards USD de chiffre d’affaires total pour l’exercice clos en 2024, a investi 1 milliard de dollars US dans les opérations, et a généré 1,87 milliard USD de PIB.   

Les relations des indo-pakistanais avec la population ne dépassent guère les relations professionnelles : la communauté indo-pakistanaise forme un groupe impénétrable et fortement individualisé, réfractaire à toute forme d’assimilation.

La population semble observer vis à vis de cette composante de la société une attitude méfiante, et cela en dépit des efforts des dirigeants successifs du pays qui ont opté le plus souvent pour une politique conciliante. Ainsi, au lendemain de l’indépendance, un responsable du gouvernement a déclaré, le 17 avril 1964 lors de l’inauguration de la première réunion de l’association Indo-Malgache : « Се pays est le vôtre. Ne craignez ni d’investir, ni de créer des industries. Mais dites à vos compatriotes de ne pas se livrer à des commerces usuraires. » La recommandation du ministre fait référence à l’une des pratiques illicites dont sont coutumiers les commerçants indo-pakistanais, et qui les présente aux yeux de la population comme des capitalistes sans éthique.

L’immigration Indienne à Madagascar

Les commerçants indiens sont venus à Madagascar depuis une époque très reculée, les moussons permettant aux boutres de la côte de Malabar d’atteindre l’Afrique orientale. Cette immigration individuelle et spontanée s’étend du 8 au 19ème siècle, et peut être mis d’une part sur le compte d’un goût prononcé pour l’aventure et d’autre part par l’expansion de la religion islamique (la plupart des Indiens de Madagascar pratiquent cette religion). De plus, l`a Côte de Malabar a joué un rôle de premier plan dans le commerce de l’Océan Indien et en 1873, un voyageur britannique notait déjà qu’à travers tout le circuit de Zanzibar au Mozambique, de Madagascar au Cap de Gardafui, la quasi-totalité des commerçants étaient des Indiens. Etablis dans un premier temps dans l’Ocean indien ou sur la côte est africaine, certains de ces commerçants se sont finalement installés à Majunga, Nosy-Be, Diego-Suarez, Mahajanga, et Ambanja et travaillaient comme intermédiaires entre les Mascareignes (La Réunion, Maurice), l’ Inde, Mascate (capitale portuaire du sultanat d’Oman), et la Grande ile.

La dernière étape qui a couronné l’immigration indienne commence au début du XXe siècle quand Galliéni, gouverneur général de l’époque a recruté près de 100 travailleurs de Pondichéry pour effectuer les travaux de terrassement des chemins de fer de la ligne Tananarive Côte Est.

Bien que l’immigration ait été stoppée très tôt, la communauté indienne de Madagascar s’est développée par l’excédent de ses naissances sur ses décès. Actuellement, la minorité Indo-Pakistanaise de Madagascar compterait près de 20.000 membres (en l’absence de statistiques officielles). La quasi-totalité de ces indiens sont nés dans la grande ile et ne connaissent pas l’Inde. Quoi qu’il en soit, ils continuent d’adopter leur us et coutumes et professent toujours la religion de leurs ancêtres. C’est ainsi que l’on rencontre à Madagascar deux principales communautés indiennes, l’une hindoue et l’autre musulmane (subdivisée elle-même en quatre sectes Khodja, Bohra, Ismaéliens et Sounis).

Première puissance économique à Madagascar

 Bien que l’installation des colonies marchandes indiennes dans l’Océan Indien remonte à une époque très ancienne, elle ne connut un véritable essor que pendant la période coloniale. A l’arrivée des cоlonisateurs français, ces commerçants étaient déjà fort bien implantés. Ils accueillirent d’ailleurs fort bien la colonisation qui les favorisait En effet, à la différence des courtiers européens, ils parvenaient à ratisser la brousse. Parlant les dialectes locaux, ils se procuraient des produits spéculatifs qu’ils revendaient à des prix onéreux aux grandes compagnies. Des privilèges ont été octroyés aux commerçants indiens par l’administration coloniale, sous forme de facilitation de la délivrance d’autorisations, ou d’exemption au travail forcé auquel était assujetti les autochtones. Ils ont été explicitement favorisés pour affaiblir les élites et les réseaux marchands malgaches, et ont acquis de ce fait une position d’intermédiaire commercial solide (négociants, collecteurs…).  

 Les commerçants indo-pakistanais ont connu par la suite un enrichissement rapide, et sont même parvenus à supplanter les Européens dans le grand commerce. Il faut noter au passage que leurs fortunes se sont considérablement accrues grâce à la manipulation du marché noir pendant la deuxième guerre mondiale.

Dès les premières années de l’indépendance, de nombreuses critiques furent formulées à l’endroit de la minorité Indo- Pakistanaise qui se démarquait sensiblement de la majorité des Malgaches par son opulence. Cet état de fait amena les Indiens à amorcer une tentative de reconversion dans des secteurs considérés comme beaucoup plus productifs pour la collectivité et à progressivement s’implanter dans le secteur industriel, sans pour autant abandonner leurs activités traditionnelles dans la quincaillerie, le textile, la bijouterie.

Une grande capacite d’organisation

Le succès de la minorité indo-pakistanaise peut être expliqué par l’efficacité de leurs méthodes de commerce et de leurs organisations commerciales. Si la génération actuelle d’Indo-Pakistanaise pense que la règle d’or dans la pratique commerciale reste l’honnêteté, I ‘histoire de l’ère coloniale nous a enseigné que cette minorité s’est enrichie sur le dos des Malgaches, lesquels ont fait l’objet d’une véritable exploitation. En effet, il est ancré dans l’imagerie populaire que dans les tractations commerciales, les commerçants indo-pakistanais ne manquaient pas de frauder sur le prix, la qualité ou la quantité des marchandises.

Toutes sortes d’exactions étaient effectuées, el le troc lésionnaire réalisé au détriment des paysans dans les zones rurales. Chaque période de crise fut mise à profit par ces commerçants pour organiser et manipuler le marché noir. Ces comportements anti-économiques ont suscité des réactions très vives de la part des Malgaches.

Il faut cependant reconnaitre que les Indiens de Madagascar doivent leur réussite économique a des qualités qui sont spécifiques aux minorités ethniques étrangères établies dans un pays africain, tels les Libanais en Afrique de l’Ouest. Une solidarité communautaire très forte, alliée a un sens des affaires aiguisé au fil des générations et appuyée par des connexions familiales étendues à de nombreux pays leur conférent un atout non négligeable. C’est dans ce contexte que fut créé vers les années 50 la première industrie « Karana », une entreprise de confection et une usine de fabrication de bougies. Ces firmes furent suivies par une multitude de sociétés, axant dans un premier temps leurs activités dans l’industrie textile et la confection pour s’étendre ensuite dans tous les secteurs. Le résultat en est que les firmes indo-pakistanaises constituent actuellement l’essentiel du secteur industriel de Madagascar, d’autant plus qu’elles ont pris en main les entreprises abandonnées par les Européens.

Des solidarités communautaires

L’efficacité de l’organisation des Karana repose surtout sur la solidarité qui existe au sein de cette communauté. Leurs activités professionnelles forment une pyramide ayant à son sommet les diverses entreprises industrielles qui sont en relation directe avec les établissements de gros et de demi-gros. Ces derniers font fonction de distributeurs pour les nombreux magasins de détail dirigés par ies Indo-Pakistanais. Et comme il est fréquent que les membres d’une même famille exercent des activités très diverses, les problèmes de débouchés pour les produits ne se posent jamais. A l’attention de certains de  leurs membres dont l’envergure est assez modeste, la solidarité des Indo-Pakistanais se traduit par le recours à une véritable banque occulte, à laquelle peuvent recourir ceux qui ne peuvent obtenir entière satisfaction auprès des institutions financières locales. Cette possibilité de recourir à des sources de financement « souples » procurent a la minorité indo-pakistanaise un avantage sur leurs concurrents malgaches.

90 % des exploitations Indo-Pakistanaises sont des affaires individuelles. Il s’agit généralement de magasins tenus par le chef de famille, assisté de quelques employés malgaches ou des membres de la famille. Mais ce sont les grands groupes à succursales multiples qui défrayent le plus souvent les chroniques. Ces sociétés ont à leurs têtes des cadres émoulus des grandes écoles européennes et américaines. Il est fréquent que les actions sociales soient réparties entre les différents membres d’une même famille. Il en est ainsi de la multinationale Axian dirigée par Hassanein Hiridjee, un ancien de l’École supérieure de commerce de Paris. Au plus haut sommet du groupe trônent les progénitures des 3 frères Hiridjee Bashir, Raza-Aly et Rosanaly. La direction des différentes sociétés du groupe est confiée à des hauts-cadres internationaux, où les cadres malgaches brillent par leur absence :  sur une quinzaine de hauts-dirigeants d’Axian, ne figure qu’un employé malgache, au rang de simple « chef des ressources humaines ».  Le même schéma se retrouve dans les autres grands groupes indo-pakistanais, pour ne citer que les plus célèbres :  Filatex, avec Hasnaine Yavarhoussen et son père Abdoulrassoul Yavarhoussen ; le Groupe Basan avec la famille Barday ; le groupe Redland avec la Famille Akbaraly ; le groupe SOCOTA avec la famille Ismail…

Les Indo-Pakistanais, un poison pour l’indépendance de Madagascar (volet 2)

La Russie de Poutine en embuscade à Madagascar

 

 

 

 

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Les Indo-Pakistanais, un poison pour l’indépendance de Madagascar (volet 2) https://mondafrique.com/economie/les-indo-pakistanais-un-poison-pour-lindependance-du-pats-volet-2/ Sat, 22 Nov 2025 19:07:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=143115 Les indo-Pakistanais, dont les parents ont été de simples auxiliaires au service de la colonisation, sont devenus aujourd’hui des acteurs indispensables de la vie économique et des leviers essentiels au sein de la classe politique malgache. Sur l’image ci dessus, on découvre Ylias Akbaraly, Hassanein Hiridjee et Hasnaine Yavarhoussen, trois hommes d’affaires malgaches d’origine indo-pakistanaise […]

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Les indo-Pakistanais, dont les parents ont été de simples auxiliaires au service de la colonisation, sont devenus aujourd’hui des acteurs indispensables de la vie économique et des leviers essentiels au sein de la classe politique malgache. Sur l’image ci dessus, on découvre Ylias Akbaraly, Hassanein Hiridjee et Hasnaine Yavarhoussen, trois hommes d’affaires malgaches d’origine indo-pakistanaise et qui sont cités parmi les plus grandes fortunes d’Afrique francophone par le très respectable magazine « Forbes ». L’influence de ces oligarques est telle que malgré le changement de régime, la gendarmerie malgache qui avait montré cet automne une brutalité particulière face aux manidestations du camp démocrate, a interpellé ces jours ci un jeune influenceur français Dylan Silva , qu avait mis en cause cette oligarchie indo pakistanaise et qui n’a pù sortir de détention que grâce à la mobilisation massive de ses amis sur place (GenZ, etc.)

Daniel Saine Roche

La puissance économique de la minorité indo-pakistanaise est désormais telle qu’elle peut étaler sans complexe ses influences politiques. Si jusqu’à une certaine époque, la neutralité était de règle au sein de la communauté, tout a changé avec le coup d’Etat sanglant de 2009 lors duquel des personnalités indo-pakistanaises ont agi directement sur la scène politique malgache. Selon la déclaration d’un des principaux auteurs du coup, le Colonel Charles Andrianasoavina (propos recueillis par Philippe Divay et publiés dans le Club de Mediapart en 2012 et 2013), des hommes d’affaires indiens ont apporté un financement substantiel au « double coup d’Etat commandité par Andry Rajoelina ». Ont été ainsi cités des quincaillers en la personne de MM Said et Galib, mais aussi des patrons de grandes entreprises comme Ylias Akbaraly du Groupe SIPROMAD et Amir Rajabali du Groupe Rajabali.

Par ailleurs, la saga de la crise énergétique a Madagascar constitue aussi une illustration de cette influence politique.  Fidèle Razarapiera, Vice-président de l’Assemblée nationale, clame que le problème auquel est confronté aujourd’hui la société nationale d’eau et électricité (Jirama) est dû à la dépendance de cette entreprise aux Groupes Filatex de  Hasnaine Yavarhoussen et à la Jovena de Hassanein Hiridjee.  Selon lui, ces deux entités ont pu mettre en place un réseau occulte permettant de protéger leurs intérêts, capable de dicter les décisions de la JIRAMA, de l’État malgache, et même de son partenaire international, la Banque mondiale.

Hassanein Hiridjee, propriétaire du groupe Axian et Jovena contrôle en effet l’énergie qui alimente la JIRAMA (le gazole, le fioul, le fioul lourd) tandis que Hasnaine Yavarhoussen (Filatex) contrôle la fourniture des groupes photovoltaïque et thermique, ainsi que la production énergétique, rendant l’État totalement dépendant de lui. La dépendance commence dès la phase de production, et s’étend sur les infrastructures logistiques, les stocks de carburant, les systèmes de maintenance. Et ce sont ces mêmes groupes qui bénéficient des marchés de construction, des garanties de paiement, et d’un cadre fiscal peu contraignant. Le contrôle étatique est difficile à mettre en œuvre car celui qui vend du carburant à l’État lui-même incapable de payer, qui construit ses centrales, qui impose ses clauses contractuelles, peut imposer sa propre règle du jeu. Dans cet optique, le vice-président de l’assemblée nationale affirme que Hassanein Hiridjee et Hasnaine Yavarhoussen ont des hommes de main dans l’administration malgache, au sein des Institutions, et dans les différents syndicats. Le nouveau Premier ministre est par exemple l’ancien Président d’une banque appartenant à la famille Hiridjee, et des ministres nouvellement nommés ont été avant leur nomination au gouvernement des cadres dirigeants d’entreprises locales du groupe Filatex de Yavarhoussen ou du Groupe Basan de la famille Barday.   

Un autre fait qui distingue la minorité indo-pakistanaise à Madagascar se trouve dans sa réputation d’ « accapareur » de terrains. Le placement immobilier effectué par cette communauté témoigne de son intelligence dans la pratique des affaires, quand bien même les méthodes utilisées suscitent l’animosité du public.  Ainsi, à Morondava (Sud-Ouest), 90% des maisons appartiennent à des indiens. A Majunga (Ouest), ils seraient en possession de près de 50% des immeubles en dur. A Diégo-Suarez (Nord), une bonne partie des locaux leur appartiendrait. Enfin à Tananarive, il est de notoriété publique que des groupes comme Filatex disposent d’un important patrimoine immobilier (200 000 m2 bâtis) accumulé au fil des ans. Amir Rajabali, président d’un autre groupe familial, est présenté par une certaine presse comme un « richissime industriel accapareur de terrains fonciers », bénéficiant de la « complicité des responsables fonciers dans l’acquisition douteuse et abusive de nombreux terrains ».

Une intégration sociale difficile 

Il existe un sentiment de méfiance réciproque entre la communauté indo-pakistanaise et les Malgaches. Le premier et principal motif de suspicion réside dans la domination économique d’une partie importante du groupe, qui compte parmi les principaux hommes d’affaires et investisseurs du pays. On dit que leur richesse et leur réussite suscitent jalousie et convoitise, et que le reproche principal qui leur est adressé, c’est leur « réussite dans les affaires ».  C’est dire que les indo-pakistanais constituent facilement des boucs émissaires qui cristallisent le mécontentement populaire, souvent sur l’instigation de politiciens populistes.

D’un autre côté, les observateurs même les moins avertis notent qu’il ne s’agit aucunement d’une jalousie gratuite, mais d’un ressentiment alimenté au fil des générations par un sentiment d’injustice. Dès le départ, la communauté indo-pakistanaise a été favorisée par les colons et l’administration française, puis par les différents régimes qui se sont succédés à Madagascar. Au sein de la population, il est très fréquent d’entendre que les Indiens sont fourbes, malhonnêtes, intolérants, fermés sur eux-mêmes, méprisants envers les Malgaches, et qu’ils s’enrichissent à leur détriment. Cette dernière assertion part de la simple constatation du fait que les Malgaches figurent parmi les trois populations les plus pauvres de la planète, alors que certains hommes d’affaires indo-pakistanais ayant démarré leurs activités depuis la Grande ile sont devenus parmi les hommes les plus riches d’Afrique francophone. 

Il est vrai que les indopakistanais ne sont pas responsables de la pauvreté des Malgaches. Mais on ne peut pas nier qu’ils ont toujours mis à profit l’existence de dysfonctionnement et de mauvaise gouvernance politique pour s’enrichir encore plus grâce à de multiples subterfuges : corruption étatique, alimentation du circuit des économies informelles pour pouvoir effectuer des évasions fiscales, etc…Il est a noter que plusieurs noms indo-pakistanais très connus ont été cités dans le scandale du « panama papers ».

Quel futur pour la communauté indopakistanaise ?

En définitive, le principal frein à l’intégration sociale de la communauté indo-pakistanaise tient à son attachement au particularisme dans un contexte où même la construction d’un Etat-nation malgache n’est pas en elle-même achevée.  La Constitution garantit pour les citoyens malgaches un traitement égal sans considération de races ni de religions. En théorie, les « Karana » de nationalité malgache ne devraient donc rencontrer aucun problème. Mais il ne faut pas passer sous silence le fait que la politique de l’Etat en matière de minorités consiste à « sauvegarder la substance nationale ». Cette politique a amené l’Etat à porter un coup d’arrêt aux immigrations nouvelles, et à restreindre l’attribution de la nationalité malgache. Cette politique de restriction favorise l’apatridie au sein de la Communauté indo-pakistanaise.

Les plus riches Karana sont de nationalité française, ou au moins ont la double nationalité franco-malgache. A leur égard, la question se pose de savoir si l’atmosphère délétère qui prévaut à Madagascar ne les acculerait pas à terme à partir. Ils suivraient en cela l’exemple de nombreux Indiens qui ont en 1973 et 1975 plié bagages pour des horizons plus propices à leurs affaires comme La Réunion, l’ile Maurice, la France ou le Canada. D’autre part, les riches familles qui ont envoyé leurs enfants étudier en Europe ou ailleurs sont déçus par le fait que de nombreux jeunes ont pour la plupart épousé des étrangers et n’envisagent plus de retourner à Madagascar. Cette situation justifie l’angoisse des parents qui risquent ainsi de finir leurs jours sans héritiers.

D’autres membres de la communauté ont d’ores et déjà adopté une position intermédiaire, avec la psychose du kidnapping qui a envahi les riches hommes d’affaires indo-pakistanais ces dernières années. Ils dirigent leurs entreprises depuis l’extérieur, comme Sameer Rajabali du groupe éponyme (BTP, immobilier, hôtellerie) installé à Maurice ou Mathias Ismaïl et Gauthier Ismaïl du groupe Socota (textile, crevettes, immobilier) qui résident respectivement à Paris et à Maurice. Il en est de même des deux enfants d’Iqbal Rahim, le président fondateur de Galana (produits pétroliers), Rizwan Rahim et sa sœur Naila Shirazee née Rahim, qui vivent, comme leur père, à Dubaï.

On peut aussi s’attendre à des transferts de l’actif de leurs patrimoines à l’étranger. L’internalisation des activités de ces groupes constitue une prémisse a ce mouvement. C’est ainsi que nombre de ces entreprises sont tournées vers l’Europe ou les Etats-Unis pour leurs ventes (cas de la vanille de Trimeta ou les haricots verts de Basan), la recherche de partenaires ou l’importation de biens d’équipements (le groupe Rajabali en France). Certains sont devenus des multinationales qui ont essaimé à l’étranger, tel Axian qui est aujourd’hui présent dans les secteurs des télécoms, de l’énergie, de l’immobilier et des services financiers en Tanzanie, au Togo, au Sénégal, en Zambie. De même pour Filatex qui se positionne sur des pays comme le Ghana, la Guinée et la Cote -d’Ivoire depuis 2020. La société Galana est bien arrimée à Maurice, au Mozambique, en Afrique du Sud, et au Kenya, tandis que Socota de la famille Ismail développent leurs activités immobilières   à Maurice, et la branche « produits de la mer » en France, Ou encore Ylias Akbaraly, avec sa holding Redland, qui est présent dans de nombreux pays dont les États-Unis, la France, en Inde et au Moyen-Orient.

La véritable problématique invoquée par la faiblesse de l’intégration sociale de la communauté indo-pakistanaise se pose donc d’une façon plus cruciale pour les apatrides et les membres dont les conditions sociales sont moyennes, et qui ne peuvent envisager un avenir autre qu’à Madagascar.  Un mouvement à double sens est souhaitable pour parvenir à des relations saines et apaisées : d’une part, l’évolution des mentalités des Malgaches qui doivent désormais appréhender le concept de la « malgachitude » dans une acception plus large, non limitée aux seuls éléments austronésiens et africains qui ont caractérisé jusqu’ici la « substance nationale » malgache.  D’autre part est requis de la part de la minorité indopakistanaise un effort vers une volonté d’assimilation, a l’instar de la minorité d’origine chinoise a qui le Malgache confère sans problème la qualité de « sinoa gasy » (chinois-malgache)

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