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]]>Le sujet est régulièrement évoqué dans la presse. Cette menace djihadiste a fait l’objet d’un récent rapport du Timbuktu Institute consacré à la zone des trois frontières du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal.
Profitant de l’absence de l’État, des tensions communautaires historiques, ainsi que de la vulnérabilité socio-économique des populations locales, le JNIM a réussi à s’implanter en profondeur dans la région. Les attaques ciblées, les prêches idéologiques, le prélèvement forcé de la Zakat (impôt islamique), et les assassinats sélectifs marquent cette nouvelle phase d’infiltration.
Cette dynamique n’est pas sans conséquences. Elle fragilise davantage les tissus sociaux, affaiblit les économies locales et menace d’entraîner une régionalisation du conflit, notamment vers la Mauritanie et le Sénégal.
En tant que chercheurs ayant étudié les dynamiques sécuritaires dans le Sahel, nous analysons ici les mécanismes d’implantation du JNIM dans cette zone et les implications sécuritaires régionales qui en découlent. Nous formulons également des pistes de réponse adaptées.
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Face à la pression militaire exercée sur ses bastions traditionnels dans le Nord et Centre du Mali, le JNIM adopte une stratégie de contournement par l’Ouest en s’implantant progressivement dans les régions de Kayes et de Nioro. Le groupe tisse des liens avec certaines communautés locales. Cette dynamique constitue une menace directe pour l’ensemble de la zone des trois frontières Mali–Mauritanie–Sénégal, historiquement épargnée mais désormais exposée à un risque croissant d’extension du terrorisme.
Le JNIM, fidèle à sa stratégie d’expansion, adapte ses méthodes et ses objectifs en fonction des réalités socio-culturelles locales. Le groupe privilégie une approche communautaire visant à faciliter son enracinement et à obtenir l’adhésion volontaire de sympathisants, y compris de nouveaux membres issus des communautés locales.
Le JNIM exploite habilement les tensions existantes entre la population locale et les autorités étatiques, souvent perçues comme corrompues et éloignées des préoccupations des citoyens. À titre d’illustration, lors de l’attaque contre le commissariat de Yélimané (localité frontalière avec la Mauritanie) en 2024, le porte-parole du JNIM a tenu un discours en soninké, l’une des langues les plus parlées dans la région.
Ce discours visait à justifier l’attaque en présentant le groupe comme un défenseur des opprimés, dénonçant l’injustice, la corruption et l’inefficacité des autorités locales étatiques.
L’expansion du JNIM dans l’Ouest du Mali repose en grande partie sur l’exploitation habile des vulnérabilités structurelles, dans le but de viser le poumon aurifère du pays.
Premièrement, l’insuffisance des dispositifs des forces de défense et de sécurité, a créé un vide institutionnel que le JNIM exploite pour renforcer sa légitimité auprès des populations. Par exemple, dans le cercle de Yelimané, il n’existe aucune base militaire pour assurer le contrôle de la zone.
Deuxièmement, la pauvreté chronique et la dépendance économique vis-à-vis de la diaspora aggravent cette situation. Les transferts de fonds, bien que cruciaux pour les ménages, ne suffisent pas à bâtir une résilience économique locale durable.
Troisièmement, il y a les tensions intercommunautaires historiques et récentes liées à l’esclavage par ascendance – une situation où le statut d’ »esclave » se transmet automatiquement de génération en génération – et la violence qui en résulte, perpétrée par des supposés « nobles » ou « maîtres » contre des personnes nées en situation d’esclavage dans la région. Elles fragilisent encore davantage le tissu social de toute la zone de trois frontières (Mali-Mauritanie-Sénégal).
Ces fractures sociales sont instrumentalisées par le JNIM pour renforcer ses liens avec certaines communautés.
Enfin, la porosité des frontières et l’économie criminelle transfrontalière facilitent la circulation des combattants, des armes et des ressources. Le JNIM s’appuie sur des réseaux établis de contrebande et de trafic de bétail pour financer ses opérations, comme l’a confirmé l’étude du Timbuktu Institute.
En tant que chercheurs, nous avons pu observer que, bien avant l’arrivée du JNIM dans la région, une économie criminelle existait déjà, notamment à travers le vol de bétail. Cependant, depuis l’implantation du groupe, cette situation s’est aggravée. Les membres du JNIM effectuent désormais des passages réguliers dans les villages pour racketter les populations sous prétexte de collecter la zakat. Cette exploitation permet au JNIM de consolider son influence locale, tout en préparant son expansion vers les pays voisins.
Ainsi, les stratégies d’implantation du JNIM dans les régions, bien que localisées, révèlent une dynamique d’expansion plus large dont les répercussions dépassent les frontières maliennes.
L’expansion du JNIM dans l’Ouest du Mali constitue une menace transfrontalière croissante pour le Sénégal et la Mauritanie. Cette dynamique est favorisée par plusieurs facteurs structurels et opérationnels.
Ces frontières sont historiquement poreuses et mal surveillées. Le JNIM exploite ces passages pour faciliter le déplacement de ses combattants, le transfert d’armes et le financement de ses activités à travers le trafic de bétail et d’autres ressources naturelles.
Ces réseaux économiques clandestins sont bien ancrés et permettent au groupe d’étendre son influence sans confrontation directe avec les forces de sécurité locales.
Selon les spécialistes de la zone de trois frontières, le JNIM adopte une stratégie à deux volets : encercler Bamako et établir des bases avancées proches des frontières sénégalaise et mauritanienne. Cette approche vise à couper les axes logistiques vers la capitale malienne tout en préparant une expansion progressive vers les pays côtiers. L’augmentation des attaques dans la région de Kayes, multipliée par sept entre 2021 et 2025, en est une illustration directe.
Le JNIM cherche à exploiter les tensions sociales et les fragilités économiques des zones frontalières, en particulier dans l’Est du Sénégal (Bakel, Kédougou, Tambacounda) et le Sud de la Mauritanie (régions du Hodh el Gharbi et du Guidimakha).
Selon nos observations, même si le JNIM n’a pas encore établi de base permanente dans les régions de Kayes et de Nioro, ni dans les pays voisins, il utiliserait ces territoires comme zones de repli logistique et pour mener des activités économiques illicites.
L’enlèvement du leader religeux Thierno Amadou Hady Tall en décembre 2024, près de Nioro, a marqué une étape majeure dans cette stratégie de déstabilisation. Il a créé un choc dans la sous-région et montré la capacité du groupe à perturber l’équilibre social et religieux local.
Face à cette situation, nous recommandons :
1 – le renforcement de la coopération sécuritaire transfrontalière
Il est impératif de mettre en place des mécanismes de coopération renforcés entre le Mali, le Sénégal et la Mauritanie pour surveiller efficacement les zones frontalières.
2- la réactivation de la présence de l’État et l’amélioration des infrastructures de base
Les postes de sécurité existants devraient être renforcés et de nouveaux créés dans les zones sensibles.
3 – la promotion d’alternatives économiques pour les jeunes
Face au chômage massif et à l’absence de perspectives, il est crucial de lancer des programmes de développement économique ciblés pour les jeunes.
4 – l’implication des leaders communautaires et religieux
Il est nécessaire de renforcer leur implication dans la prévention de l’extrémisme violent, en intégrant les leaders traditionnels et religieux dans les stratégies de sensibilisation et de déradicalisation. il faut aussi de promouvoir la cohésion sociale en réconciliant les communautés affectées par les tensions interethniques.
5 – la lutte contre le financement du terrorisme et les économies criminelles
Il est urgent de renforcer la surveillance des circuits économiques informels exploités par les groupes terroristes, notamment le trafic de bétail, de bois et de produits illicites.
En définitive, la dynamique d’expansion du JNIM dans la zone des trois frontières Mali–Mauritanie–Sénégal représente un risque majeur pour la stabilité de la région. Si la réponse à cette menace ne combine pas, de manière cohérente, des mesures sécuritaires renforcées et des actions de développement durable, les fragilités existantes continueront d’être exploitées par les groupes armés.
Seule une approche concertée, mobilisant les États, les acteurs communautaires et les partenaires internationaux, permettra de contenir cette menace et de rétablir durablement la sécurité et la cohésion sociale dans cette région stratégique.
Mahamadou A. Traoré a contribué à la rédaction de cet article.
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]]>Par Ian Hamel
Tout le monde a gardé en mémoire l’affaire des infirmières bulgares et du médecin palestinien, accusés par Mouammar Kadhafi d’avoir inoculé le virus du sida à des enfants. Des innocents emprisonnés et torturés depuis 1999. Leur libération obtenue par Nicolas Sarkozy en 2007 contenait une clause peu connue : la prise en charge par la France de la rénovation de l’hôpital universitaire de Benghazi, construit dans les années 1980, mais qui n’avait jamais ouvert.
L’Agence française du développement (AFD) reçoit alors une dotation exceptionnelle de presque 30 millions d’euros (exactement 29 831 287 euros) en 2008. Le problème, c’est que le marché est attribué à la société Ideal Medical Products Engineering (IMPE), dirigé par Olivier Carli, sans mise en concurrence. De quoi susciter la curiosité de la justice française. D’autant qu’une autre société Denos Health Management « remporte le contrat de gestion hospitalière. Derrière plusieurs sociétés-écrans se cache en fait une holding, elle-même détenue par M. Carli ». écrit Le Monde en novembre 2016 (1).
Le quotidien parisien révèle également que cette entreprise IMPE aurait été imposée par Boris Boillon, lui-même conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée. Par ailleurs, durant l’été 2017, la revue Sang-Froid, consacrée au monde judiciaire, évoquait la mort du Français Patrice Réal, 49 ans, chargé de la sécurité d’IMPE, assassiné à Benghazi le 2 mars 2014 (2). Dans ce dossier, le parquet national financier (PNF) s’est aussi intéressé à Claude Guéant et à Ziad Takieddine. Mais depuis il semblait ne plus rien se passer. L’enquête prenait la poussière dans un palais de justice.
C’est le site Gotham City, spécialisé dans « l’actualité des affaires par les sources judiciaires », qui remet au goût du jour le dossier en annonçant que Jean-Michel Severino, l’ancien directeur général de l’Agence française de développement et l’AFD elle-même se retrouvent devant la 32ème chambre correctionnelle du tribunal de Paris pour être jugés pour favoritisme, et Olivier Carli, pour recel de favoritisme (3). 17 ans après les faits.
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]]>Pascal Kouoh Mbongo, juriste, historien
Le premier déficit majeur est celui d’une presse d’élite indépendante et analytique. La majorité des médias, publics ou privés, fonctionne selon des logiques d’allégeance politique ou de sensationnalisme commercial. L’enquête rigoureuse, l’analyse critique, le journalisme d’idées ou le journalisme d’investigation y sont rares. Très peu de supports permettent au citoyen de se former une opinion éclairée à partir de données, de perspectives divergentes ou d’explications pédagogiques sur les enjeux collectifs.
L’absence d’une présence active et reconnue des intellectuels dans la sphère publique saute également aux yeux. Les universitaires, chercheurs, écrivains ou penseurs critiques sont souvent marginalisés, instrumentalisés ou autocensurés. Peu d’ouvrages d’idées circulent largement ; peu d’essais politiques nourrissent les débats ; peu d’universitaires occupent des places de référents publics. Le livre, outil fondamental de la pensée lente, de la mise en perspective et de la résistance intellectuelle, n’a pas de centralité dans l’imaginaire politique camerounais.
Ce qui asphyxie le forum public au Cameroun, c’est la prééminence culturelle de la parole proverbiale. En effet, dans la tradition orale dominante au Cameroun, le proverbe ou la sentence (proverbiale ou non) n’est pas un tremplin vers la réflexion, mais une clôture du sens. Il impose, il scelle, il disqualifie le doute.
Des formules comme « Quand le vieux parle, l’enfant se tait » « Une femme doit rester à sa place » « Le Camerounais a besoin de savoir qui il est » « Tu critiques mais toi tu as déjà fait quoi » « Le Cameroun c’est le Cameroun » « Le Cameroun est une Afrique en miniature » « Quand Yaoundé respire, le Cameroun vit… » sont autant de désarmements intellectuels. Le proverbe ou la sentence ne débat pas : il (elle) établit-rétablit un ordre. Ce type de parole instaure une communication hiérarchique, corrective, performative. On ne parle pas pour chercher ou explorer, mais pour remettre l’autre à sa place, affirmer une norme, imposer une posture sociale.
Ce qui frappe, c’est que même ceux qui sont passés par une année de philosophie en Terminale – censée éveiller à l’esprit critique, au questionnement des évidences – semblent n’en avoir rien retenu. Comme si cette parenthèse réflexive avait été aussitôt refermée, niée, dissoute dans une structure mentale plus profonde, façonnée par la tradition, l’autorité, la religiosité, le poids des aînés. Comme si le geste critique appris en classe restait abstrait, formel, sans prise sur le monde vécu. Comme si le retour à la « vraie vie » (la famille, le village, les réseaux sociaux, la religion) imposait à nouveau l’impératif du proverbe ou de la sentence.
L’absence de conversation sociale sur les sujets de l’épreuve de philosophie au baccalauréat est d’ailleurs très frappante : les journaux et les médias audiovisuels n’ont par exemple pas conçu de convier des professeurs de philosophie, des auteurs, des personnalités, à faire connaître les réflexions que leur avaient inspiré les sujets d’un point d vue intellectuel ou du point de vue de leur consonance avec les affaires publiques.
Je ne suis certes pas en train de dire que les Camerounais sont « incapables » d’une intellectualité dialogique et d’une pensée critique. J’essaie seulement de comprendre comment une structure culturelle profondément enracinée – la parole proverbiale ou sentencieuse – vient neutraliser les instruments de la pensée analytique et critique avant même qu’ils n’aient pu prendre racine. C’est une forme de « réflexe discursif » : on ne parle pas pour chercher ou explorer, on parle pour affirmer, corriger, remettre à leur place les autres. Le discours devient performatif, hiérarchique, normatif.
La religiosité généralisée de la société camerounaise contemporaine renforce cette emprise du discours proverbial ou sentencieux. Les prises de position politiques, sociales ou morales sont fréquemment justifiées par des références religieuses. Cette fusion entre foi et discours public – qui fait par exemple fi de ce que les discussions théologiques relèvent de la sphère religieuse et donc du privé de coreligionnaires – empêche le développement d’un langage commun fondé sur la raison publique, la négociation des désaccords et l’universalisation des arguments.
Cette logique de la parole qui clôture trouve un écho puissant dans les « églises du réveil », en pleine expansion. Le discours du pasteur ou du prophète fonctionne exactement comme le proverbe : un énoncé de vérité fermé, incontestable, souvent menaçant. Le doute y est un péché ; la contradiction, une insubordination. Ces églises structurent l’univers discursif d’une large partie de la population en diffusant une pensée binaire (le bien/le mal, la foi/le doute) et des certitudes morales faciles. Ces églises ont par ailleurs une culture du miracle, de l’émotion et du témoignage individuel peu compatibles avec les exigences intellectuelles de la citoyenneté. L’expérience religieuse y est souvent très émotionnelle. Les « preuves » de vérité sont subjectives (guérisons, révélations, rêves, témoignages). Cette prédominance de l’émotion sur la raison crée un rapport au monde basé sur l’intuition, la foi aveugle, et l’expérience personnelle sacralisée. Cela laisse d’autant moins de place à une analyse hypothétiquement rationnelle des causes sociales ou politiques des problèmes que, dans la perspective religieuse, la misère s’explique par un manque de foi, l’injustice se veut une épreuve divine et la réussite une bénédiction personnelle.
Inventer un véritable forum public au Cameroun suppose donc un basculement culturel profond. Il ne suffit pas de garantir la liberté d’expression au sens formel : il faut créer les conditions de la parole analytique et critique. Cela passe par …
a) la consolidation d’une presse libre, exigeante, pédagogique
b) la revalorisation des intellectuels comme penseurs publics, non comme relais techniques du pouvoir
c) la promotion de l’essai, du débat argumenté, des revues de pensée
d) la formation à l’analyse, au doute, à la lenteur dans l’éducation et les médias
e) la déconstruction progressive du réflexe proverbial ou sentencieux et de l’autoritarisme religieux dans l’espace civique.
Il ne s’agit pas de rejeter les traditions ni la spiritualité, mais de rendre à la parole sa fonction exploratoire, libératrice, dialogique. Le Cameroun ne manque ni d’intelligence, ni de talent, ni de voix singulières. Ce qui lui manque, c’est un espace public qui accueille, valorise et structure ces voix dans un horizon de vérité partagée, et non de répétition conformiste.
Après avoir scruté pendant plus d’un an le débat public camerounais, à travers les médias locaux mais aussi ceux qualifiés d’« africains », une évidence s’impose : le Cameroun ne pourra refonder son espace public qu’en s’émancipant des rhétoriques, discours et projections panafricanistes contemporains de toutes factures.
Le Cameroun, s’il veut sortir de l’anémie intellectuelle qui affecte son débat public, doit se doter de son propre forum public, au regard des critères analysés dans ce texte. L’urgence n’est pas de « penser africain », mais de penser depuis le Cameroun, pour le Cameroun, en s’arrachant aux slogans et aux dérivatifs discursifs qui masquent l’absence de pensée structurée et de projet civique national.
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]]>Cet article Boualem Sansal devant la cour d’appel: le verbatim de l’audience est apparu en premier sur Mondafrique.
]]>« Vous m’écoutez ? », lui lance la présidente en arabe. « Oui, mais je vais vous répondre en français », rétorque Sansal. La magistrate accepte : elle posera ses questions en arabe, il pourra répondre dans la langue de son choix.
Dès l’ouverture, la présidente rappelle à l’écrivain les faits qui lui sont reprochés : certaines de ses publications et déclarations jugées hostiles à l’Algérie. « Qu’avez-vous à dire ? », lui demande-t-elle. Sansal répond sans détour : « Je n’ai rien à dire. Je suis un homme libre. Je parle à tout le monde, et je parle en France, pas en Algérie. Je suis français et toutes mes déclarations ont été faites en France. »
La juge évoque alors une interview donnée au journal d’extrême droite Frontières, dans laquelle Sansal aurait tenu des propos controversés sur les frontières de l’Algérie, en particulier dans l’ouest du pays. « J’ai simplement dit que les frontières actuelles ont été tracées par les Français, qu’elles sont héritées de la colonisation. Et j’ai rappelé que l’Union africaine a confirmé l’intangibilité de ces frontières après les indépendances. »
La présidente revient ensuite sur des échanges entre Sansal et l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, ainsi qu’avec l’ex-ministre français Hubert Védrine. Elle cite notamment une phrase de l’écrivain : « Nous avons le pétrole et Chengriha. » Sansal se défend : « Ce sont des discussions privées, parfois sur le ton de la plaisanterie. Je ne vois pas ce qu’il y a de dangereux. »
Interrogé sur ses relations avec le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), considéré comme une organisation terroriste par Alger, l’écrivain répond : « Je parle avec tout le monde. »
Puis vient une question inattendue : « Avez-vous déjà visité Israël ? » — « Oui, en 2012 », répond-il. « Dans quel cadre ? » — « J’étais invité à la fois par l’OLP et par les autorités israéliennes », précise-t-il.
À la question de la juge s’il est convaincu par ses propos et déclarations, Sansal répond calmement : « Oui, j’en suis convaincu. Mais on peut aussi changer d’avis dans la vie. » La présidente l’interroge enfin sur ses romans, qu’elle juge trop orientés vers la critique politique. « Pourquoi ne pas parler de littérature ou de culture, mais que de politique intérieure ? », demande-t-elle. L’auteur reste silencieux.
Après seulement dix minutes de débats, le procureur prend la parole pour son réquisitoire. Il rappelle que Boualem Sansal est né, a grandi, étudié, travaillé et été soigné en Algérie, mais « n’a jamais été reconnaissant envers son pays », selon lui. Il requiert dix ans de prison ferme et une amende d’un million de dinars.
9h46 ; invité à prononcer le mot de la fin, Boualem Sansal conclut :
« On fait le procès de la littérature. Cela n’a pas de sens. La Constitution algérienne garantit la liberté de conscience, la liberté d’expression et d’opinion. Et pourtant, je me retrouve aujourd’hui devant vous. »
Le verdict est attendu le 1er juillet 2025.
L’écrivain algérien avait été condamné à cinq ans de prison ferme et à une amende de 500 000 dinars le 27 mars 2025, notamment pour « atteinte à l’unité nationale » par le tribunal correctionnel de Dar El Beida d’Alger.
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]]>Une chronique du docteur Qemal Affagnon, responsable Afrique de l’Ouest de l’ONG de défense des droits numériques, Internet Sans Frontières. Expert électoral, l’auteur a observé des scrutins électoraux en RDC, en Afrique du Sud, au Mozambique et en Russie.
Depuis le retour de Donald Trump à Maison Blanche, les bouleversements provoqués par sa réélection pèsent sur l’industrie spatiale africaine. Constructeur de fusées, de voitures électriques, milliardaire atypique et volontiers provocateur, Elon Musk qui a mis la main sur l’influent réseau social Twitter en 2022, est de plus en plus présent sur un marché africain en plein essor, notamment grâce à son service d’accès à Internet par satellite.
Comptant à son actif 61 satellites lancés par 17 Etats africains, l’industrie spatiale africaine affiche une dynamique encourageante qui s’articule autour de l’observation de la Terre, du positionnement, de la navigation, et la connectivité Internet au nombre des marchés qui dominent ce secteur. Le développement des capacités spatiales africaines repose sur des partenariats avec des nations disposant de technologies avancées.
ll n’y a pas très longtemps, le Maroc, l’Egypte et l’Afrique du Sud, faisaient partie des rares puissances continentales à disposer d’un satellite de reconnaissance militaire. Le Royaume marocain avait conclu en 2013, un contrat avec la France. Dans le plus grand secret, le contrat avait coûté au royaume chérifien la bagatelle de 500 millions d’euros au moment où François Hollande était au pouvoir. Avec ce satellite, le Maroc disposait d’un avantage décisif qui lui permettait de tout savoir des positions de l’armée algérienne et de celles des insurgés sahraouis au Sahara occidental. Grâce à cet outil, le royaume chérifien disposait aussi de précieuses informations sur l’Espagne qui est le seul pays européen à encore disposer de territoires en Afrique, notamment les enclaves de Ceuta et Melilla en territoire marocain (1).
Comme l’Afrique n’investit que 7,7 milliards de dollars dans l’espace, les plus grandes entreprises spatiales mondiales jouent également un rôle important afin que le continent se dote d’applications spatiales dans les domaines de l’agriculture, de la gestion des ressources en eau, de la prévision des catastrophes, de la planification urbaine, mais aussi dans le secteur de la fourniture Internet.
Déjà disponible au Bénin depuis novembre 2023, le groupe Starlink d’Elon Musk cherche à renforcer sa présence, au regard des défis sécuritaires qui persistent, notamment dans le nord du pays. Avec les autorités béninoises, il a été question d’explorer des opportunités de collaboration stratégique autour du renforcement de la surveillance des frontières. Ces derniers mois , les assauts contre l’armée béninoise se sont intensifiés dans le nord du pays qui paie le prix fort d’une politique sécuritaire défaillante. Au mois de février, le ministre de l’Économie et des Finances du Bénin, Romuald Wadagni, indiquait avoir eu des échanges avec une délégation de Starlink afin d’explorer des opportunités de collaboration stratégique.
Pour sa part, Airtel Africa a annoncé la signature d’un accord de partenariat avec la société américaine SpaceX, pour l’intégration des services Internet satellitaires, Starlink à son offre data. À travers cet accord, la branche africaine de la filiale africaine du groupe indien Bharti Airtel pourra faire du backhauling cellulaire.
Il s’agit d’une méthode visant à relier les antennes-relais au réseau principal via le satellite. Pour cet opérateur télécom, cette manœuvre permettra de proposer du haut débit, aussi bien en zones urbaines que rurales, ce qui permettra de séduire davantage de consommateurs mobiles avec une qualité de service renforcée.
Au Bénin, plusieurs organisations de défense des droits humains appellent à une révision du Code du numérique (2). Or, à travers l’action qu’il vient d’intenter en justice, Musk estime que le gouvernement n’a pas à dicter les limites du débat public et dénonce une ingérence politique dans la gestion des contenus en ligne. Le milliardaire fera tout pour bloquer la mise en œuvre de lois visant à réguler les plateformes en ligne.
Avec ses 6 700 satellites situés à 550 km d’altitude, Starlink vient également de nouer un partenariat avec Air France. Ce service sera accessible à tous les clients, sans frais supplémentaires, via un simple compte Flying Blue, le programme de fidélité gratuit d’Air France. En misant sur Starlink, Air France s’aligne sur d’autres compagnies aériennes déjà séduites par la solution de SpaceX, à l’instar de United, Qatar Airways ou encore Air New Zealand. Pour sa part, Air Canada a opté pour un partenariat avec Eutelsat, afin de proposer une connexion via la constellation OneWeb à ses passagers.
En Afrique, ce partenariat entre Air France et Starlink, représente une véritable aubaine, car Air France maintient une présence significative sur le continent, malgré certains défis géopolitiques et la concurrence d’autres compagnies aériennes. De fait, à travers ce partenariat, Starlink et Air France vont sans doute se lancer dans une véritable lutte au couteau afin d’explorer un minerai nouveau à savoir les données personnelles des passagers du transport aérien.
Depuis une vingtaine d’années, les origines du succès de Musk sont connues. L’entrepreneur profite d’importantes commandes et de crédits d’impôt de la part des Etats locaux et du gouvernement fédéral américain. Dans les années 2000, il mène de front deux projets que sont la voiture électrique et la conquête de l’espace. Avec des services déjà déployés dans 18 pays africains, Starlink, le fournisseur de connectivité par satellite en orbite basse, prévoit d’étendre son empreinte à 20 nouveaux marchés en 2025 et cinq supplémentaires en 2026.
Cependant, ces chiffres cachent de nombreux enjeux économiques, technologiques et géopolitiques qui méritent une analyse approfondie. Au Niger et au Bénin par exemple, les autorités ont signé un accord avec le même fournisseur qu’est Starlink dans le but d’améliorer la couverture Internet. Depuis, les tensions ne cessent de grimper entre les deux voisins pendant que Starlink continue de tisser tranquillement sa toile alors que dans le même temps, qu’on assiste à des sorties médiatiques controversées entre le Bénin et ses voisins limitrophes. Les accusations fusent de toute part qui dénoncent des complots sécuritaires, alors que que les incidents se multiplient au nord du Bénin.
Sur le plan International, le rouleau compresseur Musk rencontre aussi des critiques . En Italie par exemple, la fourniture d’un système de communication élaboré par Musk pour le compte des autorités et des forces armées en Méditerranée, rencontre les critiques des partis d’opposition de Giorgia Meloni.
Dans ce contexte trouble et incertain, Musk continue toutefois d’avancer ses pions. Au Mali par exemple, les autorités du pays avaient déploré dans un premier temps, l’utilisation des kits Starlink par des groupes armés. L’importation et la commercialisation des équipements Starlink sont toutefois de nouveau autorisées dans le pays, le temps de mettre en place un cadre réglementaire et une plateforme d’enregistrement et d’identification de l’ensemble des utilisateurs sur le territoire malien.
Entre temps, le président américain appuie sur l’accélérateur dans les négociations commerciales partout dans le monde, y compris en Afrique. À titre d’exemple, la récente instauration par l’administration Trump d’un tarif douanier minimum de 10 % sur les importations provenant de l’Afrique subsaharienne qui marque la fin, de facto, de l’AGOA. Cette décision n’a pas manqué de susciter plusieurs sorties au vitriol à l’encontre du nouveau locataire de la Maison-Blanche.
En plus du nouveau tarif douanier, c’est désormais plus de la moitié du continent qui pourrait être frappée par des mesures d’interdictions de voyage aux États-Unis.
Dans le même ordre d’idées, Trump a également annulé un décret adopté par Joe Biden en 2023, qui encadre le secteur de l’intelligence artificielle sur le plan international.
Autant d’initiatives du président américain qui ne servent pas nécessairement les ambitions africaines d’Elon Musk tant les images des deux hommes restent associées.
(1) Il s’agit de deux villes de garnison au nord du Maroc, auxquelles s’ajoute un chapelet d’îles et de pignons rocheux collés à la rive marocaine
(2) Dans le cadre de l’Examen Périodique Universel, l’auteur de l’article milite en faveur de la révision du texte de la loi portant Code du Numérique au Bénin.
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]]>En mai dernier, les Nations unies avaient alerté sur le fait que plus de 14 000 bébés mourraient de malnutrition en 48 heures si Israël continuait d’empêcher l’aide d’entrer à Gaza.
(Le 19 mai 2025, après 11 semaines de blocus total, Israël a autorisé l’entrée d’une aide limitée à Gaza. L’aide entre au compte-goutte car une fois dans l’enclave, son acheminement se heurte à des obstacles logistiques majeurs, indiquaient les services de l’Organisation des Nations unies le 13 juin 2025, ndlr).
Après que ce chiffre a été largement diffusé, ce calendrier a été reconsidéré. En effet, un porte-parole de l’ONU a apporté une clarification et indiqué que cette projection concernait les onze mois à venir.
Entre avril 2025 et mars 2026, on s’attend à 71 000 cas de malnutrition aiguë chez les enfants de moins de cinq ans, dont 14 100 cas graves.
La malnutrition aiguë sévère signifie qu’un enfant est extrêmement maigre et risque de mourir.
On estime que 17 000 femmes enceintes et allaitantes auront également besoin d’un traitement pour malnutrition aiguë pendant cette période.
La famine et la malnutrition sont nocives pour tout le monde. Mais pour les nourrissons, l’impact peut être profond et durable.
Chez les nourrissons et les jeunes enfants, la malnutrition signifie que leur taille, leur poids et leur périmètre crânien ne correspondent pas aux tableaux standard, en raison d’un manque de nutrition appropriée.
Les carences nutritionnelles sont particulièrement fréquentes chez les jeunes enfants et les femmes enceintes.
Le corps humain a besoin de 17 minéraux essentiels. Les carences en zinc, en fer et en iode sont les plus dangereuses. Elles sont liées à un risque plus élevé de décès ou de lésions cérébrales chez les nourrissons.
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Lorsque la malnutrition est aiguë à grave, les nourrissons et les jeunes enfants perdent du poids parce qu’ils ne mangent pas assez et parce qu’ils sont plus sensibles aux maladies et à la diarrhée.
Cela conduit à ce que l’on appelle l’émaciation.
Un enfant émacié a perdu beaucoup de poids ou ne parvient pas à en prendre, ce qui se traduit par un rapport poids/taille dangereusement faible.
Un manque persistant de nourriture adéquate entraîne une malnutrition chronique ou un retard de croissance, qui nuisent à la croissance et au développement de l’enfant.
Les nourrissons malnutris ont un système immunitaire affaibli. Cela les rend plus vulnérables aux infections, en raison de la taille plus petite de leurs organes et de déficits en masse maigre. La masse maigre corespond au poids du corps à l’exclusion de la graisse. Elle est cruciale pour une croissance en bonne santé, pour acquérir de la force et pour le développement global.
Quand les enfants sont affamés, ils sont davantage susceptibles de mourir de maladies courantes telles que la diarrhée et la pneumonie.
Les infections peuvent rendre plus difficile l’absorption des nutriments, ce qui crée un cycle dangereux et aggrave la malnutrition.
Le cerveau humain se développe extraordinairement rapidement au cours des 1 000 premiers jours de la vie (de la conception à l’âge de deux ans). Pendant cette période, une alimentation adéquate est essentielle.
Le cerveau en développement des enfants est plus susceptible d’être affecté par des carences nutritionnelles que celui des adultes.
Quand elle se prolonge, la malnutrition peut entraîner des changements structurels cérébraux, et notamment conduire à un cerveau plus petit et qui comporte moins de myéline – la membrane protectrice qui entoure les cellules nerveuses et aide le cerveau à envoyer des messages.
La malnutrition chronique peut affecter les fonctions et les processus cérébraux tels que la pensée, le langage, l’attention, la mémoire et la prise de décision.
Ces impacts neurologiques peuvent causer des problèmes à vie.
Oui, surtout lorsque la malnutrition survient pendant les périodes cruciales du développement du cerveau, comme les 1 000 premiers jours.
Cependant, certains effets sont réversibles. Des interventions précoces et intensives, comme l’accès à des aliments riches en nutriments et à des médicaments pour traiter l’hypoglycémie (faible taux de sucre dans le sang) ainsi que le fait de combattre les infections, peuvent aider les enfants à rattraper leur retard en matière de croissance et de développement cérébral.
Une revue d’études portant sur des enfants d’âge préscolaire sous-alimentés a par exemple révélé que leurs capacités cognitives – telles que la concentration, le raisonnement et la régulation émotionnelle – s’amélioraient quelque peu lorsqu’ils recevaient des suppléments de fer et des multivitamines.
Toutefois, la malnutrition pendant la fenêtre cruciale avant l’âge de deux ans augmente le risque de handicaps à vie.
Il est également important de noter que le rétablissement est plus probable dans un environnement où des aliments nutritifs sont disponibles et où les besoins émotionnels des enfants sont pris en charge.
À Gaza, les opérations militaires d’Israël ont détruit 94 % des infrastructures hospitalières et l’aide humanitaire reste sévèrement limitée. Les conditions nécessaires à la guérison des enfants sont donc hors de portée.
La malnutrition maternelle sévère peut augmenter le risque de décès ou de complications pendant la grossesse pour la mère et l’enfant.
Lorsqu’une mère qui allaite est mal nourrie, elle produira moins de lait et celui-ci sera de qualité inférieure. Les carences en fer, en iode et en vitamines A, D et en zinc compromettront la santé de la mère et réduiront la valeur nutritionnelle du lait maternel. Cela peut contribuer à une mauvaise croissance et affecter le développement du nourrisson.
Les mères affamées peuvent souffrir de fatigue, d’une mauvaise santé et d’une détresse psychologique, ce qui rend difficile le maintien de l’allaitement.
Les données recueillies auprès des personnes nées pendant la famine de 1944-45 aux Pays-Bas nous ont aidés à comprendre les impacts sur la santé des enfants conçus et nés pendant que leurs mères mouraient de faim.
Dans cette cohorte, la malnutrition a affecté le développement et le fonctionnement de nombreux organes chez les enfants, y compris le cœur, les poumons et les reins.
Ce groupe présentait également des taux plus élevés de schizophrénie, de dépression et d’anxiété, ainsi que des performances inférieures aux tests cognitifs.
Il présentait également un risque plus élevé de développer des maladies chroniques évolutives (telles que les maladies cardiovasculaires et l’insuffisance rénale) et de mourir prématurément.
Les enfants peuvent récupérer. Mais cela dépend de la gravité de la malnutrition dont souffre l’enfant, du moment où cela se produit et du type de prise en charge qu’il reçoit.
Il a été prouvé que les enfants restent vulnérables et courent un risque plus élevé de mourir, même après avoir été traités pour des complications de malnutrition aiguë sévère.
Les interventions efficaces comprennent :
une réadaptation nutritionnelle (qui consiste à donner à l’enfant des aliments riches en nutriments, une alimentation spécialisée et à remédier aux carences sousjacentes)
un soutien à l’allaitement maternel pour les mères
le fait de fournir des soins de réadaptation et de santé dans la communauté (afin que les familles et les enfants puissent reprendre leurs activités quotidiennes).
Cela semble difficile, voire impossible, à Gaza, où le blocus de l’aide d’Israël et les opérations militaires en cours signifient que la sécurité et les infrastructures sont gravement compromises.
Or, les épisodes répétés ou prolongés de malnutrition augmentent le risque de dommages durables concernant le développement de l’enfant.
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]]>Cet article La cohabitation entre l’armée tunisienne et Kaïs Saïed est apparu en premier sur Mondafrique.
]]>À la fin de l’ère de Ben Ali, le président tunisen entre 1987 et 2011, l’armée semblait ne pas appartenir aux appareils sécuritaires réprimant ceux qui osaient défier le pouvoir comme ce fut le cas lors de la révolte du bassin minier en 2008 ou lors de la révolution de 2011. Cette armée républicaine cultivait une forme de neutalité teintée de légutimisme. qui n’a pas fait le choix de soutenir le dictateur sans pour autant s’emparer du pouvoir. Le ministère de l’intérieur, la véritable assise du général Ben Ali, était en charge du sale boulot.
Or l’armée tunisienne est redevenue une armée arabe classique, interventionniste et répressive comme comme c’est le cas en Egypte, soupçonnée d’appuyer Kais Said dans son coup d’état et l’Algérie dont Kais Said est devenu l’obligé. L’armée n’a jamais été aussi impliquée dans l’exercice du pouvoir mêle si des sources d’information prétendent que Kais Said a voulu effectué un remaniement pour les plus hauts gradés de l’armée. La fermeté exceptionnelle dont a fait preuve le tribunal administratif, soutenu par une partie du haut commandement, dans le contentieux des candidature de la dernière Présidentielles, expliquent ce bras de fer. Une médiation algérienne aurait calmé le jeu.
Le partenariat entre Kais Said et l’armée vient de loin. L’ancien premier ministre Kamel Madouri et l’actuelle première ministre Sara Zaafrani, la nouvelle Régente de Carthage, on suivi les cours de l’académie politique de l’armée. Kais Said le premier n’est pas avare de discours élogieux envers l’armée. La simple restauration de la piscine extérieure du Belvédère à Tunis par les militaires est présentée comme une prouesse technique historique. Le développement du pays devrait beaucoup, d’après la Présidence, àla supervision de l’armée des projets civils. Les généraux se sont vus confier les prérogatives de « l’Office de Regime Maatoug pour le développement du sud et du Sahara ».
Autre nouveauté, la restauration du service militaire obligatoire pour les jeunes tunisiens.
L’armée est la seule institution capable de s’emparer du pouvoir par la force. L’article 109 de la constitution de 2022 dispose : « En cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission, d’empêchement absolu ou pour toute autre cause, le Président de la Cour constitutionnelle est alors immédiatement investi provisoirement des fonctions de Président de l’Etat pour une période allant de quarante-cinq jours au moins à quatre-vingt-dix jours au plus. ». seul souci, la cour Constitutionnelle n’a été pas constituée. L’armée reste le seul l’arbitre.
Les généraux qui prétendent être légalistes, franchiront-ils le Rubicon pour imposer un régime à l’égyptienne? Ou sera-t-elle tentée de contrôler le pouvoir derrière le rideau comme cela fut longtemps le cas du régime turc?
Un troisième scénario serait que l’armée renoue avec son rôle patriotique de rempart pour la démocratie et appuie la résurrection d’une nouvelle période de transition démocratique, malgré la désertification de l’espace public orchestrée méthodologiquement par Kais Said qui sera juste une parenthèse ou une exception.
La situation pomotique de la Tunnisie, sans être verrouillée, est proprement boquée faute d’alternative crédible.
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]]>Cet article Le Japon, le jardin secret de Jacques Chirac est apparu en premier sur Mondafrique.
]]>ll faudra dresser un jour le tableau des relations anciennes, et très particulières, nouées après 1995 entre Jacques Chirac et le Japon. Une affinité avec ce pays et sa culture, plus de 50 voyages sur place, des amitiés entretenues avec des hommes d’affaires très controversés. Le principal d’entre eux est le banquier sulfureux Shoishi Osada, croisé pour la première fois au milieu des années 70. La banque d’Osada sera mêlée à de très peu transparentes affaires immobilières et financières. Chirac fera néanmoins décorer Osada, remercié pour son entregent, de la Légion d’honneur en 1994. Le banquier sombrera plus tard dans une faillite retentissante au Japon, provoquant des inquiétudes à l’Elysée.
Shoichi Osada jouera un rôle décisif dans la découverte par Jacques Chirac des charmes pimentés du Soleil levant. “Les dirigeants japonais ont toujours coutume de se tourner vers les Etats-Unis, aimait expliquer Osada. La France représente seulement pour eux la culture, la littérature et la mode. Moi, je n’aime pas faire comme les autres”. Et le banquier d’afficher “ses amitiés françaises” : Jacques Chirac bien sûr, mais aussi Bernard Pons, Raymond Barre et même Danielle Mitterrand, qui sera introduite auprès d’Osada par les dirigeants de la secte Soka Gakkai.
Tous ont séjourné, prétend Shoichi Osada, sur l’île d’Awashima, au large de la péninsule d’Izu, où le patron de la Tokyo Sowa Bank a fait construire un des palaces les plus luxueux du Japon. Un yacht vient chercher les invités de marque au port de Numazu. Les soixante chambres de l’hôtel les accueillent dans un luxe sardanapalesque. Les murs sont revêtus de marbre venu exprès de Grèce. L’ancien ambassadeur de France au Japon et proche de Jacques Chirac, Jean-Bernard Ouvrieu, est familier des lieux (…) »
Un article du Shukan Gendai du 23 mars 1999, raconte les séjours du maire de Paris dans ce palace: “Lors d’une visite du président Chirac, M. Osada, qui le considère comme “un ami de longue date”, a fait venir la célèbre actrice S. pour le divertir. S. est une belle femme d’une cinquantaine d’années et une actrice aussi réputée que Sayuri Yoshinagga. Elle est apparue à plusieurs reprises dans des séries-fleuve de la NHK et possède un talent notoire. Très séduisante avec son visage plein et ses lèvres pulpeuses, elle compte de nombreux fans parmi les hommes d’âge mûr” » (…) »
Au delà des affaires et de la politique, le Japon est un refuge pour le fondateur du RPR, loin des regards et de la vie parisienne. Jacques Chirac ne rate pas un combat de sumos, se passionne pour les estampes, goûte la compagnie des animatrices de la vie artistique japonaise.
Jacques Chirac retrouve souvent à Tokyo une amie, Chieko Hasegawa, qui apparaît à ses côtés sur plusieurs photos (voir ci-contre). Grande, élégante, cette Japonaise aux yeux de princesse est une figure de la bonne société tokyoïte. Présidente de l’association des marchands d’art du Japon depuis 1994, Chieko Hasegawa anime avec son mari Tokushichi une des principales galeries d’art de la capitale, dans le quartier de Ginza, aussi bien spécialisée dans les Impressionnistes que dans l’art contemporain.
Parfaitement trilingue japonais, anglais et français, Mme Hasegawa a également passé beaucoup de temps à Paris où elle ouvert, dès 1973, une galerie, à deux pas de l’Elysée. L’affaire, dont elle a depuis confié la gérance à sa fille, vivote péniblement aujourd’hui.
Cette rencontre a été importante pour le futur Président : elle l’a ouvert au monde des arts japonais. S’ils sont aujourd’hui moins proches, leurs liens ne seront d’ailleurs jamais rompus. En mars 2005, lors du dernier voyage officiel de Jacques Chirac au japon, une grande réception est donnée à l’ambassade de France. Chieko Hasegawa se présente en compagnie de son mari. Contrairement aux usages nippons, très pudiques et réservés en public, Jacques Chirac embrasse son amie japonaise et serre la main de son époux.
Au Japon, Jacques Chirac a également fait la connaissance d’une ravissante artiste peintre, qui signe ses toiles pastel à l’huile du nom de Chie. Aujourd’hui âgée de 44 ans, la jeune femme au visage doux et sensible n’est pas à proprement parler une artiste majeure. Mais forte du soutien du président français, elle a réussi à exposer une fois à Paris, en 2001 à la galerie Miromesnil Fine Art, dans le quartier de l’Elysée (voir photo ci-contre). Lors de ce grand événement – il s’agissait de sa première exposition à l’étranger -, Jacques Chirac n’a pas ménagé ses efforts pour la faire connaître, envoyant même à la galerie plusieurs messages de soutien à la jeune artiste, dont la carrière internationale avait du mal à décoller.
Cette année-là, Chie profitera également de son étape dans la capitale française pour tenter sa chance au salon des artistes indépendants, un rassemblement modeste, sans jury ni récompense. Les participants doivent même payer 250 euros le droit d’exposer une œuvre.
La protégée de Jacques Chirac peine à se faire de nom à l’étranger malgré des expositions en Suède, en Suisse et même à New York, au Rockfeller Center en 2004 où des fonctionnaires de l’ONU, émus par ses toiles, fondront en larmes devant ses tableaux. C’est du moins ce qu’elle racontait sur son site internet personnel, fermé depuis la fin 2006.
Chie travaille la peinture à l’huile, sans pinceaux mais avec les doigts. La jeune artiste s’est depuis reconvertie dans la thérapie par la peinture. Ainsi, maintenant, elle travaille surtout avec les hôpitaux, les hospices et les orphelinats. Une sollicitude digne des pièces jaunes de Bernadette Chirac. » ©Les Arènes 2008
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]]>Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète) et du Moyen Orient (notamment le Liban).
Avec quelques 500000 visiteurs par mois pour le site fondé en 2014, 35000 abonnés sur Instagram et 5000 fidèles de nos pages WhatsApp , « Mondafrique » a imposé une vision pluraliste et originale en matière d’information sur le monde arabe et africain. Depuis le début des guerres en Ukraine et au Moyen Orient, nous ne nous interdisons pas d’accueillir des analyses sur les grands équilibres mondiaux qui ne peuvent pas manquer de se répercuter sur le mode africain et maghrébin.
Notre positionnement critique vis à vis des pouvoirs en place, la diversité des contributeurs du site -journalistes, diplomates, universitaires ou simples citoyens-, la volonté enfin d’apporter des informations et des analyses qui tranchent avec la reste de la presse ont été nos seules lignes de conduite.
Nous revendiquons une totale transparence. Deux hommes d’affaires et actionnaires du site, l’un mauritanien et l’autre libanais, nous permettent de disposer de ressources pour faire vivre le site. Qu’ils en soient remerciés.
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]]>Cet article L’incroyable histoire de la détention au Liban d’Hannibal Khadafi est apparu en premier sur Mondafrique.
]]>Les autorités libanaises l’ont détenu sans procès depuis son arrestation en décembre 2015, malgré des appels d’ONG telles que Human Rights Watch et de son avocat à obtenir sa libération .
Des rumeurs annonçant sa libération au début mars 2025 ont été formellement démenties par son avocat, qui a affirmé qu’aucun changement dans son statut juridique n’était intervenu depuis 2017
Bechir Jouini, chercheur
Hannibal Kadhafi, âgé de 50 ans, refuse de finir oublié dans les prisons libanaises. Le fils de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a été arrêté au Liban en décembre 2015 après avoir été enlevé par un groupe armé, dont certains membres seraient liés à l’ancien député libanais Hassan Yaacoub.
Marié à la Libanaise Aline Skaf, Hannibal est détenu depuis dix ans sans motif légal valable, selon ses avocats, tandis que la justice libanaise l’accuse de « dissimulation d’informations » – un crime passible d’une peine maximale de trois ans – dans le cadre de l’affaire de la disparition de Moussa Sadr[1], chef spirituel de la communauté chiite libanaise et fondateur du mouvement Amal[2].
Les autorités libanaises n’ont pas réussi à punir le père, Mouammar Kadhafi, mort avant la révolution contre son régime en 2011. Vont-elles se venger sur le fils ? Quoi qu’il en soit, Hannibal Kadhafi insiste sur le fait qu’il n’avait que deux ans au moment de la disparition du religieux chiite et de ses deux compagnons en 1978.
Mais pourquoi cette affaire est-elle si importante pour la Libye, mais aussi pour d’autres pays comme l’Iran, la Syrie, l’Irak et l’Italie ?
Tout commence avec la présentation du chef de la délégation tripartite, dont plusieurs parties accusent la Libye de l’avoir fait disparaître ou de l’avoir liquidé : il s’agit de l’influent religieux Moussa Sadr. Né le 4 juin 1928 dans la ville iranienne de Qom, il a grandi dans une famille de savoir et de jurisprudence. Il fut l’un des premiers clercs à allier sciences religieuses et modernes. En 1954, après avoir obtenu des diplômes universitaires en sciences modernes, il se rendit à Najaf pour approfondir ses études religieuses. C’est là qu’il rencontra le cheikh Mohammed Yaacoub, qui deviendra son compagnon le plus proche (et qui l’accompagnera dans son voyage en Libye avant de disparaître avec lui).
Par la suite, il entama son activité religieuse depuis la ville libanaise de Tyr en 1959, avant d’être élu président du Conseil islamique chiite en 1969. Ses responsabilités ne cessèrent de croître, et il parcourut tout le Liban, rassemblant les efforts autour de ce qu’il considérait comme un projet politique unificateur de toutes les confessions. Ce projet se concrétisa en 1974 avec la création du « Mouvement des déshérités », qui rassemblait des personnalités libanaises de toutes les confessions. Il tenta, en unissant ces figures, de faire face à la guerre civile libanaise qui éclata en 1975, en menant plusieurs manifestations et sit-in qui ouvrirent la voie à la mobilisation pour la création du mouvement Amal.
L’imam Moussa Sadr soutint également la cause palestinienne et la résistance, tout en s’opposant à l’installation des Palestiniens au Liban et en critiquant les exactions de certaines organisations palestiniennes dans le pays.
À la même époque, les événements au Liban étaient influencés par le régime de Mouammar Kadhafi, l’un des principaux financeurs et soutiens de la guerre civile libanaise. Moussa Sadr tenta de contenir les conséquences de cette implication libyenne en ouvrant des canaux de communication avec les autorités libyennes, d’autant plus qu’Israël avait envahi le sud du Liban, rendant cruciale l’unité face à ce nouveau défi.
Il entama alors une tournée arabe, commençant par l’Algérie, où il rencontra le président Houari Boumédiène, qui lui conseilla de se rendre auprès de Kadhafi pour obtenir son soutien et mettre fin aux agressions contre le Liban. C’est ainsi que, le 24 août 1978, l’imam reçut une invitation officielle à visiter la Libye, remise par le chargé d’affaires libyen au Liban, Mahmoud Ben Kourra. Malgré les doutes et les craintes de son entourage, il partit à la tête d’une délégation comprenant le cheikh Mohammed Yaacoub et le journaliste Abbas Badr.
Cependant, des questions entourèrent cette invitation dès l’arrivée de la délégation en Libye : aucun responsable libyen ne les accueillit officiellement, seuls l’employé Hassam Milad et Ahmed Chhati, directeur du bureau des relations extérieures, furent présents. L’imam n’eut qu’une brève rencontre de quelques minutes avec Abdallah Senoussi, chef des renseignements libyens, ce qui attisa sa colère et le poussa à demander à partir, d’autant que son épouse était hospitalisée à Paris pour traitement. Pourtant, les autorités libyennes le firent patienter cinq jours avant la mystérieuse rencontre avec Mouammar Kadhafi.
Hussein Kanan, chef du bureau politique du mouvement Amal, témoigne dans une déclaration importante que Mouammar Kadhafi aurait proposé à l’imam Moussa Sadr un soutien illimité, déclarant : « La Libye, avec ses armes et ses ressources, est à ta disposition si tu combats les Maronites. » La réponse de l’imam fut un refus catégorique, ce qui provoqua la colère de Kadhafi, mettant fin à la réunion.
Après cela, les nouvelles de l’imam Moussa Sadr et de son compagnon cessèrent. Des manifestations éclatèrent au Liban, et il devint évident que sa disparition aurait un impact profond sur le Liban et d’autres pays liés à lui. Le 17 septembre 1978, la Libye publia un communiqué affirmant que Sadr et Yaacoub étaient partis soudainement en direction de l’Italie.
C’est alors que surgirent des récits contradictoires, entre démentis, confirmations et pistes de disparition suspectes. Voici les principales versions qui ont circulé depuis cette date jusqu’à récemment :
Abd el Rahman Chalgham a indiqué que Moussa Sadr avait besoin d’un soutien financier et militaire pour le mouvement Amal. Il a rencontré le président algérien Houari Boumédiène, qui n’a pas répondu à sa demande mais lui a conseillé de se rendre en Libye, recommandant Mouammar Kadhafi à son égard. Chalgham a mentionné que les assistants de Moussa Sadr et plusieurs de ses proches avaient tenté de l’en dissuader, mais il a pris le risque de s’y rendre. La rencontre avec Kadhafi fut houleuse, les deux hommes s’opposant sur plusieurs questions religieuses.
Selon les rumeurs libanaises, la rencontre s’est mal terminée, mais l’ancien ministre libyen des Affaires étrangères s’interroge sur l’existence réelle de divergences entre Sadr et le régime de Kadhafi, rejetant cette version. Il souligne que Kadhafi se considérait comme un descendant de Moussa al-Kadhim (un imam chiite) et que Moussa Sadr n’était pas opposé aux révolutionnaires, tels que définis par le système libyen.
Chalgham minimise également une autre version rapportée par Mohammed Ramadan, conseiller spécial de Kadhafi, selon laquelle le régime aurait tué Moussa Sadr via les officiers Faraj Bougala et Bachir Hamida, puis aurait chargé l’agent des renseignements Mohammed Al-Rahibi de jouer le rôle de Sadr et de voyager à Rome avec deux accompagnateurs.
Après la révolution libyenne du 17 février 2011, plusieurs corps d’opposants au régime de Kadhafi ont été retrouvés, dont celui de Mansour El-Kikhia, ancien ministre des Affaires étrangères[3], enterré dans une villa du quartier d’Al-Andalus. L’ancien Premier ministre libyen Mahmoud Jibril aurait déclaré à Chalgham que des recherches avaient été menées dans les lieux où Sadr était supposé se trouver, sans résultat. Le ministre italien de l’Intérieur, Fabbrizio, a fourni à Chalgham un dossier complet sur Moussa Sadr. Ce dernier a proposé la création d’une commission tripartite (Libye-Liban-Italie), mais les Libanais ont refusé.
Abdessalam Jalloud, l’une des figures majeures de l’ère Kadhafi avant de prendre ses distances en 1992 (puis de soutenir la révolution en 2011), a témoigné que Kadhafi convoquait habituellement le directeur des protocoles un mois avant les célébrations du 1er septembre[4] pour organiser les invitations. En 1978, Moussa Sadr fut invité, mais Jalloud affirme ne pas avoir été informé à l’avance.
Lorsqu’il apprit la disparition, il exprima son mécontentement et demanda à Kadhafi, lors d’un appel tendu, de révéler le sort des invités libanais. Kadhafi nia toute implication. Jalloud ajoute que Kadhafi aurait choisi un agent des renseignements ressemblant à Sadr pour le remplacer lors du voyage à Rome, une manœuvre qu’il qualifie de « maladroite ». Il explique que Kadhafi répétait que « la communauté chiite ne devait pas être dirigée par un chiite perse ».
Ahmed Kadhaf al-Dam nie toute logique derrière une éventuelle liquidation de Moussa Sadr par Kadhafi. Il souligne que le leader libyen avait des divergences avec ses pairs au Conseil de la révolution, mais n’a jamais éliminé l’un d’eux. Selon lui, Sadr n’était pas en opposition avec le régime et était même proche de lui.
Il s’interroge : pourquoi l’avoir fait venir à Tripoli pour le tuer alors que la Libye avait des groupes opérant au Liban ? Il conclut que ce mystère reste entier car certains ont intérêt à en faire un prétexte pour affaiblir la Libye, en punition de son soutien au Liban, à la Palestine et aux mouvements de libération.
Lors d’une visite à Téhéran sous Khatami, le président iranien lui demanda de servir de médiateur dans l’affaire Sadr. Il proposa une commission quadripartite (Iran, Syrie, Liban, Libye), avec Mohammad Baqer Abtahi (clerc iranien), Mohammad Nassif Khairbek (conseiller sécuritaire syrien) et Jamil El-Sayyed (directeur de la sûreté libanaise). Les réunions eurent lieu à Beyrouth et Genève, mais les efforts échouèrent en raison de l’opposition de Nabih Berri, chef du Parlement libanais et d’Amal[5].
L’ancien ambassadeur a affirmé que Kadhafi avait ordonné la liquidation de Moussa Sadr en 1978. Il détient une lettre importante pour la famille de Sadr, qu’il n’a jamais pu leur transmettre.
Al-Zouï a déclaré avoir vu Moussa Sadr et sa délégation descendre de l’avion le 31 août 1978. Étonné par l’absence de couverture médiatique, il ordonna une couverture, mais les journalistes ne les trouvèrent pas à l’hôtel.
L’ambassadeur mauritanien en Libye lui aurait confirmé avoir vu Sadr à l’aéroport. Al-Zouï a également vu les tampons italiens sur le passeport de Sadr, mais nie qu’Abdallah Senoussi ait été impliqué. Selon des sources internes, c’est Moussa Koussa (ancien chef des renseignements) qui aurait joué le rôle de Sadr lors du vol Tripoli-Rome.
El-Khaddar rapporte que l’avion libyen en provenance de Rome la première semaine de septembre 1978 a été retardé de 30 minutes pour permettre à un agent des renseignements (probablement Mohammed Ali Al-Rahibi) d’embarquer. Ce dernier aurait joué le rôle de Sadr à l’hôtel Holiday Inn a Rome.
Al-Houni affirme que Sadr a été emprisonné à Tripoli, puis emmené à Syrte pour rencontrer Kadhafi. Espérant qu’il modifierait ses positions religieuses (qui avaient irrité Kadhafi), ce dernier ordonna sa liquidation lorsqu’il refusa de céder.
Younès confirme que Sadr et ses compagnons furent tués quelques jours après leur arrivée en Libye par Sabri Al-Banna (Abou Nidal)[6], qui les enterra dans son jardin.
Stefania Limenti (journaliste d’investigation) et Alessandro Politi (expert en sécurité) estiment que la version officielle libyenne n’est pas crédible. L’affaire pourrait être une opération internationale menée sur le sol italien.
Masoud a reconnu avoir gardé Moussa Sadr entre 1992 et 1994 dans une prison de Tripoli (rue Al-Nasr). Sadr bénéficiait de soins médicaux et de conditions décentes. Cependant, toute trace de lui disparut en 1995. En 2011, une inscription attribuée à Sadr fut découverte dans la prison d’Aïn Zara, confirmée par l’ancien détenu Moaz Bouhlega.
En 1978, des responsables du Département d’État américain auraient informé la famille de Sadr qu’il avait été liquidé, avant de se rétracter. Le New York Times a évoqué une rivalité entre Sadr et l’ayatollah Khomeini, ainsi que des contacts secrets entre Sadr et le Shah d’Iran.
Andrew Cooper (universitaire à Columbia) estime que Sadr aurait pu changer le visage du Moyen-Orient s’il n’avait pas disparu[7].
Le Dr. Ali Nouri Zadeh, ami personnel de Sadr et directeur d’un centre d’études spécialisé sur les affaires iraniennes à Londres, a expliqué que Sadr fut le premier à percevoir la menace que représentaient les extrémistes pour l’Iran à la fin des années 1970. Il avait engagé des contacts secrets avec le Shah Mohammad Reza Pahlavi, ce que Khomeini et son cercle ont découvert, les poussant à éliminer Sadr, considéré comme un obstacle à leurs ambitions. Cette opération fut menée en collaboration avec le régime de Kadhafi en Libye, alors en conflit avec le Shah.
Zadeh a précisé qu’il séjournait souvent chez Sadr à Beyrouth dans les années 1970 et était au courant des échanges entre ce dernier et le Shah. Une des lettres, interceptée à cause d’une trahison, serait parvenue à Khomeini au lieu du Shah, scellant le sort de Sadr. Selon Nouri Zadeh, Kadhafi n’a été qu’un exécutant dans cette affaire.
Les récits sur la fin de Sadr divergent : certains évoquent un assassinat en Libye, suivi d’un enfermement dans un cercueil en béton jeté en Méditerranée ; d’autres affirment que Kadhafi a dissous son corps dans de l’acide.
Nouri Zadeh mentionne également un sympathisant de Sadr, Moïn Zadeh, employé à l’ambassade d’Iran à Beyrouth, qui aurait remis une lettre de médiation destinée au Shah aux partisans de Khomeini (sans impliquer directement Khomeini, selon le chercheur). Parmi eux, Jalel Eddin Farsi et Mohammad Saleh al-Husseini, un Irakien d’origine iranienne, se seraient rendus en Libye pour convaincre Kadhafi de « faire disparaître » Sadr.
Enfin, Nouri Zadeh souligne que Khomeini, après la révolution, n’a jamais enquêté sur le sort de Sadr. Au contraire, des proches de Kadhafi dans l’entourage de Khomeini sont allés en Libye pour récupérer des fonds et des missiles Scud (40 unités), en échange de l’étouffement médiatique de l’affaire. Une campagne de diffamation contre Sadr a ensuite été orchestrée.
Nul doute que le dossier de Hannibal Kadhafi, fils du défunt colonel Kadhafi, détenu au Liban depuis décembre 2015, est entré dans une phase de stagnation. Plusieurs facteurs expliquent cette paralysie, notamment la situation particulière que traverse la Libye, marquée par des divisions politiques et des affrontements récurrents. À cela s’ajoutent la guerre en cours dans la bande de Gaza et au Liban, ainsi que les récents développements en Syrie.
Pourtant, Hannibal Kadhafi bénéficie d’un traitement « privilégié » dans sa cellule d’isolement, et sa famille ainsi que ses avocats lui rendent régulièrement visite. Malgré cela, Hannibal ne cesse de répéter qu’il est un « bouc émissaire, un otage et un prisonnier politique dans une affaire qui ne le concerne pas, puisqu’il n’était qu’un enfant au moment de la disparition de l’imam Moussa Sadr et de ses compagnons. »
L’organisation Human Rights Watch a qualifié sa détention d’« arrestation politique » et a maintes fois dénoncé son incarcération à Beyrouth, appelant les autorités libanaises à le libérer, d’autant plus qu’il est détenu depuis dix ans pour le seul crime de « dissimulation d’informations ». Pourtant, des déclarations du ministère libyen de la Justice avaient laissé entendre qu’il serait libéré – une information démentie par son avocat, Charbel Khoury, qui a affirmé :« La nouvelle de la libération de Hannibal Kadhafi est inexacte. »Il s’est dit surpris par la diffusion de telles informations sans confirmation officielle, précisant que la ministre libyenne de la Justice du gouvernement d’union nationale à Tripoli Halima Abderrahmane avait récemment contacté son homologue libanais. Les deux parties se sont accordées sur une coopération concernant les dossiers de la disparition de l’imam Moussa Sadr et de l’arrestation de Kadhafi, afin de trouver une issue à ces deux affaires.
Khoury a également indiqué que des démarches avaient été entreprises ces deux dernières années, notamment auprès d’organisations internationales des droits de l’homme, ainsi que par le dépôt de plusieurs mémoires juridiques prouvant l’innocence de Kadhafi. Des demandes répétées de libération sous caution ont toutefois été rejetées.
Des sources judiciaires libanaises ont révélé qu’à la fin du mois de mai 2025, elles avaient reçu une correspondance officielle du procureur général libyen Al-Sadiq Al-Sour, adressée au président du Conseil judiciaire libanais, le juge Suhail Abboud, au procureur général militaire, le juge Jamal El-Hajjar, et au juge d’instruction militaire Zaher Hammadeh.
Dans cette lettre, Al-Sour exige la libération immédiate de Hannibal Kadhafi, son extradition vers la Libye, son transfert vers un pays tiers ou son retour en Syrie, son pays d’asile. Il tient les autorités libanaises pour responsables des informations faisant état d’une détérioration de son état de santé.
Cette missive a déçu la partie libanaise, car elle intervient après des progrès tangibles dans l’enquête menée par la justice libyenne en coopération avec Hassan Chami, président du comité de suivi du dossier Sadr. Ce dernier a affirmé que Hannibal Kadhafi avait déclaré être prêt à fournir les informations demandées après sa libération et son départ du Liban – une preuve, selon Chami, qu’il détient bel et bien des éléments cruciaux dans cette affaire.
« Le système judiciaire libanais ne se discrédite-t-il pas lui-même en maintenant un homme en détention depuis dix ans sans que cela n’ait permis d’obtenir la moindre information utile à l’enquête ? », s’interrogent des observateurs.
Certains analystes estiment que des parties prenantes cherchent à instrumentaliser la détention de Hannibal Kadhafi à des fins politiques. Les espoirs reposent désormais sur le juge d’instruction militaire Zaher Hammadeh, dont on attend intégrité et transparence.
Pendant ce temps, Hannibal, incarcéré depuis dix ans à l’âge de 40 ans, vit derrière les barreaux. Il n’a aucun lien avec les agissements tyranniques de son père, et n’avait que deux ans au moment de la disparition de Sadr et de ses compagnons. Des rumeurs font même état de tentatives de le pousser au suicide…
La question se pose : le Liban, sous la présidence de Joseph Aoun, assistera-t-il à une intervention personnelle du chef de l’État pour obtenir la libération de Kadhafi ?
Quels sont les obstacles qui entravent sa libération ? (Difficulté de retirer le dossier transféré par décret gouvernemental au Conseil judiciaire ?)
De nombreux observateurs estiment que la détention de Kadhafi était avant tout un acte politique et un coup des services secrets de l’ancien régime syrien. La solution pourrait venir des canaux politiques ouverts entre Beyrouth et Damas, d’autant que sa détention prolongée ne sert en rien l’enquête principale, mais relève plutôt de la logique des milices en temps de guerre – une logique qui sape l’indépendance et l’intégrité de l’institution judiciaire. Il serait peut-être temps d’envisager une collaboration judiciaire commune, où chaque partie contribuerait à la recherche de la vérité, tout en laissant au juge d’instruction libanais une pleine liberté pour relancer la coopération avec la justice libyenne. Une idée doit prévaloir : la justice reste l’objectif suprême que tous doivent poursuivre.
[1] https://icibeyrouth.com/articles/1302465/moussa-sadr-une-vision-de-patria-libanaise-opposee-a-l-oumma-du-hezbollah
[2] https://www.lesclesdumoyenorient.com/Amal-mouvement-chiite-libanais.html
[3] https://libyaobserver.ly/news/who-mansour-al-kikhia
[4] https://security-legislation.ly/latest-laws/constitutional-declaration-of-1969/
[5] https://www.lp.gov.lb/backoffice/uploads/files/CV%20President%20%20Berry%20En(2).pdf
[6] https://2001-2009.state.gov/s/ct/rls/rpt/fto/2801.htm
[7] https://www.mei.edu/profile/andrew-scott-cooper
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