- Mondafrique https://mondafrique.com/decryptage/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Fri, 10 Oct 2025 07:36:47 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/decryptage/ 32 32 Jean-Jacques RATSIETISON: la culture du coup d’État à Madagascar  https://mondafrique.com/libre-opinion/la-culture-du-coup-detat-a-madagascar/ https://mondafrique.com/libre-opinion/la-culture-du-coup-detat-a-madagascar/#respond Fri, 10 Oct 2025 07:02:04 +0000 https://mondafrique.com/?p=140299 La GEN Z qui rassemble depuis dix jours des diraines de milliers de manifestants dans les grandes villes de Mafagascar a fait appel à toutes les forces vives de la nation pour demander la démission de Andry RAJOELINA et appelle à une grève générale. Le Président malgache crie au complot et appelle au respect de […]

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La GEN Z qui rassemble depuis dix jours des diraines de milliers de manifestants dans les grandes villes de Mafagascar a fait appel à toutes les forces vives de la nation pour demander la démission de Andry RAJOELINA et appelle à une grève générale. Le Président malgache crie au complot et appelle au respect de la démocratie. « Est- il bien placé pour cela ? », se demande notre chroniqueur alors que les manifestations massives de jeudi ont été marquées par de très nombreuses victimes en raison de la brutalité de la répression

Une chronique de Jean-Jacques RATSIETISON 
Economiste
Président de FMI MALAGASY

Il convient de rappeler que Andry RAJOELINA n’a été porté au pouvoir en 2009 que grâce à un coup d’état et il a récidivé en 2023 en réalisant 2 autres coups d’état pour accéder au pouvoir :

  1. Un coup d’état Institutionnel en 2023. Le jour de l’attribution des numéros que chaque candidat devait porter lors de l’élection présidentielle, la liste officielle des candidats transmise par la HCC à la CENI ne comportait que 12 noms et le nom de Andry Nirina Rajoelina n’y figurait pas à la grande surprise de toute la salle. Sans se démonter, la secrétaire de séance s’est empressée au vu et au su de tous les Malgaches, puisque la cérémonie était retransmise en direct par tous les médias nationaux, de rajouter le nom d’Andry Rajoelina démontrant la complicité flagrante des 2 principales Institutions en charge des élections alors que la liste était officiellement close.
    Il faut rappeler qu’une rumeur persistante faisait état de l’invalidation de la candidature de Rajoelina par la HCC dans la dernière ligne droite. Au vu des évènements, il semblerait que cela aurait bien été le cas et que des « pressions » ou des « corruptions » de dernière minute aient changé la donne sauf que la HCC aurait alors omis de mettre la liste définitive à jour des dernières tractations ? Toujours est-il que l’erreur matérielle est à exclure compte tenu du nombre limité de candidats.
  2. Un coup d’état Constitutionnel. Aux termes de l’article 46 de la Constitution Malgache, « tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malagasy…… » or Andry Rajoelina a bel et bien perdu sa nationalité Malagasy en demandant sa naturalisation Française et ne pouvait se présenter à la course à la Magistrature suprême : Rajoelina a violé la Constitution et imposé sa candidature avec l’aide des forces de l’ordre

Le mouvement GEN Z ne peut être accusé de fomenter un coup d’état en demandant le départ de Rajoelina. Il s’agit en effet de restaurer l’état de droit que Rajoelina l’usurpateur a bafoué.

Une note de l’Ambassade de France à Madagascar sévère pour le pouvoir malgache

 

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La Chine est devenu le premier partenaire stratégique du Niger https://mondafrique.com/decryptage/serie-niger-5-5-la-chine-premier-partenaire-strategique/ Tue, 07 Oct 2025 03:49:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=115835 Le 26 juillet 2023, c’est un coup d’Etat sans coup de feu qui fait tomber le Président Mohamed Bazoum, chose inédite dans le monde et même au Niger. Celui qui s’empare du Président est l’homme chargé de sa sécurité, le général Abdourahamane Tiani, qui commande la Garde Présidentielle. En ce matin de saison des pluies, […]

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Le 26 juillet 2023, c’est un coup d’Etat sans coup de feu qui fait tomber le Président Mohamed Bazoum, chose inédite dans le monde et même au Niger. Celui qui s’empare du Président est l’homme chargé de sa sécurité, le général Abdourahamane Tiani, qui commande la Garde Présidentielle. En ce matin de saison des pluies, nul ne peut encore imaginer les conséquences considérables à venir où l’on voit la place clé de la Chine dans le nouveau jeu nigérien. Pékin consolide sa position de partenaire stratégique grâce à l’exportation du pétrole brut et la promesse d’une croissance à deux chiffres, malgré la crise.

Olivier Vallée et Nathalie Prevost

Lorsque survient le coup d’Etat du 26 juillet 2023, les travaux d’achèvement de l’oléoduc le plus long d’Afrique (près de 2000 km de long) sont quasiment achevés. Le pipeline construit et financé par la Chine a coûté environ 4,5 milliards de dollars. Il doit acheminer le brut extrait à l’est du pays vers la plateforme de Sémè, au Bénin, pour exportation. Cette perspective aiguise les appétits, en particulier au sein du parti socialiste (le Parti nigérien pour la Démocratie et le Socialisme, PNDS) au pouvoir depuis douze ans. Les familles de Mahamadou Issoufou et de Mohamed Bazoum se disputent alors âprement la gouvernance et le business du pétrole.

Pourtant, lorsqu’en 2008 le Président Mamadou Tandja signe avec la Chine, après avoir retiré à l’Américaine Exxon Mobil son permis d’exploitation dont elle ne faisait rien, les opposants socialistes se gaussent de sa promesse. «Ce pétrole, c’est de l’eau !», disent-ils en riant. A l’ambassade de France, à la même époque, on se dit convaincu que ce pétrole nigérien est décidément de piètre qualité, comme pour se consoler d’avoir, comme Exxon Mobil, laissé échapper la concession. Avant d’être chinoise, Agadem avait été couchée sur un permis français, puis américain. Et elle n’a échu à la Chine que parce que ni la France, ni les Etats-Unis ne l’ont mise en valeur.  

La place que la Chine s’est construite au Niger, c’est celle-ci : le dernier recours. La diplomate Aïchatou Mindaoudou, qui a été plusieurs fois ministre de 1995 à 2010, raconte volontiers cette histoire dans les réunions internationales pour rendre justice à Pékin. Au portefeuille des Affaires étrangères de Mamadou Tandja de 1999 à 2010, elle en a été l’un des acteurs.

La solution miracle du manque d’eau à Zinder

«La Chine a toujours été présente aux côtés du Niger sur des dossiers importants pour le gouvernement d’alors: l’approvisionnement en eau de la ville de Zinder, le deuxième pont de Niamey, le pétrole qui, comme l’uranium, tenait à cœur le Président Tandja», a raconté la ministre à Mondafrique.

Le Pont de l’Amitié à Niamey

Le problème d’eau de l’ancienne capitale de l’est, région dont Mamadou Tandja était originaire, semblait insoluble. «Les partenaires nous posaient des conditions financières hors d’atteinte. Le Président y tenait beaucoup et le sujet revenait toujours sur la table du conseil des ministres. Un jour, il s’est impatienté et m’a demandé d’aller ‘voir avec les Chinois.’ Je me suis rendue à Pékin. J’ai rencontré le ministre du Développement économique juste après mon arrivée. Je lui ai transmis la demande du Président Tandja. Le ministre m’a répondu que son pays aussi, à un moment, avait fait face à ces problèmes et qu’il comprenait parfaitement la situation. Le lendemain, nous avons signé un accord de prêt sans intérêt pour financer l’approvisionnement en eau de la ville de Zinder. Pour ce faire, l’équipe chinoise est venue au Niger et a résolu le problème en raccordant la ville à une nappe phréatique qu’ils ont trouvée à 50 km de Zinder. L’année suivante, l’accord de prêt que nous avions signé a été transformé en don. La Chine a souvent eu cette attitude pragmatique dans des dossiers concernant l’amélioration des conditions de vie de nos populations. »

«En ce qui concerne le pétrole, à l’occasion d’un voyage à Washington, le Président Tandja s’est entretenu avec le directeur d’Exxon Mobil et lui a dit ceci : ‘on répète que le Niger est le pays le plus pauvre du monde. J’ai été démocratiquement élu sur la base d’un programme pour améliorer les conditions de vie des populations. Je ne peux pas accepter d’être assis sur du pétrole alors que ma population est pauvre. Je vous donne un délai d’un an pour commencer l’exploitation du pétrole nigérien. Si vous ne faites pas, je me considérerai libre de chercher d’autres partenaires.’ Et l’année suivante, le Président Tandja a envoyé une délégation en Chine pour explorer la possibilité d’exploiter le pétrole», poursuit Mme Mindaoudou.

Un maquis de sociétés chinoises

La raffinerie de Zinder

Quinze ans plus tard, c’est le domaine pétrolier qui fait, plus que jamais, l’actualité. Plusieurs entités chinoises sont désormais impliquées. La société nationale de pétrole chinoise (China National Petroleum Corporation, CNPC) est en charge de la production à Agadem et elle coiffe le raffinage confié à la joint venture sino-nigérienne SORAZ (Société de Raffinage de Zinder). La production et le raffinage ont démarré, modestement, au tout début du premier mandat de Mahamadou Issoufou. La raffinerie de Zinder, une exigence du Président Tandja, permet au Niger de produire sa consommation nationale d’essence, le surplus étant vendu dans les pays voisins. Son rendement est de 20 000 barils/j.

La découverte de réserves beaucoup plus abondantes qu’imaginé initialement a conduit par la suite le Niger à développer avec la CNPC une production de brut pour l’export. Le premier pipeline, qui reliait le site d’Agadem à Zinder, a été prolongé jusqu’au golfe de Guinée. Cette infrastructure a été construite, comme les précédentes, sur financements chinois.

La règle chinoise de non-ingérence dans les affaires intérieures politiques d’un pays tiers s’adapte au contexte et n’ignore pas l’entrelacs d’enjeux que l’accès aux ressources naturelles développe. L’épouvantail d’une implantation russe au Niger aura sans doute dissimulé l’attraction mutuelle de Pékin et de Niamey, enracinée de longue date et relancée à l’aune d’un souverainisme réinventé.

 

Pas d’interférence dans les affaires intérieures

Dès le mois de septembre 2023, l’ambassadeur de Chine au Niger transmet au Premier ministre un message de soutien de son pays et il réaffirme le principe de « non-interférence » de la Chine dans les affaires internes des autres pays. Pékin entend aussi préserver ses intérêts, sans déconnecter sa coopération avec le Niger de son passé.

Après des retards liés au coup d’Etat et au blocage de la frontière avec le Bénin dans le cadre des lourdes sanctions imposées par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, les travaux du pipeline ont pu être achevés et le pétrole injecté à l’intérieur. Le premier tanker et son chargement d’un million de barils ont quitté le port de Sémè le 19 mai. C’est le seul à ce jour, suite à de nombreux épisodes de tension entre Niamey et Cotonou qui ont finalement abouti à l’arrêt de la production. La Chine s’est activée pour tenter de régler le différend. Si la crise n’est pas encore résorbée, elle semble toutefois en voie de règlement. Au-delà de leurs intérêts respectifs, le Niger et le Bénin ne peuvent pas se permettre indéfiniment l’inertie, au risque de perdre leur crédit auprès de la grande puissance chinoise.

Signature à Niamey de l’accord sur la commercialisation du brut, en présence du Premier ministre du Niger

Pékin a également permis au Niger de desserrer l’étau financier résultant des sanctions de la Communauté ouest-africaine. En avril 2024, le Premier ministre Lamine Zeine a négocié directement avec la CNPC une avance sur la part du pétrole revenant à Niamey. La société chinoise a ainsi accordé un prêt de 400 millions de dollars au Niger décidé à lever les hypothèques que les partenaires occidentaux continuaient à poser. Lamine Zeine a transformé l’avance chinoise en un quasi-programme financier de substitution à un accord avec le Fonds monétaire international. Avec Zhou Zuokun, le président de la CNPC, il a signé à Niamey un accord sur la « commercialisation conjointe de pétrole brut » par lequel le Niger confie la commercialisation de sa part à son grand partenaire.

Le Niger remboursera l’avance grâce aux recettes du brut à venir, sur douze mois, avec un taux d’intérêt de 7%. Il s’agit de conditions de financement légèrement au-dessus du marché et en aucun cas d’une aide publique au développement. « Sur les 90 000 barils produits par jour qui seront acheminés vers l’Atlantique via le Bénin, le Niger touchera 25,4% des recettes, soit celles de 22 860 barils par jour », a précisé le général Abdourahamane Tiani, chef du régime militaire au pouvoir, dans une interview télévisée, révélant les termes de l’accord sur la répartition des bénéfices.

L’avance chinoise n’est pas destinée prioritairement à la trésorerie de l’État. Le Premier ministre nigérien a assuré que ces fonds seront dédiés à la défense et à la sécurité du pays, au remboursement de la dette du Niger sur le marché régional des titres publics et à des investissements dans le domaine du développement agricole et de l’offre médicale. Une fois de plus, Pékin démontre sa capacité d’intervention décisive et rapide, dans un contexte apparemment bloqué.

Le fusil et la diplomatie

Début juin 2024, le ministre nigérien de la Défense, le général Salifou Modi, s’est rendu en Chine en vue d’y dessiner un large partenariat stratégique débordant les questions sécuritaires qu’il pilote d’habitude et correspondant aux trois priorités du gouvernement : défense, agriculture et santé. Sur ces trois questions, le Niger espère que le partenaire chinois fera mieux que ses prédécesseurs européens et américains.

C’est ainsi, rapporte la télévision nationale, que le général Modi a pu mener des entretiens bilatéraux et visiter des industries de la défense et du secteur du pétrole et se rendre au camp de production agricole et de construction de Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine.

Visite de Salifou Modi en Chine

Au ministère des Affaires étrangères, la délégation nigérienne a été reçue par le vice-ministre chargé de l’Afrique, Chen Xiadong. A nouveau, le renforcement « de la coopération multisectorielle » a été souhaité, le Chinois saluant et félicitant « les efforts du gouvernement nigérien pour les initiatives développées pour briser l’isolement et le blocus imposés au Niger au lendemain de l’avènement du CNSP au pouvoir. » 

Salifou Modi a ensuite enchaîné sur une série de visites des industries de production de la défense et du pétrole, retrouvant ses préoccupations habituelles.  

Plus étonnant, la délégation nigérienne s’est rendue dans le nord-ouest de la Chine, à Urumqi, où elle a rencontré, le 5 juin, la 8e division du corps d’armée de production agricole et de construction de Xinjiang. Le Xinjiang, région désertique du nord-ouest, est le berceau des Ouigours musulmans. En 1954, la Chine y a créé une unité paramilitaire, le Corps de production et de construction du Xinjiang, souvent appelé Bingtuan, dans la tradition des soldats agriculteurs des frontières. Au fil du temps, les régiments agricoles ont étendu leurs activités agricoles, industrielles et de soutien logistique, notamment par de grandes campagnes de  défrichement, allant jusqu’à occuper plus de deux millions de personnes. Cette expérience pourrait-elle être répliquée aux zones frontalières exposées aux assauts djihadistes ? 

Certains observateurs, pas toujours bien intentionnés, ont estimé que l’exportation de pétrole via l’oléoduc était la ligne de vie du Niger. Certes, c’est une ressource appréciable mais il ne faut pas exclure que la Chine, au-delà de l’image bienfaisante d’amie de la paix, compte poursuivre la relation avec le Niger dans plusieurs autres domaines, car les 100 000 barils par jour du Niger comptent peu dans la masse de l’approvisionnement pétrolier chinois.

Le dragon chinois a réussi à passer en dessous des radars de nombreuses institutions sauf peut-être de l’ambassade américaine de Niamey qui, en 2020, comptait la Chine comme le deuxième investisseur extérieur au Niger. En effet, si le pétrole attire l’attention aujourd’hui, l’uranium mobilise la Chine depuis longtemps.

La saga nucléaire

En 2007, la société d’État China National Nuclear Corporation (CNNC) scelle un partenariat avec le gouvernement nigérien pour développer la mine d’uranium d’Azelik, dans le nord du pays. Après un début d’exploitation, le projet est stoppé suite à la catastrophe de Fukushima et la chute des cours du minerai. En juillet 2023, China Nuclear International Uranium Corporation accepte de reprendre l’exploitation de la mine au profit de l’industrie nucléaire chinoise. Pour l’instant, le port d’évacuation du métal fissile serait au Bénin. Une raison de plus de ne pas compromettre la relation avec Cotonou.

Il plait à la diplomatie chinoise de voir reconnu son rôle de médiateur neutre en face de la menace et de l’agressivité européennes. Mais il s’agit aussi de ne pas mettre en péril une stratégie de l’uranium déployée depuis 1990. Il ne fut pas aisé pour China National Nuclear Corporation (CNNC) d’arracher la mine d’Azelik en 2007, du temps de la suprématie d’Areva sur la région.

En janvier 2008, alors que l’uranium va mal, la Chine devient le partenaire de référence pour le pétrole du Niger. C’est PetroChina qui va extraire le pétrole régi par un contrat de partage de production (CPP) avec la partie nigérienne. Dans le cadre global de ce partenariat entre les deux pays, la raffinerie de Zinder est construite à la demande du président Tandja, à 460 kilomètres du gisement pétrolier. Un premier oléoduc voit le jour. En 2019, PetroChina signe un accord avec l’État du Niger pour la réalisation du pipeline géré et édifié par WAPCO. Avant même la sortie du brut par le Bénin, grâce à la raffinerie, le Niger était devenu un pays exportateur de produits pétroliers et de gaz liquéfié, en particulier vers son voisin nigérian, tandis que Zinder bénéficiait de la centrale électrique construite par les Chinois.

Le réacteur ?

Les montants investis directement par la Chine comme ceux prêtés par diverses entités des secteurs de l’uranium et des hydrocarbures sont très élevés. La patience de la Chine avec les précédents gouvernements du Niger en matière de gestion et de remboursement reflète sa constance dans la conduite d’une stratégie à bas bruit. En 2022, plus d’une trentaine de permis d’exploration et d’exploitation de mines d’uranium avaient été accordés par le gouvernement de Mohamed Bazoum. La nouvelle équipe au pouvoir depuis juillet 2023 entend les redistribuer à ceux qui ont su apporter leur soutien dans le passé et qui, à présent, partagent l’avenir. Malgré les annonces du Russe Rosatom, il semble bien que la Chine sera la première bénéficiaire des licences minières, y compris pour le lithium et d’autres minerais rares.

Loin d’avoir été ébranlée par le coup d’État, la présence chinoise semble chercher à Niamey un centre de gravité entre sécurité des investissements et rayonnement sur la région. 

Seyni Kountché lors d’une visite en Chine

Les relations entre la Chine et le Niger remontent au régime d’exception du colonel Seyni Kountché, en 1974. Elles n’ont été interrompues que suite à la reconnaissance de Taïwan par le gouvernement de transition de Cheiffou Amadou, après la Conférence nationale. Le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères de ce gouvernement était Mohamed Bazoum. Quand les relations avec la Chine ont repris, avec l’élection de Mamadou Tandja, en 1999, «le Président a renoué tout simplement pour rester dans la continuité de la position nigérienne, comme il nous a instruit de le faire sur le Sahara occidental», explique Aïchatou Mindaoudou.

Au coeur des turbulences du grand jeu mondial au Sahel, la Chine incarne ainsi pour le Niger un pôle de stabilité rassurant, y compris en tant que grande puissance siégeant au Conseil de sécurité.

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Notre video Maroc, la colère gronde https://mondafrique.com/video/maroc-un-rapport-officiel-au-secours-des-jeunes-contestataires/ https://mondafrique.com/video/maroc-un-rapport-officiel-au-secours-des-jeunes-contestataires/#respond Mon, 06 Oct 2025 15:06:41 +0000 https://mondafrique.com/?p=140048 Le rapport annuel 2024 du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), adopté le 26 juin 2025 et rendu public fin septembre, agit comme un miroir tendu aux protestations de la Génération Z. Les revendications scandées dans la rue – emploi, dignité, justice sociale, avenir – trouvent un écho presque mot pour mot dans ce document […]

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Le rapport annuel 2024 du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), adopté le 26 juin 2025 et rendu public fin septembre, agit comme un miroir tendu aux protestations de la Génération Z. Les revendications scandées dans la rue – emploi, dignité, justice sociale, avenir – trouvent un écho presque mot pour mot dans ce document officiel.

Le CESE met en avant un chômage des jeunes qui atteint 36,7 %, et grimpe à 48 % en milieu urbain. Pire encore, 61 % des diplômés du supérieur de 15 à 24 ans sont sans emploi, et 73 % des jeunes chômeurs n’ont jamais travaillé. À ces chiffres s’ajoute un quart de jeunes en situation de NEETs – ni en emploi, ni en études, ni en formation – avec un record de 37 % chez les jeunes femmes.

Cette impasse économique nourrit une crise sociale et psychologique. Le rapport établit un lien direct entre chômage prolongé, troubles anxiodépressifs et risque suicidaire. Il souligne aussi la tentation massive de l’émigration : plus d’un jeune sur deux (55 %) de 18 à 29 ans a envisagé de quitter le pays, principalement pour des raisons économiques et éducatives.

Face à ces constats, le gouvernement met en avant ses programmes – Awrach, Forsa, Intelaka, ANAPEC – mais le CESE lui-même dénonce leur dispersion et leur manque d’efficacité. Cette contradiction alimente la défiance d’une jeunesse qui, voyant ses perspectives bouchées, choisit désormais la rue comme exutoire.

Entre les statistiques froides du rapport et les slogans brûlants des manifestations, une convergence apparaît : le Maroc court le risque de voir sa fenêtre démographique se refermer inexploité d’ici 2040. La jeunesse, censée être le moteur du développement, se transforme en symbole de colère et d’exil. Si rien n’est entrepris, le cri de la Gen Z ne sera pas un simple épisode, mais le symptôme durable d’une crise nationale.

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Après la reconnaissance de la Palestine, celle de l’Azawad pourrait s’imposer ! https://mondafrique.com/a-la-une/apres-la-reconnaissance-de-la-palestine-celle-de-la-lazawad-simposerait/ https://mondafrique.com/a-la-une/apres-la-reconnaissance-de-la-palestine-celle-de-la-lazawad-simposerait/#respond Sat, 04 Oct 2025 04:05:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=139851 Le Front de Libération de l’Azawad (FLA), nouvelle dénomination de la coalition indépendantiste du nord du Mali, a officiellement écrit le 19 septembre au secrétaire général des Nations unies pour demander «la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple de l’Azawad», qui «continue de subir marginalisation, violences et tentatives d’effacement identitaire.»  Surfant sur les annonces […]

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Le Front de Libération de l’Azawad (FLA), nouvelle dénomination de la coalition indépendantiste du nord du Mali, a officiellement écrit le 19 septembre au secrétaire général des Nations unies pour demander «la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple de l’Azawad», qui «continue de subir marginalisation, violences et tentatives d’effacement identitaire.» 

Surfant sur les annonces simultanées de reconnaissance de la Palestine à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU, les responsables du mouvement touareg et maure du nord du Mali, poussent les feux d’une offensive politique internationale qui s’est également traduite par une campagne de communication tous azimuts.

La lettre officielle invoque les instruments juridiques universels, onusiens et africains proclamant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (Charte des Nations unies, 1945, déclaration universelle des droits de l’Homme, Résolution 1514 de l’Assemblée générale de l’ONU sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, Résolution 2625 sur les principes du droit international relatifs aux relations amicales, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Acte constitutif de l’Union africaine.)

«Depuis l’indépendance du Mali en 1960, l’Azawad a été livré à des régimes hostiles qui ont instauré une politique d’exclusion et de répression, transformant notre territoire en champ de guerre permanent. Ces violations systématiques – perpétrées parfois avec le soutien de puissances étrangères – constituent une atteinte flagrante aux principes fondateurs des Nations unies et de l’Union africaine», écrit le signataire de la correspondance, Abdoul Karim Ag Matafa, le chargé de l’administration et des bureaux régionaux du FLA.

«Une décolonisation inachevée»

Reprenant l’un des arguments souvent développé par les militants, qui estiment que leur problème remonte à l’indépendance octroyée par la France au Mali à leurs dépens, Ag Matafa affirme que «la situation de l’Azawad (est) une question de décolonisation inachevée relevant de la compétence de l’ONU.» Il demande donc au secrétaire général de «mettre en place une mission spéciale chargée de la protection des populations civiles et de l’examen de la situation des droits humains  dans l’Azawad» et d’initier «un processus international permettant au peuple de l’Azawad d’exercer librement son droit à l’autodétermination dans ses frontières historiques d’avant la colonisation française (1893).»

Pour le FLA, la région a été «injustement rattaché(e) au Mali, sans consultation de (sa) population, en violation du principe de libre détermination des peuples consacré par l’article 1 de la Charte des Nations unies (1945) et confirmé par l’article 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966).» La responsabilité de la France, l’ancienne puissance coloniale, est mise en cause dans ces événements.

Dans une déclaration publiée quelques jours plus tard, le 23 septembre, le même signataire a salué «le courage de la communauté internationale, en particulier celui des pays européens – à leur tête la France – qui ont reconnu l’État de Palestine lorsqu’ils ont compris qu’Israël menait une politique d’extermination et d’annexion coloniale». Il a également mentionné l’Algérie «qui demeure fidèle à son engagement constant pour la cause palestinienne» et qui est l’un des soutiens – bien qu’ambigu – des Touareg du nord dans leur guerre contre Bamako.

«La cause de l’Azawad est similaire à celle de la Palestine : un peuple privé de son droit à exister, confronté à la violence d’un État oppresseur et à l’indifférence du monde», insiste le FLA dans sa lettre ouverte.

Une crise inextricable

Depuis 1963, plusieurs épisodes de tension et des rébellions se sont succédé dans le nord du Mali, à partir de Kidal et dans toutes les grandes régions qui composent ce que les indépendantistes appellent l’Azawad (pâturage en tamachek), qui s’étire sur presque les deux-tiers du Mali, jusqu’aux frontières de l’Algérie au nord, du Niger à l’est et de la Mauritanie à l’ouest.

Les différents accords de paix conclus ces dernières décennies n’ont pas permis de ramener la paix au Mali, contrairement au Niger voisin, dont les ex-rebelles ont rejoint l’administration et les élites politiques du pays. La situation s’est nettement aggravée avec l’arrivée des nouveaux acteurs djihadistes dans les années 2000, qui ont progressivement marginalisé les combattants touareg.  L’échec des accords pour la paix et la réconciliation dits d’Alger, signés en 2015 sous la houlette de l’Algérie, a consacré la reprise du conflit, qui a conduit en décembre à la chute de Kidal et au retour de l’armée malienne, accompagnée de ses supplétifs russes, dans tout le septentrion. De nombreuses exécutions sommaires, destructions de campements et de bétail et meurtres de civils ont été enregistrés depuis lors, dans le cadre de ce qui apparaît comme une volonté, a minima, de terroriser les populations et peut-être même de les faire partir.

Les dernières sorties du FLA s’inscrivent dans un moment délicat pour le mouvement, qui a dû sceller un pacte de non agression avec ses rivaux djihadistes dont les capacités militaires lui sont nettement supérieures. Ses soutiens occidentaux traditionnels restent timides, même si un appui ponctuel de la France et de l’Ukraine a pu être observé, notamment sous la forme d’un appui en formation à l’utilisation de drones artisanaux. Les tensions entre l’Algérie et le Maroc, l’Algérie et l’Alliance des Etats du Sahel (AES), la même AES et ses voisins d’Afrique de l’Ouest, le recul de l’Europe dans la région et le dégagisme anti-français rendent la situation diplomatique et politique de la région inextricable.

 

 

 

 

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Ces arrivistes sans états d’âme devenus l’ossature du régime centrafricain https://mondafrique.com/decryptage/ces-militaires-pervertis-devenus-lossature-du-regime-centrafricain/ https://mondafrique.com/decryptage/ces-militaires-pervertis-devenus-lossature-du-regime-centrafricain/#respond Wed, 01 Oct 2025 18:48:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=139530 Des hauts gradés peu formés aux trajectoires remarquables, des juristes pervertis, des hommes d’affaires corrompus ou des conseillers de l’ombre constituent le coeur du régime centrafricain en symbiose avec le pouvoir exécutif. Soit un système informel où les hauts responsables « de confiance » sont promus pour garantir leur loyauté à l’égard du  président Touadera. […]

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Des hauts gradés peu formés aux trajectoires remarquables, des juristes pervertis, des hommes d’affaires corrompus ou des conseillers de l’ombre constituent le coeur du régime centrafricain en symbiose avec le pouvoir exécutif. Soit un système informel où les hauts responsables « de confiance » sont promus pour garantir leur loyauté à l’égard du  président Touadera.
 
L’influence croissante de ces réseaux internes ont créé un terreau propice à ces promotions « hors-cadre », au détriment de la crédibilité de l’institution militaire, de la stabilité des rouages du système politique centrafricain et de l’indépendance de la Présidence face aux miliciens étrangers (Russie, Rwanda…).
 

Le Colonel Jules Wananga, l’homme des basses oeuvres

 
Ce haut gradé est un élément tapi dans l’ombre d’un appareil sécuritaire où la garde présidentielle joue le rôle du verrou ultime d’un régime sans autre ossature que celle de forces répressives incontrolées
 
 
Peu de Centrafricains connaissent son visage, mais dans les cercles sécuritaires de la capitale, son nom inspire méfiance et crainte. Le colonel Jules Wananga est l’un des piliers de la garde présidentielle, un officier dont l’ascension est intimement liée à celle du président Faustin-Archange Touadéra, qui l’a promu lorsqu’il était Premier Ministre de Bozizé
 
À l’origine, Wananga était gendarme. Il a intégré assez tôt les rangs du Groupement spécial chargé de la protection républicaine (GSPR), l’unité d’élite chargée de la sécurité du chef de l’État. D’abord simple garde rapproché, il s’est imposé par sa loyauté et sa capacité à naviguer dans les arcanes du pouvoir. 
 
Le colonel Wananga dirige l’unité de la garde présidentielle affectée spécifiquement à la résidence privée de M. Touadéra. Cette unité est chargée de la sécurité spéciale et de la protection rapprochée du président et de sa résidence. Elle opère principalement à Bangui et dans ses environs, y compris à Damara, ville natale de Touadéra, mais peut être déployée pour des opérations spéciales en dehors de la capitale. Elle joue le rôle de police privée du président, qualifiée par certains témoins de « Gestapo du régime ».

Une force tribale

 
Cette unité est considérée comme la plus tribalisée des unités de la garde présidentielle, composée majoritairement de membres Ngbaka-Mandja. Plus largement, Wananga joue un rôle clé dans le recrutement ciblé de jeunes Ngbaka-Mandja dans l’armée, afin de constituer une force privée fidèle au président. Initialement, cette unité de Wananga relevait du général Alfred Service, dit Lapadjo. Mais la relation entre les deux hommes était mauvaise et Wananga après avoir contribué à l’évincer ne reçoit rapidement plus que ses ordres de Touadéra lui-même et de Dmitri Perfilev, représentant du groupe Wagner en RCA. Deux autres figures du régime en place, Piri et Bireau — tous deux parents de Touadéra Ngbaka-Mandja — exercent eux-mêmes une influence sur son unité.
 
Wananga a joué un rôle central dans des missions de ratissage visant à cibler et éliminer des membres de la communauté Gbaya à Bangui, dans le cadre de la contre-offensive contre la Coalition des patriotes pour le changement (CPC). Il a également supervisé la distribution d’armes à des milices locales, vues opérant aux côtés de la garde présidentielle.
 
Parmi ces groupes, figuraient des milices anti-balaka (1) dirigées par Thierry Lébéné, dit « Douze Puissance », Marius Dimba, dit « Chef de Terre », Alias Ozaguin ou encore Yarkopa. Ce mélange d’éléments du GSPR et de miliciens — parfois vêtus d’uniformes officiels — était communément appelé « les Requins ».
 
Bien que Igor Sérégaza soit aujourd’hui directeur général du GSPR, Wananga reste le véritable chef opérationnel. Toujours en poste, Wananga conserve une influence intacte dans le premier cercle sécuritaire du régime en place…
 
(1) Après le renversement du président François Bozizé en mars 2013 par la coalition rebelle appelée Séléka, qui était largement à dominante musulmane, des tensions fortes sont apparues entre communautés chrétiennes/animistes et musulmanes. Les Anti-Balaka se sont formés pour riposter aux exactions attribuées à la Séléka.

Rodolphe Héritier Bonheur Doneng Wanzoumon, le fondateur de la milice « les Requins »

Rodolphe Héritier Bonheur Doneng Wanzoumon, né à Bangui en décembre 1989, incarne l’une des dérives les plus inquiétantes du régime Touadéra : l’ascension fulgurante d’un chef milicien devenu ministre, protégé par les plus hautes sphères du pouvoir.

Issu d’une famille de l’Ouham, formé dans plusieurs universités africaines et russes, il a d’abord fait carrière au ministère de la Jeunesse et des Sports avant d’accéder à des fonctions ministérielles. Mais derrière ce parcours officiel se cache une réalité autrement plus sombre : Doneng est le fondateur de la milice « Les Requins », tristement célèbre pour ses méthodes de terreur (2). Cette formation paramilitaire, financée et couverte par le régime, a systématiquement réprimé l’opposition démocratique, empêché des manifestations pacifiques et instauré un climat de peur dans la capitale.

Crimes et exactions : un dossier accablant

Les accusations qui pèsent sur Doneng sont d’une gravité extrême :

  • Meurtres et exécutions extrajudiciaires : incendie criminel ayant coûté la vie à la présidente des femmes juristes centrafricaines et à ses deux enfants ; actes de torture et de séquestration à Bangui.
  • Violences politiques : intimidations, agressions physiques, entraves à la liberté de réunion et usage de la force contre des rassemblements pacifiques.
  • Manipulation institutionnelle : recours abusif devant la Cour constitutionnelle en 2022, dénoncé comme une tentative de manipulation juridique pour prolonger le pouvoir présidentiel.
  • Abus de pouvoir et corruption : détournements massifs de fonds publics au ministère de la Jeunesse, usurpation de fonctions et usage illégal de la force.

Ces faits malgré leur extrême gravité restent aujourd’hui impunis.

Gouvernance et intimidation

Malgré la gravité des accusations, Doneng a bénéficié d’une protection politique et diplomatique sans faille. Ses liens étroits avec le régime Touadéra et ses relais internationaux, notamment russes, lui ont permis d’échapper à toute poursuite nationale. Pire encore, il a été récompensé par des postes ministériels et des privilèges diplomatiques, envoyant un signal glaçant : dans la Centrafrique actuelle, la violence milicienne peut mener aux plus hautes fonctions de l’État. Cette impunité organisée mine les institutions, décrédibilise la justice nationale et alimente un cycle de terreur.

(2) Depuis le début des hostilités entre forces gouvernementales et groupes armés, ces « requins », qui s’affirment pro-Touadéra, effectuent des « patrouilles » nocturnes dans les rues de la capitale centrafricaine. Lourdement armés, visages encagoulés, ces miliciens sillonnent la ville à bord de véhicules sans plaque d’immatriculation ni sigle distinctif.

Le général Freddy Johnson Sakama, le bras droit du chef des armées

 
Général de division et sous-chef d’état-major chargé « des opérations », un terme vague qui désigne un poste clé, Freddy Johnson Sakama, sous-chef d’état-major chargé des opérations des forces armées (FACA), reçoit ses ordres du général Zéphirin Mamadou, le patron des FACA
 
 
Ancien enfant de troupe à l’École Militaire Préparatoire Technique (EMPT) de Bingerville, Sakama a commencé sa carrière comme simple soldat, sans passer par les écoles militaires traditionnelles. Selon plusieurs rapports internes, il n’a jamais achevé les cursus de formation à Bangui ni à l’École de guerre. Sakama a été propulsé pourtant colonel en 2018, général en 2020, puis général de division en août 2021, sans véritable fait d’armes ou expérience de commandement sur le terrain. Malgré les critiques, Freddy Johnson Sakama joue un rôle clé dans la restructuration des FACA.
 
Freddy Johnson Sakama, Zéphirin Mamadou, chef d’état-major des armées et Eugène Omokozoyen, le chef du renseignement militaire des FACA sont les trois officiers des plus influents au sein de la chaîne de commandement militaire des FACA. Sakama est l’un des principaux artisans de la Stratégie nationale de défense adoptée en octobre 2024. Ce plan ambitieux visait à transformer l’armée en une force de garnison mieux répartie sur le territoire et dotée d’infrastructures adaptées. Il pilote également la coopération régionale avec le Tchad, dans le cadre de la Force Mixte de Sécurisation de la Frontière Commune. 
 
C’est lors de la déroute militaire à Sikikédé, en février 2023, que Sakama s’est retrouvé sous les feux des projecteurs. Accusé d’erreurs de commandement, il a rejeté la responsabilité sur les mercenaires russes de Wagner, affirmant qu’ils avaient désorganisé les troupes FACA en les dispersant en petits groupes vulnérables. Wagner, en retour, a pointé du doigt le manque de discipline et de courage des soldats centrafricains. Cette passe d’armes a mis en lumière les tensions entre les forces nationales et leurs partenaires étrangers, tout en ravivant les critiques sur la compétence réelle de Sakama.

Gabriel Ngakoutou Patassé, la boite noire du renseignement

 
Neveu de l’ancien président Ange-Félix Patassé, Gabriel Ngakoutou Patassé bénéficie dès son jeune âge d’un nom de famille prestigieux, qui lui ouvre des portes malgré un parcours scolaire difficile. Envoyé à l’école militaire des enfants de troupes de Saint-Louis au Sénégal, il échoue rapidement—expulsé en classe de quatrième pour faiblesse académique. Toutefois, l’influence de son oncle lui permet d’intégrer en 2001 l’école des officiers au Togo, étape décisive pour la suite de sa carrière militaire.
 
 
Lors du coup d’État de François Bozizé en 2003, Gabriel Patassé fait le choix singulier de rester à l’étranger, alors que de nombreux collègues retournent en Centrafrique pour tenter de sauver ou rebâtir leur avenir professionnel. À son retour, il gravit rapidement les échelons militaires, atteignant le grade de lieutenant-colonel, se distinguant de ses anciens camarades restés à des niveaux inférieurs.
 
Sous la présidence de Faustin-Archange Touadéra, il est nommé chef du bataillon d’appui des FACA. Ce poste stratégique, basé au camp Sapeur Pompier à Bangui, fait de lui un acteur central du renseignement militaire. L’unité qu’il dirige collecte des informations sur les personnes soupçonnées de soutenir la CPC (Coalition des Patriotes pour le Changement), traque les ennemis de la Russie et du pouvoir en place et tente de déjouer les infiltrations de combattants rebelles dans la capitale.
 
Sa gestion, toutefois, est autoritaire et opaque : Patassé instaure une véritable mafia militaire à Bangui, abusant de son pouvoir, sombrant dans la consommation de drogues et adoptant des comportements violents. Il participe à des activités criminelles au sein de la milice informelle présidentielle, les Requins, tristement célèbre pour ses méthodes brutales.
 
Gabriel Ngakoutou Patassé se trouve au centre de réseaux mêlant militaires, mercenaires russes du Groupe Wagner, opérateurs du BIT7 et membres de la GSPR, créant une confusion sur les attributions exactes de ces structures et leurs chaînes de commandement. Sous son autorité, on retrouve des éléments initialement recrutés par Mohamed Rahama (« LT ») et Douze Puissance, confirmant le rôle opérationnel de son unité dans les opérations conjointes avec Wagner…
 
Son ascension fulgurante, son absence de formation aboutie, ses liens étroits avec le Groupe Wagner et son implication dans des exactions graves (torture, extorsion, exécutions extrajudiciaires) soulèvent de sérieuses interrogations sur les dynamiques de pouvoir en République centrafricaine. 
 

Théophile Igor Wallot Makpanga, ce lieutenant-colonel interlocuteur clé des mercenaires russes

L’ascension fulgurante de Théophile Igor Wallot Makpanga, ses liens étroits avec le Groupe Wagner et son implication dans des exactions très graves (torture, extorsion, exécutions extrajudiciaires) soulèvent de sérieuses interrogations sur les dynamiques de pouvoir en République centrafricaine.

 

L'unité spéciale de Théophile Igor Wallot Makpanga
L’unité spéciale de Théophile Igor Wallot Makpanga
 
Théophile Igor Wallot Makpanga est né dans les années 1980 en République centrafricaine, dans une famille à tradition militaire. Il effectue ses premières études à Bangui, jusqu’à une Licence en Gestion des Ressources Humaines (GRH) à l’Université de Bangui puis rejoint une formation à l’École Militaire des Enfants de Troupe Georges Bangui (EMET/GB).
 
Enfant de troupe au tournant des années 2000, Wallot Makpanga quitte le pays en pleine crise sous le régime du président Ange-Félix Patassé. Il revient en 2003, grâce à l’intervention de son beau-frère, l’officier Lengbé, à l’arrivée du général François Bozizé au pouvoir. Ce dernier lui facilite l’accès au grade de sergent, puis l’aide à gravir les échelons jusqu’à celui d’adjudant. Avant une formation de six mois en Chine, il reçoit un grade de sous-lieutenant, qui sera confirmé à son retour, le propulsant officiellement dans le corps des officiers.
 
Sa carrière prend un tournant plus sombre lorsqu’il commence à manipuler l’appareil militaire à son avantage : dénonciations internes, accusations montées de toutes pièces, y compris contre le chef d’état-major, lui permettent de grimper rapidement dans la hiérarchie sous le régime du président Faustin-Archange Touadéra.
À partir de 2020, Makpanga prend le commandement du BIT6, une unité des forces spéciales placée sous l’autorité du Groupement de sécurité présidentielle (GSPR) où il reçoit ses ordres de l’entourage présidentiel et de responsables intermédiaires du Groupe Wagner (Perfilev) pour coordonner des opérations de « nettoyage » dans des villages gbaya et peuls. Le BIT6 est impliqué dans le massacre de Boyo en décembre 2021.

 

Mathias Barthélemy Morouba, rouage central d’un système électoral truqué 

 
Dans une République Centrafricaine en quête de transparence démocratique, le nom de Mathias Barthélemy Morouba cristallise les tensions entre légalité institutionnelle et loyauté politique. Docteur en droit, avocat au barreau de Bangui, ancien président de l’Observatoire Centrafricain des Droits de l’Homme, Morouba incarnait autrefois une figure de rigueur juridique et de défense des libertés. Mais depuis sa nomination à la tête de l’Autorité Nationale des Élections (ANE) en décembre 2020, son parcours soulève des interrogations majeures sur l’indépendance des institutions électorales et leur instrumentalisation par le pouvoir exécutif.
 
 
 
 
Morouba n’est pas un novice du droit ni des arcanes du pouvoir. Sa carrière d’avocat, marquée par des collaborations avec la CPI et la Cour pénale spéciale, lui confère une légitimité technique indéniable. Mais c’est son rôle dans les processus électoraux — en République Centrafricaine (RCA) et à l’international — qui l’a propulsé au cœur du dispositif politique. Sa présidence du RECEF depuis 2024 renforce son image d’expert francophone, tout en masquant les controverses internes qui entachent son mandat à la tète de l’Autorité Nationale des Élections (ANE) (3).
 
La désignation de Morouba à la tête de l’ANE n’est pas le fruit d’un consensus républicain, mais d’un appui stratégique : celui de Sani Yalo, homme d’affaires influent et proche du président Touadéra. Morouba, qui fut l’avocat de Yalo dans des affaires sensibles — complot sous Bozizé, tentative de coup d’État en Guinée équatoriale — a su se rendre indispensable. Sa loyauté envers le clan présidentiel, illustrée par ses interventions auprès d’Ahmed Dada Yalo incarcéré au Cameroun, révèle une proximité qui dépasse le cadre professionnel.
 
Le 4 janvier 2020, lors de la proclamation des résultats présidentiels, Morouba commet une erreur monumentale : il annonce un score de 31,01 % pour Dologuélé, portant le total des voix à 110 %. La correction tardive à 21,01 % — après intervention du ministre Dondra — révèle une manipulation orchestrée pour éviter un second tour. Trois heures de tractations, une ambassadrice européenne excédée, et 350 millions investis par Yalo pour verrouiller l’ANE : autant d’éléments qui dessinent les contours d’un système électoral sous influence.
 
 
En 2022, Morouba se rend à Moscou pour “renforcer les compétences électorales”. En 2024, il salue les élections russes comme “conformes aux normes internationales” après avoir visité trois bureaux de vote. Cette déclaration, jugée complaisante, alimente les soupçons d’alignement sur les intérêts russes, dans un contexte où le référendum constitutionnel de 2023 a été perçu comme un outil de consolidation du pouvoir présidentiel.
 
(3) L’ANE est l’institution indépendante chargée de l’organisation des élections en République centrafricaine. Elle supervise l’enregistrement des candidatures, la tenue des scrutins (présidentiel, législatif, local), la préparation du fichier électoral, le déploiement des équipes de terrain,
 

Arsène Thierry Gbaguidi, Directeur de la Division électorale de la MINUSCA

Arsène Thierry Gbaguidi, juriste de formation et actuel Directeur de la Division électorale de la MINUSCA, est aujourd’hui au centre d’un réseau d’influence qui menace l’intégrité du processus démocratique en République centrafricaine (RCA).
 
À la tête d’une équipe de plus de 70 experts internationaux et 17 bureaux électoraux, il incarne une figure-clé du dispositif électoral onusien — mais ses liens étroits avec le pouvoir en place et certaines personnalités du Conseil constitutionnel soulèvent de graves inquiétudes.
 
Titulaire d’un Master 1 en droit, Gbaguidi s’illustre au sein du National Democratic Institute (NDI), un think tank américain lié au Parti démocrate. De la Guinée à la RCA, il tisse des liens étroits avec des figures politiques locales et internationales, dont Barrie Freeman, ex-directrice des affaires politiques de la MINUSCA.
 
Sa naturalisation centrafricaine soulève de vives interrogations : comment un fonctionnaire onusien peut-il conserver son impartialité en devenant citoyen du pays hôte ? Ce conflit d’intérêts potentiel est d’autant plus préoccupant que Gbaguidi entretient une relation intime avec Sylvie Naïssem, vice-présidente du Conseil constitutionnel.
 
Des immeubles de standing qui appartiendraient, seln des sources sures, à Gbaguidi et Naïssem, surgissent dans des quartiers stratégiques de Bangui. Leur origine financière reste opaque, mais plusieurs observateurs y voient des récompenses pour le rôle joué dans la consolidation du pouvoir exécutif.
 
La collusion entre Gbaguidi et Naïssem incarne une dérive institutionnelle inquiétante. Elle fragilise l’indépendance du Conseil constitutionnel et instrumentalise la MINUSCA, cette frce armée de la communauté internationale censée garantir la neutralité du processus électoral. En RCA, où chaque scrutin est une épreuve de stabilité, cette alliance trouble entre diplomatie internationale, pouvoir éxécutif et intérêts privés pourrait bien faire vaciller les derniers remparts de la démocratie.

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L’insurrection djihadiste marque encore des points au Sahel https://mondafrique.com/a-la-une/le-pire-est-a-venir-au-sahel/ https://mondafrique.com/a-la-une/le-pire-est-a-venir-au-sahel/#respond Sat, 27 Sep 2025 22:17:32 +0000 https://mondafrique.com/?p=139419 On assiste au Mali et au Burkina à une détérioration quasi quotidienne de la situation sécuritaire au profit notamment du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim-Alqaïda)     Notre site partenaire, « Veille sahélienne »   https://t.me/veillesah/256 Au Mali, le pire est toujours à venir1. Un convoi de citernes d’hydrocarbures, en provenance de la Guinée […]

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On assiste au Mali et au Burkina à une détérioration quasi quotidienne de la situation sécuritaire au profit notamment du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim-Alqaïda)  
 
Notre site partenaire, « Veille sahélienne »
 


Au Mali, le pire est toujours à venir
1. Un convoi de citernes d’hydrocarbures, en provenance de la Guinée et escorté par une unité des Forces armées maliennes (Fama) a été attaqué, le 27 septembre 2025, en travers du tronçon Kourémalé-Bamako de la Rn5.

Une brève vidéo d’un assaillant montre un véhicule en feu, au milieu de la savane verdoyante. Il y indique la date. Dans les grandes villes, la rareté de l’essence et du gas-oil et l’inflation du cours du litre meublent désormais la réalité du quotidien. En rase campagne, quand bien même le carburant serait accessible, l’insécurité s’aggrave le long des axes routiers, à cause des raids jihadistes.

En revanche, jusqu’ici, il n’a pas été possible de mesurer l’impact – prévisible- du blocus, sur le trafic aérien à l’aéroport international Sénou Modibo Keïta. Le site dispose de vecteurs de stockage de kérosène, tels les réservoirs souples Hrts et des cuves immeubles. Ses capacités de résistance à la pénurie se sont accrues dès l’installation de la mission de maintien de la paix des Nations unies, en juillet 2013.

2. Des rumeurs persistantes font état d’une négociation avancée en vue de parvenir à un échange de prisonniers, entre le pouvoir central de Bamako et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim-Alqaïda).

Des sources, pour l’instant non vérifiables, évoquent d’ailleurs le début de la transaction, depuis le 26 septembre courant mais se gardent de préciser un chiffre. D’autres canaux de fiabilité similaire assurent que la récente capture de 2 Emirati et d’1 Iranien, par les insurgés, à 40 km au sud de la capitale, contribue à accélérer la dynamique. Bien avant l’enlèvement, le Gsim formulait la proposition du troc humain, le 21 septembre, sur les lèvres des soldats du Mali et du Burkina Faso qu’il détient. L’initiative n’avait pas reçu de réponse, de la part des pays cités. L’offre, en apparence équitable, excluait le versement d’une rançon et consacrait plutôt l’équivalence des vies en jeu : « Les jihadistes ne demandent ni or, ni argent, ils veulent simplement être échangés contre leurs frères détenus », déclarait l’un des captifs, probablement sous la contrainte.

3. Le 26 septembre, durant 29 minutes, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, le Premier ministre, le Général Abdoulaye Maïga, de nouveau à la pointe d’une prose où l’insulte le dispute à l’emphase héroïque, s’en est pris à « la junte algérienne » et à « l’énergumène » qu’il accuse de fomenter et d’entretenir « le terrorisme international ».

Dénonçant l’impérialisme et le néocolonialisme, au nom de la dignité des peuples d’Afrique, il omit, toutefois, de stigmatiser la « junte française », une expression qu’il inaugurait, en septembre 2022, à la même tribune. Néanmoins, Maïga appelle la France à cesser de soutenir l’Ukraine. Laquelle fournirait des drones à la rébellion du Front de libération de l’Azawad (Fla). Sur son parcours à pied vers l’immeuble des Nations unies à New York, des partisans du régime militaire de « transition » l’accompagnaient, à coup de slogans et de vivats.

Au Burkina Faso, un niveau d’anxiété grandissant
Un message du Chef d’état-major général des armées (Cemga), affiché sur la page Meta de l’institution éponyme appelle, les militaires et les citoyens, à redoubler de vigilance contre la désinformation (sic) et des actes de sabotage à venir, dont il impute la responsabilité aux ennemis de la Révolution.

Certes, le texte, passé inaperçu après sa publication le 26 septembre, n’est pas le premier du genre mais sa relecture révèle un niveau d’anxiété que les accès habituels de mobilisation n’expliquent assez. A l’inverse, le ton antérieur restait confiant et empreint d’assurance. Au moment où le Gsim multiplie les raids contre les positions fixes des militaires et les camps de la milice d’autodéfense Volontaires pour la défense de la patrie (Vdp), le pays s’apprête à célébrer le 3ème anniversaire de la Révolution progressiste populaire (Rpp).

La commémoration risque d’occasionner un surcroît d’agressivité venant de l’insurrection islamiste.

Carte Kourémaléhttps://t.me/veillesah/260


Vidéo 27 septembre, Kourémalé-Bamako : https://t.me/veillesah/261

Vidéo 21 septembre Gsim prisonniers : https://t.me/veillesah/208

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Quand Nicolas Sarkozy décida en 2011 d’intervenir en Libye https://mondafrique.com/decryptage/nicolas-sarkozy-garde-a-vue/ Sat, 27 Sep 2025 03:20:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=17965 Mondafrique revient sur les conditions dans lesquelles l’ancien chef d’Etat Nicolas Sarkozy a décidé d’intervenir militairement en Libye en 2011.  Le 7 mars 2011, Nicolas Sarkozy convoque ses principaux ministres dans le solennel Salon vert de l’Élysée. L’ordre du jour de la réunion concerne « les flux migratoires en Méditerranée ». Ce jour-là, le chef […]

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Mondafrique revient sur les conditions dans lesquelles l’ancien chef d’Etat Nicolas Sarkozy a décidé d’intervenir militairement en Libye en 2011. 

Le 7 mars 2011, Nicolas Sarkozy convoque ses principaux ministres dans le solennel Salon vert de l’Élysée. L’ordre du jour de la réunion concerne « les flux migratoires en Méditerranée ». Ce jour-là, le chef de l’État précise pour la première fois les raisons de l’intervention en Libye. « Nicolas Sarkozy était très remonté, explique un des participants, on sentait que c’était vraiment lui qui voulait intervenir contre Kadhafi, même sans soutien international et quitte à affronter certains de ses ministres, dont notamment le Premier d’entre eux, François Fillon. » En début de réunion, Alain Juppé, alors patron des Affaires étrangères, résume l’opinion des principaux alliés de la France. « Les Américains ne sont pas très chauds, les Anglais peu pressés… » François Fillon renchérit : « Sans la participation américaine, ce serait de la folie de s’engager. » Nicolas Sarkozy l’interrompt. « Dans l’urgence et avec l’appui de la Ligue arabe et de l’Union africaine, une frappe chirurgicale franco-britannique en Libye est tout à fait envisageable. »

Et le chef de l’État enchaîne sur la nécessité d’organiser des « zones humanitaires » en Égypte et en Tunisie pour contenir un possible afflux de réfugiés lors de l’intervention. Peu lui importe que son fidèle Claude Guéant, alors ministre de l’Intérieur, émette quelques doutes sur la possibilité d’envisager de tels camps d’accueil. Son plan d’action ne souffre aucune réserve. «Kadhafi, insiste-t-ilencore, doit partir. »

Sarko le va-t-en guerre

Le Premier ministre Fillon tente une dernière sortie : « Sans les Américains, on va à la catastrophe. » « Je ne vois pas pourquoi, rétorque le président français, nous ne pouvons pas abandonner la population libyenne. » Le général Benoît Puga, chef d’état major particulier de Nicolas Sarkozy, fonction qu’il a conservée sous François Hollande, vient au secours du chef de l’État : « Compte tenu de la situation dégradée de l’aviation libyenne, dix hélicos, deux Mirage et six avions Stukai, nous pouvons facilement neutraliser les pistes de décollage. »

Rien ne semble pouvoir calmer les ardeurs guerrières de Nicolas Sarkozy contre le colonel Kadhafi. En mars 2011, les militaires français insistent pour intervenir au Mali, où les groupes djihadistes multiplient les prises d’otages. Les services français de renseignement ont localisé une réunion des principaux chefs d’Aqmi à Tombouctou. Il faut les « enfumer », sans autre forme de procès. La DCRI est sur la même position. Rien n’y fait. Nicolas Sarkozy leur prête une oreille distraite. Sa seule obsession reste la Libye.

Le 7 juillet 2011, un déjeuner a lieu entre les présidents français et nigérien, accompagnés de leurs principaux collaborateurs. Le Niger a quelque indulgence pour Kadhafi qui a généreusement aidé le régime. « Nous avons plaidé, le président Mahamadou Issoufou et moi, explique le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, pour que l’on puisse trouver un compromis entre certains proches de Kadhafi plus ouverts et le Conseil national de transition pour faire cesser les hostilités. Mais Nicolas Sarkozy n’en voulait à aucun prix, il était buté sur ses positions. Les conseillers et les ministres présents n’étaient pas d’accord avec lui, cela se lisait sur leurs visages. Mais personne n’osait le contredire. » Nicolas Sarkozy veut aller jusqu’au bout de sa guerre contre Kadhafi.

Pourquoi le retournement soudain de Nicolas Sarkozy ? L’ancien président a-t-il cherché à faire table rase du passé et à oublier l’épisode extravagant de la réception à Paris à l’automne 2007 d’un colonel Kadhafi qui installait sa tente en face de l’Élysée ? À moins qu’il ne tentât de trouver une dictature de rattrapage pour bien montrer que lui aussi était en phase avec les soulèvements populaires du monde arabe ? En tout cas, Nicolas Sarkozy a été sensible aux conseils de son ami l’émir du Qatar, Cheikh Hamad Al Thani, qui voulait à tout prix cette guerre contre Tripoli. Ne serait-ce que pour conserver les 50 milliards de dollars que le régime de Kadhafi avait placés dans des banques de Doha à la belle époque et que l’émirat conserve aujourd’hui sans le moindre scrupule.

https://mondafrique.com/ont-tue-mouammar-kadhafi/

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Le projet minier de Tala Hamza, une militarisation de la Kabylie https://mondafrique.com/decryptage/le-projet-minier-de-tala-hamza-provoqura-une-militarisation-de-la-kabylie/ Thu, 25 Sep 2025 07:15:49 +0000 https://mondafrique.com/?p=136762 Tala Hamza, c’est une success-story annoncée, une priorité nationale, la fierté de l’Afrique gérant ses propres ressources, du moins dans la version officielle du gouvernement algérien. Le projet d’exploitation du gisement de zinc et de plomb de Tala Hamza-Amizour, dans la wilaya de Bejaia, a connu durant l’année 2024 une avancée significative, note la presse […]

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Tala Hamza, c’est une success-story annoncée, une priorité nationale, la fierté de l’Afrique gérant ses propres ressources, du moins dans la version officielle du gouvernement algérien. Le projet d’exploitation du gisement de zinc et de plomb de Tala Hamza-Amizour, dans la wilaya de Bejaia, a connu durant l’année 2024 une avancée significative, note la presse officielle algérienne,  marquée par l’achèvement de toutes les procédures légales et administratives et le lancement des travaux préparatoires.

Mais derrière les effets d’annonce accompagnant la mise en exploitation de la mine géante de zinc et de plomb près de Béjaïa se cache une réalité moins triomphale, entre désastre environnemental et militarisation de la Kabylie.

Charlotte Touati, chercheuse affiliée à l’université de Lausanne, spécialiste des sujets sureté-défense dans la Corne de l’Afrique et Afrique du Nord. Son prochain ouvrage analysera l’action de compagnies minières australiennes et canadiennes qui s’associent à l’armée régulière ou à la milice dominante pour capter les ressources d’une population indigène (Érythrée, Ethiopie, Soudan, Libye): https://www.bloomsbury.com/uk/eritreas-gold-rush-9781350513587/

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Le projet de la mine de zinc et de plomb de Tala Hamza, qui s’étale sur 134 km2 comprenant les communes de Tala Hamza, Amizour, Boukhelifa, El Kseur et Oued Ghir, wilaya de Béjaïa, a connu une trajectoire longue, heurtée et hautement stratégique depuis le milieu des années 2000. Il illustre les tensions entre exploitation des ressources nationales, souveraineté économique, dynamiques locales kabyles et influences étrangères.

En 2006, l’Entreprise nationale des produits miniers non ferreux (ENOF), relevant du groupe Manadjim El Djazaïr (Manal), conclut un partenariat avec la société Terramin Australia Ltd, cotée à la Bourse de Sydney. Une joint-venture est créée : Western Mediterranean Zinc (WMZ). Terramin en détient alors 65%, et la partie algérienne 35%. La ressource estimée dépasse les 60 millions de tonnes de minerai, avec des teneurs élevées en zinc et en plomb.

Malgré les études prometteuses, le projet est ralenti. Plusieurs facteurs convergent : une hostilité grandissante des populations locales inquiètes pour l’environnement et les terres agricoles, des désaccords sur le partage des bénéfices entre partenaires et une volonté de l’État algérien de reprendre le contrôle sur ses ressources stratégiques.

Dans ce contexte, les autorités demandent à rééquilibrer la répartition du capital de WMZ, ce que Terramin finit par accepter. En parallèle, le gisement reste sous surveillance, et les permis d’extraction sont retardés.

En 2022, le capital de WMZ est officiellement modifié : la partie algérienne (ENOF et ORGM) passe majoritaire avec 51%, tandis que Terramin est réduite à 49% et le projet s’oriente vers la construction d’une mine souterraine au lieu d’une exploitation à ciel ouvert.

Le 6 septembre 2023, l’État algérien publie le décret exécutif n° 23 320, déclarant officiellement le projet comme « opération d’utilité publique ». Cela permet le déclassement des terres agricoles concernées et la mise en œuvre des procédures d’expropriation, malgré l’opposition persistante de certaines familles et comités locaux.

En novembre 2024, la société publique chinoise Sinosteel Equipment & Engineering Co. Ltd signe un contrat EPC avec WMZ pour construire les installations minières. Ce contrat, d’une valeur d’environ 336 millions de dollars, inclut la mine, une usine de traitement, les routes d’accès, les systèmes de sécurité et la gestion des déchets industriels.

En 2025, les travaux de terrassement sont en cours. La mise en production est prévue pour juillet 2026, avec une capacité annuelle de 170 000 tonnes de concentré de zinc et 30 000 tonnes de plomb, sur une durée d’exploitation estimée à 19 ans.

« Une mine au cœur du paradis »

Mais Tala Hamza, c’est surtout le bassin versant de la Soummam, un site classé RAMSAR « zone humide protégée » à la faune exceptionnelle incluant des marais de montagne et une lagune côtière. La Soummam débouche dans la Méditerranée non loin de Bejaïa, mêlant ses eaux douces à celles salines dans l’estuaire des Eyragues servant de nurserie à plusieurs dizaines d’espèce de poissons. Tout cet écosystème est menacé par la mise en exploitation de la mine, même si le site est classé réserve naturelle. En effet, le gouvernement algérien est passé en force en instaurant Tala Hamza « opération d’utilité publique ». Ce statut est accordé compte tenu de son « caractère d’infrastructure d’intérêt général et d’envergure nationale et stratégique », ce qui fait sauter tous les verrous. Le décret autorise l’expropriation des terres privées nécessaires à la construction de la mine, des routes d’accès ou des infrastructures afférentes et limite fortement les voies de recours juridiques. Il n’y a eu aucune consultation populaire, et pour cause, car le rapport des Kabyles à leurs montagnes est extrêmement intense.

Les montagnes de Kabylie ont servi de bastion face au colonialisme depuis l’Empire romain et ont permis le particularisme kabyle. Cultivées en terrasses, elles sont certes des lieux de vie, mais aussi de mémoire. Chaque élément naturel y a son histoire, son usage, mais on y trouve également des cimetières perchés ce qui leur donne un caractère inviolable, à la fois sacré et politique. Chaque tombe fait l’objet de récits transmis oralement qui ancrent les lignées dans la terre. 

Toute atteinte à cet environnement — comme les projets miniers ou les feux de forêts — est donc vécue comme une violence culturelle et existentielle.

Désastre écologique et risques sanitaires majeurs

Les forages et l’extraction endommageront de manière durable et visible la zone, mais il faut également compter avec les 52 millions de tonnes de déchets miniers (stériles), qui doivent être stockés en surface, avec un risque de drainage acide. Face aux critiques, un enfouissement partiel a été proposé par Terramin. Ensuite se profile le traitement des minerais. Le plomb fait partie des métaux lourds et le processus de flottaison retenu pour le raffiner libérera des particules polluant directement la nappe des alluvions de la Soummam, la plus grande réserve d’eau potable de la Kabylie. Celle-ci se déverse directement dans la Méditerranée. Les ressources halieutiques seront affectées impactant les pécheurs kabyles, mais bien au-delà puisque les poissons nés dans la baie des Eyragues ne connaissent pas de frontières.

Les minerais seront traités à El-Kseur dans une zone de développement agro-alimentaire. Les souffres extrêmement volatiles émis lors du raffinage du plomb et du zinc risquent de compromettre les denrées alimentaires traitées à proximité. Aucune étude d’impact environnemental ni sanitaire n’a été publiée. Selon une source interne, une étude a bien été commanditée, mais elle a été réalisée par universitaire proche du gouvernement algérien. Il aurait monté pour ce faire un cabinet d’étude, dont il est le seul employé.

En plus de la zone RAMSAR, les concessions accordées pour l’exploitation du gisement de Tala Hamza s’étendent sur des zones agricoles cruciales pour l’approvisionnement de la Kabylie. Le corridor de la Soummam entre El-Kseur et Béjaïa est densément peuplé avec 320’000 habitants. Une pollution de l’eau, de l’air ou des ressources alimentaires serait catastrophique.

Selon un expert en développement durable basé à Paris, la rentabilité de la mine et les potentielles créations d’emplois ne compensent pas les risques et dommages avérés. Les promoteurs de la mine mettent constamment en avant la proximité de l’aéroport de Béjaïa pour attirer les ingénieurs et techniciens étrangers. Les comités locaux dénoncent une forme de colonialisme, puisque seules les tâches pénibles et subalternes reviendront à la population, préalablement paupérisée par la perte des terres agricoles. « Des voix ont tenté de s’élever au début du projet, mais les gens ont peur. Toute opposition au pouvoir d’Alger est assimilée à de l’indépendantisme ».

Depuis 2021, le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie est classé organisation terroriste. Tout contact avec ses membres, avéré ou supposé, est passible de lourdes peines de prison, comme l’affaire Christophe Gleizes, journaliste sportif condamné à sept ans de prison pour apologie du terrorisme, est venu le rappeler.

Béjaïa étant au cœur du mouvement indépendantiste kabyle, le projet minier de Tala Hamza pourrait être l’enjeu d’un bras de fer non pas pour les ressources qu’il renferme, mais pour l’emprise sur la Kabylie et l’accès au port de Bejaïa.

Opération « Zéro Kabyle »

Les relations entre Alger et la Kabylie ont été conflictuelles quelles que soient les époques. L’arabisation comme politique de décolonisation après l’indépendance a provoqué plusieurs soulèvements des populations non-arabes, Printemps Berbère (1980) et Printemps Noir (2001) ou encore la fameuse « grève du cartable » (1994) pour exiger l’enseignement du tamazight. A partir de 2001, la marginalisation de la Kabylie se fait sentir plus durement encore, précipitant la naissance du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK). La rupture est consommée et un discours de haine raciale contre les Kabyles s’installe dans les médias, repris par certains officiels. Entre le 18 et le 20 août 2019, une réunion dite « colloque de conscientisation » se déroule non loin de Mostaganem, ayant pour thème l’opération « Zéro Kabyle ». Les locaux ont été mis à disposition par la commune et l’événement est sécurisé par la gendarmerie. Rien ne se passe en Algérie sans que les autorités ne soient au courant et ne donnent leur blanc-seing.

L’événement est organisé par un ancien gendarme à la retraite et l’idéologue du mouvement présent au colloque se nomme Lakhdar Benkoula. Franco-algérien basé à Besançon, il défend l’idée qu’il n’y a pas eu d’arabisation, et partant, pas de colonisation arabe, mais que la langue parlée en Algérie descend du punique, c’est-à-dire du phénicien en lien direct avec le Proche-Orient. Par conséquent, il nie l’existence des Berbères et surtout des Kabyles.

Cette théorie va à l’encontre de toutes les preuves scientifiques (épigraphiques, linguistiques, anthropologiques). Largement ignorée à l’internationale, elle a été mise en lumière récemment par le coup d’éclat de Mohammed Lamine Belghit sur la chaîne Sky News. Celui qui se présente comme un historien défend l’idée que l’amazighité n’existe pas : « La question amazighe est un projet idéologique franco-sioniste par excellence, une création des services secrets français et sionistes visant à saper les piliers de l’unité du Maghreb arabe. […] Les Berbères, populations autochtones d’Afrique du Nord, sont d’origine arabe. » Les Kabyles, qui forment une fraction des peuples amazighs, mais la seule à être politiquement structurée, avec un droit spécifique et des institutions pérennes, sont en fait la cible de cette dénégation d’existence.

Nier l’antériorité voire l’existence des peuples amazighs vise à priver les Kabyles du statut de peuple autochtone alors qu’ils en remplissent tous les critères selon l’ONU (antériorité, identité distincte, auto-identification, rapport au territoire, marginalisation).

Benkoula et Belghit sont des experts autoproclamés. Le premier se présente sur son blog comme ancien professeur de français à l’Université d’Aden au Yémen et le second comme professeur chercheur à l’Université d’Alger, parfois cité comme « académicien ». Mais ni pour l’un ni pour l’autre on ne trouve de thèse de doctorat enregistrée ou des traces de leur parcours académique.

L’opération Zéro Kabyle s’est d’abord manifestée par une purge dans les instances gouvernementales, l’armée et les milieux d’affaire. La haine s’exprime ouvertement et sans aucun recadrage par les autorités. Petit florilège non-exhaustif : le 4 mars 2020, la députée et cheffe de parti Naima Salhi enjoint à exterminer les Kabyles qualifiés de « Juifs de la pire espèce ». Le 24 juillet 2020, Mohamed Larbi Zitout, lui aussi chef de parti, appelle à « prendre les armes contre les Kabyles séparatistes du MAK ». Le 20 avril 2021, jour du 20e anniversaire du Printemps Noir, Abdelouahab Benzaïm, sénateur, compare la Kabylie à un cancer et promet « un jour, qui n’est pas loin, nous allons éradiquer toutes ces tumeurs cancéreuses qui rongent le corps d’une nation unie ». La même journée, le journaliste et influenceur Said Bensdira,  basé en Angleterre, déclare « Si jamais j’ai du pouvoir, je lancerai un appel lors du JT de 20h et je dirai aux Kabyles, surtout ceux de Tizi Ouzou et de Béjaïa : les citoyens et les citoyennes qui se démarquent et rejettent les idées et l’idéologie des séparatistes du MAK, je leur demanderai de quitter la Kabylie durant 24h seulement en laissant les séparatistes et ceux qui les soutiennent […] Je vais par la suite faire exterminer tous ceux qui resteront en Kabylie ». Cinq jours plus tard, le ministère de la Défense publie un communiqué sur la découverte d’armes et d’explosifs destinés au MAK pour commettre des attentats. Le gouvernement s’empêtre dans ses déclarations et l’affaire dégénère en guerre médiatique. Quelques semaines plus tard, à l’été 2021, la Kabylie s’embrase. Des feux géants d’origine criminelles ravagent les montagnes et un jeune homme présenté comme pyromane est lynché par la foule alors qu’il devait être sécurisé dans un fourgon de gendarmerie. Le gouvernement algérien accuse le MAK qui est déclaré organisation terroriste et 49 cadres du mouvement sont condamnés à mort. Nombreux sont ceux qui doutent de la version officielle. Comme pour la mine de Tala Hamza, le lien entre les Kabyles et leur terre est sacré et « jamais les Kabyles ne mettraient feu à leurs propres oliviers ! ».

Depuis 2021 la répression se fait de plus en plus pressante en Kabylie, les libertés fondamentales ont été supprimées, toute manifestation de fierté (drapeau, usage exclusif du kabyle) est assimilée à du séparatisme. Les peines d’emprisonnement pleuvent.

Sous le minerai, la militarisation de la Kabylie

Le projet de Tala Hamza n’est pas aussi rentable que l’extraction pétrolière ou les mines d’or de Tamanrasset. Alors pourquoi faire passer Tala Hamza en « opération d’utilité publique » ? La clé est peut-être la militarisation de la Kabylie. Les infrastructures telles que les grandes mines sont toujours sécurisées. La mine de Tala Hamza est en fait opérée par Sinosteel l’une des entreprises étatiques chinoises. Dans les projets miniers qu’elles mènent en Afrique, celles-ci s’appuient soit sur l’armée régulière, soit sur des milices, avec de nombreux dérapages connus. Ainsi, Sinosteel qui exploite aussi la mine de Simandi (fer) en Guinée la fait directement garder par les militaire guinéens, Zijin en Erythrée dont l’armée sécurise la mine de Bisha (or, cuivre, zinc) depuis sa construction, Zijin encore en République Démocratique du Congo où les mines de Kamoa-Kakula (cuivre) et Kolwezi (cuivre, cobalt) sont protégées par des entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) chinoises ainsi que les forces armées officielles formées et encadrées par des consultants chinois, CNMC dont les mines de Luanshya et Chambishi sont sécurisées par des ESSD locales avec gestion stratégique chinoise, même configuration pour les champs pétrolifères du Soudan du Sud exploités par CNPC.

Des « formateurs », euphémisme pour désigner les opérateurs de ESSD venus superviser la sécurité et former les forces armées algériennes, sont déjà à l’œuvre à Béjaïa. Les minerais seront expédiés depuis ce port, ce qui nécessite de sécuriser tout le couloir de la Soummame, entre Tala Hamza et Bejaïa.

Dans un communiqué de presse daté du 14 août 2024, le ministère de la Défense algérien annonce avoir saisi le 4 août des armes destinées au mouvement indépendantiste, ce que les responsables du MAK nient formellement. Le scénario de 2021 se répète, la découverte d’armes et explosifs juste avant les incendies. Les opposants dénoncent une nouvelle machination. De fait, il n’y a pas de lutte armée en Kabylie, donc quand bien même ces armes seraient destinées aux indépendantistes, pour les mettre entre les mains de qui ? Personne n’est formé à cela. Si l’annonce du gouvernement algérien semble peu crédible, le prétexte, lui, est tout trouvé pour militariser le port quelque mois après l’adoption du décret exécutif classant Tala Hamza en « opération d’utilité publique ». Toute opposition de la population locale peut désormais être associée à de la subversion, du séparatisme, voire du terrorisme.

C’est cette mainmise sur Béjaïa qui pourrait intéresser le gouvernement algérien, bien plus que les ressources finalement. En effet, en tant que zone rurale ou périurbaine, la sécurité à Tala Hamza est du ressort de la gendarmerie, celle-là même qui est au cœur de l’opération Zéro Kabyle. Contrairement, à la police, la gendarmerie est un corps d’armée qui dépend du ministère de la Défense nationale. Elle est perçue par la population Kabyle comme le bras armé du gouvernement. En 2001, à la suite du Printemps Noir déclenché par la mort de Massinissa Guermah, abattu par la gendarmerie le 18 avril, des émeutes massives traversent la Kabylie à tel point que vingt-et-une brigades doivent fermer, dont sept à Béjaia. Des comités citoyens (aârch, arouch au pluriel) se forment et une grande marche s’organise en direction d’Alger. C’est le Mouvement des Aarchs. Un document en quinze points nommé « plateforme d’El-Kseur » est émis le 11 juin 2001 qui demande entre autres le départ immédiat des brigades de gendarmerie de toute la Kabylie et le placement des corps de sécurité sous l’autorité effective des instances démocratiquement élues. Le site de El-Kseur pour l’implantation de l’usine de traitement des minerais n’a donc pas été choisi par hasard. Il sera sous haute surveillance et avec la collaboration de la Chine. Il sera aussi cœur de la pollution. Difficile de ne pas y voir une mesure de rétorsion.

De surcroît, la destruction des zones pastorales et agricoles, ainsi que des réserves en eau, compromet la souveraineté alimentaire de la Kabylie. La population dépendra alors de denrées extérieures grevant toute velléité d’indépendance. En plus des expropriations directes permises par le décret exécutif n° 23 320 pour le développement de la mine et de l’usine, l’impact environnemental, social et économique sera tel qu’il va provoquer un déplacement de population. Sans doute est-ce l’effet recherché : ventiler la population kabyle, dissoudre la dynamique culturelle et linguistique, casser les foyers potentiels de révolte.

Un schéma récurrent

Dans Eritrea’s Gold Rush : Western Mining Companies, Local Wars, and Human Rights Abuses, j’expose comment des compagnies minières australiennes ou canadiennes montent des joint-ventures avec l’agence d’état dans des pays à risque. Lorsque la phase exploratoire est terminée, elles passent la main à des compagnies ou investisseurs chinois proches du Parti Communiste Chinois pour la phase extractive qui nécessite de lourds investissements. Les joint-ventures ainsi créées bénéficient des tensions locales et même participent à l’exacerbation de la haine contre la minorité locale pour la dépouiller de ses ressources avec l’assentiment du pouvoir central ou de la milice dominante. Pouvoir armé qui, à son tour, peut développer son emprise sur la région « rebelle ».

En Éthiopie et en Érythrée, la course aux ressources minières et aux ports de la mer Rouge ont permis la campagne de haine connue sous le nom de « No More » et a débouché sur le génocide des Tigréens causant au moins 800000 morts. Les similitudes avec Tala Hamza et l’opération Zéro Kabyle (la même expression de tumeur cancéreuse qu’il faut éliminer a été utilisée par le pouvoir central dans les deux cas) est pour le moins inquiétante.

L’intérêt d’Alger à refuser aux Kabyles le statut de peuple autochtone converge donc avec celui des compagnies minières. Mais en vertu du droit international, les peuples autochtones possèdent des droits de propriété spécifiques sur les gisements de ressources minérales situés sur leurs terres. Ainsi la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), adoptée en 2007, affirme que les communautés autochtones ont le droit à l’autodétermination, qui comprend le droit de contrôler leurs terres, leurs territoires et leurs ressources et l’article 26 spécifie que les peuples autochtones ont le droit inhérent de posséder, d’utiliser et de gérer les ressources de leurs terres traditionnelles.

En outre, le principe du consentement libre, préalable et éclairé (FPIC) est essentiel en droit international, car il oblige les états et les entreprises à obtenir le consentement des communautés autochtones avant de lancer des projets qui affectent leurs ressources. Ce principe repose sur la reconnaissance des liens spirituels, culturels et économiques uniques que les peuples autochtones entretiennent avec leurs terres et que ces relations doivent être respectées dans toutes les activités d’extraction des ressources.

Plusieurs traités internationaux signées par l’Algérie, tels que la Convention sur les droits des peuples autochtones (C169) de l’Organisation internationale du travail et la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones, renforcent les droits de ces communautés sur les terres physiques, mais aussi sur les ressources qui s’y trouvent (minéraux, forêts, eau) et l’obligation de les impliquer dans tous les processus décisionnels qui affectent leurs terres et leurs moyens de subsistance.

 

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Le groupe « Starlink » d’Elon Musk, un outil de pouvoir au coeur du Sahel https://mondafrique.com/decryptage/le-groupe-starlink-delon-musk-un-outil-de-pouvoir-au-sahel/ Thu, 18 Sep 2025 13:07:36 +0000 https://mondafrique.com/?p=138860 En l’espace de quelques années, Starlink est parvenu à mettre en place une stratégie d’expansion méthodique sur le continent africain. Déjà actif dans 24 pays africains en 2025, l’entreprise ambitionne d’étendre sa toile sur  20 nouveaux marchés avant la fin de l’année. Une enquète de Qemal Affagnon, responsable Afrique de l’Ouest de l’ONG de défense […]

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En l’espace de quelques années, Starlink est parvenu à mettre en place une stratégie d’expansion méthodique sur le continent africain. Déjà actif dans 24 pays africains en 2025, l’entreprise ambitionne d’étendre sa toile sur  20 nouveaux marchés avant la fin de l’année.

Une enquète de Qemal Affagnon, responsable Afrique de l’Ouest de l’ONG de défense des droits numériques, Internet Sans Frontières, co-auteur du livre Internet « Shutdowns in Africa, Technology, Rights and Power », paru aux éditions Bloomsbury et expert électoral en RDC, en Afrique du Sud, au Mozambique et en Russie. 

Malgré de multiples tentatives pour joindre le groupe Starlink, aucune réponse ne nous est parvenue.

Dans au moins cinq des 16 pays africains où le service est disponible, l’abonnement mensuel à Starlink reviens  moins cher que celui du principal fournisseur d’accès à Internet fixe. D’ici 2026, cinq nouveaux pays sont par ailleurs susceptibles d’être intéressés par le service. L’acquisition de ces nouveaux marchés devrait permettre au fournisseur d’accès à Internet par satellite , de couvrir  potentiellement la quasi-totalité du continent.

Dans la bande sahélo-saharienne, une région qui s’étend de l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique centrale, ce constat se fait déjà. Dans ce vaste territoire, le réseau de plusieurs milliers de satellites de Starlink permet aux groupes terroristes de communiquer dans les endroits qu’ils occupent. Confrontés à un fort déploiement du terrorisme djihadiste, à l’insécurité, mais aussi à l’instabilité politique et économique, ces zones, sont caractérisé par un faible accès à Internet. On  y trouve encore par exemple, de nombreux coins non couverts par les infrastructures de communication terrestres. Cette situation représente une opportunité exceptionnelle pour Starlink, le service Internet par satellite d’Elon Musk. Dans cette région en proie à une crise sécuritaire sans précédent, la technologie du milliardaire d’origine sud-africaine est de plus en plus utilisée par les populations civiles, mais également par les groupes armés . Avant la parution de cet article, plusieurs demandes d’entretien ont été adressé  à Starlink, mais ces demandes sont restées sans suite. 

Internet à des fins terroristes

Ces dernières années, la disponibilité d’Internet dans des zones occupées par des hommes armés qui tentent d’imposer leurs dictats, permet à ces derniers de diffuser de nombreux éléments de propagande via X, Facebook, TikTok et d’autres plateformes en ligne. De fait, certains groupes terroristes se servent d’Internet afin de promouvoir leurs idéologies, ou encore dans le but de proférer des menaces ou de renforcer leurs capacités opérationnelles.

En Afrique où le taux de pénétration d’Internet reste inférieur (43 %) à la moyenne mondiale (68 %), un véritable marché noir prospère ainsi grâce à la force des réseaux Starlink. Des kits Starlink sont ainsi vendus et se retrouvent parfois dans des régions très reculées ou inaccessibles au grand public. Parmi les facteurs qui facilitent la vente frauduleuse des kits Starlink, il faut citer le fait que ces kits soient faciles à transporter. Dans certains pays où l’utilisation de Starlink est approuvée, des revendeurs locaux font préalablement enregistrer ces appareils pour ensuite les expédier à l’étranger dans des zones insoupçonnées.

Cette chaîne d’approvisionnement illicite permet ainsi aux groupes extrémistes, notamment le Jama’at Nasr al Islam wal Muslimin et la Province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest de coordonner leurs activités dans des endroits où l’accès à Internet classique est inexistant.

À titre d’exemple, le groupe Province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest s’appuie sur l’internet par satellite pour communiquer avec le groupe djihadiste d’idéologie salafiste État islamique et d’autres organisations extrémistes dans la région. Le réseau Internet par satellite permet à ces groupes armés non seulement de diffuser de la propagande, notamment en publiant des messages directement sur les médias sociaux et sur certains sites web. Dès lors , ces groupes extrémistes bénéficient d’un certain nombre davantage. Tout d’abord, ils parviennent à tirer parti de l’anonymisation sur Internet. Ensuite, en se passant de la barrière spatiale, ils profitent largement de la non-réglementation des publications en ligne.Dans cette partie de l’Afrique, les forces de sécurité gouvernementales signalent par ailleurs que l’utilisation de Starlink pour les communications sécurisées rend plus difficile l’interception des plans des groupes armés.

La haine en ligne permise

Or, le réseau social X, propriété de Musk a récemment intenté une action en justice contre l’État de New York, dans le but de contester une loi qui régule les contenus des plateformes.Dans sa plainte, la société X Corp, estime que la loi, promulguée fin 2024 et qui oblige les entreprises de réseaux sociaux à révéler des informations sensibles sur la manière dont elles modèrent les discours de haine et la désinformation, porte atteinte à la liberté d’expression.

Malgré l’usage que certains groupes armés font de Starlink au Sahel et dans les pays du golfe de Guinée, on peut en déduire que Musk pourrait combattre toute législation qui obligerait les plateformes à dévoiler leurs coulisses, notamment sur la gestion des discours haineux et la désinformation dans cette vaste zone.

En guise de réponse à l’utilisation du système d’Internet du milliardaire excentrique, par ces groupes rebelles, des pays de la région ont été contraints d’introduire certaines restrictions aux communications satellitaires. Il s’agit entre autres de la Libye et du Soudan. Le Tchad, le Mali et le Nigéria ont emboîté le pas aux deux autres, car ils sont particulièrement touchés par l’utilisation clandestine de Starlink par des acteurs criminels et violents.

Des vidéos circulant fréquemment sur les réseaux sociaux montrent des groupes extrémistes et violents qui utilisent des kits Starlink dans différentes régions.

Les vidéos de djihadistes 

Dans la guerre qu’il mène au Sahel, le Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM) , a publié certaines vidéos en ligne. Ces vidéos montrent comment certaines branches terroristes se déchirent entre elles. De plus, ces images montrent également le butin de guerre que certaines branches terroristes parviennent à arracher chez des groupes rivaux. Le visionnage de ces vidéos révèle par exemple la présence de kits Starlink que le JNIM a pu saisir chez l’État Islamique au Sahel. 

Cette organisation terroriste est particulièrement active dans la zone des trois frontières à savoir le sud-ouest du Niger, le sud-est du Mali, et le nord du Burkina Faso. Comme le montre de nombreuses vidéos de décapitations qu’il poste en ligne grâce à Starlink, l’État islamique a une prédilection pour la violence graphique extrême. Pour l’État Islamique au Sahel, le recours aux vidéos en ligne représente un moyen de communication puissant qui peut atteindre un large public et générer des réactions fortes.À travers les vidéos qu’ils postent en ligne, Al-Qaïda et ses mouvements affiliés cherchent par contre à gagner le soutien des populations locales qui ont perdu confiance en leurs gouvernements ou envers les forces de l’ordre. Grâce à l’Internet de Starlink, les contenus diffusés par Al-Qaïda et ses mouvements associés, exploitent également les griefs régionaux et ethniques afin d’être plus convaincants. Qu’il s’agisse de vidéos courtes, de vidéos explicatives, ou de confessions en direction du grand public, les possibilités qui s’offrent à ses groupes armés sont infinies. Sur les réseaux sociaux, les vidéos courtes de ces groupes de combattants sont converties sous des formats engageants comme les reels, shorts, lives et stories. Ces différents formats permettent de capter l’attention des internautes, ce qui permet de maximiser leur visibilité de façon naturelle. En général, il peut arriver que ces vidéos courtes génèrent un engagement plus élevé que les autres formats vidéos. Cette situation incite parfois les algorithmes de YouTube, X, Facebook, Instagram, et TikTok à leur donner une plus grande visibilité dans les fils d’actualité et les suggestions de contenu. C’est ainsi que ces vidéos parviennent à influencer idéologiquement de nombreuses populations. Toutefois, il arrive aussi que les groupes armés fassent usage de la force pour atteindre cet objectif ou en mettant en avant des avantages économiques dont bénéficient leurs membres. Toutefois, il arrive aussi que les groupes armés fassent usage de la force pour atteindre cet objectif ou en mettant en avant des avantages économiques dont bénéficient leurs membres.

La vague Starlink 

L’année dernière, les autorités maliennes avaient indiqué, s’être rendu compte de l’emploi sans autorisation des kits Starlink dans les zones du nord et de l’est du pays. Ces deux régions sont particulièrement en proie aux activités des groupes séparatistes et jihadistes.

Fin juillet 2024, le réseau Starlink a joué un important rôle, lors de la bataille de trois jours à Tinzaouaten. Lors de cette bataille qui a opposé, les Forces Armées Maliennes et les mercenaires de Wagner à l’alliance des groupes armés majoritairement touaregs qui opèrent au nord du Mali, les rebelles ont utilisé Starlink pour maintenir une communication sécurisée entre leurs unités d’une part. D’autre part, Starlink a également permis de diffuser les dernières actualités sur les réseaux sociaux, amplifiant ainsi les efforts de communication de cette coalition de groupes rebelles séparatistes du Mali. Le matériel de Starlink arrive donc à se retrouver dans des profondeurs du territoire Malien où, son utilité n’est plus à démontrer dans les conflits armés.

Toujours dans la même période, les soldats nigérians ont également mis la main sur un terminal Starlink lors d’un raid de l’armée dans la forêt de Sambisa, une localité du nord-est du pays.  Lors de l’acheminement du matériel, Les kits Starlink sont souvent stockés dans des entrepôts ou dans des complexes résidentiels avant d’être envoyés vers d’autres destinations dans le but de brouiller les pistes. Les kits Starlink se composent de petits éléments à savoir la parabole, une alimentation électrique, des câbles, une base et un routeur Wi-Fi. Pour éviter d’être détectés, les trafiquants démontent les kits avant de les mélanger à des produits agricoles par exemple. Ce qui ne permet pas toujours aux douaniers de les détecter lors des passages aux postes de frontières. Afin d’éviter les contrôles douaniers, il arrive également que le transport des kits Starlink s’organise après la tombée de la nuit. Au coucher du soleil , il devient plus aisé aux trafiquants d’utiliser des routes secondaires, des pistes non asphaltées ou de préférer l’usage des motos plutôt que des voitures afin de se déplacer plus rapidement. 

Parmi les clients finaux, beaucoup ne disposent pas de compte bancaire. Les trafiquants exploitent donc le faible taux de pénétration bancaire dans des pays comme le Burkina Faso, Mali, et le Niger pour générer un flux continu de revenus illicites.Ces opérations leur permettent de tirer profit des frais d’abonnement liés au fonctionnement de Starlink.

Ces dernières années, la diffusion d’Internet par satellite aide à mieux appréhender les enjeux qui gouvernent des endroits comme le Sahel, qui regorge d’importantes richesses naturelles et énergétiques. Dans un pareil contexte, la donnée spatiale pourrait favoriser l’émergence de nouveaux protagonistes particulièrement redoutables. Au nombre des joueurs qui se démarquent, la force de pénétration du réseau Starlink, montre qu’il faudra désormais composer avec Elon Musk.

 

 

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Tunisie-Libye, une interdépendance économique à l’épreuve du chaos https://mondafrique.com/economie/tunisie-libye-une-interdependance-economique-a-lepreuve-du-chaos/ Wed, 17 Sep 2025 01:55:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=138770 Le président tunisien Kaïs Saïed a réaffirmé, mardi 19 août, que seule une solution « libyo-libyenne », sans ingérence étrangère, permettra de sortir la Libye de la crise. Lors de sa rencontre à Tunis avec Mohamed Younis Al-Manfi, président du Conseil présidentiel libyen, il a insisté sur la souveraineté du peuple libyen et sa capacité […]

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Le président tunisien Kaïs Saïed a réaffirmé, mardi 19 août, que seule une solution « libyo-libyenne », sans ingérence étrangère, permettra de sortir la Libye de la crise. Lors de sa rencontre à Tunis avec Mohamed Younis Al-Manfi, président du Conseil présidentiel libyen, il a insisté sur la souveraineté du peuple libyen et sa capacité à définir son avenir. Kaïs Saïed a également souligné que la stabilité en Libye est indissociable de celle de la Tunisie, appelant à une coopération renforcée entre pays voisins.
 
Reste que les relations économiques tuniso-libyennes reposent sur une interdépendance vitale mais fragile, minée par l’instabilité politique et la prédominance des réseaux informels. Malgré des échanges commerciaux substantiels et un trafic frontalier intense les institutions officielles peinent à encadrer les flux, laissant place à une économie parallèle dominée par quelques acteurs.
 
Le projet de zone logistique, suspendu depuis 2009, symbolise l’échec à concilier intégration économique et souveraineté. Une réforme institutionnelle et une diplomatie économique proactive s’imposent pour transformer cette relation de voisinage en partenariat stratégique stable.
 
 Les relations économiques entre la Tunisie et la Libye dépassent le simple cadre du partenariat commercial bilatéral.Elles forment un écosystème complexe, où se mêlent interdépendance vitale, économie informelle omniprésente et contraintes géopolitiques paralysantes. Alors que la Libye reste plongée dans une crise politique persistante, la Tunisie, en proie à ses propres difficultés économiques, voit dans son voisin oriental à la fois un débouché crucial et une source d’instabilité chronique. Analyser cette dynamique nécessite de convoquer plusieurs grilles de lecture théoriques pour décrypter les paradoxes d’une relation où la logique du gain immédiat côtoie en permanence le spectre du risque systémique.
 
1. Une symbiose économique structurellement vulnérable
 
Le premier niveau de lecture, libéral, révèle une interdépendance économique chiffrée. La Tunisie se positionne comme le huitième fournisseur et le cinquième partenaire commercial de la Libye. Ses exportations, évaluées à près de 260 millions d’euros, sont largement dominées par les produits agricoles – près de 60% de la production maraîchère tunisienne transitant vers le marché libyen. Cette densité d’échanges, théoriquement facteur de pacification et de coopération selon les thèses libérales, se heurte pourtant à une vulnérabilité extrême.
 
 
Le point de passage frontalier de Ras Jdir, artère vitale évaluée à un milliard de dollars de flux annuels, en est le symbole. Véritable poumon économique pour les régions frontalières des deux pays, dont près de 3000 familles tunisiennes dépendent directement, il fonctionne au ralenti depuis des mois. Les flux, qu’ils soient humains – avec une chute de 60 à 80% par rapport au 1,5 million de visiteurs annuels d’avant-pandémie – ou commerciaux, sont otages des soubresauts sécuritaires et des fermetures arbitraires, illustrant la précarité d’une relation sans mécanismes institutionnels de résilience.

Tableau : Institutions tuniso-libyennes communes

Nom de l’institution

Secteur

Site Web

1

North Africa International Bank (NAIB)

Secteur financier/bancaire

http://www.naibbank.com/

2

Banque Tuniso-Libyenne (BTL)

Secteur financier/bancaire

https://btl.tn/en/btl-english/

3

Al UBAF Banking Group (Banque Arabe Internationale)

Secteur financier/bancaire

https://www.alubaf.com.tn/

4

STEG Internationale

Secteur de l’énergie

https://www.steg-is.com/

5

Joint Oil

Secteur de l’énergie

https://joint-oil.com/fr/

 
2. L’hégémonie des réseaux informels : l’échec des institutions officielles
 
Derrière la façade des échanges officiels, atones et inefficaces, prospère une économie parallèle d’une ampleur stupéfiante. Tandis que les quatre institutions financières communes cumulent des « pertes abyssales » et une impuissance structurelle, le volume des transactions informelles est estimé à près de 600 millions d’euros – soit le double des échanges officiels.
 
Pour décrypter cette contradiction, les théories de l’économie de l’information (Stiglitz) et de l’hégémonie (Gramsci) sont éclairantes. L’« échec de marché » est patent : asymétrie d’information, défiance totale envers les institutions officielles et illiquidité chronique ont créé un vacuum comblé par des acteurs non-étatiques. Selon nos sources, une poignée d’individus (autour de « 5 personnes ») contrôle un réseau d’environ 250 changeurs à Ben Guerdane, imposant ainsi son hégémonie sur l’économie transfrontalière. Cette structuration informelle, bien que répondant à un besoin pratique, sape la souveraineté économique tunisienne, d’autant que la Tunisie « n’a aucune présence financière en Libye ». Elle crée une rente de situation pour quelques-uns au détriment d’une formalisation qui bénéficierait à la collectivité.
 
3. Le « trilemme » de Rodrik ou l’impossible conciliation stratégique
 
L’impasse dans laquelle se trouve le projet de zone logistique de Ras Jdir, gelé depuis 2009 malgré un coût modeste estimé à 300 millions de dollars, est symptomatique d’un blocage plus profond. Conçu comme une plateforme intégrée pour dynamiser les échanges avec la Libye et l’Algérie, ce projet incarne le « trilemme de l’économie mondiale » théorisé par Dani Rodrik : la difficile conciliation entre intégration économique profonde, souveraineté nationale et stabilité politique.
 
Sa suspension indique que les bénéfices économiques évidents sont subordonnés aux considérations géopolitiques et sécuritaires. L’instabilité libyenne, les jeux d’influence des puissances régionales et l’absence de volonté politique commune l’emportent sur la rationalité économique. Ceci confirme, dans une lecture néo-marxiste, que la « superstructure » politique détermine in fine le devenir de « l’infrastructure » économique dans cette région.
 
4. Pistes pour une nouvelle gouvernance régionale
 
Dépasser cette impasse nécessite une approche audacieuse et réaliste, articulée autour de trois axes :
 
1. Formaliser l’informel : Il est urgent de réformer les institutions financières communes et de créer des mécanismes officiels de change et de transfert, flexibles et sécurisés, capables d’absorber la demande et de concurrencer les réseaux parallèles. La digitalisation des procédures et un contrôle assoupli mais efficace des flux pourraient être des pistes.
2. Relancer les projets structurants par une approche incrémentale : Plutôt que d’attendre une stabilisation politique totale en Libye, une relance du projet de zone logistique via un partenariat public-privé et une approche par « petits pas » permettrait d’envoyer un signal fort et de créer une dynamique de confiance.
3. Une diplomatie économique offensive et multifacettes : La diplomatie tunisienne doit activer tous les canaux, y compris avec les acteurs infra-étatiques libyens influents, pour sécuriser ses intérêts économiques et négocier une présence financière stable en Libye. Il s’agit de transformer une relation de dépendance subie en un partenariat stratégique négocié.
 
Le partenariat économique tuniso-libyen est une relation duelle : à la fois résiliente par la force des liens humains et des besoins économiques, et fragile face aux aléas politiques. Son avenir ne dépendra pas seulement des équilibres internes libyens, mais aussi de la capacité de la Tunisie à adopter une vision stratégique, à construire des institutions robustes et à négocier son interdépendance. La transition d’une économie de rente frontalière à un partenariat économique structuré est le seul gage de stabilité et de prospérité partagée pour ces deux voisins, dont les destins sont, quoi qu’il advienne, irrémédiablement liés.
 
 
 
 
 

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