- Mondafrique https://mondafrique.com/decryptage/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Sun, 14 Sep 2025 08:36:14 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/decryptage/ 32 32 Bouba Fané, l’influenceur qui fait peur à la junte malienne https://mondafrique.com/decryptage/bouba-fane-linfluenceur-qui-fait-peur-a-la-junte-malienne/ https://mondafrique.com/decryptage/bouba-fane-linfluenceur-qui-fait-peur-a-la-junte-malienne/#respond Sun, 14 Sep 2025 04:30:10 +0000 https://mondafrique.com/?p=138649 Bouba Fané, l’enfant de Badalabougou devenu figure incontournable de l’événementiel et opposant influent à la junte malienne Mohamed ag Ahmedou À l’état civil, il s’appelle Boubacar Soumahoro. Mais c’est sous son surnom de Bouba Fané qu’il est devenu l’un des visages les plus connus de la scène événementielle, culturelle et politique du Mali. Un sobriquet […]

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Bouba Fané, l’enfant de Badalabougou devenu figure incontournable de l’événementiel et opposant influent à la junte malienne

Mohamed ag Ahmedou

À l’état civil, il s’appelle Boubacar Soumahoro. Mais c’est sous son surnom de Bouba Fané qu’il est devenu l’un des visages les plus connus de la scène événementielle, culturelle et politique du Mali. Un sobriquet hérité de son enfance à Badalabougou, quartier populaire et vibrant au cœur de Bamako, et qui rend hommage à la famille maternelle auprès de laquelle il a grandi. Né au tout début des années 1980, Bouba Fané a bâti sa trajectoire sur l’audace, le flair entrepreneurial et un engagement constant auprès de la jeunesse.

Un autodidacte ambitieux

 
Élève appliqué, il effectue son cycle fondamental à Badalabougou avant d’intégrer le lycée Cheikh Anta Diop, où il obtient son baccalauréat en 1997. Attiré par le commerce et la communication, il poursuit des études en marketing, force de vente à l’institut IGLAM, l’un des établissements les plus prisés de Bamako.
 
Dès 2002, à peine sorti de l’université, il plonge dans le monde de la nuit et de l’événementiel en devenant gérant de l’Atlantis Night Club, l’une des premières boîtes modernes de la capitale. C’est une école grandeur nature : il y acquiert indépendance financière et réseaux, prenant très tôt en charge sa mère et ses proches.

De la fête à l’engagement citoyen

 
Le jeune manager enchaîne ensuite les expériences : Jet Set Night Club, Byblos, soirées coupé-décalé, concerts « Sambé Sambé décalé ». Mais il ne se contente pas d’importer les modes festives d’Abidjan ou de Dakar : il invente un style bamakois, mêlant divertissement et ambition sociale.
 
À partir de 2008, il fonde Mali Événement International, une agence qui va marquer la décennie suivante. Son initiative Trophée de l’Espoir, lancée en 2009 et parrainée par l’entrepreneur Mohamed Dia, attire l’attention du président Amadou Toumani Touré, qui le reçoit à Koulouba pour saluer « un projet qui enlève la jeunesse du complexe et l’oriente vers la création ».
 
En 2010, il organise un téléthon du cinquantenaire de l’indépendance : 154 millions de francs CFA sont mobilisés et reversés à l’État. L’année suivante, il frappe un grand coup avec Sida Foot, un match de gala contre le VIH qui réunit les stars africaines du ballon rond et remplit le stade du 26 Mars devant plus de 50 000 spectateurs. « Je suis fier, le Mali est fier », lui lance alors ATT, présent dans les tribunes.

Entre politique et société civile

 
Proche des présidents Amadou Toumani Touré et Ibrahim Boubacar Keïta, Bouba Fané a toujours revendiqué un attachement fort aux institutions républicaines. Fidèle à IBK jusqu’à sa chute en août 2020, il s’est ensuite tenu à l’écart de la transition militaire, affirmant son opposition catégorique aux coups d’État.
 
Depuis 2020, il est devenu l’un des opposants les plus virulents à la junte militaire au Mali. Installé en France depuis 2022, il s’est imposé comme l’influenceur politique malien le plus populaire sur les réseaux sociaux, suivi par des centaines de milliers d’internautes qui voient en lui une voix libre face au régime des colonels. Ses prises de parole, souvent incisives, critiquent la mauvaise gouvernance, la militarisation de la vie publique et les dérives autoritaires du pouvoir en place.
 

Une carrière aux dimensions internationales

 
Son engagement ne se limite pas au Mali. En 2013, il initie au Sénégal, en France et au Burkina Faso l’opération « Un citoyen engagé, un geste pour la reconstruction nationale ». En 2017, il coorganise à Bercy la Nuit du Mali, qui fait vibrer Paris aux couleurs de Bamako. En 2019, il lance le jeu Mali Millions, puis, en 2021, une web TV à son nom.
 
Exilé en France en 2022, devenu autoentrepreneur l’année suivante, Bouba Fané poursuit ses activités avec la même énergie. En 2024, il organise « Afrique à Montreuil », en présence de Samuel Eto’o et d’icônes du football mondial, puis, en 2025, « Afrique à Bouaké ».
 
Une marque, une vision
 
Aujourd’hui, Bouba Fané n’est plus seulement un organisateur de spectacles ni un opposant politique. Il est aussi entrepreneur dans la mode, avec sa griffe « Force à l’Afrique Verte » (FAVE) : vêtements, chaussures et accessoires distribués en Afrique et au-delà. Fidèle à son credo, il veut conjuguer esthétique, identité africaine et ambition économique.
 
L’influence d’une figure hybride
 
De Badalabougou à Montreuil, de l’Atlantis Night Club au stade du 26 Mars, de la fête populaire aux campagnes de sensibilisation, du téléthon à la lutte contre la junte, Bouba Fané incarne une figure hybride : entrepreneur, activiste culturel, influenceur politique. Ses détracteurs lui reprochent ses anciennes proximités avec le pouvoir ; ses partisans y voient au contraire l’itinéraire d’un homme qui, par son franc-parler et sa constance, a choisi le camp de la démocratie contre l’autoritarisme.
 
Dans un Mali fragilisé par les guerres et les putschs, Bouba Fané s’impose comme l’une des voix les plus écoutées et les plus contestataires de sa génération, un enfant de Badalabougou devenu symbole d’audace et d’opposition.

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Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique https://mondafrique.com/confidentiels/rejoignez-la-nouvelle-chaine-whattsapp-de-mondafrique/ Sun, 14 Sep 2025 02:18:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=107637 REJOIGNEZ LA CHAINE WHATTSAPP DE MONDAFRIQUE Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète)  et du Moyen […]

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Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète)  et du Moyen Orient (notamment le Liban).

Avec quelques 500000 visiteurs par mois pour le site fondé en 2014, 35000 abonnés sur Instagram et 5000 fidèles de nos pages WhatsApp , « Mondafrique » a imposé une vision pluraliste et originale en matière d’information sur le monde arabe et africain. Depuis le début des guerres en Ukraine et au Moyen Orient, nous ne nous interdisons pas d’accueillir des analyses sur les grands équilibres mondiaux qui ne peuvent pas manquer de se répercuter sur le mode africain et maghrébin. 

Notre positionnement critique vis à vis des pouvoirs en place, la diversité des contributeurs du site -journalistes, diplomates, universitaires ou simples citoyens-, la volonté enfin d’apporter des informations et des analyses qui tranchent avec la reste de la presse ont été nos seules lignes de conduite.  

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Les frappes contre la flottille pour Gaza ne sont pas accidentelles https://mondafrique.com/decryptage/les-frappes-contre-la-flottille-pour-gaza-ne-sont-pas-accidentelles/ https://mondafrique.com/decryptage/les-frappes-contre-la-flottille-pour-gaza-ne-sont-pas-accidentelles/#respond Thu, 11 Sep 2025 16:39:10 +0000 https://mondafrique.com/?p=138475 Les autorités tunisiennes ne croient plus à la thèse accidentelle dans les deux attaques par drone contre la flottille dune vingtaine d’embarcations vers Gaza Selim Jaziri En l’espace de deux jours, la flottille pour Gaza composée d’une vingtaine d’embarcation a été la cible de deux attaques par drone, mardi et mercredi, peu après minuit, dans […]

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Les autorités tunisiennes ne croient plus à la thèse accidentelle dans les deux attaques par drone contre la flottille dune vingtaine d’embarcations vers Gaza

Selim Jaziri

En l’espace de deux jours, la flottille pour Gaza composée d’une vingtaine d’embarcation a été la cible de deux attaques par drone, mardi et mercredi, peu après minuit, dans le port de Sidi Bou Said, où elle fait actuellement escale. Ils n’ont provoqué que des incendies limités et rapidement maitrisés, mais soulevé une vive émotion internationale, dans les réseaux impliqués dans le soutien à la cause palestinienne qui ont immédiatement mis Israël en cause.

Mardi matin, après la première attaque, les autorités tunisienne s’étaient empressées de démentir une quelconque agression et attribué l’incendie à un mégot de cigarette ou un barbecue. Une théorie démentie par les témoignages et les vidéos, réduite à néant après la seconde attaque, menée selon le même mode opératoire.

Dans un communiqué publié mercredi soir, le Ministère de l’Intérieur évoque désormais « un assaut planifié », et affirme ouvrir une enquête pour déterminer qui a conçu et mis en œuvre cette attaque.

Alors que la police avait rapidement fait disparaître les débris de l’engin lors de la première explosion, les restes de l’explosif employé mercredi ont pu être photographiés par les membres de la flottille. Ils évoquent une grenade incendiaire, en forme de cylindre, chargée de thermite, et enveloppée de plastique destiné à propager l’incendie. Un dispositif relativement rudimentaire,  transporté par un drone, à première vue de portée limitée. Ce qui suggère une action menée à partie d’une localisation relativement proche de la cible, sans que l’on puisse préjuger de son instigateur.

La présence de la flottille dans les eaux tunisiennes est célébrée par des rassemblements de plusieurs milliers de personnes enthousiastes sur la plage de Sidi Bou Saïd. Les autorités, elles, semblent conserver leurs distances. Dans les déclarations publiées par les visites successives des ministres des Affaires étrangères saoudien mardi et iranien mercredi, le Chef de l’État Kaïs Saïed a rappelé le soutien de la Tunisie à la cause palestinienne, mais n’a pas évoqué la présence de flottille, ni les attaques dont elle a été la cible.

Les pannes à bord de plusieurs navires et les conditions météos ont incité les organisateurs de la flottille à reporter son départ, initialement prévu mercredi.

La flottille pour Gaza frappée par un drone dans le port de Sidi Bou Said

Tunisie, la flottille pour Gaza frappée une deuxième fois

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Un autre navire de la Global Sumud Flottilla a été visé par un engin incendiaire à Sidi Bou Saïd. Les autorités tunisiennes restent silencieuses.

Par Selim Jaziri

Dans la nuit de mardi à mercredi, un deuxième navire de la flottille pour Gaza, qui fait actuellement escale dans le port de Sidi Bou Saïd au nord de Tunis, a été frappé par un engin incendiaire lâché depuis un drone. Le mode opératoire de l’action est exactement le même que lors de l’action dirigée la veille, à la même heure, contre le Family. Une vidéo enregistrée par la caméra du navire, l’Alma, sous pavillon britannique, montre clairement un membre de l’équipage signaler la présence d’un drone, avant qu’un dispositif enflammé soit lâché sur le pont provoquant un incendie rapidement maîtrisé.
L’engin incendiaire utilisé a, cette fois, été retrouvé et photographié par les membres de la Global Sumud Flottilla. Après le premier incident, la Garde nationale avait nié la présence de tout engin extérieur et affirmé que l’incendie avait été provoqué par un mégot ou par un barbecue à bord du Family, probablement pour éviter de provoquer des tensions diplomatiques. Cette hypothèse fantaisiste ne tient et pour le moment, les autorités tunisiennes n’ont pas commenté cette deuxième attaque.

Pour éviter d’accroître l’embarras des autorités tunisiennes, les organisateurs de la flottille avaient préféré ne pas commenter les explications officielles et, « au nom de la sécurité nationale », appelé à laisser les autorités mener l’enquête, préférant se focaliser sur la poursuite de leur mission. Composée d’une vingtaine d’embarcations, avec leur bord des personnalités et des militants en provenance du monde entier, l’objectif de la Global Sumud Flottilla est de briser, au moins symboliquement, le blocus humanitaire qu’il impose à la bande de Gaza.

L’origine des opérations soulève néanmoins quelques questions. Tous les regards se tournent bien sûr vers Israël, dont le gouvernement a multiplié les menaces à l’encontre de la flottille. Néanmoins, la portée d’un drone est limitée et le point de départ de l’appareil utilisé pour opérer à Sidi Bou Saïd ne peut être très éloigné des côtes tunisiennes. Les informations accessibles sur les vols des drones de surveillance de l’armée américaine indiquent que l’appareil immatriculé BLKCAT5, fréquemment présent au-dessus du détroit d’Ormuz ou au large de Gaza, a effectué, lundi, une mission à haute altitude au large des eaux tunisiennes. Sans pouvoir en tirer de conclusions, il est difficile de n’y voir qu’une coïncidence.

Recevant, lundi, le Prince Fayçal Al-Saoud, ministre des Affaires étrangères d’Arabie Saoudite, Kaïs Saïed a renouvelé le soutien de la Tunisie au « droit du peuple palestinien à se voir restituer toute la Palestine pour établir son État indépendant », mais n’a pas eu un mot pour mentionner la présence de la flottille pour Gaza dans les eaux tunisiennes, ni les frappes qui l’ont visée.

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La flottille pour Gaza frappée par un drone dans le port de Sidi Bou Said https://mondafrique.com/a-la-une/la-flottille-pour-gaza-frappee-par-un-drone-dans-le-port-de-sidi-bou-said/ https://mondafrique.com/a-la-une/la-flottille-pour-gaza-frappee-par-un-drone-dans-le-port-de-sidi-bou-said/#respond Tue, 09 Sep 2025 08:31:38 +0000 https://mondafrique.com/?p=138374 La flottille qui se dirige vesr Gaza a affirmé dans la nuit de lundi à mardi qu’un de ses bateaux avait été «frappé» par un drone au large de Tunis. Ce que les autorités tunisiennes ont démenti en disant n’avoir détecté «aucun» engin. Si elle se confirme, l’attaque très vraisemblable place le président tunisien, Kaïs Saïed, dans une […]

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La flottille qui se dirige vesr Gaza a affirmé dans la nuit de lundi à mardi qu’un de ses bateaux avait été «frappé» par un drone au large de Tunis. Ce que les autorités tunisiennes ont démenti en disant n’avoir détecté «aucun» engin. Si elle se confirme, l’attaque très vraisemblable place le président tunisien, Kaïs Saïed, dans une situation intenable. Alors que les témoignages sont clairs, les autorités démentent et les pro-Saïed crient au complot.

Selim Jaziri

L’un des principaux bateaux de la flottille pour Gaza actuellement à l’ancre dans le port de Sidi Bou Saïd au nord de Tunis, a été la cible d’une frappe par drone dans la nuit de lundi à mardi. Les dégâts matériels sont limités, une pile de gilets de sauvetage a brûlé. La « Global Sumud flottilla » a confirmé que l’un des principaux bateaux, The Family boat, sous pavillon portugais, qui transporte des membres du comité directeur de la GSF, a été frappé par un drone dans les eaux tunisiennes. Parmi ces membres, certains, dont Greta Thunberg, Rima Hassan ou Thiago Avila, militant écologiste brésilien, se trouvaient déjà à bord du Madleen, arraisonné par l’armée israélienne en juin dernier.

La flottille, partie d’Espagne, est arrivée dimanche après-midi dans le port de Sidi Bou Saïd où des milliers de personnes ont accueilli quelques unes des figures emblématiques de cette expédition, dont Rima Hassan ou Mandla Mandela, petit-fils de Nelson Mandela. Elle doit repartir mercredi en direction de Gaza pour briser le blocus humanitaire.

Les autorités israéliennes ont averti qu’elles traiteraient les personnes embarquées à bord de la flottille comme terroristes et n’hésiteraient pas recourir à la force. L’action de cette nuit signifie clairement que ces menaces doivent être prises au sérieux.

Des témoignages sans ambiguïté

La Garde nationale a immédiatement démenti tout acte hostile et affirme que selon des inspections préliminaires, l’incendie a été provoqué par l’étincelle d’un briquet ou un mégot de cigarette. « Nous démentons l’observation d’un drone au port de Sidi Bou Saïd. L’enquête est encore en cours ». Le Ministère de l’Intérieur, lui, fait état de rumeurs infondées.

Cependant, les témoignages et les vidéos qui circulent en ligne ne laissent guère de doute. « J’étais à l’arrière du bateau, j’ai entendu un drone qui volait à 4 mètres au-dessus de ma tête. Il s’est déplacé lentement vers l’avant du bateau et a lâché une bombe. Il y a eu une énorme explosion, de grandes flammes […] À 100 % c’était un drone qui a lâché une bombe sur le pont avant de notre bateau », affirme l’un des membres de l’équipage. « Six personnes à bord du bateau ont vu un drone lâcher un engin explosif sur le bateau », a confirmé Thiago Avila.

Une vidéo de surveillance montre clairement le moment et la trajectoire de la frappe, tombant verticalement sur le bateau, suivie d’une explosion. Dans une autre vidéo, le bruit d’un drone est clairement perceptible.

https://www.facebook.com/ICBSG

 « Une agression contre la souveraineté tunisienne »

« Bien sûr, ces faits doivent être vérifiés, a estimé Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations Unies pour les territoires palestiniens occupés, qui habite à proximité du port et s’est rendue immédiatement sur place. Mais il y a un historique d’attaques sur les flottilles et des déclarations hostiles de la part des autorités israéliennes. Il n’y a aucun autre État pour protéger cette flottille que la Tunisie qui lui fournit un port sûr. S’il se confirme qu’il s’agit bien d’une attaque par drone, alors il s’agit d’une agression contre la Tunisie et sa souveraineté. »

Kaïs Saïed au pied du mur

Comme l’indique l’empressement des forces de l’ordre à démentir une attaque par drone, l’affaire est embarrassante au plus haut point pour Kaïs Saïed. Le Chef de l’État a inscrit solennellement dans le préambule de la Constitution de 2022 « le droit [des Palestiniens] à disposer d’eux-mêmes, en premier lieu le droit du peuple palestinien à sa terre spoliée et à l’établissement de son État, sur cette terre après libération, avec Al-Quds Al-Sharif [Jerusalem] pour capitale. » À plusieurs reprises, il a qualifié de « haute trahison » tout acte de normalisation avec Israël.

Cet attaque survenue dans les eaux tunisiennes le place au pied du mur. Or, la marge de manœuvre internationale de la Tunisie, fortement dépendante financièrement, est extrêmement réduite. En novembre 2023, il avait enterré la proposition de loi parlementaire visant à criminaliser la normalisation. La caravane de solidarité avec Gaza partie de Tunis en direction du poste frontière égyptien avec la bande de Gaza, en juin dernier, avait suscité la colère du maréchal Sissi à l’encontre de Kaïs Saïed. Elle avait été stoppée et réprimée par les autorités libyennes de Benghazi, sous le contrôle du maréchal Haftar.

Une réaction à la hauteur de l’agression placerait Kaïs Saïed en difficulté avec ses soutiens internationaux, une absence de réaction ruinerait ses prétentions à être le héraut de la souveraineté nationale et de la cause palestinienne, et illustrerait, une nouvelle fois, l’incapacité des États arabes à soutenir les droits des Palestiniens.

Un déni intenable

Pour le moment, les autorités tunisiennes semblent opter pour le déni. Riadh Jrad, chroniqueur et relais de la propagande de la présidence dans les médias nationaux, dans un statut rapidement supprimé, a évoqué un incendie provoqué lors d’une soirée alcoolisée à bord du bateau, qualifié de canular les vidéos montrant l’attaque, et dénoncé un complot des médias dont la chaîne Al Jazeera et de l’organisation internationale des Frères musulmans pour dégrader l’image de la Tunisie. Le conseil local de Carthage a lui aussi démenti l’attaque, appelé à s’en tenir à la version officielle et dénoncé la propagation des « rumeurs » de menace pour la sécurité nationale.

Cette posture, devant l’évidence des faits, la quantité de témoignages et d’indices mondialement diffusés sur les réseaux sociaux, est intenable. La cause palestinienne transcende les clivages politiques en Tunisie et suscite une intense émotion populaire.

Ce n’est pas la première fois qu’une opération israélienne vise le sol tunisien. Le bombardement du siège de l’OLP à Hammam Chott en octobre 1985, avait tué 68 personnes dont 18 Tunisiens, et manqué de peu Yasser Arafat. Habib Bourguiba avait saisi le Conseil de sécurité des Nations unies. Le 16 avril 1988, un commando du Mossad avait assassiné le numéro 2 du Fatah, Abou Jihad, là encore, la Tunisie avait saisi le Conseil de sécurité. Le 15 décembre 2016, Mohamed al-Zawahri, un ingénieur concepteur de drones pour le compte du Hamas, avait été assassiné à Sfax, vraisemblablement dans une opération commanditée par Israël. La Tunisie avait lancé des poursuites internationales contre les deux auteurs, de nationalité bosnienne, arrêtés et extradés.

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Série Liban (4), le désarmement, un risque d’embrasement https://mondafrique.com/moyen-orient/serie-liban-4-le-desarmement-un-risque-dembrasement/ https://mondafrique.com/moyen-orient/serie-liban-4-le-desarmement-un-risque-dembrasement/#respond Wed, 03 Sep 2025 17:47:54 +0000 https://mondafrique.com/?p=138182 Pour de nombreux responsables libanais, la rhétorique du désarmement est un double jeu : elle permet de répondre aux attentes internationales tout en reportant indéfiniment la mise en œuvre réelle

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L’injonction au désarmement du Hezbollah, brandie sans solutions concrètes, aggrave la fragilité libanaise : instrumentalisée par tous, elle alimente les tensions, menace la stabilité régionale et fait peser sur le pays le spectre d’un embrasement incontrôlable.

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Dans la sphère diplomatique et médiatique, l’appel à désarmer le Hezbollah occupe une fonction essentielle : celle de marqueur politique. Pour Israël, l’exigence de désarmement légitime la stratégie de pression militaire et justifie les frappes ciblées ou l’escalade le long de la frontière. Pour certains acteurs arabes, elle sert à afficher une solidarité avec le Liban tout en se dédouanant du dossier, et à contenir l’influence de l’Iran dans la région. Côté occidental, elle permet de conditionner l’aide économique ou le soutien politique à des engagements sécuritaires, souvent irréalisables, créant ainsi un levier de négociation permanent.

Pour de nombreux responsables libanais, la rhétorique du désarmement est un double jeu : elle permet de répondre aux attentes internationales tout en reportant indéfiniment la mise en œuvre réelle, faute de moyens et de consensus interne. Cette stratégie de temporisation vise à maintenir le statu quo, à éviter toute confrontation directe avec le Hezbollah, et à préserver une stabilité fragile – en apparence du moins.

Ce jeu d’équilibres instables s’accompagne cependant de conséquences dangereuses : plus l’injonction est répétée sans être suivie d’effet, plus elle affaiblit la crédibilité de l’État et de ses alliés, tout en renforçant la propagande du Hezbollah qui se présente comme la seule véritable force de résistance et de protection.

Scénarios de désarmement forcé 

L’histoire récente du Liban et de la région montre que toute tentative de désarmement par la force, sans un consensus national et sans alternative de sécurité, risque d’aboutir à l’inverse du but recherché : un retour à la violence généralisée. Plusieurs précédents libanais l’attestent. En 1975, la tentative de marginaliser la résistance palestinienne a conduit à l’éclatement de la guerre civile. En 1984, la tentative de dissolution des milices chiites par l’armée libanaise et les Forces Multinationales s’est soldée par une défaite rapide de l’État central. En mai 2008, la volonté du gouvernement de démanteler le réseau de télécommunications du Hezbollah a provoqué une démonstration de force militaire du parti, aboutissant à la capitulation politique de ses adversaires en moins de 48 heures.

Le scénario d’un désarmement précipité – sous pression extérieure, ou à la faveur d’un contexte de crise régionale – présenterait un risque majeur de fragmentation du pays. Le Hezbollah, conscient de son emprise sociale et militaire, répondrait probablement à toute tentative de désarmement par une mobilisation massive, une paralysie des institutions, voire une prise de contrôle de zones entières. Cela entraînerait une polarisation extrême, un risque élevé d’affrontements intercommunautaires, et la résurgence de milices concurrentes – phénomène déjà observé à bas bruit dans certaines régions à majorité chrétienne ou sunnite.

En l’absence de forces de sécurité capables de garantir l’ordre et la sécurité, la société libanaise serait livrée à elle-même, exposée à la logique des vengeances, des règlements de compte, et de la balkanisation du territoire. L’expérience de la guerre civile, toujours vive dans la mémoire collective, demeure le repoussoir ultime, mais n’est plus un rempart suffisant : l’effondrement socio-économique actuel fragilise les barrières morales et institutionnelles, rendant l’hypothèse d’une dérive violente plus crédible que jamais.

Gaza : l’illusion du désarmement par la force

La comparaison avec Gaza est instructive. Depuis le début de l’offensive israélienne en 2023, l’objectif affiché était l’« élimination du Hamas » et le désarmement complet du mouvement. Après près de deux ans de conflit, des dizaines de milliers de morts, la destruction quasi-totale des infrastructures civiles, et une catastrophe humanitaire sans précédent, l’organisation armée n’a pas été éradiquée. Les capacités de résistance persistent, le contrôle territorial fluctue, mais l’esprit de résistance et le soutien populaire, alimenté par la perception d’une injustice structurelle, restent vivaces.

L’« effet boomerang » du désarmement imposé par la force est double : il radicalise la population, offre au groupe cible une nouvelle légitimité (en tant que symbole de la résistance à « l’ennemi »), et crée un vide que nulle autorité de substitution ne peut combler. À Gaza, malgré l’ampleur de la destruction, le Hamas demeure un acteur militaire et politique incontournable ; la population civile paie le prix fort de l’insécurité et de la pénurie, mais aucune solution stable ne s’impose.

Transposé au Liban, un tel scénario serait synonyme de chaos : la tentative de désarmer le Hezbollah, sans prise en compte des dynamiques sociales, confessionnelles et régionales, produirait un vide sécuritaire aussitôt investi par d’autres acteurs, ou par le retour du Hezbollah sous une autre forme, plus radicalisée encore. L’illusion du désarmement par la force conduit invariablement à un cercle vicieux de violence, d’instabilité et d’ingouvernabilité.

L’effet sur la dynamique régionale

Un désarmement précipité du Hezbollah aurait également des conséquences majeures pour l’équilibre régional. D’une part, cela affaiblirait l’un des principaux leviers iraniens face à Israël et aux États-Unis, risquant de pousser Téhéran à activer d’autres fronts (Irak,Yémen) pour compenser la perte d’influence. D’autre part, cela pourrait encourager Israël à imposer sa propre architecture sécuritaire au Liban-Sud, soit par une occupation directe, soit par le soutien à des groupes locaux hostiles au Hezbollah – ouvrant la voie à de nouveaux cycles de confrontation.

La stabilité du Liban, si fragile soit-elle, constitue encore un tampon relatif dans une région marquée par la multiplication des « États faillis » et des zones grises. Une explosion de la scène libanaise déborderait rapidement sur la Syrie, la Jordanie, et pourrait même relancer une vague de radicalisation régionale, avec des implications pour la sécurité européenne et mondiale (migrations, terrorisme, marchés de l’armement).

La fragmentation accrue : scénario de guerre civile

Enfin, il ne faut pas sous-estimer la capacité de la société libanaise à se diviser davantage. Déjà, la défiance entre communautés atteint un sommet, la classe politique joue la surenchère, et les réseaux sociaux amplifient chaque incident. Les lignes de fracture confessionnelles, exacerbées par la crise économique et le ressentiment populaire, rendent tout projet de désarmement autoritaire dangereux. La violence verbale précède souvent la violence physique : la stigmatisation d’une communauté ou d’un parti peut basculer rapidement dans la chasse aux sorcières, l’exode interne, et la constitution de poches armées, comme ce fut le cas à plusieurs reprises depuis les années 1970.

Le désarmement du Hezbollah ne peut être imposé par décret ni par la seule force. Sans solution politique, sans alternative de sécurité, et sans réintégration des bases sociales du parti dans un projet national inclusif, toute tentative précipitée d’y parvenir porterait en germe la destruction de l’État libanais – déjà sur le fil du rasoir.

Au-delà des slogans et des injonctions vaines, c’est la responsabilité collective du système libanais et l’hypocrisie politique qui sont en jeu. Le prochain article s’attachera à dévoiler ce que le débat sur le désarmement du Hezbollah occulte : la faillite de la souveraineté et l’impasse nationale.

 

 

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Série Liban (3), le Hezbollah, un relais de l’Iran https://mondafrique.com/moyen-orient/liban-gaza-4-le-hezbollah-un-relais-de-liran/ https://mondafrique.com/moyen-orient/liban-gaza-4-le-hezbollah-un-relais-de-liran/#respond Wed, 03 Sep 2025 07:22:14 +0000 https://mondafrique.com/?p=138171 Organisation militaire, acteur politique, filet social et bras armé de l’Iran : le Hezbollah incarne une puissance hybride qui tire profit du vide d’État au Liban. Sa réalité complexe rend toute stratégie de désarmement illusoire sans un changement régional et interne profond. Le Hezbollah n’est pas une simple milice ; c’est une organisation hybride, à la fois […]

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Organisation militaire, acteur politique, filet social et bras armé de l’Iran : le Hezbollah incarne une puissance hybride qui tire profit du vide d’État au Liban. Sa réalité complexe rend toute stratégie de désarmement illusoire sans un changement régional et interne profond.

Le Hezbollah n’est pas une simple milice ; c’est une organisation hybride, à la fois force armée non-étatique, parti politique légal, réseau social et acteur économique. Cette pluralité explique en grande partie la difficulté – voire l’impossibilité – de son désarmement par des moyens conventionnels.

Sur le plan militaire, le Hezbollah dispose d’une capacité autonome, distincte de l’armée libanaise et largement supérieure à celle de tous les autres groupes politiques du pays. Son arsenal, entretenu et renouvelé avec l’aide de l’Iran, comprend des dizaines de milliers de roquettes à courte et moyenne portée, des missiles antichars sophistiqués, des drones de reconnaissance et d’attaque, ainsi qu’un réseau de tunnels et d’abris souterrains : une infrastructure conçue pour résister à des offensives conventionnelles israéliennes et pour imposer un coût élevé à toute tentative d’incursion majeure au Liban.

Mais l’organisation ne se limite pas à la sphère militaire. Sur le terrain politique, le Hezbollah s’est intégré au système institutionnel libanais : il dispose d’un groupe parlementaire, de ministres au gouvernement, de relais dans la fonction publique, et d’alliances transversales, y compris avec des formations chrétiennes (notamment le Courant patriotique libre de Michel Aoun jusqu’à récemment). Cette « légalisation » partielle lui confère une légitimité, mais surtout lui permet d’user des instruments de l’État tout en conservant ses propres structures parallèles.

Sur le plan social, le Hezbollah gère un vaste réseau de services : écoles, hôpitaux, ONG, structures de secours, assurances, banques informelles, etc. Pour de larges segments de la population chiite – et au-delà, pour des Libanais paupérisés – le parti incarnait avant l’avènement du mandat du Président Joseph Aoun une forme d’État providence là où l’État central avait disparu. Ce rôle social a renforcé son implantation, cultivé un sentiment d’appartenance et d’identification communautaire, et lui a donné la capacité de mobiliser durablement ses bases.

Le levier iranien 

Le Hezbollah est également un instrument stratégique de l’Iran dans sa politique régionale. Sa création en 1982 s’inscrit dans la logique d’exportation de la révolution islamique, et Téhéran n’a jamais cessé de voir dans le parti une extension avancée de son influence au Levant. Les liens logistiques, financiers, idéologiques et opérationnels entre les Gardiens de la Révolution iraniens et le Hezbollah sont avérés et largement documentés : formation militaire, transfert d’armes sophistiquées, soutien technologique (notamment dans le domaine des drones et des missiles), encadrement idéologique via les réseaux religieux.

L’Iran utilise le Hezbollah comme une carte maîtresse dans sa confrontation avec Israël et, plus largement, avec les États-Unis et leurs alliés arabes. La dissuasion que représente la capacité de nuisance du Hezbollah – notamment sa faculté de frapper le territoire israélien en cas d’attaque contre l’Iran ou ses alliés – est un élément central de la doctrine de sécurité iranienne. C’est aussi un levier de négociation : chaque montée des tensions dans la région (nucléaire iranien, conflit à Gaza, interventions en Syrie ou en Irak) redonne au Hezbollah une fonction de « dissuasion déléguée », au service de la stratégie globale de Téhéran.

Le parti bénéficie ainsi d’un soutien matériel et moral quasi inconditionnel : même affaibli sur le plan local par la crise économique ou par la contestation de certains segments de la société chiite, le Hezbollah reste vital pour l’Iran, et aucune pression internationale sérieuse n’a pu, à ce jour, amener Téhéran à réduire son soutien. Au contraire : les événements récents, qu’il s’agisse de la guerre à Gaza ou des tensions avec Israël en Syrie, renforcent la détermination de l’Iran à maintenir et à développer ses relais au Liban.

L’existence d’un tel levier extérieur complique encore la question du désarmement : toute tentative de réduire la puissance militaire du Hezbollah sans tenir compte de la dimension régionale est vouée à l’échec, car le parti n’agit jamais en dehors d’une coordination stratégique avec Téhéran. Ce dernier n’hésiterait pas à activer d’autres relais, à ouvrir d’autres fronts ou à intensifier le soutien logistique pour préserver ses intérêts.

Souveraineté libanaise empêchée

Au total, la réalité du Hezbollah, comme puissance hybride enracinée localement et adossée à une puissance régionale, enferme le Liban dans une contradiction géopolitique majeure : le pays ne peut restaurer sa pleine souveraineté sans traiter la question des armes, mais il ne peut le faire sans affronter la dimension sociale, confessionnelle, stratégique et surtout militaire de sa présence.

Pour l’État libanais, toute tentative d’imposer unilatéralement le désarmement reviendrait à déclencher une crise majeure, voire un conflit civil. Pour la communauté internationale, la pression diplomatique ou l’aide militaire à l’armée libanaise ne suffisent pas à changer l’équation tant que le soutien iranien perdure. Pour Israël, la « menace Hezbollah » sert d’argument à la poursuite des violations de souveraineté, aux frappes préventives et à la pression constante sur l’État libanais.

Dans ce contexte, la discussion sur le désarmement du Hezbollah ne peut être dissociée d’une réflexion plus large sur la reconstruction de l’État, la réintégration des différentes composantes communautaires dans un projet national, et la gestion des influences régionales ; c’est à cette condition seulement qu’un début de solution devient envisageable.

Face à cette réalité, l’injonction répétée du désarmement se révèle non seulement illusoire, mais potentiellement dangereuse. Le prochain article analysera comment cette exigence, instrumentalisée par divers acteurs, nourrit les risques d’embrasement au Liban, à la lumière des enseignements tirés de Gaza.

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Série Liban (2), le mirage du désarmement du Hezbollah https://mondafrique.com/moyen-orient/liban-2-le-mirage-du-desarmement-du-hezbollah/ https://mondafrique.com/moyen-orient/liban-2-le-mirage-du-desarmement-du-hezbollah/#respond Tue, 02 Sep 2025 02:57:15 +0000 https://mondafrique.com/?p=138110 Répété comme une évidence, le désarmement du Hezbollah reste un mot d’ordre creux, reflet d’une impasse stratégique et politique. Derrière les injonctions extérieures, c’est l’impossibilité d’agir, la paralysie de l’État et la crise du Liban qui se dévoilent. Désarmer le Hezbollah : l’expression occupe, depuis des mois, le centre des débats diplomatiques, médiatiques et militaires […]

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Répété comme une évidence, le désarmement du Hezbollah reste un mot d’ordre creux, reflet d’une impasse stratégique et politique. Derrière les injonctions extérieures, c’est l’impossibilité d’agir, la paralysie de l’État et la crise du Liban qui se dévoilent.

Désarmer le Hezbollah : l’expression occupe, depuis des mois, le centre des débats diplomatiques, médiatiques et militaires sur le Liban. Présentée comme la condition sine qua non d’un retour à la souveraineté nationale, elle fait consensus parmi les partenaires occidentaux, les alliés arabes du Golfe, et bien sûr chez les dirigeants israëliens, qui n’ont jamais cessé d’exiger le retrait et le désarmement total de la milice chiite.

Pourtant, ce slogan, répété comme une évidence, masque une réalité beaucoup plus complexe : aucune des parties prenantes, y compris les plus favorables à ce désarmement, n’est en mesure d’en préciser les modalités, les garanties, ni d’en assurer la faisabilité à court ou moyen terme.

Le désarmement, un leitmotiv

Depuis la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies en 2006, qui a mis fin à la guerre de juillet entre Israël et le Hezbollah, le désarmement de toutes les milices au Liban, y compris le Hezbollah, figure sur l’agenda international et national. En pratique, ce dossier n’a jamais avancé d’un pouce. Ni l’État libanais, affaibli par des décennies de crise, ni la FINUL, dont le mandat est avant tout d’observer et de stabiliser la frontière, n’ont obtenu le moindre début de démantèlement de l’arsenal du Hezbollah, estimé par la plupart des experts à plus de 150 000 roquettes, drones, missiles antichars et systèmes sophistiqués répartis dans tout le Sud, mais aussi en banlieue sud de Beyrouth et dans la vallée de la Bekaa.

Aucune autorité n’est en mesure de dresser un inventaire exhaustif des capacités militaires du Hezbollah. Les services de renseignement libanais, sous-dotés et infiltrés par toutes les factions du pays, reconnaissent en privé leur ignorance des réseaux logistiques du parti. Même les agences occidentales admettent qu’en dehors d’une poignée de chefs connus, l’essentiel de la structure opérationnelle du Hezbollah demeure opaque. Cette opacité est une stratégie délibérée : le Hezbollah se présente à la fois comme acteur politique légal, détenteur de ministres au gouvernement, et comme acteur militaire souterrain, bénéficiant d’un système de commandement cloisonné, d’une discipline éprouvée, et du soutien logistique de l’Iran et de la Syrie.

L’injonction du désarmement, un instrument politique

À chaque crise, l’appel au désarmement ressurgit, brandi par les chancelleries étrangères, les organisations internationales et une partie des forces politiques libanaises. Mais ce mot d’ordre sert le plus souvent d’exutoire ou de diversion, plus que de solution. Pour Washington, Paris ou Tel-Aviv, exiger le désarmement permet de poser un cadre de négociation, de justifier sanctions et pressions diplomatiques, mais sans jamais définir ni calendrier ni mesures concrètes. Pour une partie des élites libanaises, réclamer le désarmement du Hezbollah, c’est déplacer le centre de gravité du débat politique et rejeter sur le parti la responsabilité de l’effondrement de l’État, sans assumer les faillites internes de la gouvernance.

À Gaza, la rhétorique israélienne d’un « démantèlement total du Hamas » a montré ses limites. Après des mois de guerre, l’armée israélienne a certes détruit des infrastructures, tué des commandants, mais la résistance armée persiste, le chaos s’est aggravé, et la population civile en paie le prix. Au Liban, la transposition de cette logique se heurte à des obstacles encore plus grands : la géographie, la topographie, la nature hybride du Hezbollah, et surtout la réalité confessionnelle et sociale du pays.

À quand une stratégie nationale?

Le désarmement du Hezbollah ne peut se concevoir ni comme un acte purement militaire, ni comme une décision imposée par l’extérieur. L’armée libanaise, qui incarne en principe l’unité nationale, n’a ni la volonté politique ni les moyens logistiques de s’attaquer frontalement au Hezbollah. La composition du commandement militaire, les équilibres internes, les réseaux de solidarité qui traversent l’institution, tout concourt à paralyser toute velléité d’affrontement. Aucun gouvernement libanais ne survivrait politiquement à une telle opération : les précédents historiques (1975, 1984, 2008) montrent que chaque tentative de marginaliser un acteur armé majeur débouche sur une explosion du système, des affrontements confessionnels, et un retour à la case départ.

Une offensive israélienne de grande ampleur, sur le modèle de Gaza, impliquerait des pertes humaines et matérielles massives, un risque d’embrasement régional, et l’effondrement total du Liban déjà exsangue.

Qui décide de la « fin du Hezbollah » ?

Dans ce contexte, la notion même de désarmement devient un instrument de langage, non un projet politique opérationnel. Qui déciderait que le Hezbollah est « désarmé » ? Sur quels critères ? Selon quels standards internationaux, et avec quel contrôle ? Aucune instance indépendante, ni libanaise ni étrangère, n’a accès à l’ensemble des sites ou dépôts d’armes. Le parti conserve, dans toutes ses zones d’implantation, une capacité de dissimulation, de redéploiement, et une logistique robuste soutenue par l’Iran. Les services occidentaux reconnaissent que toute tentative d’inventaire serait inévitablement partielle, soumise à des manipulations, voire à des fuites orchestrées.

Ce flou n’est pas accidentel : il sert toutes les parties. Le Hezbollah maintient l’ambiguïté pour préserver son pouvoir de dissuasion, Israël s’en sert pour légitimer ses opérations, les dirigeants libanais pour justifier leur impuissance, et les puissances étrangères pour conserver un levier diplomatique. Dans ce jeu de dupes, l’expression « désarmement du Hezbollah » fonctionne comme un marqueur de position politique, plus que comme un horizon atteignable à court terme.

Un objectif innateignable

La persistance de cette impasse nourrit un cycle d’instabilité : chaque offensive israélienne contre le Hezbollah renforce sa légitimité interne comme « rempart contre l’agression », chaque appel international au désarmement aggrave la polarisation au sein du Liban, chaque blocage politique affaiblit l’État central et favorise l’autonomie des acteurs armés. La frontière sud reste le théâtre d’un équilibre précaire : ni guerre totale, ni paix véritable. La prolongation de la FINUL jusqu’en 2026 est vécue comme un compromis fragile, destiné à éviter le pire sans rien résoudre.

Au-delà, la question du désarmement du Hezbollah cristallise toutes les contradictions du système libanais : souveraineté empêchée, fractures confessionnelles, dépendance aux acteurs extérieurs, absence de projet national. Loin d’offrir une perspective de résolution, l’injonction répétée du désarmement fonctionne comme un miroir des échecs collectifs, et comme un symptôme du malaise géopolitique qui mine le pays et la région.

Pour saisir les racines de cette impasse, il faut désormais interroger la réalité du Hezbollah : une puissance hybride, bâtie sur le vide d’État, et dont l’enracinement régional fait du Liban un terrain de jeu stratégique pour l’Iran. C’est l’objet du prochain article.

Dans le 3eme volet de notre enquète, le Hezbollah au Liban : un État dans l’État

 

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Série Liban (1), des otages de la violence régionale https://mondafrique.com/moyen-orient/liban-gaza-1-des-otages-de-la-violence-regionale/ Mon, 01 Sep 2025 07:35:38 +0000 https://mondafrique.com/?p=138092 Dans un Proche-Orient en perpétuelle tension, Liban et Gaza subissent la violence structurelle d’un statu quo mortifère. Entre pression internationale, divisions internes et menaces d’escalade, ces territoires oscillent entre survie, soumission et résistance, pris au piège de leur histoire. Dans la région du Proche-Orient, le Liban et la bande de Gaza partagent, à des degrés […]

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Dans un Proche-Orient en perpétuelle tension, Liban et Gaza subissent la violence structurelle d’un statu quo mortifère. Entre pression internationale, divisions internes et menaces d’escalade, ces territoires oscillent entre survie, soumission et résistance, pris au piège de leur histoire.

Dans la région du Proche-Orient, le Liban et la bande de Gaza partagent, à des degrés divers, le sort tragique d’être à la fois acteurs et otages d’une violence qui ne cesse de se réinventer, d’un cycle sans fin d’escalade et de répit, d’une « paix négative » entretenue par la fatigue des sociétés et la stratégie des puissants. Au Sud-Liban, la prolongation in extremis du mandat de la FINUL jusqu’à fin 2026 apparaît comme une simple suspension de l’inévitable, un sursis accordé à un statu quo qui ne tient plus que par la crainte du pire. La communauté internationale, partagée entre lassitude et calcul géopolitique, n’offre plus que le minimum vital : la gestion du temps. Gagner du temps, retarder l’embrasement, reporter le chaos – telle est la politique qui prévaut aujourd’hui.

Dans ce paysage désolé, deux fronts se font face, deux tragédies se répondent. À Gaza, la menace d’une évacuation de masse, dénoncée comme « impossible » et inhumaine par la présidente du Comité international de la Croix-Rouge, expose au grand jour le cynisme des stratégies de guerre et l’incapacité du système international à protéger les civils. Plus d’un million de personnes sont prises au piège, condamnées à choisir entre l’exode impossible et la survie improbable, sous le feu d’une armée qui poursuit son objectif « d’élimination du Hamas », sans jamais définir qui est réellement visé, ni ce qui constituerait une victoire.

Au Liban, le scénario n’est guère différent dans son essence, même si les modalités varient. La société, appauvrie, divisée, minée par la défiance, est sommée de choisir entre la soumission à la logique des armes et la perspective d’un désarmement imposé, aussi incantatoire qu’irréaliste. La FINUL, présente depuis près de cinquante ans, est désormais perçue comme un élément décoratif d’une sécurité illusoire, et le retrait programmé à l’horizon 2026-2027 inquiète autant qu’il soulage.

L’instrumentalisation américaine

Pour Israël, ce retrait est l’occasion d’accentuer la pression sur l’État libanais, sommant ce dernier d’assumer enfin sa souveraineté sur un Sud qui lui échappe. Pour les États-Unis, c’est un levier diplomatique et militaire dans un contexte de rivalité régionale accrue, où l’Iran, la Syrie, et les groupes armés palestiniens restent des acteurs majeurs de la déstabilisation.

Ce contexte délétère façonne le débat sur le Hezbollah. Depuis le 7 octobre 2023, date de la nouvelle guerre entre Israël et Gaza, la frontière libano-israélienne s’est transformée en front mouvant, théâtre d’affrontements réguliers, d’incidents mortels et de démonstrations de force. La perspective d’un conflit élargi, qui embraserait le Sud-Liban et transformerait la guerre contre le Hamas en guerre régionale, n’a jamais été aussi réelle.

Pourtant, au cœur du discours dominant, une question persiste, lancinante : pourquoi ne pas désarmer le Hezbollah ? Pourquoi laisser un parti-milice détenir un arsenal qui échappe à l’État, une capacité militaire hors du contrôle national ? Pourquoi tolérer cette « anomalie » qui fait du Liban un cas unique, ni pleinement souverain, ni totalement sous tutelle ? Posée ainsi, la question semble simple. Mais sa simplicité est trompeuse. Car derrière le slogan « désarmer le Hezbollah » se cache un abîme de contradictions, de non-dits, d’impuissance collective et de peur.

C’est à ce nœud, à ce piège des mots et des réalités, qu’il faut s’attaquer pour comprendre la tragédie libanaise. 

Cet article inaugure un dossier consacré à la tragédie libanaise, à la question du Hezbollah, et aux impasses d’une région otage de ses propres contradictions. La suite explorera les enjeux du désarmement, le rôle des puissances régionales et la crise de souveraineté.

 

 

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Mondafrique revient sur le coup d’État de 2023 au Niger https://mondafrique.com/a-la-une/niger-1-5-mondafrique-revient-sur-le-coup-detat-de-juillet-2023/ Sat, 16 Aug 2025 07:30:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=114774 Le 26 juillet 2023, c’est un coup d’Etat sans coup de feu qui fait tomber le Président Mohamed Bazoum, un événement inédit dans le monde et même au Niger, où l’armée est particulièrement économe de la vie des siens. Celui qui s’empare du Président, est l’homme chargé de la sécurité du pays au plus haut […]

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Le 26 juillet 2023, c’est un coup d’Etat sans coup de feu qui fait tomber le Président Mohamed Bazoum, un événement inédit dans le monde et même au Niger, où l’armée est particulièrement économe de la vie des siens. Celui qui s’empare du Président, est l’homme chargé de la sécurité du pays au plus haut niveau, le général Abdourahamane Tiani, qui commande la Garde Présidentielle. En ce matin de saison des pluies et à mi-mandat du troisième quinquennat du président Issoufou, nul ne peut encore imaginer les conséquences considérables à venir pour le Niger et pour l’ensemble du Sahel.

En cinq épisodes, Mondafrique vous raconte comment une révolution de Palais a dessiné les nouveaux rapports de force qui existent au Sahel. 

Ce 26 juillet 2023 qui fut un coup de tonnerre dans tout le Sahel 

Quand le Président se voit interdire de sortir de chez lui, juste après la prière de l’aube, il ne s’alarme pas, croyant avoir affaire à un mouvement d’humeur de la Garde Présidentielle (GP). Il se trouve avec sa femme Hadiza et son fils Salim, venu de Dubaï pour les vacances scolaires. Il a entendu un peu de bruit dans la cour et constaté que le personnel du Palais, qui arrive tôt le matin, ne pouvait pas entrer. Quant à la vingtaine d’hommes qui composent sa sécurité rapprochée sous les ordres de son neveu, ils ne sont pas là : ils ne dorment pas au camp présidentiel. Le général Abdourahamane Tiani, le tout puissant commandant de la GP, voit une menace dans cette unité entièrement dévouée à Mohamed Bazoum, recrutée et formée à l’extérieur de la GP à l’installation du nouveau Président, en 2021.

En ce mercredi matin, Bazoum est donc entièrement livré au chef de corps et à ses 700 hommes, surarmés par son prédécesseur, Mahamadou Issoufou. En douze ans à la tête de la GP, Tiani, qui est un officier de terrain venu du rang, a déjoué de nombreux complots, réels ou imaginaires. Le dernier, à la veille de l’investiture de Mohamed Bazoum, le 31 mars 2021, a conduit en prison plusieurs poids lourds de l’armée, y compris le chef d’Etat-major Terre et le chef des opérations de l’Etat-major.

Aucune effusion de sang

Mais en dépit de la loyauté apparente – mâtinée de sautes d’humeur – du commandant de la GP, le Président Bazoum, sans doute méfiant à l’égard d’un système qu’il n’a pas conçu, laisse de plus en plus le champ libre aux initiatives du Touareg Rhissa Ag Boula. Le ministre d’Etat chargé de la Sécurité, un ancien chef de front rebelle, tente de s’imposer comme le vrai patron, ce que Tiani n’apprécie guère. Ce dernier sent bien que son pouvoir est concurrencé par d’autres acteurs dont l’influence grandit autour du Président. A commencer par le ministre de l’Intérieur, Hamadou Adamou Souley, un très proche de Mohamed Bazoum, qui évince de plus en plus son homologue de la Défense, Alkassoum Indatou, dans les relations avec les partenaires extérieurs. Le ministre de l’Intérieur, philosophe de formation, comme le Président, est d’ailleurs le premier officiel interpellé le 26 juillet.

Mohamed et Hadiza Bazoum en déplacement dans la région de Tahoua le 23 juillet 2023

Le premier coup de téléphone de Bazoum est, tout naturellement, pour son ami et frère Mahamadou Issoufou, à qui il voue une confiance absolue. Aveugle, disent certains. La relation entre les deux hommes est étroite et ancienne. Issoufou est l’aîné de Bazoum au sein du parti rose ; il l’a imposé à sa succession, y compris en mobilisant son fief électoral de Tahoua pour l’élection présidentielle de 2021. Tous les samedis, les deux hommes déjeunent à deux pas du Palais, où Issoufou occupe plusieurs villas de l’Etat et où il continue d’exercer une influence occulte sur les affaires de l’Etat. Bazoum se braque lorsque lui parviennent des avertissements sur les agissements de son vieil ami ou les propos parfois peu amènes à son endroit de sa seconde femme. Le sujet est si sensible que personne, parmi ses proches, n’ose plus l’aborder. Ce 26 juillet, au téléphone, Issoufou se fait fort de convaincre Tiani de relâcher Bazoum.  

Dans la journée, le Président fluctue entre l’adhésion à une intervention armée et la réserve, conscient des risques qu’une telle opération fait courir à sa propre vie et à celle de sa famille. Bien qu’il croit encore à la possibilité d’une sortie de crise en douceur, par les  bons offices d’Issoufou, une riposte armée se prépare. Les avis divergent sur les ordres qu’aurait donnés Mohamed Bazoum. Le plus probable semble, toutefois, qu’il approuve l’option d’une action chirurgicale appuyée par la France. 

Récit d’une intervention avortée

Les choses s’organisent à partir du camp de la Garde Nationale (GNN). Cette unité placée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur est dirigée par le colonel-major Guirey Midou, loyal au Président. La Garde nationale est devenue, au fil des années, une sorte de contre-pouvoir des Forces Armées Nationales, à cause de sa tutelle institutionnelle qui la fait échapper à la Défense et grâce à un recrutement très souple. Flanqué de son coordonnateur des opérations, le colonel Aliou Matani, le Haut-Commandant Guirey s’apprête. Dans la cour, se trouvent aussi des officiers français, ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, qui s’auto-proclame Premier ministre par interim en l’absence du titulaire du portefeuille en voyage à l’extérieur du pays. Massaoudou et le colonel Guirey signent alors un document qui légalise l’intervention française en préparation. Ils «autorisent le partenaire français à effectuer des frappes au sein du Palais présidentiel afin de libérer le Président de la République du Niger, Mohamed Bazoum, pris en otage». Il est peu vraisemblable que les deux hommes aient agi sans le feu vert du Président. On aperçoit aussi, en tenue de garde national, le bras droit de Rhissa Ag Boula, Mohamed Wajada dit Tombola, conseiller à la Présidence, dont le patron se trouve alors à l’étranger.

Le plan est simple : une centaine de repentis de l’Etat islamique en cours d’intégration dans la GNN se préparent pour une diversion à moto qui précédera l’attaque du Palais proprement dite, conduite par la GNN et appuyée par les forces spéciales françaises.

Mais l’ordre de Paris ne viendra jamais. 

Côté nigérien, la force destinée à libérer Bazoum se délite. Le commandant en second de la GN, Ahmed Sidian, absent du camp, fait part de son désaccord. Le commandant des forces spéciales, le général Salaou Barmou, ne se joint pas non plus à l’aventure. Mais une partie de ses éléments prennent position en ville, aux carrefours stratégiques : l’aéroport et les médias publics. Il s’agit d’hommes et de véhicules appartenant à l’opération Almahaou, qui sécurise la frontière malienne. Ce mouvement sera diversement interprété par les observateurs. Les diplomates occidentaux y voient les signes d’un contre-coup loyaliste en préparation. Mais d’après les informations parvenues à Mondafrique, ce sont plutôt les prémices d’un coup dans le coup, finalement avorté.

Emmanuel Macron injoignable

Dans son audition devant la commission Défense de l’Assemblée nationale, l’ambassadeur de France Sylvain Itté, bien que vantant une rapide «coordination entre les services de l’Etat, rappelle que «le Président de la République était en voyage dans le Pacifique, ce qui a compliqué les choses. Avec le décalage horaire, nous avons eu des difficultés à recevoir ses instructions au cours des premières heures qui ont suivi le coup d’Etat.» Plusieurs sources affirment que l’ordre formel du Président français a manqué aux toutes premières heures, quand la situation était encore fragile et le dispositif armé aux portes du Palais, léger. Lorsque le Président français redevient joignable, la situation a évolué et les chances de succès d’une opération coup de poing se sont réduites. 

Emmanuel Macron à Nouméa, le 26 juillet 2023

Dans un article non signé du 5 octobre qui semble inspiré par l’Elysée, Jeune Afrique présente une autre version, avantageuse pour le chef de l’Etat français. Racontant les coulisses de l’intervention avortée, le magazine affirme, contrairement à l’ambassadeur Itté, que le Président français a donné «dès le 26 juillet depuis Nouméa son feu vert à une intervention commando des forces spéciales basées au Niger, ordre retransmis à la base 101 de Niamey par le général Bruno Baratz, commandant de l’opération Barkhane à N’Djamena.» L’hebdomadaire précise même qu’un «détachement français a aussitôt quitté la base pour se prépositionner au niveau de l’hôtel Radisson (…) à quelques centaines de mètres du palais présidentiel.»

Pour Jeune Afrique, ce n’est pas l’indécision française mais Mahamadou Issoufou qui fait échouer l’opération. «Il appelle son successeur pour, aux dires de ce dernier, le supplier de s’opposer à toute intervention militaire au moment précis où il est en train de négocier la reddition des putschistes.»

Une bruyante opération secrète  

Une source sécuritaire française à Niamey émet des doutes sur le récit de Jeune Afrique. «J’étais présent au Radisson le 26 une partie de l’après-midi. Je peux vous garantir qu’il n’y avait aucun dispositif de forces françaises, spéciales ou pas. Juste un trio de sympathiques mythomanes vendeurs de sécurité en pantalons de treillis.» Et l’ancien militaire d’ironiser : «En revanche, l’ambassade de France à annoncé aux autres ambassadeurs l’imminence d’une opération secrète qui n’est pas restée secrète très longtemps.»

Revenons aux premières heures du coup d’Etat. L’arrestation du Président devient publique dès 7h30. La nouvelle, révélée par deux sources crédibles sur les réseaux sociaux, fait le tour du Niger incrédule. Aux abords du Palais, pourtant, rien d’apparent. La tension ne monte qu’à partir de 15h00, avec l’apparition de véhicules militaires qui prennent position auprès de la radio et de la télévision nationales, signe d’un coup d’Etat en cours et d’une déclaration à venir. Des jeunes du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS) se rassemblent place de la Concertation puis s’avancent vers le Palais, demandant la libération du Président. Un manifestant est blessé par un tir de sommation. Mais le reste de la population nigérienne ne bronche pas. Car chacun s’interroge encore sur l’auteur du coup d’Etat et surtout, son potentiel commanditaire. Le système PNDS est-il abattu ? Issoufou a-t-il joué un rôle ? Qui a pris le pouvoir et à quelles fins ?

Manifestation à l’appel des jeunes du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme demandant la libération de Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023

Négociations à la tête de l’armée

En réalité, pendant qu’Issoufou palabre vainement avec le général Tiani et échange avec les diplomates occidentaux, pendant que le téléphone de Bazoum ne cesse de sonner des appels de ses homologues étrangers, les négociations décisives sont invisibles.

Elles mettent en présence les hommes forts de l’armée, y compris le chef d’état-major, Abdou Sidikou Issa, nommé quatre mois plus tôt, et son prédécesseur, le général Salifou Modi, qui cherche un consensus pour préserver la cohésion de l’institution militaire. A l’issue de ces très longues tractations, tard dans la soirée, les postes clé sont distribués : au général Tiani, la présidence de l’exécutif (le Conseil national pour la Sauvegarde de la Patrie, CNSP), au général Salaou Barmou l’état-major, au général Mohamed Toumba le ministère de l’Intérieur, au général Modi la Défense, tandis que tous les officiers supérieurs sont nommés d’office au CNSP. Le centre de gravité est aussi le point d’équilibre du système : le général Modi est très respecté de ses cadets.

Dès lors, c’est l’armée nigérienne qui dirige le pays.
Il est minuit. La télévision nigérienne diffuse l’appel des nouveaux maîtres. Tous les corps figurent sur la photo de famille, représentés par leurs patrons ou leurs numéros deux. Le message est limpide.

 

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