- Mondafrique https://mondafrique.com/decryptage/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Thu, 17 Apr 2025 17:10:54 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/decryptage/ 32 32 « La corne de l’Afrique » expliquée aux ignorants https://mondafrique.com/decryptage/les-enjeux-de-la-corne-de-lafrique-expliques-aux-nuls/ https://mondafrique.com/decryptage/les-enjeux-de-la-corne-de-lafrique-expliques-aux-nuls/#respond Thu, 17 Apr 2025 14:55:40 +0000 https://mondafrique.com/?p=131894 Le groupe de pays africains s’étendant de l’Éthiopie, l’Érythrée, Djibouti et la Somalie, à cheval sur le golfe d’Aden et la mer Rouge, géopolitiquement stratégiques, constitue la Corne de l’Afrique officielle. Elle est souvent étendue politiquement et économiquement pour inclure le Soudan, le Sud-Soudan, le Kenya et l’Ouganda.   Le contexte géopolitique actuel de la […]

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Le groupe de pays africains s’étendant de l’Éthiopie, l’Érythrée, Djibouti et la Somalie, à cheval sur le golfe d’Aden et la mer Rouge, géopolitiquement stratégiques, constitue la Corne de l’Afrique officielle. Elle est souvent étendue politiquement et économiquement pour inclure le Soudan, le Sud-Soudan, le Kenya et l’Ouganda.
 
Le contexte géopolitique actuel de la Corne de l’Afrique est extrêmement complexe et en évolution rapide, marqué par des tensions internes, des rivalités régionales et des influences internationales croissantes. Plusieurs facteurs peuvent influencer l’avenir de cette région, et il existe plusieurs scénarios possibles sur ce que pourrait être l’évolution géopolitique de la Corne de l’Afrique dans les années à venir.
 
Voici quelques éléments clés qui pourraient façonner l’avenir de cette région :
 
Un article de Bolock Mohamed Abdou, activiste, juriste, et défenseur des droits humains
 
 
1. *Les tensions internes en Éthiopie et les implications pour la région* :
 

Avec plus de 110 millions d’habitants, l’Ethiopie est le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique. C’est une République fédérale divisée en 10 régions autonomes dont le Tigré qui a pour capitale Mekele.  à la frontière de l’Erythrée et du Soudan. 
 
Le Tigré, plus grand que la Suisse, est situé au nord du pays,
 
L’Éthiopie a longtemps été un acteur clé en Afrique de l’Est, mais les tensions internes, en particulier dans le Tigré  depuis 2020, ont mis à mal la stabilité du pays. Officiellement, la guerre a commencé en novembre 2020 par une offensive lancée par le gouvernement central pour renverser les autorités rebelles du Tigré issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Le parti qui dirige la région autonome a été accusé d’avoir attaqué des bases de l’armée fédérale au Tigré
 
La guerre civile, les massacres, et la crise humanitaire ont des répercussions profondes, non seulement pour l’Éthiopie, mais aussi pour ses voisins, notamment le Soudan, Djibouti, et l’Érythrée. Si le conflit continue ou dégénère, cela pourrait créer un environnement propice à l’instabilité régionale et à de nouvelles alliances, voire à une dislocation et à des interventions internationales.
 
Une stabilisation relative en Éthiopie, associée à l’importance géostratégique de la région Afar, en revanche, pourrait redonner au pays un rôle de leader dans la région, mais cela dépendra de la réconciliation interne, de l’intégration des diverses communautés ethniques et de la gestion de ses relations avec les voisins, y compris les Afars, les Somalis, les Oromos, et les Tigréens.
 
2. *L’Érythrée et ses relations avec l’Éthiopie et Djibouti* 
 
 
L’Érythrée dont la capitale est Amara a une position géopolitique stratégique en tant que voisin de l’Éthiopie et Djibouti. Bien qu’un accord de paix ait été signé entre l’Éthiopie et l’Érythrée en 2018, de nombreuses tensions subsistent, notamment concernant les frontières et les droits des minorités. Le pays pourrait chercher à renforcer ses relations avec certains acteurs extérieurs comme les Émirats arabes unis et la Chine, tout en gérant ses propres dynamiques internes de gouvernance autoritaire et de restrictions des libertés.
 
Le pouvoir à Djibouti vient de faire passer une loi qualifiant de « terroristes » les quelques centaines de combattants du Front pour la Restauration de l’Unité et la Démocratie (FRUD) qui, derrière leur leader Mohamed Kadamy (voir son image ci dessus), se battent pour la reconnaissance des droits légitimes de l’ethnie des Afar et la démocratie à Djibouti. Et cela dans l’indifférence de la communauté internationale !
 
Les Afar habitent trois pays de la Corne de l’Afrique : Djibouti, l’Ethiopie et l’Erythrée. Ce peuple, qui contrôle l’ensemble des côtes Érythréennes de la mer rouge pourrait aggraver la situation si une solution n’est pas trouvée pour leur intégration dans la région. Les puissances étrangères viennent de découvrir l’importance stratégique des Afars dans la région de la Corne de l’Afrique.
 
L’Érythrée a une relation tendue avec Djibouti, surtout en ce qui concerne la question de la presqu’île de Doumeira et les intérêts stratégiques en mer Rouge. Les tensions entre ces deux pays pourraient encore se manifester si des intérêts régionaux divergents émergent.
 
3. *Djibouti et sa position stratégique* :
 
Djibouti, en tant que petit mais stratégiquement situé le port de la mer Rouge, joue un rôle important en tant que centre de transit pour les exportations de pétrole et en raison de sa proximité avec les détroits stratégiques comme celui de Bab-el-Mandeb. 
 
À Djibouti, l’entreprise de télécommunication Huwaei, engagée dans un bras de fer direct avec les États-Unis, est désormais citée dans une affaire d’espionnage qui a pour principal acteur Omar Guelleh. Le président de Djibouti qui refuse toujours à offrir son pays sur un plateau d’argent aux puissances occidentales, largement impliquées dans la Corne de l’Afrique, n’a pas les mêmes préventions avec les Chinois. Les autorités de Djibouti ont commis le péché de faire construire le palais présidentiel à l’aide des Chinois.
 
 
Djibouti abrite également une base militaire américaine et plusieurs autres bases étrangères, dont la Chine, ce qui renforce son importance géopolitique pour les grandes puissances.
 
La stabilité de Djibouti est donc cruciale pour la sécurité maritime et la gestion des routes commerciales vitales dans l’océan Indien et la mer Rouge. Cependant, la concurrence entre les puissances étrangères pour l’accès à la région (Chine, États-Unis, France, etc.), les tensions internes et l’autoritarisme du pouvoir, pourraient accentuer la pression sur le pays et éventuellement aggraver les tensions internes ou avec ses voisins.
 
4. *La question des revendications et des conflits ethniques* :
 
Les revendications ethniques et territoriales restent un enjeu majeur dans la Corne de l’Afrique. Le peuple Afar, notamment en Éthiopie, Djibouti et Érythrée, continue de chercher une reconnaissance politique plus forte et de revendiquer plus de droits et d’autonomie. Des conflits locaux, comme ceux entre les Afars et les Somalis en Éthiopie, pourraient amplifier les tensions internes.
 
En Somalie, le groupe islamiste armé Al-Chabab a incendié de nombreuses habitations lors de raids perpétrés fin mai 2017 dans des villages de la région du Bas-Chébéli, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch en s’appuyant sur des témoignages et l’analyse d’imagerie satellite. Les combattants d’Al-Chabab ont enlevé des civils, volé du bétail et commis des incendies criminels lors d’attaques ayant contraint plus de 15 000 personnes à fuir leurs foyers.
 
La Somalie, qui a été largement déstabilisée par des décennies de guerre civile, de milices armées (notamment Al-Shabaab) et d’incertitudes politiques, pourrait également jouer un rôle central dans l’évolution de la région. La dynamique interne de la Somalie, associée à ses relations avec l’Éthiopie et d’autres voisins, pourrait se transformer en une série de rivalités ou de coopérations qui auront des répercussions sur les relations géopolitiques de la Corne de l’Afrique.
 
5. *L’influence des puissances extérieures :
 
La Corne de l’Afrique est un carrefour stratégique, et les grandes puissances mondiales (notamment les États-Unis, la Chine, la Russie, et les pays du Golfe) ont des intérêts importants dans la région, en raison de son emplacement près des routes commerciales maritimes vitales et de la guerre contre le terrorisme (comme en Somalie). Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite sont particulièrement impliqués dans les investissements et les bases militaires, et la Chine a un intérêt croissant en matière de port, d’infrastructure et de commerce, notamment en Érythrée et Djibouti.
 
La rivalité entre ces puissances pourrait également entraîner des tensions supplémentaires, et certains pays de la région pourraient être amenés à se positionner en fonction de ces relations externes, créant ainsi des alliances stratégiques mais aussi des frictions.
 
6. *Les défis environnementaux et leur impact géopolitique
 
La Corne de l’Afrique fait face à des défis environnementaux de plus en plus graves, notamment la sécheresse, la désertification et l’insécurité alimentaire. Le changement climatique pourrait déstabiliser davantage des zones déjà fragiles, notamment les régions arides habitées par les Afar, et provoquer des migrations internes et transfrontalières. Ces migrations pourraient exacerber les tensions entre les groupes ethniques ou avec les États voisins, ajoutant une couche supplémentaire d’instabilité à la situation géopolitique.
 
Les ingérences des États du Golfe, en particulier l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, dans la région de la Corne de l’Afrique et de la mer Rouge, ont pris une ampleur considérable au cours de la dernière décennie. Ces pays ont cherché à renforcer leur influence stratégique en raison de l’emplacement géopolitique crucial de la région, qui est au carrefour des routes maritimes mondiales reliant l’Asie, l’Afrique et l’Europe, et également en raison de la présence de ressources naturelles et d’enjeux sécuritaires (comme le terrorisme ou la piraterie).
 
7. *Les intérêts stratégiques dans la région des Etats du Golfe*
 
L’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis à la manoeuvre
 
Les États du Golfe sont principalement intéressés par la Corne de l’Afrique et la mer Rouge par souci de contrôler mes routes maritimes.
La mer Rouge et le détroit de Bab-el-Mandeb sont des passages vitaux pour le commerce mondial, notamment pour le transport de pétrole et d’autres marchandises entre le Moyen-Orient, l’Asie et l’Europe. Le contrôle de ces routes maritimes est d’une importance capitale pour la sécurité énergétique et les intérêts commerciaux des pays du Golfe.
 
Les investissements dans les infrastructures, l’aide humanitaire, et les initiatives de développement peuvent stimuler l’économie de certains pays comme Djibouti, l’Erythrée et la Somalie. Ces pays bénéficient également d’une certaine stabilité en matière de sécurité grâce aux soutiens militaires.
 
Cependant, les rivalités entre puissances régionales, les investissements militaires et les alliances avec des factions locales (comme en Somalie et au Yémen) peuvent exacerber les conflits internes, créer de nouvelles tensions ethniques et politiques, et compromettre la stabilité à long terme de la région.
 
Les États du Golfe, en particulier l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, continuent de jouer un rôle déterminant dans la dynamique géopolitique de la Corne de l’Afrique et de la mer Rouge. Leur influence est liée à leurs intérêts commerciaux, militaires et sécuritaires dans cette région stratégique, mais leurs interventions peuvent aussi avoir des effets déstabilisants, exacerbant les tensions entre les différentes factions locales et avec d’autres puissances extérieures. Le défi à long terme pour la région sera de trouver un équilibre entre ces ingérences et la préservation de la souveraineté des États de la Corne de l’Afrique.
 
8. Les possibles scénarios d’évolution* :
 
– *Scénario de coopération régionale* ;
Dans un scénario optimiste, les pays de la Corne de l’Afrique pourraient trouver un terrain d’entente pour coopérer dans des domaines comme la gestion des ressources en eau, la sécurité régionale, et la lutte contre le terrorisme. Cela pourrait inclure des initiatives régionales de développement économique et de réconciliation ethnique.
 
– *Scénario de fragmentation* ;
Les tensions ethniques et politiques internes, ainsi que les rivalités régionales, pourraient mener à une fragmentation accrue des États de la Corne de l’Afrique, avec une multiplication des conflits ethniques ou frontaliers, et des interventions étrangères accrues.
 
– *Scénario de domination d’une grande puissance extérieure* ;
L’une des puissances mondiales ou régionales pourrait chercher à dominer la région, que ce soit par des investissements, des bases militaires, ou des accords commerciaux. Cela pourrait rendre la Corne de l’Afrique encore plus vulnérable aux ingérences extérieures.
 
La situation géopolitique de la Corne de l’Afrique est donc marquée par une série de dynamiques qui peuvent aller dans différentes directions, en fonction de la manière dont les acteurs internes et externes géreront les tensions et les opportunités dans les années à venir. La stabilité régionale dépendra en grande partie de la capacité des États à surmonter leurs divisions internes, à gérer leurs ressources naturelles et à trouver des solutions diplomatiques aux conflits persistants.
 
 

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Les Tunisiens dans l’enfer des centres de rétention italiens https://mondafrique.com/a-la-une/les-tunisiens-dans-lenfer-des-centres-de-retention-italiens/ https://mondafrique.com/a-la-une/les-tunisiens-dans-lenfer-des-centres-de-retention-italiens/#respond Wed, 09 Apr 2025 02:33:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=131370 Le sort des migrants tunisiens en Italie suscite une vague d’émotion depuis quelques semaines alors que l’Italie accélère la cadence des expulsions et que le mercredi 9 avril s’ouvre à Rome le procès dans l’affaire de la mort suspecte d’un jeune tunisien, Wassim Abdellatif.  Mais les autorités tunisiennes servent loyalement la politique migratoire européenne. Par […]

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Le sort des migrants tunisiens en Italie suscite une vague d’émotion depuis quelques semaines alors que l’Italie accélère la cadence des expulsions et que le mercredi 9 avril s’ouvre à Rome le procès dans l’affaire de la mort suspecte d’un jeune tunisien, Wassim Abdellatif.  Mais les autorités tunisiennes servent loyalement la politique migratoire européenne.

Par Selim Jaziri

Wassim Abdellatif est arrivé en Italie, en émigré clandestin, au mois d’octobre dernier et qu’il a été transféré au centre de rapatriement à Rome. Le 24 novembre 2021, Abdellatif a été hospitalisé, puis son décès a été annoncé le 2 décembre 2021. Selon les résidents du centre, la victime a été agressée par la police, ce qui a nécessité son hospitalisation, avant sa mort.

Wassim Abdellatif (26 ans) est mort le 28 novembre 2021 dans un hôpital romain où il avait été transféré après avoir psychologiquement « craqué » durant sa détention dans un centre pour migrants en instance d’expulsion. Ligoté, bras et jambes attachés à son lit pendant plus de trois jours, il avait reçu une forte de dose calmant qui lui a été fatale. Suite à la plainte de la famille, une infirmière est jugée pour homicide involontaire et contrefaçon d’un document public. Mais ce procès est surtout celui de tout le dispositif de traitement des migrants en situation irrégulière dans un contexte de durcissement de la politique migratoire italienne et européenne.

Les CPR, symbole de la violence de la politique migratoire

La Cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a fait de la répression de la migration clandestine l’un des axes forts de sa politique, dans un pays devenu la porte d’entrée en Europe des migrants en provenance de la Méditerranée centrale, de Tunisie et de Libye en particulier.

Les CPR – centri di permanenza per il rimpatrio, centre de détention pour le rapatriement – sont l’un des éléments-clés du dispositif mis en place pour systématiser des expulsions. Ils sont aussi devenus le symbole de la violence de cette politique, en raison des conditions inhumaines infligées aux migrants.

Dix centres sont actuellement opérationnels, dix centres supplémentaires sont en projet de sorte qu’il y en ait dans chacune des vingt régions du pays. Depuis 2023, la durée de la détention a été portée de 135 jours maximum à 18 mois.

Bien que remplissant une mission de service public, les CPR sont gérés des entreprises privées dont la priorité est de minimiser les coûts, quitte à ne pas respecter les exigences de base de leur cahier des charges relatives aux services sanitaires, linguistiques et juridiques aux migrants. Ces mauvaises conditions sont régulièrement dénoncées par les ONG italiennes et par Amnesty International : cellules surpeuplées, installations sanitaires déplorables, absence d’eau courante ou de matériel médical élémentaire, soins administrés par du personnel non qualifié, absence totale d’activité récréative, impossibilité de contacter un avocat… Aucun examen médical et psychologique préalable, pourtant obligatoire, n’établit l’aptitude à supporter ces conditions de détention, alors même que les migrants sont plus en plus jeunes.

A cela s’ajoutent la violence physique. Teresa Florio, militante du réseau « Mai più lager – No ai CPR » – « Plus jamais de camps de concentration, non aux CPR » –, dénonce les passages à tabac, les coups de matraques et les coups de pied, infligés à des personnes menottées. Selon rapport d’une enquête du Parquet de Potenza, dans l’Italie du Sud, en janvier 2024, une infirmière affirme devoir traiter fréquemment des patients souffrant « de contusions, de hématomes sur tout le corps ou de fractures ». Une enquête d’Avocats sans frontière de 2022 avait établi que 88 % des Tunisiens passés par les CPR, qui constituent la majorité de leurs « pensionnaires », avaient souffert de maltraitance physique et psychologique. Les migrants tunisiens ont même forgé un dicton : « Celui qui y entre est perdu, celui qui en sort est comme un nouveau né ».

Des détenus drogués de force

De telles conditions rendent les détenus littéralement fous. Les cas d’automutilation, voire les suicides ne sont pas rares. En mars dernier, après qu’un détenu tunisien a tenté de se pendre, dans le CPR de Trapani-Milo, en Sicile, une mutinerie a éclaté et cent cinquante détenus ont voulu entamer une grève de la faim. Dans une vidéo tournée en cachette alors que la police anti-émeute investissait le centre pour mater la révolte, on entend les cris « À l’aide, à l’aide, nous sommes couverts de sang ! », sur fond de bruits de coups de matraque.

Pour calmer les crises d’angoisse ou de colère, l’usage massif de psychotropes et de tranquillisants, parfois administré de force, a été confirmé par l’enquête du Parquet de Potenza. Le Rivotril, un antiépileptique qualifié de « drogue du pauvre », est devenu le médicament le plus utilisé dans les CPR. Une utilisation dangereuse puisqu’elle peut créer des dépendances, voire entrainer des décès. Selon une enquête du site italien Altreconomia, un Géorgien est décédé en janvier 2020 des suites d’une rétention d’eau dans les poumons provoquée par l’administration de stupéfiants, et en juillet une Albanaise, a succombé à une overdose de méthadone.

Selon Majdi Karbaï, 244 personnes seraient décédées en 2024 dans les prisons tunisiennes (pas uniquement dans les CPR), dont dix Tunisiens. D’après les témoignages qu’il a reçus, trois Tunisiens sont morts pour le seul mois de mars dernier : l’un dans la prison de Perrugia, le 12 mars, un autre, Fadi Ben Sassi (20 ans) retrouvé mort suite à un « suicide apparent » à la prison de Potenza, et un troisième, le 19 mars, s’est suicidé dans un CPR, plutôt que d’être expulsé. Un quatrième a tenté de mettre fin à ses jours au CPR de Gradisca d’Isonzo à Gorizia, le 3 avril dernier, lui aussi pour protester contre son expulsion.

Une justice d’abattage

Les migrants tunisiens qui ont placé tous leurs espoirs  dans l’émigration, voire parfois commencé à s’intégrer, vivent l’expulsion forcée comme un drame. Or, la cadence s’accélère. Le 5 mars dernier, le ministre de l’Intérieur se félicitait d’une augmentation de 35 % du nombre d’expulsions par rapport à l’année précédente, et le 2 avril, le gouvernement a annoncé un budget de 20 millions supplémentaires pour financer cette politique.

La Tunisie est particulièrement concernée et les effets sur l’opinion se font sentir ces dernières semaines suite à la diffusion de vidéos et de témoignages sur les réseaux sociaux. Beaucoup de commentateurs ont parlé de « clauses secrètes » dans les accords entre les deux pays. Kaïs Saïed a mis un point d’honneur à démentir, à l’occasion du 25 anniversaire de Habib Bourguiba, le 6 avril, l’existence d’un nouvel accord. Sur un plan étroitement juridique, c’est juste. L’accord international qui instaure le principe des réadmissions avec l’Italie date de 1998. Les « accords » suivants sont en réalité les procès verbaux de réunions techniques, non rendus publics, à la différence des accords internationaux.

C’est surtout à partir d’avril 2011, alors qu’une vague de migrants tunisiens affluait à Lampedusa, que la politique de réadmission a été ainsi mis en œuvre et qu’a été acté le recours aux vols charters, lors d’une réunion entre les ministres de l’Intérieur des deux pays. Ce mouvement n’a cessé de s’amplifier depuis. En 2021, 1866 Tunisiens ont été expulsés, et 2234 en 2022. Pour le seul premier semestre 2024, 1452 Tunisiens ont été renvoyés dans leur pays. Selon Majdi Karbaï, le nombre d’expulsions se monterait à 475 pour les trois premiers mois se l’année 2025.

Pour atteindre la cadence nécessaire, les procédures ont été simplifiées. Sur un plan légal, l’expulsion est une décision judiciaire individuelle. Mais c’est une justice d’abattage : la présentation devant le juge est une formalité ; la décision est appliquée dans les 24 heures, sans possibilité de faire appel. Une fois les décisions prononcées, les migrants sont envoyés à Trapani, en Sicile, où ils sont présentés au consul qui délivre les laisser-passer consulaire à la chaîne.

Les expulsés sont embarqués menottés aux poignets et aux chevilles. Selon des témoins, le repas qu’on leur sert aurait pour effet de les endormir. Pour plus discrétion, la plupart des vols arrivent à présent à l’aéroport de Tabarka, à la frontière algérienne, plutôt qu’à celui d’Enfidha, proche de Hammamet, où atterrissent les vols de touristes en formule « all inclusive ».

Lune de miel

Kaïs Saïed n’a fait que rendre plus fluide et plus efficace une coopération commencée avant lui. En revanche, c’est bien lui qui a signé, le 23 juillet 2023, le mémorandum d’entente avec l’Union européenne auquel Giorgia Meloni a beaucoup contribué, et par lequel « les deux parties conviennent à soutenir davantage le retour et la réadmission depuis l’UE des nationaux tunisiens en situation irrégulière ».

Les dirigeants italiens se félicitent d’ailleurs des résultats obtenus avec la Tunisie, qui contribue loyalement à la politique migratoire européenne. Grâce aux moyens déployés par les gardes-côtes tunisiens, financés en grande partie par l’Italie, pour intercepter les départs, le nombre d’arrivée sur les côtes italiennes depuis la Tunisie a diminué de 80 % entre 2023 et 2024. Mécaniquement, cette « réussite » a produit l’accumulation de migrants subsahariens sur le sol tunisien à l’origine d’une situation humanitaire dramatique et de fortes tensions sociales, et à laquelle les autorités tunisiennes ne savent apporter qu’une réponse sécuritaire et répressive.

Suite à une nouvelle poussée de fièvre raciste, début mars, les principaux camps de migrants installés dans les oliveraies d’El Amra ont été démantelés, le week end dernier. Leurs occupants répartis dans de nouveaux campements montés par le Croissant rouge. Les responsables d’associations d’aide aux migrants sont accusés d’être les petites mains d’un complot visant à installer les subsahariens en Tunisie et à « transformer sa composition démographique ». Dans le même temps, Kaïs Saïed, qui n’a rien à dire sur les mauvais traitements infligés à ses concitoyens en Italie, entretient sa lune de miel avec les dirigeants européens et Giorgia Meloni en particulier, qui sont les vrais responsables de la situation migratoire en Tunisie.

La contrepartie financière du partenariat avec l’Union européenne, censée contribuer à « l’approche globale » de la crise migratoire par le traitement de ses causes économiques, reste  sans effet, engloutie par le déficit budgétaire. Quinze ans de réformes structurelles soutenues par l’Union européenne dans le cadre du processus de Barcelone depuis 1995, et une décennie de transition démocratique se sont cassés les dents sur un système à fabriquer de l’exclusion, de la pauvreté et du désespoir. Les causes de la migration des Africains subsahariens ne vont pas se tarir avant longtemps et l’Europe a mis en branle une machine impitoyable à rejeter les migrants. La Tunisie n’a-t-elle pour ambition que d’en sous-traiter les effets ?

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Kamel Daoud continue à jouer au martyre https://mondafrique.com/decryptage/kamel-daoud-continue-a-jouer-au-martyre/ Sun, 06 Apr 2025 07:05:29 +0000 https://mondafrique.com/?p=131198 Dans un entretien de deux pages donné au Figaro, Kamel Daoud étire sa théorie de mensonges. Cette fois il accuse le »régime » algérien d’avoir porté plainte contre lui à Paris; alors que l’initiative ne revient qu’à Saäda Abrane, une jeune miraculée d’un coup de sabre islamiste reçu lors des années de plomb. Elle accuse Daoud d’avoir […]

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Dans un entretien de deux pages donné au Figaro, Kamel Daoud étire sa théorie de mensonges. Cette fois il accuse le »régime » algérien d’avoir porté plainte contre lui à Paris; alors que l’initiative ne revient qu’à Saäda Abrane, une jeune miraculée d’un coup de sabre islamiste reçu lors des années de plomb. Elle accuse Daoud d’avoir volé son passé pour écrire un roman.

Jacques Marie Bourget

Si une lame de couteau placée sur la carotide on me contraignait à m’abonner à un journal,  version papier, j’opterais pour le Figaro. Son papier (je ne dis pas ses articles) est de bonne qualité et ses pages nombreuses. Pour moi qui suis bricoleur Le Figaro serait un outil pratique : étalées au sol ses pages évitent de tacher le parquet quand on repeint les murs. Utile aussi pour véhiculer le mensonge, bien qu’ici Le Figaro n’ait pas le monopole. Un dernier bobard m’a attiré l’œil. Il sort de la bouche de Kamel Daoud. Un récidiviste.

Dans un entretien qui n’occupe que deux pages, et c’est bien dommage de restreindre un tel génie qui méritait plus, au détour des lignes il nous dit plaintif :« Alger peut déposer plainte contre Kamel Daoud en France ; la France ne peut même pas envoyer un avocat à Alger » . Notons que cet auteur à de la hauteur, il parle de lui à la troisième personne. Ainsi selon l’écrivain ciblé par une assignation judiciaire en France, c’est « Alger », donc le « régime » qui le pourchasse. Et pas une virgule, un clin d’œil consacré à celle qui le poursuit  pour de vrai jusqu’aux rives de la Seine. Cette femme-plaignante existe pourtant, elle s’appelle Saâda Arbane, une suppliciée de la barbarie islamiste des années noires en Algérie. Confortée par de nombreux témoins, la miraculée estime que Daoud a pillé l’histoire de sa vie afin d’écrire un roman goncourisé.

Eclairons le lecteur auquel ont échappé les épisodes du feuilleton de ce Goncourt de circonstance. Rappelons que la femme de Daoud était, naguère à l’hôpital d’Oran, la psychiatre de la rescapée Saâda Arbane. Et Daoud est aujourd’hui accusé de tenir de sa femme les détails d’une vie dont il aurait fait un roman. Le hasard fait parfois nécessité.

S’estimant violée dans son intime, dans sa douleur et son histoire, dans son syndrome post-traumatique,  la jeune femme a déposé deux plaintes, à Oran contre Daoud et sa femme psychiatre, l’autre contre le seul Daoud et l’éditeur Gallimard, à Paris. Rappelons qu’à l’âge de quatre ans l’algérienne la gorge tranchée à, contre tout pronostic, échappé à un coup de grâce donné par le sabre du Groupe Islamique Armé. Gorge . Détruite, elle revit en miraculée. Courageuse et chaque jour « reconstruite » elle continue une vie de femme pleine de pudeur et de sentiments. Et n’entend pas devenir une héroïne de roman. C’est donc avec courage qu’elle a porté plainte. Mais Daoud, Dieu des médias, homme sans vergogne, osant tout, vient se plaindre de ce que la France laisse cette femme, doublement meurtrie par le sabre et son rappel dans un livre, porter plainte contre lui.  Dans l’esprit de Daoud -si féministe qu’il a été condamné pour avoir frappé son ex-femme-, il est impossible d’imaginer qu’une Saäda Arbane, puisse seule avoir l’outrecuidance de le contraindre. Conclusion, derrière cette assignation nous devons voir la main ferme et inique du « régime » d’Alger.

Abonné au mensonge, comme d’autres le sont à EDF, Daoud n’a donc peur de rien : il est sûr de ses arrières. N’est-il pas un intime de Macron, un « visiteur du soir à l’Elysée » et le doudou des médias, même « de gauche ».Lui qui ne se lasse pas d’enfourner dans un même hachoir et les Arabes et les Palestiniens. Lui qui doit sa notoriété et sa carrière de « Magrébin utile », à une chronique publiée à propos « des femmes violées par des immigrés à Cologne, au Jour de l’An 2016 ». Alors que « l’information » était un sinistre bidonnage. Donc, voici aujourd’hui la doxa, la « ligne générale » : c’est bien le gouvernement algérien qui cherche querelle à l’intouchable devant le TGI de Paris. Contre l’avis de nombreux caciques d’Alger qui ne souhaitaient pas que les magistrats de l’ancien pays colon mettent ce dossier dans leur balance. Et, pourtant, c’est bien l’unique Saâda Arbane, femme libre, qui a décidé de poursuivre jusqu’à Paris celui qu’elle accuse du vol de son passé ; là où Daoud a pris ses quartiers d’honnête homme. L’interview du Figaro ne contient qu’une seule information, c’est qu’à la hâte Daoud se construit une image de martyr poursuivi par le « régime » algérien. Alors que nous n’avons aucun signe de cette traque. Vous me direz :« Mais, à Oran, Daoud a bien été condamné à une peine de prison ! ». Et c’est exact. Pour avoir battu son ex-épouse. Peine commuée en amende quand il a bien voulu se présenter, en appel, devant le tribunal. Jamais une seule ligne tombée de l’encre de Daoud, à plus forte raison aucun livre n’a été n’a été censuré. J’allais oublier l’outrage ultime, l’assaut décisif qui a motivé la fuite du Goncourt vers la France : le nouveau Montesquieu a été convié par un patron des services secrets à « boire un café ». Dans l’esprit de Daoud boire un Nepresso était le signe d’ une lourde menace avec odeur de prison. C’est une règle policière connue, avant de jeter un homme au trou les chefs des services spéciaux l’invite à avaler un petit noir.  L’absorption de ce café a transformé Daoud en Soljenitsyne. Ces Algériens sont vraiment sans filtre.

La situation du couple Daoud, pauvre migrant, n’a pas été trop cruelle. Depuis des mois le frère Macron avait délivré, principe régalien, deux passeports tricolores pour les affligés. Davantage, par une bonne fortune tombée à pic madame Daoud se voit nommée Psychiatre à l’hôpital Pompidou, à Paris. « En même temps » cela montre que le Président de la République se soucie des malheureux débarqués d’Afrique. Bonus dans le malheur, le sort carcéral de Sansal vient conforter le statut de martyr de l’écrivain, il se cache dans l’ombre du prisonnier pour donner à croire qu’un sort identique l’attend : la prison. Attendons-nous à voir bouger l’image publique du génie d’Oran jusqu’à celle d’une crucifixion.

Tournée du petit duc, après les cavalcades de « promos » post Goncourt, Daoud vient de nous régaler d’un nouveau volume. Il contient ses chroniques publiées dans la presse, si appréciées de la droite dure et de l’extrême. Et voilà, pour vendre, qu’il ornemente à nouveau les écrans de télévision, comme celui de « C à vous ». Son émission consacrée à Daoud est intéressante puisqu’elle est un test de vérité et d’indépendance.  Sur le plateau d’assis que voit on ? Un Daoud, toujours péremptoire, distribuer sa vérité polymorphe. Jamais interrompu par une question du genre « mais dites nous Kamel Daoud, qu’est ce que c’est que cette affaire Saâda Arbane,  et ce procès qu’elle vous fait ? ». Comme dans les vieux films la réplique tombe : « la question ne sera pas posée ».

Dernière élément répugnant dans cet entretien donné au si complaisant Figaro, l’éternel recours de Daoud à l’image, la vie de Mahmoud Darwich. L’oranais sort du tombeau l’immense écrivain et poète Palestinien pour en faire un compagnon de route, le complice de sa pensée d’extrême droite, complice de la colonisation de la Palestine. Et c’est honteux. Dans d’autres textes, pour l’ex-militant islamiste d’Oran (Daoud), Mahmoud Darwich ne se vivait pas comme un Palestinien, mais un homme « universel ». En gros un type comme Daoud. Pauvre Darwich, voilà sa seconde morts J’ai connu Darwich lors de son séjour à Beyrouth. Il était tout le contraire de cette philosophie que lui prête son biographe faussaire. Mahmoud était un combattant Palestinien. Point. Un pur, un dur, emprisonné par Israël de multiples fois et déterminé jusqu’à la mort. Qui a fait partie du Comité Exécutif de l’ OLP, et n’a quitté l’Organisation qu’en signe de protestation face aux mortifères « Accords d’Oslo ». Comme Daoud n’est pas à une errance près, attendons-nous à le voir bientôt nous expliquer, comme Johnny pour le Tennessee,  qu’il y a en lui un peu de Mandela, Guevara, Ghandi, Marx, Fanon : ce bâtisseur de vérité est prêt.

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Boualem Sansal, cinq ans de prison, mais une amnistie probable https://mondafrique.com/decryptage/algerie-la-presidence-annonce-au-detour-dun-communique-la-liberation-de-boualem-sansal/ Tue, 01 Apr 2025 10:20:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=123953 Si le parquet du tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d’Alger, avait requis dix ans de prison ferme contre l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie, ce dernier a finalement été condamné à cinq ans de détention le 27 mars. Le paradoxe algérien, le voici. L’entourage de Boualem Sansal n’a […]

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Si le parquet du tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d’Alger, avait requis dix ans de prison ferme contre l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie, ce dernier a finalement été condamné à cinq ans de détention le 27 mars.

Le paradoxe algérien, le voici. L’entourage de Boualem Sansal n’a jamais autant espéré qu’aujourd’hui dans une amnistie de l’écrivain franco que Mondafrique a toujours cru possible au moment même où ce dernier est menacé, lors d’un procès qui était joué d’avance, de rester en prison. 

Ce qui donne un certain crédit à cet espoir d’amnistie, c’est que les présidents français, Emmanuel Macron, et algérien, Abdelmadjid Tebboune, ont convenu lundi 31 mars, lors d’un entretien téléphonique, de relancer les relations bilatérales après plusieurs mois de tensions. Cette dynamique doit se traduire par une reprise de la coopération en matière de sécurité et de migration, selon un communiqué commun. Une rencontre entre les deux chefs d’Etat devrait avoir lieu prochainement, avec à la clé la libération de l’écrivain, qui s’est bien gardé de faire appel de sa condamnation, la preuve s’il en est que l’espoir d’une libération n’a jamais été aussi proche.

Voici moins de trois mois, la possibilité d’une amnistie avait été envisagée par le pouvoir algérien, du moins par certains dirigeants de ce pays, et acté dans un texte officiel comme Mondafrique l’avait révélé. Dans le dernier paragraphe d’un long communiqué de la présidence algérienne qui annonçait en décembre dernier  une vaste amnistie (voir le texte en note ci dessous), la libération de huit détenus en attente de jugement est annoncée sans d’avantage de précisions. De bonne source, Mondafrique avai appris que l’écrivain Boualem Sansal figurait parmi les bénéficiaires de la grâce présidentielle, sans que son nom soit mentionné. « En plus de huit mesures de détention provisoire et de procédure (dont celle de Sansal, son nom n’apparaissant pas), des mesures d’apaisement sont également liées aux infractions à l’ordre public », était-il indiqué de façon alambiquée dans le communiqué présidentiel.

Encore fallait-il qu’un certain formalisme judiciaire soit respecté, ce qui est souvent le cas en Algérie, et que le procès ait lieu. On ne comprend rien à l’affaire Sansal si on ne tient pas compte de la conviction du pouvoir algérien et d’une partie de son opinion publique que les déclarations provocantes et grossières sur la réalité des frontières du pays, comme l’avait relevé l’historien Benjamin Stora, constituaient un véritable délit  

Malgré le climat de tension entre Paris et Alger, les révélations sur la santé fragile de Boualem Sansal, la mobilisation discrète de l’Élysée qui n’apas cédé aux sirènes anti algériennes de la droite française et les appels à l’indulgence venus de la classe politique européenne semblent avoir fait bouger les lignes. Si les prises de position de Sansal sont incontestablement polémiques, la place de cet écrivain n’est clairement pas de passer la fin de sa vie en prison, une certitude que les présidents algérien et français ont réussi à mettre en musique ces derniières semaines, et cela contre la surenchère d’une partie des élites politiques française et algérienne.

                                   Nicolas Beau, directeur de Mondafrique

En décembre dernier, le président Abdelmadjid Tebboune a qualifié Boualem Sansal d’« imposteur (…) envoyé par la France », selon le site d’information TSA. « Vous envoyez un imposteur qui ne connaît pas son identité, ne connaît pas son père et vient dire que la moitié de l’Algérie appartient à un autre État », avait déclaré le chef de l’État algérien, dans un extrait d’un discours officiel, rapporté par TSA. Résultat, l’écrivain vient d’être condamné à dix ans de prison par la justice algérienne

Pour rappel, Sansal a été arrêté le 16 novembre dernier à l’aéroport d’Alger alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Paris. Depuis, il est poursuivi en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien, qui sanctionne « comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ».

Selon les autorités algériennes, l’écrivain aurait tenu des propos controversés remettant en cause l’intégrité territoriale du pays lors d’une interview accordée début octobre au média français d’extrême-droite Frontières. Il y aurait repris la position marocaine selon laquelle le territoire algérien aurait été tronqué à l’époque coloniale. Ses déclarations très critiques envers le pouvoir algérien ont également déplu.

Un vrai faux opposant

Né en 1949 à Theniet El Had en Algérie, Boualem Sansal est ingénieur de formation. Il occupe de hauts postes dans l’administration et l’industrie jusqu’à son licenciement en 2003, officiellement pour avoir critiqué le gouvernement dans ses écrits.

Sansal publie son premier roman Le Serment des barbares en 1999, récompensé par le Prix du Premier Roman. Son œuvre, traduite dans de nombreuses langues, explore avec un regard acéré l’histoire récente et la société algérienne. Parmi ses titres les plus connus, on peut citer L’Enfant fou de l’arbre creux (2000), Harraga (2005) ou encore 2084 : La Fin du monde (2015), une fiction dystopique qui évoque les dérives d’un régime religieux totalitaire.

S’il vit en France depuis les années 90, Sansal a toujours gardé un lien fort avec l’Algérie dont il est un observateur engagé et un critique virulent. Il dénonce régulièrement le pouvoir en place, la corruption, le manque de libertés et l’emprise grandissante de l’islamisme qu’il considère comme une menace majeure, tout en ayant profité d’une véritable sinécure sous le rêgne du président Bouteflika.

Un positionnement controversé

Apprécié dans certains cercles littéraires et politiques parisiens pour son franc-parler laïcard, son apologie des valeurs occidentales  et son combat affiché pour la démocratie, Sansal suscite cependant la polémique ces dernières années par des prises de position de plus en plus controversées, notamment au sujet de l’islam et de l’immigration.

Dans ses déclarations comme dans certains de ses livres, il établit fréquemment un parallèle entre islamisme et nazisme, dénonçant le premier comme une « dictature extrême » proche du second dans ses méthodes et ses objectifs. S’il se défend d’être islamophobe, l’écrivain n’hésite pas à qualifier l’islam de « loi terrifiante » devenue « totalitaire ». Il appelle à une profonde réforme de la religion musulmane pour qu’elle retrouve sa spiritualité première.

Depuis quelques années, Sansal semble aussi se rapprocher de certains milieux d’extrême-droite en France. L’entretien accordé à Frontières en octobre, où il développe selon des analystes un discours hostile aux immigrés et aux musulmans dans la lignée d’Éric Zemmour, en est le dernier exemple en date. Son approche de l’histoire, notamment sur la question du Maroc et de l’Algérie, relèverait également d’une rhétorique identitaire décomplexée.

Cette évolution est pointée du doigt par plusieurs observateurs comme le politologue Nedjib Sidi Moussa, qui estime que l’écrivain a « suivi une pente droitière » ces derniers temps, que ce soit dans ses positions sur l’islam, la gauche radicale, les migrants ou encore les « woke ». Un glissement qui contribue à faire de lui une figure appréciée d’une certaine frange de l’extrême-droite française.

Si c’est la première fois que Boualem Sansal est incarcéré, l’écrivain a déjà eu maille à partir avec la justice algérienne par le passé. En 2006, son essai Poste restante : Alger. Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes est interdit à la vente pour « atteinte au Président ». Menacé, l’auteur doit quitter précipitamment le pays.

En 2021, Sansal est condamné par contumace à 3 ans de prison pour « outrage à corps constitué » et « atteinte à l’unité nationale » après des déclarations critiques envers l’armée. Le verdict est confirmé en appel l’année suivante.

Depuis son incarcération, Boualem Sansal bénéficie d’une forte mobilisation en sa faveur, aussi bien en Algérie qu’à l’international. Outre les appels de ses proches et de son avocat, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer sa libération au nom de la liberté d’expression.

En France, une pétition lancée par les éditions Gallimard a recueilli près de 50 000 signatures. Un rassemblement s’est tenu le 12 décembre devant l’ambassade d’Algérie à Paris pour dénoncer « l’acharnement » contre l’écrivain. Le Quai d’Orsay a de son côté fait part de sa « vive préoccupation » et appelé à « un traitement digne et humain ».

Le Parlement européen a voté le 15 décembre une résolution demandant « la libération immédiate et inconditionnelle » de Sansal, qualifié de « prisonnier d’opinion ». L’ONG Amnesty International, le Pen Club et Reporters sans Frontières ont eux aussi condamné son arrestation et exigé sa remise en liberté.

En Algérie, si l’affaire divise, des intellectuels, des artistes et des défenseurs des droits humains se sont mobilisés pour apporter leur soutien. Un comité réunissant des personnalités comme le sociologue Lahouari Addi ou le militant Fodil Boumala a été créé. Des rassemblements se sont tenus à Alger, Oran et Tizi Ouzou malgré l’interdiction des autorités.

 

(1) Le Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a décidé  d’informer 2471 détenus de l’amnistie présidentielle et des mesures calmantes, qui couvrent les catégories suivantes :
Amnistie totale pour les personnes sans emprisonnement définitif dont la peine est inférieure ou égale à 24 mois d’emprisonnement
Amnistie totale pour les personnes en détention avec une peine de prison inférieure ou égale à 18 mois
La peine est partiellement réduite de 18 mois pour les personnes condamnées à une peine définitive d’emprisonnement supérieure à 18 mois et égale ou inférieure à 30 ans.
La réduction totale et partielle de la peine est portée à 24 mois pour les condamnés âgés de 65 ans ou plus, les mineurs, les femmes enceintes et les mères d’enfants jusqu’à 3 ans.
Le président de la République avait également décidé d’établir des exceptions à l’amnistie dans les catégories énumérées dans le décret présidentiel.
Il a également décidé de donner à 14 détenus une procédure de pardon total pour le reste de leur peine finale pour des infractions d’ordre public.
En plus de huit mesures de détention provisoire et de procédure, des mesures d’apaisement sont également liées aux infractions à l’ordre public.

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Ce procès Sarkozy qui a ignoré un témoin clé, Souheil Rached https://mondafrique.com/decryptage/temoin-cle-des-largesses-de-kadhafi-souheil-rached-vit-desormais-en-egypte/ Mon, 31 Mar 2025 05:45:00 +0000 http://www.mondafrique.info/?p=3372 Le procès contre Nicolas Sarkozy qui a débuté le lundi 6 janvier dans l’épais dossier d’un éventuel financement libyen des comptes de campagne de ce dernier se termine cette semaine par les plaidoiries de la défense. Les avocats de l’ancien président de la République et de ses proches devraient se battre sur un terrain de […]

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Le procès contre Nicolas Sarkozy qui a débuté le lundi 6 janvier dans l’épais dossier d’un éventuel financement libyen des comptes de campagne de ce dernier se termine cette semaine par les plaidoiries de la défense. Les avocats de l’ancien président de la République et de ses proches devraient se battre sur un terrain de technique judiciaire qui est celui de l’association de malfaiteurs, une délit à géométrie variable utilisé pour combler les lacunes d’une enquête inaboutie.

Indépendamment de l’intime conviction que l’on puisse avoir sur les possibles frasques financières de Nicolas Sarkozy, les condamnations que s’apprête à prononcer la justice française en première instance doivent reposer sur des faits précis. Ce qui n’est, hélas, pas le cas.

En l’absence de tout versement direct avéré de  Mouammar Khadafi à l’ancien Président français, le pole financier s’est rabattu sur un délit, l’association de malfaiteurs, dont on connait l’approximation. Il n’est pas matériellement prouvé que Nicolas Sarkozy ait touché des fonds illicites. Certains de ses proches en revanche ont reçu quelques gâteries, bien modestes au regard des montants que l’ex chef d’état aurait reçu d’après l’instruction en profitant  du réchauffement diplomatique entre la Libye et la France initié par Nicolas Sarkozy.  Notons que la France n’est pas la seule alors à tendre la main aux Libyens; l’administration américaine très hostile au départ au régime libyen s’était elle aussi et avant Paris rapproché de la dictature libyenne. 

Une partie des accusations repose sur le témoignage d’un intermédiaire douteux et versatile, Ziad Takieddine, réfugié au Liban

Du coup pour faire tenir une procédure bancale, les magistrats français relayés par Mediapart et le Monde abruvés par la justice finanvière, ont accusé Nicolas Sarkozy d’être à la tète d’une association de malfaiteurs, mais sans que lui même, patron de cette bande quasi maffieuse, en profite.  À l’exception de quelques valises de cash qu’aurait apporté à Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son fidèle Guéant en vue de sa campagne présidentielle de 2007 un intermédiaire douteux et corrompu, Ziad Takieddine, qui en a fait lors de l’instruction un récit rocambolesque et invraisemblable, digne d’un mauvais polar.

Le mystérieux témoin épargné, Souheil Rached,

Mondafrique revient sur le mystérieux Souheil Rached, un agent de la Libye qui n’a jamais été entendu par la justice et qui fait partie pourtant des onze personnalités que l’ancien Président de la République et ses amis n’ont pas eu le droit de rencontrer depuis le début de l’instruction. Cet oubli est d’autant plus surprenant que ce représentant de Mouammar Kadhafi en France, au mieux avec Nicolas Sarkozy et ses proches, actif en Afrique francophone et très lié aux services français, est parfaitement au courant des relations entre le pouvoir français et le Guide libyen.

Son audition aurait permis d’éclairer utilement les coulisses de ce dossier complexe de financement politique. En privé en effet et lorsqu’il se confiait à son entourage, Souheil Rachel révélait la réalité des aides de Kadhafi à la classe politique française, de gauche comme de droite. « Onze millions, leur expliquait-il, ont été versés à Nicolas Sarkozy via l’Allemagne et en deux fois, sept millions puis quatre millions. Une dizaine de millions ont été donnés à une personnalité de gauche très en vue au Parti Socialiste ».  Nicolas Beau

                  Souheil Rached, le barbouze libyen qui en savait trop

Ancien photographe de presse au Liban, Souheil Rached aura été surtout dans sa jeunesse un militant courageux et déterminé du FPLP, l’organisation palestinienne de Georges Habache. C’est à ce titre qu’il rencontre, durant la guerre au Liban, les milieux de renseignement français ainsi que le colonel libyen Saleh Drouki, alors ambassadeur de Libye à Beyrouth.

Présenté à Tripoli au « Guide », le jeune Souheil débute une carrière brillante et foudroyante auprès de Moussa Koussa, qui est chargé, sous l’autorité directe de Kadhafi, de tous les dossiers sensibles à l’étranger. À ce titre, Koussa négociera avec les Anglais le dossier « Lockerbie », du nom de ce village écossais où un avion de la Pan s’écrase en 1988, victime d’un attentat meurtrier (270 morts) qui sera imputé aux Libyens. Apparemment, Moussa Koussa, adepte du double jeu, saura s’y prendre avec les services anglais. Durant la guerre franco-anglaise en Libye en 2011, ce proche parmi les proches de Kadhafi s’enfuit en Angleterre, porteur de ses secrets d’État; il y sera fort bien accueilli, avant de gagner l’Arabie Saoudite, où il séjourne.

De Paris à Bamako

Jusqu’à l’intervention en Libye en 2011, Souheil Rached, francophone et francophile, est l’homme qui connait le mieux les relations entre Tripoli et Paris, comme le raconte fort bien dans le livre « Sarkozy/Kadhafi, histoire secrète d’une trahison » (Le Seuil) la journaliste Catherine Graciet. Le domaine d’intervention de cet agent d’influence s’étend même en Afrique francophone. À l’époque, Kadhafi se veut le roi de l’Afrique sahélienne, où il déverse des dizaines de millions de dollars. Mais il s’agit de pays d’influence française. Souheil Rached déploie tout son talent pour rapprocher les hommes de Kadhafi, la diplomatie française et les chefs d’État africains, notamment au Mali et au Niger.

À Bamako encore aujourd’hui, cet homme de l’ombre est consulté par le président IBK. En revanche à Niamey, il n’est plus personna grata, car les militaires nigériens n’ont guère apprécié la façon dont il a mis en cause leur incompétence et leur corruption auprès du président nigérien Issoufou. Lors de son dernier séjour dans ce pays, il sera exfiltré par la DGSE française dès son arrivée. Les patrons de l’armée nigérienne voulaient lui faire la peau.

Bakchichs pour tous

Depuis peu, Souheil Rached séjourne au Caire où il joue un röle discret pour conseiller le pouvoir égyptien sur le dossier libyen. On peut imaginer qu’il est en phase avec son ancien patron, Moussa Koussa, qui, lui, est consulté par le régime Saoudien. À Riyad comme au Caire, on souhaite que l’ordre revienne en Libye et que les frères Musulmans soient définitivement chassés du pouvoir à Tripoli.

Fort habile, Souheil Rached a maintenu des liens étroits avec ses amis de la DGSE (services extérieurs) ou de la DGSI (contre espionnage), où il avait ses entrées. Ce qui explique que ses séjours parisiens aient toujours été discrets et protégés depuis que l’affaire du financement libyen a éclaté. À moins que les juges ne veuillent pas entendre un témoignage qui n’irait pas dans le sens de leurs à prioris. Ce qu’aurait à déclarer en effet ce témoin clé ne va pas dans le sens de ce qu’on entend généralement sur ce dossier, où seul Nicolas Sarkozy est mis en cause. En privé, Souheil Rachel n’hésitait pas à mettre en cause l’ensemble de classe politique française de gauche comme de droite.  » Onze millions, leur explique-t-il, ont été versés à Nicolas Sarkozy via l’Allemagne et en deux fois, sept millions puis quatre millions. Une dizaine de millions ont été donnés à une personnalité de gauche très en vue au Parti Socialiste ».

Cette version est à l’image du roué colonel Kadhafi, quarante deux années de rêgne, qui ne voulait jamais insulter l’avenir.

Quand Nicolas Sarkozy décida en 2011 d’intervenir en Libye

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Ramadan jugé pour viols neuf ans après les faits  https://mondafrique.com/decryptage/ramadan-juge-pour-viols-neufs-ans-apres-les-faits/ Fri, 28 Mar 2025 18:34:49 +0000 https://mondafrique.com/?p=130619 Presque neuf ans après les premières plaintes pour viols, le prédicateur devra répondre de ses actes (viols et viol aggravé) du 2 au 20 mars 2026 devant la cour criminelle de Paris. Tariq Ramadan n’a toujours pas modifié sa ligne de défense : il est victime d’un complot.       Ian Hamel L’auteur de « Mon intime […]

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Presque neuf ans après les premières plaintes pour viols, le prédicateur devra répondre de ses actes (viols et viol aggravé) du 2 au 20 mars 2026 devant la cour criminelle de Paris. Tariq Ramadan n’a toujours pas modifié sa ligne de défense : il est victime d’un complot.      

Ian Hamel

L’auteur de « Mon intime conviction »  a été condamné en septembre 2024 à trois ans de prison (dont un an ferme) pour viol à Genève. On attend le jugement du Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire de Suisse. En France, en octobre 2024, la cour de cassation a rejeté le dernier pourvoi de Tariq Ramadan. Initialement, l’audience devant la cour criminelle de Paris était programmée en décembre 2025. Elle a finalement été reportée à mars 2026, sans plus de précisions. Grâce à une armée d’avocats (près d’une quinzaine entre la France et la Suisse), le petit-fils de Hassan al-Banna est parvenu depuis 2017 à repousser l’échéance pour des motifs les plus invraisemblables les uns que les autres.   

Depuis octobre 2017, Tariq Ramadan a toujours soutenu qu’il était victime d’un complot. A l’origine, dans son livre « Devoir de vérité », paru le 11 septembre (sic) 2019, il accuse le pouvoir français. Motif : il gênait « la classe politique », ajoutant : « Il y avait une sorte d’unanimité entre les politiques, les intellectuels et les médias : ma chute était une aubaine, je dérangeais trop de monde ». Dans l’ouvrage de 283 pages, Tariq Ramadan multiplie les accusations contre les plaignantes. « On cite le motif premier de l’argent : des individus l’auraient poussée à agir ainsi contre une importante rétribution », écrit-il concernant l’accusatrice suisse. Au passage, il met aussi en cause une multitude de personnes, d’Alain Soral à Caroline Fourest, en passant par le site Oumma.com, destiné à la communauté musulmane, qui a eu l’impudence de ne pas le soutenir.  

 

La théorie du complot    

 

En 2023, le prédicateur change brutalement de comploteur : ce serait les Émirats arabes unis qui auraient voulu le faire tomber. Mais il n’avance pas d’avantage de preuves. Dans son réquisitoire, la cour d’appel de Paris, le 7 mars 2024, dès la page 4, écrit : « Monsieur Tariq Ramadan n’a eu de cesse de dénoncer l’existence d’un complot entre des accusatrices (…), d’un complot ourdi par ceux qu’il appelle “ses pires ennemis“ », mais « aucun élément ne vient corroborer la thèse du complot en permanence rappelée par Monsieur Ramadan ». Même constat de la part de la Chambre pénale d’appel et de révision de Genève dans son arrêt du 28 août 2024, condamnant Tariq Ramadan à trois ans de prison, dont un an ferme, « le piège qu’aurait d’emblée tendu la lésée (…) dont le but de rencontrer et de pouvoir compromettre l’homme public, n’est pas démontré ».  

 

Tariq Ramadan lui-même croit si peu à cette thèse, qu’il l’abandonne en cour de route… Les magistrats suisses soulignent que « cette hypothèse [d’un complot] évoquée dans un premier temps par le prévenu, n’est d’ailleurs plus plaidée par la défense au stade de l’appel. A juste titre. Rien à la procédure ne vient asseoir une telle machination ». Cela n’empêche nullement l’ancien enseignant à l’université d’Oxford de continuer à porter sur son site officiel, dans des vidéos, les accusations les plus graves contre les plaignantes. On peut tout de même s’étonner que les justices française comme suisse ne mettent pas un frein à ces incessantes campagnes de dénigrement. Sans oublier les menaces et les insultes proféraient sur les réseaux sociaux par une armée de trolls.   

 

 

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Curtis Yarvin, l’éminence grise de Donald Trump https://mondafrique.com/decryptage/curtis-yarvin-leminence-grise-de-donald-trump/ Mon, 24 Mar 2025 22:11:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=130375 Curtis Yarvin est la figure intellectuelle qui émerge de la galaxie trumpiste. Son projet politique, défini comme « néoréactionnaire », propose d’en finir avec l’idée démocratique et de structurer le gouvernement comme une entreprise dirigée par un monarque absolu. Arnaud Miranda Docteur en théorie politique, associé au CEVIPOF (Sciences Po), Sciences Po Depuis l’investiture de Donald Trump […]

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Curtis Yarvin est la figure intellectuelle qui émerge de la galaxie trumpiste. Son projet politique, défini comme « néoréactionnaire », propose d’en finir avec l’idée démocratique et de structurer le gouvernement comme une entreprise dirigée par un monarque absolu.


Depuis l’investiture de Donald Trump et ses premières mesures de gouvernement, émerge le nom d’un mouvement intellectuel qui serait l’inspiration secrète de la nouvelle administration : la néoréaction, aussi désignée par l’expression « Lumières sombres » (Dark Enlightenment). À la tête de ce mouvement, le blogueur Curtis Yarvin, très proche de Peter Thiel, de Marc Andreessen (milliardaire et conseiller informel du président), mais aussi des cadres politiques comme J. D. Vance et Michael Anton. Yarvin aurait ainsi favorisé l’ascension politique d’Elon Musk et serait notamment à l’origine du plan Gaza.

Il semble difficile, à brûle-pourpoint, de déterminer avec précision l’influence des idées néoréactionnaires sur la nouvelle administration, ce qui supposerait de mener une enquête de terrain. Néanmoins, nous pouvons dès maintenant nous intéresser à la pensée néoréactionnaire.

D’où vient-elle ? Quelles sont ses propositions normatives ? En d’autres termes, en quoi consiste la théorie politique néoréactionnaire qui semble inspirer les premières mesures de la nouvelle administration ?

D’où vient la néoréaction ?

Pour saisir toute la spécificité du courant néoréactionnaire, il faut accepter de la voir comme une véritable contre-culture intellectuelle. La néoréaction émerge sur Internet, à travers des blogs et des forums, mais aussi à travers la rencontre virtuelle de deux figures clés : Curtis Yarvin et Nick Land. Nous pouvons isoler deux moments fondateurs dans la structuration de la constellation néoréactionnaire.

En avril 2007, Curtis Yarvin, un ingénieur américain, lance son blog Unqualified Reservations sous le pseudo Mencius Moldbug. Son premier texte, « A Formalist Manifesto », annonce avec grande clarté son projet politique. Yarvin se présente comme un libertarien convaincu, mais déçu. Le libertarianisme, qui vise la limitation ou la disparition de l’État au profit d’un libéralisme dérégulé, est « une idée évidente » qui « n’a jamais pu être appliquée en pratique ». L’erreur des libertariens est, selon lui, de voir leur idéologie comme « l’apogée de la démocratie », alors que celle-ci est fondamentalement « inefficace et destructrice » (Yarvin reconnaît à ce titre sa dette à l’égard de Hans-Hermann Hoppe, disciple de Rothbard).


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Entre 2007 et 2008, grâce à un style provocateur et une grande productivité, Yarvin se constitue un contingent de lecteurs – principalement issu des cercles libertariens états-uniens. Rejetant avec fermeté le progressisme comme étant l’une des raisons pour lesquelles nous ne parvenons pas à nous défaire de l’absurdité démocratique, Yarvin se définit lui-même comme réactionnaire, ou même néo, post ou ultraréactionnaire. C’est le terme néoréactionnaire qui sera repris, à partir de 2010, pour décrire la néoréaction comme un mouvement intellectuel à part entière.

Le second moment tient à la découverte de Yarvin par Nick Land. Ce dernier est un ancien philosophe de l’Université de Warwick, figure de proue du CCRU, un collectif intellectuel d’avant-garde. Défendant une perspective « accélérationniste », Land critique le « misérabilisme » d’une gauche qui essaie vainement de contenir les effets néfastes du capitalisme, il faudrait au contraire épouser son mouvement et l’accentuer. Son accélérationnisme inconditionnel le pousse à adopter une position procapitaliste et à s’intéresser à la pensée de Yarvin. À partir de mars 2012, sur son blog Urban Future (depuis supprimé), il lui consacre une série d’articles intitulée « The Dark Enlightenment ». Cette série d’articles va conférer à la néoréaction une véritable notoriété en ligne et lui permettre de se constituer comme une contre-culture intellectuelle.

La théorie politique néoréactionnaire

S’il est une théorie politique néoréactionnaire, elle est à trouver sous la plume de Yarvin qui annonce l’ambition, dès son premier article, de « construire une nouvelle idéologie ». Si Yarvin la présente comme un dépassement du libertarianisme, il la décrit comme formaliste et néocaméraliste. Essayons d’expliquer ces termes.

L’élément fondamental de la pensée de Yarvin est la question de l’efficacité des systèmes politiques. Un modèle politique est bon s’il parvient à éviter la violence, c’est-à-dire l’apparition de conflits dont l’issue est incertaine. En cela, la politique est une lutte entre ordre et chaos au sein de laquelle « le bien, c’est l’ordre ».

Toute autre question, comme la pauvreté et le réchauffement climatique, est insignifiante. Il ne s’agit pas de réimaginer un ordre social plus juste, mais d’affermir l’ordre existant. Cette approche, que Yarvin nomme formalisme, n’a d’autre souci que de construire une ingénierie politique efficace.

C’est dans cette perspective formaliste que Yarvin analyse l’État américain comme une gigantesque entreprise complètement engluée dans son inefficacité. Parce que le personnel politique est enferré dans une mystique démocratique et dans une obsession de justice sociale, la politique américaine manque de cohérence. Personne ne sait vraiment qui est aux commandes, ni dans quel but.

Afin de régler le problème, Yarvin propose d’en finir avec l’idée démocratique et de restructurer le gouvernement sur le mode d’une entreprise souveraine (une SovCorp) dont la direction serait confiée à un PDG. Celui-ci prendrait les décisions gouvernementales les plus efficaces pour assurer la prospérité de l’État. Et si vous n’êtes pas satisfaits du service que propose ce gouvernement, vous n’avez qu’à vous en trouver un autre.

Pour Yarvin, cette réponse formaliste revient tout simplement à rétablir la monarchie absolue. En ce sens, il se déclare « royaliste », ou « restaurationniste », et considère que le PDG du gouvernement-entreprise n’est rien d’autre qu’un monarque.

Selon lui, la monarchie est une forme politique extrêmement stable, contrairement à la démocratie. Yarvin nomme son modèle « néocaméralisme », en référence au caméralisme de Frédéric II de Prusse (théorie mercantiliste, adossée à la monarchie, visant à accroître la prospérité économique de l’État).

Néanmoins, le caméralisme n’est pas le seul modèle auquel Yarvin se réfère. Les cités-États comme Dubaï ou Singapour sont, selon lui, des prototypes des futurs États néocaméralistes.

Éviter les confusions : néoréaction, conservatisme, « alt-right », « accélérationnisme »

Afin de ne pas se méprendre sur la nature idéologique de la pensée néoréactionnaire, il est important d’éviter certaines confusions intellectuelles.

Tout d’abord, bien que Yarvin soit un défenseur de l’ordre, nous n’avons pas affaire à une simple pensée conservatrice. Yarvin ne promeut pas la préservation de valeurs morales ou religieuses (il se présente d’ailleurs comme athée, ou non théiste).

Il condamne violemment les conservateurs qui, en miroir des progressistes, sont incapables de penser le pouvoir tel qu’il est. Selon Yarvin, les conservateurs sont consubstantiellement arrimés à la démocratie. Le caractère réactionnaire de la pensée de Yarvin se traduit dans une volonté de dissoudre le politique dans une ingénierie économique autoritaire (il loue à ce titre, la prospérité et l’« absence de politique » à Singapour, à Dubaï et à HongKong).

Si la néoréaction et l’alt-right partagent le refus du conservatisme traditionnel, ces deux courants ne nous semblent pas se confondre pour autant.

L’alt-right est populiste et à tendance suprémaciste, dans le sens où certaines composantes affirment clairement l’idée d’une supériorité raciale blanche. La néoréaction est, quant à elle, essentiellement formaliste et élitiste. Les néoréactionnaires méprisent le populisme comme étant fondamentalement démocratique : s’il y a un changement politique, il ne pourra venir que d’en haut.

Bien entendu, ces deux constellations intellectuelles ne sont pas imperméables et peuvent converger stratégiquement. Ainsi, lorsque Yarvin se défend de compter parmi les suprémacistes, il s’empresse de préciser qu’il les lit avec attention.

La néoréaction est parfois assimilée à l’« accélérationnisme » du fait de ses liens avec Nick Land. Si ces tendances convergent, il faut néanmoins être précis. Land est accélérationniste avant d’être néoréactionnaire. S’il considère la néoréaction comme un instrument efficace de destruction du « grand mécanisme de freinage » qu’est le progrès, elle reste un « accélérationnisme avec un pneu à plat » (« Re-Accelerationism », publié sur le site XenosystemNet, le 10 décembre 2013, depuis supprimé). Inversement, si Land a incontestablement contribué à sa popularité, Yarvin ne le cite pas et reste perméable à une perspective accélérationniste. La pensée néoréactionnaire est avant tout une pensée de l’ordre.

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Rejoignez la nouvelle chaine Whatsapp de Mondafrique https://mondafrique.com/confidentiels/france/rejoignez-la-nouvelle-chaine-whattsapp-de-mondafrique/ Sun, 23 Mar 2025 03:18:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=107637 REJOIGNEZ LA CHAINE WHATTSAPP DE MONDAFRIQUE Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète)  et du Moyen […]

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REJOIGNEZ LA CHAINE WHATTSAPP DE MONDAFRIQUE

Mondafrique qui rentre dans sa onzième année d’existence le doit à ses fidèles lecteurs qui résident pour moitié en Europe (majoritairement en France, beaucoup au Canada) et pour moitié dans les pays du Maghreb (surtout en Algérie) , du Sahel (le Niger et le Mali en tète)  et du Moyen Orient (notamment le Liban).

Avec quelques 300000 visiteurs par mois pour le site fondé en 2014, 35000 abonnés sur Instagram et 5000 fidèles de nos pages WhatsApp (Afrique, Liban, Niger, Gabon, Algérie, Maroc…etc), « Mondafrique » a imposé une vision pluraliste et originale en matière d’information sur le monde arabe et africain. Depuis le début des guerres en Ukraine et au Moyen Orient, nous ne nous interdisons pas d’accueillir des analyses sur les grands équilibres mondiaux qui ne peuvent pas manquer de se répercuter sur le mode africain et maghrébin. 

Notre positionnement critique vis à vis des pouvoirs en place, la diversité des contributeurs du site -journalistes, diplomates, universitaires ou simples citoyens-, la volonté enfin d’apporter des informations et des analyses qui tranchent avec la reste de la presse ont été nos seules lignes de conduite.  

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Donald Trump en quête de « terres rares » ! https://mondafrique.com/decryptage/donald-trump-en-quete-de-terres-rares/ Thu, 20 Mar 2025 17:52:12 +0000 https://mondafrique.com/?p=130093 Avec Donald Trump revenu au pouvoir, la géopolitique des minerais a remplacé la géopolitique des pipes pétroliers. De l’Ukraine au Canada et au Groenland, la politique internationale de la nouvelle administration américaine peut se lire à l’aune de cette quête de tantale, de galium, de graphite et autres matériaux stratégiques pour garantir à la fois […]

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Avec Donald Trump revenu au pouvoir, la géopolitique des minerais a remplacé la géopolitique des pipes pétroliers. De l’Ukraine au Canada et au Groenland, la politique internationale de la nouvelle administration américaine peut se lire à l’aune de cette quête de tantale, de galium, de graphite et autres matériaux stratégiques pour garantir à la fois l’indépendance de l’Amérique et sa ré-industrialisation.

Leslie Varenne

En préambule, il convient de clarifier les termes. L’expression « terres rares » est un abus de langage trompeur les terres rares sont un groupe spécifique de 17 métaux qui ne sont pas si rares, tandis que les minerais critiques sont définis par leur importance stratégique et les risques liés à l’approvisionnement pour les pays qui n’en possèdent pas.

Acte 1. En décembre 2017, le premier mandat de Donald Trump,

L’United States Geological Survey (USGS), un organisme gouvernemental, publie un rapport alarmant en révélant la dépendance à 100% des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine pour 20 minerais critiques. La Russie, l’Afrique du Sud, le Brésil et le Canada apparaissent également comme des fournisseurs indispensables pour d’autres éléments. Hormis le voisin canadien, les Etats-Unis sont donc à la merci des pays des BRICS pour leur sûreté nationale comme pour leur économie.

Le locataire de la MaisonBlanche, qui à l’époque déjà, a fait de la Chine son premier adversaire, s’en émeut. Immédiatement après la publication dudit rapport, il signe un décret ordonnant au gouvernement américain de prendre plusieurs mesures pour limiter cet assujettissement. Sauf que ce programme ambitieux n’aboutit pas. Son successeur, Joe Biden, injecte 120 milliards de dollars pour redynamiser le secteur des nouvelles technologies, mais ne s’attaque pas aux racines du problème. Résultat : la dépendance s’accroit.

En décembre 2024, Washington édicte une nouvelle vague de restrictions sur l’industrie chinoise des puces électroniques. Le retour de boomerang ne se fait pas attendre. Pékin riposte immédiatement en interdisant l’exportation de gallium, germanium et antimoine, des matériaux indispensables dans l’électronique, la défense ou encore les semi-conducteurs. Tel est pris qui croyait prendre, l’USGS estime que cette décision pourrait entraîner une perte de PIB américain de 3,4 milliards de dollars.

Acte 2. Janvier 2025, Donald Trump revient dans le bureau ovale et prend ce dossier à bras le corps.

Faute de résoudre ce problème, il sait qu’il ne pourra mener à bien son programme MAGA, (Make America Great Again), qui consiste avant tout à se réindustrialiser et à contenir l’expansion de la Chine. Dès lors le Président américain veut aller vite, s’emparer de tous les sujets internationaux qui lui offrent des opportunités, quitte à passer en force.

Il conditionne l’accord de paix russo-ukrainien à un autre accord avec Kiev sur « les terres rares ». L’Ukraine possède, en effet d’importantes réserves de minéraux essentiels. Sauf que 40% de ces ressources en métaux sont contrôlés par la Russie, 100% du plus grand gisement de lithium d’Europe se trouve dans le Donbass. 

Mais ô surprise, Moscou, qui a bien compris l’obsession de Washington, ne verrait pas de problème à l’implantation d’entreprises américaines  dans les territoires ukrainiens qu’elle a annexés. Cette information est écrite noir sur blanc dans un document des services de renseignement russes qui a fuité le 13 mars dans la presse américaine et qui détaille les conditions dans lesquelles le Kremlin accepterait un accord de paix.  

Si cet accord voyait le jour, ce qui à ce stade de l’histoire n’est pas assuré, il pourrait être gagnant-gagnant pour tout le monde. Pour Washington, qui desserrerait l’étau de son assujettissement à la Chine. Pour l’Ukraine, qui pourrait à la fois recréer une industrie et une économie mises à terre par trois années de guerre et donner des emplois à ses anciens soldats.

Quant à la Russie, si elle a toujours mis son véto à la présence de soldats de l’OTAN à ses frontières, même relookés en gardiens de la paix comme l’envisagent les Européens, elle n’a jamais tracé de ligne rouge sur l’implantation d’industries étrangères. Ce pourrait être même considéré comme une garantie de sécurité politiquement moins délicate. C’est probablement à cela que pensait Donald Trump lorsqu’il a dit à Volodymyr Zelensky, lors de leur désormais célèbre rencontre dans le bureau ovale, qu’avec son plan, l’Ukraine n’aurait pas besoin de garantie de sécurité. 

Dans le même mouvement, Donald Trump a  lancé une OPA sur le Groenland. Le 13 mars, il réitère en déclarant « nous avons besoin du Groenland pour notre sécurité nationale ». Dans sa logique éperdue de quête d’indépendance stratégique cela fait sens, l’île regorge de gisements de ressources minérales encore inexploitées. Une étude de 2023 a montré que 25 des 34 minéraux considérés comme des matières premières critiques par la Commission européenne s’y trouvent : titane, tantale, niobium etc.

Dans le cas de la République Démocratique du Congo, l’opportunité vient à Donald Trump puisque c’est le président Félix Tshisekedi qui lui propose un accord minier. Agressé par son voisin rwandais à l’Est, via le groupe armé M23, le Congo qui dispose d’immenses ressources minières et dont l’armée n’est pas en mesure d’assurer la sécurité du pays, verrait d’un très bon œil un pacte à l’ukrainienne : paix contre minerais. Cette offre n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd et des discussions préparatoires ont déjà débuté entre Washington et Kinshasa.

Sauf que dans le cas de Nuuk, comme dans celui de KInshasa, il y a loin de la coupe aux lèvres. Les Américains vont se retrouver devant une montagne de difficultés. Au Congo, il suffirait que des entreprises américaines s’installent pour refroidir les ardeurs du président Rwandais Paul Kagamé, mais d’autres problèmes se poseront. Les Chinois ont obtenu de nombreuses concessions minières et les contrats ne se dénouent pas du jour au lendemain. Les entreprises locales ne sont pas prêtes non plus à être spoliées.

Au Groenland, ce sera pire encore, il faudra se confronter au Danemark, allié de l’OTAN et membre de l’Union européenne, aux Inuits qui ne souhaitent pas voir leur écosystème détruit par l’extraction minière, aux difficultés techniques et aux investissements colossaux.

Au final, l’accord avec Kiev est celui qui paraît le moins difficile à mettre en œuvre. Mais s’il voyait le jour ce serait au détriment des Européens, qui eux aussi, ont des visées sur ces matériaux. En février dernier, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu a reconnu être en pourparlers avec Kiev sur ce dossier depuis l’automne. Paris et Bruxelles seraient les dindons de la farce, ils s’engagent à faire entrer l’Ukraine dans l’Union, financer la reconstruction, mais n’en verront aucun bénéfice. Or, tout comme les Etats-Unis, l’Europe est presque entièrement dépendante de la Chine pour ses minerais critiques. Les Européens, atteints de réunionites aigues, discourent sur un réarmement, mais comment reconstruiront-ils une industrie de défense alors qu’eux aussi sont à la merci de minerais venus d’ailleurs. D’autant qu’au vu de l’activisme de Donald Trump sur ce dossier, il y a fort à parier qu’il les devancera et ne leur laissera que des miettes…

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Le portrait d’Abdeslam Bouchouareb, le ministre algérien protégé par la France https://mondafrique.com/decryptage/abdesslam-bouchouareb-lhomme-des-francais-entendu-par-la-gendarmerie/ Wed, 19 Mar 2025 18:33:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=29122 Abdeslam Bouchouareb, l’ex-ministre de l’Industrie et des Mines entre avril 2014 et mai 2017 réfugié en France où il possède un bel appartement sur les bords de la Seine , est recherché par la justice algérienne qui l’a condamné à cent années de prison pour corruption. Or les juges français ont estimé, ce mercredi 19 […]

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Abdeslam Bouchouareb, l’ex-ministre de l’Industrie et des Mines entre avril 2014 et mai 2017 réfugié en France où il possède un bel appartement sur les bords de la Seine , est recherché par la justice algérienne qui l’a condamné à cent années de prison pour corruption. Or les juges français ont estimé, ce mercredi 19 mars, qu’une extradition pourrait avoir des « conséquences d’une gravité exceptionnelle » en raison de « l’état de santé et de l’âge » d’Abdeslam Bouchouareb. En fuite en France, « l’homme des Français » comme on le surnommait à Alger à l’époque de sa splendeurne sera pas extradé vers l’Algérie. La justice française a prononcé ce mercredi 19 mars un avis défavorable à l’extradition de l’ancien ministre de l’Industrie réclamé par la justice algérienne.  

Toutes les voies de recours étant épuisées, il s’agit d’un non définitif qui survient dans un contexte de fortes tensions entre l’Algérie et la France. Un refus qui va sans doute aggraver la crise ouverte entre les deux pays. Cherchez l’erreur! Le gouvernement français se juge « humilié » par l’Algérie qui ne veut pas reprendre sur son sol ses ressortissants condamnés en France. Mais la justice française dans le même temps refuse d’extrader à Alger un homme d’affaires algérien  soupçonné dans son pays des pires maversations.

Cet homme d’affaires qui rêvait de devenir Premier Ministre avec l’appui d’Emmanuel Macron, dont il fut longtemps très proche, incarne plus que quiconque le « Hibz França », ce « Parti de la France » qui en Algérie, passe souvent pour une force malfaisante et occulte dont les membres sont tenus par les biens immobiliers et les protecteurs qu’ils possèdent à Paris.

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Abdeslam Bouchouareb, l’ancien ministre de l’Industrie qui était interlocuteur régulier d’Emmanuel Macron, ministre puis chef de l’État, et auparavant de Laurent Fabius, alors minitre des Affaires Étrangères de François Hollande, est en Algérie détesté par les uns, adulé par les autres. Cet homme d’affaires et ministre ne laisse aucun algérien indifférent. Le fis de la commune d’Aïn-Mlila située dans la Wilaya (Préfecture) d’Oum-El-Bouaghi dans le pays chaoui, a grimpé les échelons à un rythme effréné. Tout a débuté par une réussite indéniable dans le secteur agro alimentaire algérien, des marchés  florissants dans une économie qui importe encore la majorité de ses produits alimentaires, notamment le blé, l’huile et le sucre.

Durant les années 80, l’ami Bouchouareb se lance dans la fabrication des chips et pommes mousselines. Classiquement, le businessman exploite les réseaux dont il dispose au sein de l’institution militaire, qui  à l’époque contrôle étroitement la distribution des marchés.

Or, coup de chance, les deux frères d’Abdeslam étaient officiers dans l’Armée. Le premier, feu le colonel Slimane Bouchouareb, était directeur central du Personnel et de la Justice Militaire (DPJM) au ministère de la Défense Nationale. Le second, feu le colonel Karim Bouchouareb, était un haut cadre de la Sécurité Militaire, l’ancêtre du DRS, sous le rêgne  du général Betchine.

Du pays chaoui aux bords de la Seine

Plusieurs fois ministres à la fin des années 90 et au début des années 20OO, Abdeslam Bouchouareb  connaîtra la gloire en 2014 au début du quatrième mandat de Bouteflika. Il est parachuté ministre de l’Industrie à partir d’avril 2014 jusqu’à mai 2017. C’est que son réseau dans le pays chaoui, une région stratégique située dans l’est algérien, va le rendre incontournable aux yeux du président Bouteflika et de son frère Saïd. Ce sera lui qui défendra les intérêts du clan présidentiel dans une région qui a fourni beaucoup de ses cadres à l’institution militaire dont la Présidence cherche à limiter les prérogatives. Après avoir surfé sur ses relations dans l’armée, Bouchouareb n’hésite pas à se retourner contre ses amis d’hier pour plaire à la Présidence algérienne.

En 2014 donc, Abdeslam Bouchouareb sera l’homme qui dirigera la nouvelle stratégie industrielle de l’Algérie. Des fonctions qui lui permettront de tisser des relations d’affaires impressionnantes au point de devenir l’interlocuteur secret des grands groupes étrangers notamment français comme Lafarge ou Renault.

Abdessalem Bouchouareb croit tellement en l’avenir de l’Algérie qu’il a décidé de devenir résident en… France et cela depuis 1997! Ministre en Algérie et propriétaire à Paris d’un bel appartement sur les bords de la Seine, tel est le destin schizophrénique de ce Rastignac, tel qu’il a été révélé par les journalistes français Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet dans leur livre “Paris Alger, une histoire passionnelle”.

« Le ministre requin » 

Après 2014, le quatrième mandat de Bouteflika révèle la voracité illimitée d’Abdesslam Bouchouareb. Ainsi le « ministre requin » comme l’appellent de nombreux observateurs, a semé un véritable désordre dans le très délicat secteur des mines en Algérie. En effet, Bouchouareb a exercé un fort lobbying auprès des Bouteflika et leurs conseillers pour rattacher le secteur des mines à son portefeuille ministériel, à savoir celui de l’Industrie et de la Promotion des investissements, afin que son influence soit grandissante au sein du gouvernement. Naguère, les mines étaient gérées par le ministère de l’Energie.

Il aura fallu après la réélection de Bouteflika attendre près de six mois pour qu’un organigramme clair situe les prérogatives de la direction des mines au ministère d’Abdesslam Bouchouareb. Dans les wilayas (Préfectures), les directions des mines relèvent toujours de l’énergie et non pas de l’industrie. En l’absence de directives précises, ces fonctionnaires demeurent paralysés et de nombreux dossiers d’investissement en suspens.

La loi du cllentélisme.

Abdeslam Boychouareb est fidèle aux siens. offre à sa famille un boulevard pour développer leurs affaires. Le BTP, la charpente métallique, le commerce de gros des matériaux de construction, l’importation des produits alimentaires: autant de secteurs surveillés de près par un ministre de l’Industrie devenu un des hommes les plus riches en Algérie.

Ses amis ne furent pas oubliés non plus. En Algérie, les frères Abdenour et Azzedine Souakri font beaucoup parler d’eux dans les affaires. Présents dans le secteur des matériaux de construction depuis des années, ils avaient fait une entrée fracassante dans la cour des grands en obtenant un méga-projet en partenariat avec le très influent groupe français Lafarge bien introduit dans les cercles du pouvoir algérien. Avec ce dernier,  ils ont réalisé une importante cimenterie à Djemora dans la wilaya de Biskra. Le secret de cette réussite aura été leur proximité avec Abdesslam Bouchouareb, largement l’artisan de ce partenariat avec le groupe français. C’est lui qui avait activé ses réseaux à Paris pour imposer ses amis les Souakri. Il avait également usé de son influence auprès des banques algériennes pour qu’elles financent une bonne partie de ce projet qui a nécessité un investissement dépassant les 300 millions d’euros.

Des réseaux virevoltants

Avant la fin du rêgne de feu le Président Bouteflika,le flamboyant ministre avait commencé à s’attirer les foudres de plusieurs autres hauts responsables de l’Etat algérien. Trop riche, trop puissant, trop influent….A Alger, les business florissants de son fils, de sa fille et de son épouse dérangent agacent. Au sein du clan présidentiel, le ministre de l’Industrie ne faisait plus l’unanimité. « Abdeslam est têtu et prend des décisions sans vérifier leur conformité avec l’arsenal juridique, explique-t-on chez les proches de la Présidence. Ce qui a créé des situations très inconfortables pour tout le gouvernement. L’ancien Premier ministre Sellal l’avait rappelé à l’ordre à maintes reprises. Mais, lui, il avait fait le malin et défié son autorité en laissant entendre que son seul patron est Bouteflika ».

Puissant et craint hier notamment en raison de ses réseaux à Paris, où il bénéficie de la nationalité française, l’ancien ministre est recherché depuis des années par la justice de son propre pays. Ce sont ses amis français qui lui avaient conseillé, voici quelques années, de quitter Paris pour Beyrouth afin de ne pas mettre la diplomatie française dans l’embarras en cas de demande d’extradition. Ce qu’il avait fait avant de revenir en France où la justice finalement a refusé, ce mercredi 19 mars, de l’extrader vers son pays malgré un dossier très accablant

Algérie, Abdeslam Bouchouareb et Chakib Khelil entre les mains d’Interpol

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