Aboubacar Charfo, l’un des gros fournisseurs du ministère de la Défense du Niger épinglés récemment par un rapport de l’Inspection Générale des Armées, a été également un fournisseur privilégié de la Présidence de la République du Niger en 2017, dans le cadre de « 10 marchés passés par procédures d’entente directe avec mise en concurrence », selon un rapport définitif d’audit des marchés publics et des délégations de service public du Niger.
Sur les 9 marchés de la Présidence de la République ayant fait l’objet de la revue des auditeurs, résume le rapport 2017 que Mondafrique s’est procuré, Aboubacar Charfo en a exécutés 5, en son nom et celui de l’une de ses entreprises satellites, la société Agacha Technologies.
Ironiquement, certains de ces marchés concernaient justement l’Inspection Générale des Armées et de la Gendarmerie Nationale, cette même Inspection qui a produit le désormais célèbre « Rapport sur le contrôle a posteriori des marchés publics au ministère de la Défense », daté du 17 février, qui reproche au même Aboubacar Charfo des surfacturations d’un montant de 14,5 milliards de francs CFA et des marchés non livrés d’un montant de 3,9 milliards. L’entrepreneur a essentiellement fourni du matériel chinois: véhicules de l’avant-blindé, bus, munitions et grenades.
L’actuel scandale sur les détournements de fonds au ministère de la Défense éclabousse 12 sociétés, dont certaines fictives, qui auraient occasionné un préjudice total de 76 milliards de francs CFA (111,330 millions d’euros) de 2014 à 2018. Aboubacar Charfo arrive en deuxième place par le volume financier, avec 58 milliards de francs CFA, après Hima Aboubacar, plus connu sous le sobriquet de Petit Boubé.
Un discret importateur de fers à béton
Mais revenons en 2017. Le discret importateur de carreaux de salles de bains, de fers à béton et de ciment est déjà actif dans le milieu de la défense. Il est contractualisé par la Présidence pour meubler et équiper le nouveau bâtiment de l’Inspection Générale des Armées, justement, à hauteur de près de 84 millions de francs CFA et fournir au même service des véhicules 4X4 à hauteur de près de 143 millions de francs CFA.
Les autres marchés qu’il se voit confier la même année concernent tous la Garde Présidentielle. Il s’agit d’équipements militaires (armes et munitions), à hauteur de 730 millions, de 4 véhicules à usage militaire (2 porte-chars, une ambulance médicalisée et un véhicule 4X4 de transport d’éléments), à hauteur de près de 398 millions et, pour finir, des lunettes de vision nocturne à hauteur de 85 millions.
Sur ces marchés présidentiels de 2017, les auditeurs relèvent un « défaut de publication des attributions des marchés »mais constatent que les soumissionnaires non retenus ont tous été informés. Ces marchés sont donc jugés « réguliers, sous réserve de la non-conformité relevée. »
Dans le cadre de la procédure administrative engagée par l’Inspection générale des Armées, Aboubacar Charfo a proposé, invoquant diverses charges jugées recevables, de rembourser 2,9 des 14,5 milliards de surfacturations et de livrer et payer la totalité des marchés non livrés.
Reste un mystère: pourquoi la Présidence de la République, puis le ministère de la Défense, ont-ils confié leurs achats d’armement, jusqu’en Chine, à un discret entrepreneur de BTP, fût-il originaire de la même région que Mahamadou Issoufou ?
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