Défi logistique énorme
Or il faut pouvoir louer des espaces publicitaires certes, mais aussi « encourager » les colleurs d’affiches « sauvages », louer des bâches pour les meetings et rencontres, payer du carburant, acheminer des scrutateurs dans les 20 000 bureaux de votes disséminés sur tout le territoire national pour ne pas être victimes de « bourrages d’urnes ».
C’est l’argent qui est, assurément, le grand « faiseur de roi » de ce scrutin. Alassane Ouattara (dont le budget de campagne hors « cadeaux » divers est de 10 milliards de FCFA, selon Jeune Afrique) a manœuvré durant tout son mandat pour créer une vraie disproportion entre ses moyens financiers et ceux de ses adversaires. Déjà, il bénéficie d’un avantage énorme par rapport à Laurent Gbagbo en 2010. Il n’a en effet jamais été contraint par la communauté internationale à former un gouvernement d’unité nationale et à céder une large partie des ministères et des entreprises publiques – ainsi que les prébendes qui vont avec – à une opposition qui, par ailleurs, « exploite » la moitié du territoire national sous le paravent d’une rébellion.
Stratégie de neutralisation financière
Ouattara s’est appliqué de manière méthodique à couper ses rivaux de toute source de financement. Un très grand nombre de hiérarques du FPI, le parti de Laurent Gbagbo, ont vu leurs comptes bancaires gelés, y compris en l’absence de toute procédure judiciaire contre eux. Mamadou Koulibaly, quant à lui, a été privé de ses indemnités d’ancien président de l’Assemblée nationale, en violation totale des lois en vigueur. Deux proches de Charles Konan Banny, qui disposaient de sommes importantes sur leurs comptes en banque, ont été brièvement jetés en prison et accusés d’enrichissement illicite. Résultat : ils ont préféré quitter le pays, renonçant ainsi à une participation active à la campagne de leur « grand homme ». Par ailleurs, durant le premier mandat Ouattara, les partis politiques représentatifs n’ont pas bénéficié, contrairement aux usages de l’époque Gbagbo, de financements publics octroyés sur une base légale. La loi de 2004 portant sur le sujet n’a pas été appliquée, et de nouvelles dispositions ont été discutées sans toutefois être votées par le Parlement. Sur Twitter, Mamadou Koulibaly utilisait, le 16 juillet dernier, une image traduisant bien son malaise d’opposant face à l’insurmontable hégémonie du pouvoir : « La démocratie pour ADO, c’est casser les jambes de ses opposants, leur offrir des béquilles et engager la course contre eux ».