ADO partout ! Nombreux sont les Abidjanais qui ont noté l’omniprésence du chef de l’Etat sortant sur les panneaux publicitaires qui parsèment les rues de leur ville. Ce qu’ils ne savent pas est que pour arriver à ce résultat, l’agence de communication du numéro un ivoirien, Voodoo, dirigée par le publicitaire Fabrice Sawegnon, a utilisé une méthode imparable. Dès les mois de juin et juillet dernier, elle a contacté les régies spécialisées et leur a loué à l’avance leurs espaces pour la période de la campagne électorale officielle. Bien sûr, elle a payé d’avance et… cash ! Les neuf autres candidats (qui ne sont plus que sept, après les désistements d’Amara Essy et de Mamadou Koulibaly) n’avaient plus qu’à se battre pour les maigres restes ! Et bien entendu, la majorité d’entre eux sont pour le moins désargentés. C’est un signe : aucun d’entre eux n’a eu les moyens de se payer les services d’une agence de communication ayant pignon sur rue. Quand le 2 octobre, à une semaine du début de la campagne électorale, Alassane Ouattara se fait « bon prince » et octroie une subvention informelle de 100 millions de FCFA (150 000 euros) à chacun de ses adversaires pour leur permettre de mieux « l’accompagner », il est en réalité déjà trop tard pour rattraper leur retard en matière de logistique et de communication.
Défi logistique énorme
Or il faut pouvoir louer des espaces publicitaires certes, mais aussi « encourager » les colleurs d’affiches « sauvages », louer des bâches pour les meetings et rencontres, payer du carburant, acheminer des scrutateurs dans les 20 000 bureaux de votes disséminés sur tout le territoire national pour ne pas être victimes de « bourrages d’urnes ».
C’est l’argent qui est, assurément, le grand « faiseur de roi » de ce scrutin. Alassane Ouattara (dont le budget de campagne hors « cadeaux » divers est de 10 milliards de FCFA, selon Jeune Afrique) a manœuvré durant tout son mandat pour créer une vraie disproportion entre ses moyens financiers et ceux de ses adversaires. Déjà, il bénéficie d’un avantage énorme par rapport à Laurent Gbagbo en 2010. Il n’a en effet jamais été contraint par la communauté internationale à former un gouvernement d’unité nationale et à céder une large partie des ministères et des entreprises publiques – ainsi que les prébendes qui vont avec – à une opposition qui, par ailleurs, « exploite » la moitié du territoire national sous le paravent d’une rébellion.
Stratégie de neutralisation financière
Ouattara s’est appliqué de manière méthodique à couper ses rivaux de toute source de financement. Un très grand nombre de hiérarques du FPI, le parti de Laurent Gbagbo, ont vu leurs comptes bancaires gelés, y compris en l’absence de toute procédure judiciaire contre eux. Mamadou Koulibaly, quant à lui, a été privé de ses indemnités d’ancien président de l’Assemblée nationale, en violation totale des lois en vigueur. Deux proches de Charles Konan Banny, qui disposaient de sommes importantes sur leurs comptes en banque, ont été brièvement jetés en prison et accusés d’enrichissement illicite. Résultat : ils ont préféré quitter le pays, renonçant ainsi à une participation active à la campagne de leur « grand homme ». Par ailleurs, durant le premier mandat Ouattara, les partis politiques représentatifs n’ont pas bénéficié, contrairement aux usages de l’époque Gbagbo, de financements publics octroyés sur une base légale. La loi de 2004 portant sur le sujet n’a pas été appliquée, et de nouvelles dispositions ont été discutées sans toutefois être votées par le Parlement. Sur Twitter, Mamadou Koulibaly utilisait, le 16 juillet dernier, une image traduisant bien son malaise d’opposant face à l’insurmontable hégémonie du pouvoir : « La démocratie pour ADO, c’est casser les jambes de ses opposants, leur offrir des béquilles et engager la course contre eux ».