Mauritanie (IV volet), l’économie en totale faillite

La formidable embellie des matières premières jusqu'en 2014 ont d’avantage profité aux clans au pouvoir qu’au développement du pays.

Lors de l’arrivée au pouvoir du chanceux président Aziz en 2008, la charge de la dette extérieure a été pratiquement réduite à zéro grâce à la gestion rigoureuse d’un de ses prédécesseurs, le président Ely Ould Mohamed Vall, qui se trouvait aux commandes du pays entre 2005 et 2007. Ensuite, les richesses pétrolières et minières, qui conditionnent l’état de cette économie vulnérable, vont connaitre une formidable embellie entre 2010 à 2014.

Hélas, la présidence mauritanienne va dilapider cette cagnotte inespérée. Du coup, ce pays se retrouve fort démuni aujourd’hui, alors que le retournement de conjoncture des cours miniers et pétroliers ont fait chuter drastiquement les ressources du pays. Aucun chantier structurant, aucun bas de laine pour amortir la crise actuelle des liquidités.

Des niveaux records

Durant les quatre années fastes qui vont de 2010 à 2014, l’économie mauritanienne enregistre des performances exceptionnelles. Le taux de croissance est de 5,5% en moyenne (contre 1% précédemment).  Les recettes provenant des exportations ont augmenté en quatre ans de 71%. Les seules recettes annuelles du budget de l’Etat ont doublé en passant d’un niveau de 200 milliards d’ougayas par an à plus de 400 milliards d’ougayas. Les investissements directs de l’étranger, attirés par des participations dans les groupes industriels mauritaniens florissants, vont progresser, eux aussi, de façon spectaculaire, atteignant le niveau record de 756 millions de dollars par an.

Autant de résultats brillants  qui s’expliquent par la hausse vertigineuse des matières premières. Le chiffre d’affaires de la SNIM, qui détient le monopole de l’exploitation du fer, la principale richesse du pays, progresse de 140% en moyenne annuelle à production inchangée.  A cette manne, s’ajoute les débuts de la production d’or après 2008. L’once qui valait en moyenne 760 dollars entre 2006 et 2008 voit son cours doubler pour atteindre 1428 dollars après 2010. Sans parler de la découverte de  richesses en cuivre et de ressources pétrolières, le tout  dans un climat de flambée des prix.

Même les exportation de la pêche qui se chiffraient à 280 millions de  dollars ont connu un bond considérable de 2011 à 2014 en dépassant les 400 millions de dollars en moyenne annuelle.

L’explosion de la dette

Au total entre 2010 et mi 2014, la Mauritanie a encaissé un volume considérable de ressources extérieures s’élevant à 17,24 milliards de dollars. Or la surprise, la voici: d’après les chiffres que « Mondafrique » s’est procuré, le pouvoir mauritanien, bien que gorgé de ressources, a continué à charger la barque de l’endettement public.

En l’absence de données officielles, soigneusement tenues secrètes, il nous faut retenir les chiffres de la chef de mission du FMI qui a séjourné cet hiver en Mauritanie et que nous avons pu consulter. L’encours de la dette mauritanienne s’élève désormais à 4,904 milliards de dollars, soit une progression de 153% durant les six années qui vont de 2010 à 2015.

Cherchez l’erreur.

Le pouvoir mauritanien s’endette, alors qu’il bénéficie d’une formidable embellie de la situation financière. D’où les questions légitimes sur l’utilisation des ressources et la qualité de la gouvernance. L’erreur commise par le président mauritanien et son gouvernement est d’avoir gaspillé, en ces temps de vaches grasses, cette rente minière et pétrolière tombée du ciel, sans préparer l’avenir.

L’Etat mauritanien a essoré les grandes compagnies minières, en forçant la main à la SNIM pour provoquer une généreuse et imprudente distribution de bénéfices. Une politique de matraquage fiscal ciblé a rendu l’exercice d’une activité privée et indépendante des réseaux du pouvoir plus qu’aléatoire. « Certains pays, constate un expert mauritanien, ont mis en oeuvre des politiques de gestion judicieuses en se basant sur des prévisions d’évolution budgétaire sur dix ans et non en fonction des seules recettes annuelles. D’autre part, il aurait fallu créer un fond souverain permettant de diversifier le tissu économique afin de le rendre moins dépendant des seules matières premières. Or rien de tout cela n’a été fait ».

Des fonds dilapidés

Le retournement du cours des matières premières et du pétrole que connait aujourd’hui une Mauritanie sans marges de manoeuvre a plongé le pays dans une grave récession. La croissance mauritanienne a plongé en 2015 à un taux de 2% seulement. » La question qui se pose, poursuit notre expert, est de savoir où est passé tout l’argent que l’Etat a reçu pendant les années fastes ».

Sans même évoquer les circuits occultes qui ont permis aux clans présidentiel de d’enrichir, il convient de se pencher sur la partie visible de l’iceberg. L’Etat mauritanien s’est lancé dans une politique d’investissement anarchique qui n’intègre aucune stratégie cohérente. Au nombre des réalisations les plus désastreuses ou les plus surdimensionnées, on peut citer notamment la construction d’un aéroport encore inachevé d’une capacité de deux millions de voyageurs. Les besoins du pays se limitent à 120000 passagers par an. Pourquoi cette folie des grandeurs?

Dans le domaine agricole, des travaux de creusement d’un canal de 55 kilomètres ont été engagés sans aucune étude préalable de faisabilité. Aucun projet marquant n’a été engagé dans le domaine routier. La route dite de « l’Espoir », un des grands chantiers des années post indépendance qui permet de gagner la frontière malienne, se dégrade à grande vitesse. La mise à niveau de la route entre Nouakchott et Rosso piétine depuis des années.

Attention au crash

Le peuple mauritanien n’a bénéficié ni de près ni de loin des fruits de la croissance de ces années glorieuses. Le taux de chômage de la population reste à 31,5%, un des plus élevés du monde, selon un rapport de la Banque Mondiale de février dernier. La moitié de la population mauritanienne n’a toujours pas accès à l’eau potable, selon un rapport du Programme Alimentaire Mondial (PAM). Enfin l’indice de développement humain (santé, éducation, pauvreté…) classe la Mauritanie au 156eme rang mondial en 2015 contre le 154 eme rang mondial en 2008.

Le pire est à venir. Pour  financer dans l’année qui vient la baisse constatée du revenu national, l’Etat mauritanien s’apprête à augmenter encore les prélèvements sur la consommation des ménages, y compris les plus pauvres. La discrète et continue dévaluation de la monnaie locale, l’ouguiya, par rapport au dollar renchérit également les produits importés de première nécessité.

Autant dire que les classes populaires mauritaniennes vont être encore d’avantage, si cela est possible, saignées à blanc.

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