Ce général Nezzar que la Suisse ne souhaite pas vraiment juger 

Le 20 octobre 2011, le général Khaled Nezzar, ancien ministre algérien de la Défense, est arrêté à Genève, puis rapidement relâché. Soupçonné par la justice suisse de « complicité de crimes de guerre » et de « complicité de crimes contre l’humanité », Khaled Nezzar n’a toujours pas été jugé onze ans plus tard. A 85 ans, il ne serait pas en bonne santé.

Par Ian Hamel, à Genève   

Entre 1992 et 1994, Khaled Nezzar, ministre de la Défense, était l’homme fort du Haut Comité d’État mis en place en Algérie après l’arrêt du processus électoral qui aurait très vraisemblablement permis au Front islamique du salut (FIS) d’accéder au pouvoir. Deux décennies plus tard, le général à la retraite, alors en villégiature, est arrêté dans un hôtel de luxe à Genève. L’ONG Trial vient de déposer contre lui une dénonciation pénale auprès du Ministère public de la Confédération (MPC). Celui-ci ouvre une instruction pour « suspicion de crimes de guerre ». Le général à la retraite est remis en liberté le lendemain : il a promis de se présenter pour la suite de la procédure, ce qu’il a fait.    

Dans l’attente d’un jugement   

Sur son site Trial écrit que le Ministère public de la Confédération (MPC) soupçonne Khaled Nessar d’avoir participé comme complice, « à la commission de multiples crimes de guerre (meurtres, tortures, traitements inhumains, détentions illégales), ainsi qu’à des assassinats » entre janvier 1992 et janvier 1994 en Algérie.

Mais le moins que l’on puisse dire c’est que la procédure contre Khaled Nezzar a déjà duré plus longtemps que la guerre civile elle-même. L’ancien ministre de la Défense a été entendu pour la dernière fois par le MPC en février 2022. Il devrait normalement être renvoyé en jugement devant le Tribunal pénal fédéral, qui siège à Bellinzone, dans le canton du Tessin.   

Une santé déclinante                                                                                                                               

De son côté, le général Nezzar conteste fermement ces accusations qui reposeraient, selon lui, sur les déclarations des plaignants, militants du FIS, et sur des sources non vérifiables accessibles en ligne. Marc Bonnant, son avocat, a déclaré dans la presse suisse que « le général a mené une résistance légitime contre les islamistes et n’a ni commis ni ordonné des exactions ». Mais y aura-t-il un procès ? Non seulement Khaled Nezzar aura ses 85 ans le 25 décembre prochain, mais sa santé se serait sérieusement dégradée. Le quotidien Le Temps, dans son édition du 22 octobre, émet des doutes sur la volonté de la justice helvétique d’aller jusqu’au bout. Pour preuve, le procureur Andreas Müller, quatrième magistrat à se saisir du dossier, « n’a toujours pas renvoyé la procédure de jugement ».

Pressions sur les témoins       

Les raisons ? L’Algérie a toujours fait savoir à la Suisse qu’elle ne voyait pas d’un très bon œil la tenue d’un procès impliquant un ancien ministre de la Défense. L’ONG Trial craint elle aussi que la Confédération fasse traîner en longueur en attendant la disparition du général Nezzar, ce qui provoquerait la clôture de la procédure. « Les victimes de la “sale guerre“ attendent maintenant depuis plus de 30 ans que justice soit rendue », rappelle l’ONG.

Par ailleurs, Le Temps donne la parole à des témoins, réfugiés en Suisse, qui affirment avoir reçu des menaces. Selon l’un d’entre eux, un militaire algérien lui aurait promis « une récompense et un retour un Algérie s’il devait retirer sa plainte ».