Nous voici près d’un an après la mise en détention de Djibrill Bassolé, ex ministre des affaires étrangères de Blaise Compaoré soupçonné d’avoir soutenu le coup d’État manqué du 17 septembre 2015 mené par les fidèles de l’ancien régime. Or les avocats de l’accusé, qui donnaient une conférence de presse à Paris hier jeudi, s’impatientent de l’imbroglio judiciaire créée au Burkina Faso autour de la détention de leur client. En saisissant, jeudi 15 septembre, le groupe de travail des nations unies sur la détention arbitraire, les défenseurs de Bassolé tentent désormais de mettre la pression sur les autorités et la justice burkinabè soupçonnées de partialité.
« Malgré nos demandes répétées d’accès au dossier, nous n’avons jamais pu le consulter dans sa totalité » s’agace Alexandre Varaut, l’un des avocats de Djibrill Bassolé qui dénonce une « volonté manifeste de gêner la défense depuis le début ». Fin 2015, lors de sa première visite au Burkina Faso où il devait rencontrer Bassolé détenu à la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca) de Ouagadougou, l’avocat avait assisté à l’arrestation de son propre chauffeur qui ne fut relâché que trois mois plus tard. Un épisode qu’il dénonce aujourd’hui comme une tentative d’intimidation.
« Prisonnier politique »
Pendant près de neuf mois, la justice militaire en charge de l’affaire s’est par ailleurs opposée à ce que l’ancien ministre puisse être défendu par des avocats étrangers malgré l’avis favorable de la CEDEAO. Enfin, l’enregistrement téléphonique qui avait déclenché l’arrestation de Bassolé dans lequel on l’entend prétendument discuter de la préparation du putsch avec le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, n’a toujours pas été authentifié. Ce préalable nécessaire à l’annonce du procès n’a pas été respecté protestent les défenseurs de l’accusé. Ces derniers, qui ont mené leur propre expertise dénoncent un montage sonore comportant seulement des bribes de paroles de l’ancien ministre.
Face aux nombreux coups de frein de la justice burkinabè, la défense tente désormais d’amener l’affaire sur un terrain plus politique. En interpelant les autorités burkinabè à travers une instance onusienne, elle met la pression sur les responsables du pays soupçonnés d’avoir voulu empêcher Basolé de présenter sa candidature aux élections présidentielles de novembre 2015. A l’époque, la Cour de la CEDEAO avait jugé illégal l’article du Code électoral empêchant certaines personnalités ayant oeuvré sous le régime de Blaise Compaoré, dont Djibrill Bassolé, de briguer la présidence. Son arrestation, quelques temps après, avait été dénoncée par ses défenseurs comme la poursuite d’une « cabale » menée contre lui. « Aujourd’hui, M. Bassolé est un prisonnier politique » assène M. Varaut.
Un panier de crabes
Pour les responsables burkinabè, l’affaire est délicate. Lors des élections de 2015, l’ex ministre des affaires étrangères aurait pu être un concurrent sérieux pour l’actuel chef de l’Etat Roch Marc Christian Kaboré qui a pu jouer un rôle dans cette arrestation. Plus que tout autre, Isaac Zida, l’ancien Premier ministre, est sur le banc des accusés. Soutenu discrètement à l’époque par Blaise Compaoré sur le départ pour amortir la transition qui s’annonçait, Zida a rapidement retourné sa veste. On l’a vu démanteler les symboles de l’ancien régime, dont Bassolé fait partie. A Ouagadougou, beaucoup soupçonnent aujourd’hui l’ex Premier Ministre d’être mêlé à la fuite des écoutes.
Les poursuites judiciaires ordonnées le 15 septembre par le président Kaboré contre Zida vont-elles rebattre les cartes ?