En seulement cinq années, le Burkina Faso est passé du statut de pays épargné par la menace terroriste qui secoue le Sahel à celui d’Etat au bord de l’effondrement, en raison de délitement de l’appareil sécuritaire et de la posture de déni des autorités du pays.
Comment a-t-on pu en arriver là en si peu de temps ? Qui se cache derrière ces attaques de grande ampleur souvent non revendiquées ? Derrière ces nombreuses interrogations sans réponses irréfutables, se cache la dégradation spectaculaire de la situation sécuritaire au Burkina Faso.
Péché originel
Alors que la menace djihadiste montait en puissance à partir de 2015, le système de sécurité burkinabé s’est vite révélé indigent tant au niveau de l’armée nationale, des forces de sécurité intérieure que des services de renseignement. A peine installé aux commandes de l’Etat à la suite des élections de 2015, le président Roch Marc Christian Kaboré s’est lancé dans une politique de nettoyage de tout héritage de son prédécesseur Blaise Compaoré renversé par la rue en octobre 2014, après 27 années au pouvoir. Outre le démantèlement total du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), unité d’élite de l’armée chargée de la sécurité du chef de l’Etat et de la lutte contre le terrorisme, la quasi-totalité des officiers généraux et supérieurs qui ont servi sous Compaoré ont été mis à la touche.
Cinq chefs d’état-major
Les plus chanceux ont été affectés comme attachés de défense dans différentes ambassades du Burkina Faso. D’autres officiers expérimentés et aguerris se sont retrouvés du jour au lendemain sans affectation et obligés de rester à la maison tout en continuant à toucher chaque mois leur salaire mensuel.
De l’avis de plusieurs observateurs indépendants, la chasse aux partisans de Compaoré dans l’appareil sécuritaire, au motif qu’ils peuvent fomenter u coup d’Etat, a été une des principales causes de son effondrement. Signe de cette crise de confiance entre le pouvoir politique et les forces de défense et de sécurité (FDS), l’armée burkinabé a connu cinq chefs d’état-major depuis l’arrivée de Roch Marc Christian Kaboré au pouvoir. Ce turn-over à la tête de la hiérarchie militaire a empêché le pays de se doter d’une stratégie antiterroriste claire et efficace.
Mauvaise gouvernance
L’attaque terroriste perpétrée le 14 novembre contre un détachement de la gendarmerie nationale à Inata, nord du pays, a provoqué une onde de choc dans le pays autant par son ampleur que par les dysfonctionnements internes aux FDS qu’elle a révélés. En effet, le détachement qui a perdu au moins 57 éléments lors de cette attaque n’avait pas été approvisionnés en munitions et nourriture depuis plusieurs jours. Loin d’être un cas isolé, les négligences et dysfonctionnements observés à Inata et à Foubé le 21 novembre, dans le nord-ouest du pays, traduisent l’ampleur de la corruption et de la bureaucratie qui minent les FDS burkinabé pourtant en guerre contre le terrorisme. Jamais le Burkina Faso n’a consacré autant d’argent à ses forces de défense et de sécurité mais jamais ces mêmes forces ne sont autant apparues mal équipées et peu efficaces face aux groupes terroristes armées.
Après avoir admis ces dysfonctionnements qui sapent le moral des armées burkinabé, le président Kaboré s’est engagé samedi dernier à y mettre fin. Rien n’indique que ce sera suffisant pour arrêter la descente aux enfers du pays. Depuis 2015, près de 2000 personnes ont été tuées dans les attaques terroristes au Burkina Faso qui n’enregistre pas moins d’un million de déplacés internes. La métastase terroriste a gagné tout le pays : une grande partie de Centre-Nord, la quasi-totalité du Sahel, plus de la moitié de l’Est, frontalier avec le Mali, et même une partie du Sud-Ouest frontalière avec la Côte d’Ivoire
Plus d’un tiers du territoire national est désormais sous la coupe des groupes terroristes. Leur agenda est désormais de se servir de leurs implantations sur le territoire burkinabé pour exporter la menace terroriste du Sahel vers les pays du Golfe de Guinée, en commençant pas le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo, tous frontaliers voisins du Burkina Faso.