Des opposants centrafricains au président de leur pays, Faustin-Archange Touadéra, se sont retrouvés le 25 septembre 2023 à Paris pour y dénoncer le « verrouillage des institutions », et la « répression systématique » en RCA. Anicet-Georges Dologuélé, qui a présidé cette séance, a assuré qu’ils comptent « bien continuer la lutte politique pour le bien-être des Centrafricains », malgré l’entrée en vigueur d’une nouvelle Constitution en Centrafrique.Anicet Georges Dologuélé, président du parti politique l’URCA, dénonce l’obstination et la brutalité du président Faustin Archange Touadéra dans sa volonté de faire adopter une nouvelle Constitution en Centrafrique.
Voici un entretien qu’il a donné à un site centrafricain qui nous apermis de le reprendre
Votre parti est membre du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution, BRDC, un regroupement des partis politiques de l’opposition réunis en vue de défendre la Constitution du 30 mars 2016 dont le président Touadéra ne veut plus. Après les théories et discours, il a passé à l’acte depuis le 30 mai dernier en convoquant, par décret, le corps électoral pour se prononcer sur le projet d’une nouvelle Constitution. Selon vous Anicet Georges Dologuélé, député et ancien Premier ministre, ce processus est-il légal?
AGD : Beaucoup d’encre a coulé sur le sujet et d’éminents juristes -dont ceux de la Cour Constitutionnelle- ont démontré à suffisance que cette démarche pour imposer une nouvelle Constitution aux Centrafricains était aux antipodes de la légalité et des intérêts nationaux. Si les intentions de Faustin Archange Touadéra avaient été nobles, une démarche consensuelle aurait au minimum été tentée, sachant que l’absence du Sénat représentait un obstacle juridique insurmontable déjà identifié et clairement notifié par la Cour Constitutionnelle. Mais il ne vous a pas échappé que le Président de la République n’avait cure de nos états d’âme républicains. Il avance avec obstination et brutalité, obligeant l’ANE à organiser en 2 mois un scrutin qui en aurait nécessité au moins 6, utilisant le papier avec entête de la Présidence de la République pour nommer le Directeur de campagne du MCU, contraignant les Présidents des Institutions républicaines à marcher sur leur indépendance pour être membres de l’équipe de campagne du MCU, soumettant tous membres du Gouvernement, les Présidents des Institutions républicaines et les hauts fonctionnaires de l’Etat à un barème de cotisation pour le financement de la campagne référendaire du MCU. Les locaux de l’Assemblée Nationale, deuxième Institution de la République, sont aujourd’hui transformés sans aucun état d’âme en Quartier Général de campagne du MCU. On nage dans le totalitarisme ! Les opérations électorales (impression et acheminement des bulletins, transport des urnes, etc.) et les supports de campagnes (tee shirts, affiches et autres autocollants) seraient à la charge d’un partenaire bilatéral bien identifié, que vous devinez aisément. Comme vous l’avez constaté, le vote d’une étrange Loi sur la tokénisation des ressources naturelles, minières, forestières et foncières avait été imposé à marche forcée aux députés de la majorité, pour permettre notamment de débloquer les fonds nécessaires à l’organisation de ce référendum constitutionnel. Cette loi est l’une des pires jamais votées dans notre pays depuis son indépendance, en cela qu’elle livre tout le sol et le sous-sol de notre pays à l’appétit vorace de toute la pègre de la planète, au détriment des citoyens et des intérêts du pays. En définitive, notre pays ne nous appartient plus et le Président de la République s’auto constitue en mercenaire à la solde d’autres mercenaires pour dépecer la dépouille de la République centrafricaine. Ceux-ci ont intérêt à le maintenir au pouvoir pour pérenniser leurs activités criminelles. Mais les militants de l’URCA n’abandonnent pas le combat. Que ce soit à l’intérieur du BRDC, en partenariat avec les plateformes de la Société civile et les personnalités politiques engagées dans cette lutte, ou simplement en tant que parti politique de l’Opposition, nous œuvrerons à faire échec à ce projet néfaste pour notre pays et à défendre la Constitution du 30 mars 2016.
Au sujet de ce référendum constitutionnel, l’ambassadrice des Etats-Unis en Centrafrique s’est exprimée.
AGD : Des réactions ont été enregistrées de la part de certains grands pays et de certaines organisations comme l’Union Africaine et l’ONU. Vous noterez qu’elles sont entourées d’une telle précaution diplomatique que leur interprétation suscite des réactions contrastées. Ce qui me paraît décisif, c’est l’expression de ce que je perçois au quotidien comme le ras le bol des Centrafricains. C’est notre responsabilité de provoquer d’encourager les Centrafricains à manifester leur opposition à ce référendum.
Le projet de la nouvelle Constitution n’est pas encore rendu public. Mais selon certaines indiscrétions proches du pouvoir, une copie a été envoyée au chef de l’opposition. C’est à vous qu’il a été envoyé ?
AGD : La grande escroquerie de ce référendum (mais ces gens-là n’en sont pas à leur première escroquerie), c’est qu’on ne sait toujours pas sur quoi il va porter puisque le texte de la nouvelle Constitution, qui avait été préparé dans le plus grand secret par une commission jugée illégale par une décision de la Cour constitutionnelle, continue d’être conservé dans le coffre-fort du MCU. Vous savez, quand vous donnez un biberon à boire à un bébé, il l’avale sans savoir ce qu’il y a dedans. C’est le sort que Touadéra réserve aux centrafricains, qu’il ne trouve certainement ni suffisamment matures, ni suffisamment respectables pour leur faire lire et analyser le texte de cette nouvelle Constitution.
Durant les deux dernières élections présidentielles, vous êtes arrivé en deuxième position. Et pour le président Touadéra, ses alliés russes et sa famille politique, vous constituez une menace pour eux. C’est la principale raison de la rédaction d’une nouvelle Constitution que de réviser l’actuelle en insérant certaines dispositions pour exclure les binationaux, dont vous, d’être candidats à l’élection présidentielle. Comment allez-vous allez faire pour faire échouer ce référendum ? Vous allez battre campagne pour le NON ? Ou quelle consigne allez-vous donner à vos militants ?
AGD : Il y a une fébrilité au sein de ce pouvoir qui me surprend, chaque fois qu’il est question de ma modeste personne. Certainement que l’actuel Chef d’Etat n’est pas à l’aise parce qu’il sait ce qu’il sait sur les conditions de son accession et de son maintien au pouvoir. Ceci dit, j’ai effectivement la nationalité française depuis presque 30 ans, simplement parce que j’ai épousé une Centrafricaine née en France, de père et de mère centrafricains mais qui, par le droit du sol, était également française. Les liens du mariage m’ont naturellement permis d’acquérir cette deuxième nationalité dont je n’ai aucune raison de rougir. Je revendique donc ma bi nationalité avec fierté. J’étais déjà binational avant de devenir ministre des Finances puis Premier Ministre de mon pays. J’avais été nommé à ces hautes fonctions d’Etat par le Président Ange Félix Patassé, que personne ne pourra jamais traiter de pro-français. J’étais toujours binational quand en 2016 Charles Malinas, alors Ambassadeur de France en Centrafrique, avait été à la manœuvre en complicité avec les autorités de Transition, dans une logique de « Tout sauf Dologuélé » pour voler ma victoire et la remettre à l’actuel locataire du Palais de la Renaissance. J’étais perçu comme trop indépendant d’esprit, trop déterminé à faire évoluer mon pays vers le développement, apparemment trop bien organisé pour y arriver (certains diraient trop nationaliste) et certainement plus difficile à manipuler. Alors, le choix avait été porté sur Faustin Archange Touadéra, qui paraissait plus facile à contrôler. Les craintes de Charles Malinas et de notre Maman nationale de l’époque n’étaient certainement pas infondées, puisque leur poulain est aujourd’hui complètement contrôlé par un grand pays qui a malheureusement pris tout le monde de vitesse. Oui, je suis binational, mais ce n’est pas un binational qui a vendu notre pays en menus morceaux aux étrangers comme nous le constatons tous aujourd’hui; ce n’est pas un binational qui a fait passer le nombre de groupes armés de 6 à 15 et qui a assisté, dans une indifférence des plus cyniques, au massacre de plusieurs dizaines milliers et à l’exil de près d’un million de nos compatriotes par ces groupes armés dont les chefs étaient ses partenaires en affaires ; ce n’est pas un binational qui a pillé le trésor public, détourné plus de 1000 milliards d’aide financière à notre pays et installé dans les plus hautes fonctions des criminels économiques étrangers à qui il a généreusement donné la nationalité centrafricaine ; ce n’est pas un binational qui a plongé notre pays dans l’abîme ; ce n’est pas un binational qui a compromis durablement l’avenir de notre jeunesse ; ce n’est pas un binational qui cherche à rester absolument au pouvoir pour brader encore et encore la souveraineté de notre pays et y occasionner plus de morts et de miséreux. Aujourd’hui, le problème ne se trouve pas dans le nombre des nationalités dont dispose un candidat. Le bon candidat doit naturellement être de nationalité centrafricaine, mais surtout être et en capacité de diriger notre pays et de le conduire vers le progrès et le développement. Aujourd’hui, des centaines de cadres centrafricains à travers le Monde remplissent ces conditions tout en étant des binationaux. Certains envisagent déjà d’être candidats aux élections générales de décembre 2025. Cette génération des 35-55 ans est celle qui va prendre en main la gestion de notre pays dans les années à venir, dans une logique évidente de renouvellement naturelle d’une classe politique vieillissante. Je partage avec vous un constat sans appel : depuis plus de trois décennies, la quasi-totalité des nombreux centrafricains qui naissent, grandissent, étudient et démarrent leur vie professionnelle à l’Etranger sont des binationaux. Ils représentent aujourd’hui les ressources humaines les mieux formées dont doit s’enorgueillir notre pays. C’est eux qui prendront un jour en main la destinée de notre pays. A-t-on le droit de les y empêcher et de priver notre pays de ce trésor ?
Ainsi, vous constatez avec moi que, dans l’unique dessein d’empêcher la candidature de deux ou trois adversaires politiques à l’élection présidentielle de 2025 et en particulier celle d’un certain Anicet Dologuélé, le Président Touadéra est déterminé à instrumentaliser une nouvelle Constitution. Ce faisant, il interdira à toutes ces centrafricaines et à tous ces centrafricains de qualité ou en devenir, dont certains collaborent pourtant déjà avec lui, de briguer le moindre mandat électoral ! Il aura décidé à lui tout seul que notre pays ne pourra jamais tirer profit des compétences et des expériences accumulées par ces brillants compatriotes, notamment dans les fonctions de Président de la République, de députés de la Nation, de sénateurs, de maires, de conseillers régionaux, etc. C’est énorme ! C’est injuste ! C’est un vrai désastre pour l’avenir de notre pays.
Le président Touadéra n’est plus un président légitime démocratiquement. Les voix se sont levées pour demander sa démission. Le fauteuil présidentiel est constitutionnellement vide. Comment agir désormais ?
AGD : Par un communiqué de presse en date du 26 octobre 2022, l’URCA avait pris à témoin la communauté nationale et internationale sur le constat que la démocratie était devenue impossible en RCA du fait des agissements du régime en place. Tirant les conséquences de ce constat, l’URCA avait réclamé la démission de Faustin Archange Touadéra des fonctions de Président de la République centrafricaine et demandé qu’une procédure de mise en accusation pour parjure et haute trahison soit initiée à son encontre auprès de la Haute Cour de Justice. Ce Monsieur a en réalité perdu sa légitimité depuis bien longtemps et occupe illégalement un fauteuil présidentiel dont il ne veut plus jamais se séparer. D’autres ont essayé avant lui et ont quitté la scène politique par la petite porte…Wait and see !
Question n°6 : Honorable Dologuélé. Pendant que vous tergiversez au sein du BDRC, l’équipe de campagne référendaire du président Touadéra est à pied d’œuvre. Il faut faire quelque chose et vite pour barrer la route à ce référendum. A ce jour, deux pistes de solutions sont actuellement connues. Celle exprimée par l’ancien président de Transition Alexandre Ferdinand Nguendet exigeant la démission de Touadéra avant le 1er juillet et celle portée par l’ancien président François Bozizé, appelant à l’union des forces militaires autour de lui, à la CPC. Laquelle selon vous est réaliste à ce jour
AGD : Je ne permettrai pas de porter de jugement de valeur sur des solutions dont je n’ai pas la maîtrise.
Quel serait votre avenir politique si la nouvelle Constitution est votée et promulguée malgré tout ?
AGD : Ce n’est pas à Faustin Archange Touadéra de décider de mon avenir politique, même si l’éventualité de ma candidature lui donne des cauchemars, qu’il n’arrive plus à camoufler. Son entourage l’encouragerait même très fortement à m’éliminer physiquement. Mais avec tout le respect que je lui dois, ce monsieur n’a plus rien à faire à la tête de mon pays. Qu’il termine son mandat et qu’il parte ! Il a déjà fait tant de mal à des millions d’êtres humains, à des millions de nos compatriotes ! Quant à mon avenir politique, je déclare avec humilité qu’il appartient aux centrafricains et à Dieu.
Aussi, j’invite mes compatriotes à se lever comme un seul homme pour dire NON à la dictature, NON au pillage de nos ressources, NON au bradage de notre souveraineté, NON à ce régime de criminels de tous bords.