L’économie algérienne était à l’honneur pendant le week-end du 1er et 2 juin 2024 à l’occasion du colloque organisé par le GRAL (Groupe de Réflexion sur l’Algérie), un think tank qui démontre combine ce pays est riche en expertise et à quel point il recèle de potentialités immenses à condition que les décisions politiques indispensables soient prises. « il faut réformer les réformes » dans l’Algérie d’aujourd’hui!
La première thématique a porté sur l’économie politique de l’Algérie.
Au cours de cette première session, le docteur Ouarda Merrouche a indiqué les chiffres clés de la conjoncture économique algérienne, celui de la croissance (4,2 %) et a insisté sur l’importance de la statistique compte tenu de la difficulté d’obtenir des chiffres en Algérie. Ce chiffre de 4,2% suggère une modernisation de l’Office National de la Statistique (ONS).
En rappelant ce qui fut un échec depuis les années 1970 à nos jours, le docteur Ahmed Dahmani a fait une analyse critique des réformes économiques. Il conclura qu’au final la décision et le système politique déterminent le succès ou de l’échec de toute réforme économique. L’économie administrée algérienne a laissé peu de place à l’émergence d’une véritable économie de marché, et ce en raison du fait que les réformes effectuées sont sans cesse remises en cause et élaborées de manière opaque D’où le slogan « il faut réformer les réformes » utilisé par certains analystes.
Les docteurs Zahir Hadibi, et Mohamed Saib Musette se sont penchés sur la fuite des cerveaux et le marché du travail en Algérie. Ils estiment qu’il y a urgence à mettre en œuvre des politiques visant à arrêter l’hémorragie des diplômés algériens qui s’amplifie d’année en année. La matière grise algérienne est, selon eux, la proie de chasseurs de têtes occidentaux et d’ailleurs. La priorité des autorités publiques, ont déclaré plusieurs experts, est de tout faire pour que nos jeunes (et moins jeunes) restent en Algérie. Ils diront que l’Algérie est en train de perdre dans la captation des talents.
Le professeur Omar Aktouf, quant à lui, a rappelé certains principes de la théorie économique et est en faveur d’un développement économique respectueux de l’environnement au détriment d’un capitalisme sauvage qui est néfaste pour les pays en développement et pour l’économie globale.
La seconde session du colloque portait sur la thématique de l’économie de l’énergie et de la rente.
Deux experts en la matière sont intervenus. Le professeur Abderrahmane Mebtoul a donné les axes de la transition énergétique de l’Algérie 2024-2030 face au Nouvel Ordre Energétique Mondial. Il dira que le gaz naturel tiendra une place importante dans le mix énergétique algérien en 2050, et qu’actuellement les énergies issues du développement durable représentent à peine 1 ou 2 % dans le PIB algérien.
Le professeur Amor Khelif a abordé le sujet des mutations de la législation sur les investissements dans le secteur des hydrocarbures en Algérie. Il soutiendra que l’importance d’une bonne gouvernance dans ce secteur stratégique réside dans la mise en œuvre d’un management démocratique et transparent.
Le docteur Mohamed Bouchakour revienfra sur les capacités de négociation de l’Algérie, qui connaît, selon lui, un gap majeur. Il préconise à ne plus être naïfs dans la négociation et de prioriser le concept du « donnant /donnant » au détriment de celui du « gagnant –gagnant » (le fameux « Win/Win »), ce dernier s’avérant moins efficace sur le terrain.
La troisième et dernière session concerne les chapitres des économies monétaire et agricole.
Le professeur Omar Bessaoud, expert dans le domaine de l’économie de l’agriculture et de l’agroalimentaire entame son exposé sur les politiques de modernisation agricole au Maghreb, les enjeux et les défis pour le futur. Il mettra à mal le mythe de l’Algérie « grenier du blé pour l’Europe » et appellera de manière vigoureuse à privilégier une agriculture sur la partie nord de l’Algérie au détriment du Sud du pays qui coute cher en ressources énergétiques et financières.
Place à une agriculture basée sur la pluviométrie plutôt que recourir à assécher la nappe phréatique située sous le désert du Sahara.
Cet expert plaide pour des exploitations agricoles à taille humaine qui privilégient l’emploi local. Il préconise également de revenir à la préservation et l’utilisation des semences locales, seul outil d’indépendance face à la concurrence internationale. Il encourage également les pouvoirs publics à promouvoir un régime et une ration alimentaire plus équilibrée. Il a souligné le nombre croissant et alarmant de personnes diabétiques dû à une consommation excessive de sucre et d’aliments sucrés.
La nécessaire ouverture des BRICS
L’intervention de Ali Benouari, ancien ministre du Trésor, le sujet de la monnaie des BRICS, sur la problématique et les enjeux stratégiques que suscitent cette nouvelle organisation du « Global South ». Il articulera son propos sur un nouveau paradigme pour une monnaie commune. Les critères actuels d’adhésion au sein du groupe des BRICS sont inadaptés vu l’objectif que se sont fixés les pays membres. Ali Benouari considère qu’une des conditions nécessaires (mais pas suffisante, précisera au cours du débat, le professeur Arezki Ighemat, membre du GRAL) est d’accroître le nombre des membres des BRICS.
Hamid Lellou, expert en résolution des conflits, a analysé les causes et les conséquences de l’économie informelle sur la société algérienne et a parlé des défis et les opportunités qui s’offrent pour intégrer ce secteur dans l’économie formelle. A cette occasion, Lyazid Benhami, président du GRAL, a posé la question du marché informel/parallèle des devises en Algérie et a demandé à Ali Benouari, en sa qualité d’ancien de la Banque Centrale d’Algérie, son point de vue sur la manière d’intégrer ce marché dans le marché monétaire officiel algérien. Selon Mr. Benouari, une réforme profonde des institutions financières et monétaires est nécessaire si on veut que ce problème, et tant d’autres qui se posent à l’économie algérienne, puissent être résolus. Une telle réforme permettra, entre autres, à l’Algérie d’accéder aux marchés financiers internationaux.
Tous les participants au colloque remercient le GRAL pour avoir organisé ce colloque sur un sujet vital pour notre pays et pour ouvrir le débat sur d’autres questions majeures qui concernent l’Algérie. Ce dernier point a été particulièrement souligné par Mr. Ali Benouari, qui regrète que les débats qui existaient en Algérie dans les années 70-90 ne se fassent plus, et qui considère que l’initiative du GRAL est une sorte de « ballon d’air » permettant de combler ce vide et de revigorer cette tradition démocratique.
Dans son discours de clôture, Lyazid Benhami a insisté qu’un colloque à lui seul se suffit pas pour traiter de tous les sujets économique, il dirait que modestement ce colloque aura servi à ouvrir des pistes de réflexion , et en appelle d’autres dans les prochains mois.