Au Mali, à Bamako, dans la nuit entre le 16 et le 17 septembre, deux opérations simultanées contre la base 101 de l’aéroport militaire et l’école de gendarmerie ont causé plus de 77 morts. Pour comprendre le sens de cette déflagration, l’exceellente revue qu’est « le Granc Continent » a demandé à l’un des meilleurs analystes du Sahel, Wassim Nasr, de faire le point. Après avoir étudié des centaines de documents et sources et visionné des dizaines d’images et vidéos, ce dernier explique pourquoi «le tournant de Bamako» est surtout une victoire stratégique du JNIM, affilié à Al-Qaïda (voir la photo ci dessus), contre le groupe de mercenaires russes Wagner, allié de la junte. Voici un court résumé de ce texte fort instructif
ll faut remonter au début de nos années Vingt pour enregistrer un attentat d’une telle ampleur au Mali—pourtant frappé régulièrement par la violence djihadiste et les luttes politiques internes.
JNIM—le groupe affilié à Al-Qaïda à l’origine de l’attaque—a réussi à pénétrer dans l’aéroport, à mettre le feu à plusieurs aéronefs, dont l’avion présidentiel, et à menacer le cœur du pouvoir, comme l’organisation terroriste l’avait déjà fait à Kati en 2022, ou encore en kidnappant un prêtre allemand à Bamako la même année. En d’autres termes, la mission de protection du pouvoir malien que Wagner est censé assurer est mise à mal par Al-Qaïda.
Projetant sa stratégie vers des dynamiques internes, Al-Qaïda menace la clef de l’influence de Wagner dans la région: l’assurance à ceux qui ont pris de pouvoir par la force—la junte militaire conduite par Assimi Goïta—de le conserver.
C’est ce qui engendre une révolution paradoxale, un nouveau paradigme terroriste:
Al Qaida, rempart contre l’État Islamique
Dans la lutte de pouvoir entre les groupes djihadistes, c’est désormais Al-Qaïda qui constitue de facto un rempart contre l’État islamique—empêchant ce dernier de progresser vers les pays du Golfe de Guinée. De plus, le groupe témoigne d’une certaine flexibilité politique: en se montrant prêts à négocier et à conclure des accords, il confirme un changement de paradigme. Notons que dans ses récentes déclarations, l’organisation terroriste mentionne surtout les Russes et les Turcs—qui sont perçus comme des acteurs importants en raison de leur fourniture de drones TB2—mais a estompé toute référence à l’ennemi occidental, qui faisait partie de son ADN historique. Cela reflète un véritable changement de dynamique dans le Sahel, que l’attaque de Bamako vient clairement illustrer.
En abandonnant la référence à son ennemi historique—l’Occident—le groupe terroriste cible désormais l’État islamique et la Russie.
Le scénario catastrophe d’une conquête djihadiste de Bamako