L’œuvre d’entraide Swissaid s’est livrée à un travail de bénédictin pour pouvoir donner une estimation concernant l’or qui quitte chaque jour l’Afrique sans être déclaré. Un manque à gagner d’environ 30 milliards de dollars chaque année.
Comment fait-on pour comptabiliser ce qui est clandestin ? Pendant trois ans, Swissaid, une ONG dont le siège est à Berne, a croisé des informations données par les pays, l’ONU, les entreprises. Les auteurs de l’enquête ont ainsi lancé un demi-millier d’appels téléphoniques ! Il faut savoir que quatre des neuf plus grandes raffineries au monde sont installées en Suisse. Les douanes de ce pays ne s’intéressent pas au pays d’extraction de l’or, mais à son « origine ». C’est-à-dire le pays où cet or a été transformé, ou a simplement transité. Il s’agit très souvent des Emirats arabes unis (EAU). Le métal précieux extrait clandestinement du Ghana, du Mali, du Soudan est ainsi estampillé par les Émirats Arabes Unis.
L’étude, portant sur l’ensemble des 54 pays d’Afrique, couvre une période de dix ans. Chaque année « entre 321 et 474 tonnes d’or artisanal sont produites en Afrique sans être déclarées (soit un peu plus d’une tonne par jour). Cela équivaut à une valeur entre 24 et 35 milliards de dollars, ainsi qu’à 75 % de la production totale d’or africain extrait de manière artisanale », écrit l’ONG. Plus grave encore, la contrebande d’or en Afrique ne cesse de gagner de l’ampleur. Elle a plus que doublé entre 2012 et 2022. Swissaid relève que 80 % de l’or africain, qu’il soit industriel (et donc en général déclaré) et artisanal (au contraire non déclaré) est exporté vers trois pays : les Emirats arabes unis, la Suisse et l’Inde. Aux Emirats, il n’y a pas de taxe à l’importation de l’or, ni obligation de contrôle sur son origine.
Des conditions de travail désastreuses
Après avoir transité par Dubaï, l’or est exporté vers d’autres pays, notamment la Suisse. Cette dernière a ainsi importé plus de 1 670 tonnes d’or en provenance des Emirats en dix ans. Cette étude tombe alors que le Parlement helvétique doit modifier la loi sur les douanes à l’automne prochain. C’est « une occasion à saisir pour renforcer le cadre légal et améliorer la traçabilité des matières premières », écrit l’ONG. De leur côté, les partis de droite ont toujours refusé que l’on renforce les contrôles sur les raffineries.
Alors que le prix de l’or ne cesse de grimper, on imagine le manque à gagner pour les pays africains qui ne perçoivent pas de taxe sur le métal jaune non déclaré (c’est-à-dire environ un tiers de la production aurifère du continent). Swissaid constate que cette ruée vers l’or a provoqué « un développement précipité et peu contrôlé de mines artisanales, à petite échelle et même semi-mécanisées, dans lesquelles les conditions de travail sont souvent désastreuses ».
L’Afrique extrait entre un quart et un tiers de l’or minier mondial.