L’ambassadeur de Russie à Bangui reconnaît l’envoi de 535 hommes qu’il présente comme des « instructeurs » qui « ne prennent pas part aux combats », sauf « s’ils sont pris pour cible ».De nombreuses sources sécuritaires nationales et internationales contredisent pourtant cette version, souligne une enquête de RFI. Extraits..
Ces sources évoquent 800 à 2 000 mercenaires déployés dans le pays, aux côtés des forces armées centrafricaines, souvent « en première ligne » lors des affrontements et également présents aux postes de contrôles et lieux stratégiques.
Pour une partie de l’opinion, lassée de subir l’occupation et les violences des groupes armés, les Russes sont des sauveurs. Ils ont joué un rôle déterminant dans la contre-offensive qui a permis de reprendre la majorité des grandes villes du pays. Leur action est également soutenue par une campagne de communication active des autorités. Rares sont les voix discordantes qui osent publiquement questionner leurs méthodes, dans le climat de peur qui s’est installé dans certaines régions du pays
« Exécutions massives, torture »
Le 31 mars dernier, pour la première fois, un groupe d’experts indépendants vient pourtant briser cette omerta. Dans un communiqué, le Groupe de travail de l’ONU sur l’utilisation de mercenaires rattaché au Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies de Genève, dénonce le recours accru à des sociétés de sécurité privées par les autorités de Bangui. Et alerte sur une longue liste d’exactions qui leur sont « imputables » : « exécutions sommaires massives, détentions arbitraires, torture pendant les interrogatoires, disparitions forcées, déplacements forcés de population civile, ciblage indiscriminé d’installations civiles, violations du droit à la santé et attaques croissantes contre les acteurs humanitaires. »
Trois entités russes sont citées dans ce communiqué : le « Groupe Wagner », considéré comme le bras armé privé de Moscou, dont certains combattants sont depuis peu sous le coup d’une plainte pour un possible crime de guerre en Syrie ; « Sewa Security Services», société de droit centrafricain fondée à Bangui en 2017 et considérée comme la filiale de Wagner dans le pays ; et enfin « Lobaye Invest SARLU », une société minière fondée en Centrafrique en 2017, dont l’un des responsables a été placé sous sanctions par les États-Unis. Le Groupe de travail dit avoir recueilli les preuves de leur « implication dans une série d’attaques violentes » survenues en Centrafrique depuis décembre dernier.
Plusieurs rapports internes des Nations unies que RFI a consultés viennent étayer ces accusations. L’un d’eux recense au moins une centaine de victimes de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises soit par les Faca et leurs alliés russes soit par les éléments russes seuls, entre le 1er janvier 2021 et mi-avril. Parmi ces violations : 26 exécutions extrajudiciaires, 5 viols ainsi que 27 cas d’arrestations arbitraires et de privation de liberté. « De nombreux civils ont été tués ou blessés (…) bien qu’ils soient très loin de cibles militaires légitimes », précisent les auteurs de ce rapport.