Près de seize milliards de francs CFA (23,4 millions d’euros) recouvrés : c’est le premier bilan de la Commission de Lutte contre la Délinquance Économique, Financière et Fiscale (CoLDEFF), annoncé vendredi par son président, le colonel de gendarmerie Abdoul Wahid Djibo, selon l’Agence nigérienne de presse. Le président de l’institution a précisé que sur ce montant, douze milliards avaient déjà été encaissés et des engagements pris pour le reste de la somme.
Ce bilan a été rendu public à l’issue d’une rencontre avec le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le général Abdourahamane Tiani, qui lui a fait part de sa satisfaction et de son soutien.
Le colonel Abdoul Wahid Djibo a toutefois déploré le fait que tous les dossiers que la CoLDEFF devait hériter de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions assimilées, une institution très décriée pour son inertie sous le régime précédent, sont vides. Autre difficulté, les dossiers saillants sur lesquels la CoLDEFF est attendue sont, pour la plupart, pendants devant la justice. Mais, a-t-il indiqué, la CoLDEFF est en train de suivre la démarche légale pour les récupérer.
La CoLDEFF a été créée le 13 septembre 2023 et elle est composée de 35 membres nommés par décret en novembre 2023 par le général Tiani.
Disposant de tous les pouvoirs nécessaires pour mettre en œuvre les orientations du CNSP et du gouvernement en matière de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale, « la COLDEFF constitue une réponse aux attentes légitimes du peuple nigérien à la justice, avec pour mission principale le recouvrement de tous les biens publics illégalement acquis et/ou détournés », indiquait le communiqué portant sa création.
Les deux mandats de Mahamadou Issoufou et le début du mandat du Président Mohamed Bazoum ont été émaillés de plusieurs scandales financiers, liés notamment à la gestion des acquisitions d’armement, des intérêts miniers, des grands travaux et des investissements privés. Aucun de ces dossiers n’a connu une suite judiciaire. La mauvaise gouvernance et la prédation systématique dont le régime socialiste déchu a fait preuve font assurément partie des raisons du soutien manifesté par la population nigérienne aux auteurs du coup d’Etat. La transition doit maintenant démontrer sa capacité à rendre la justice et récupérer les sommes détournées, faute de perdre cette confiance.
Samedi, le barreau du Niger a cependant attiré l’attention des autorités sur « de graves manquements à l’état de droit » constatés ces dernières semaines, notamment devant la CoLDEFF « où des citoyens subissent des interrogatoires hors la présence de leurs avocats, ce qui constitue une grave violation de leurs droits. » Le bâtonnier Me Oumarou Sanda Kadri affirme que « La CoLDEFF étant une institution publique, les personnes interpellées devant elle ont le droit de se faire assister par un avocat. Cette assistance ne fera aucun obstacle à ses investigations; par contre, elle doit elle-même s’attacher au respect de la règle de droit. »