Le gouvernement nommé le 10 août par la junte au pouvoir est restreint et composé de personnalités proches des militaires au pouvoir, mais sans couleur politique. Les dosages entre les militaires (sixr, youy) et les civils, les équilibres ethniques, la volonté de ne pas en exclure des représentants des élites technocratiques traditionnelles et la présence d’une ministre femme: la junte militaire au pouvoir au Niger manifeste dans cette première décision politique une voloté d’ouverture et de sérieux.
Il compte peu de personnalités politiques connues, sans doute à dessein, pour permettre aux militaires d’assumer l’essentiel du pouvoir. Ces derniers occupent d’ailleurs plusieurs portefeuilles régaliens, dont deux ministères d’Etat : la Défense, bien sûr, confiée à l’aîné des putschistes, le général de corps d’armée Salifou Modi et l’Intérieur, la Sécurité Publique et l’Administration du territoire qui revient au général de brigade Mohamed Toumba.
Des militaires ont aussi été nommés à la tête de la Jeunesse et Sports, qui échoit au porte-parole du CNSP, le colonel-major Abdourahamane Amadou, de la Santé publique, Population et Affaires sociales, confiées à un médecin militaire, le colonel-major Garba Hakimi, des Transports et de l’Hydraulique, respectivement dévolus au colonel Salissou Mahaman Salissou et au colonel Maizama Abdoulaye.
Un Premier ministre Toubou
Du côté des civils, le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine, est un spécialiste des finances, originaire de l’est du pays et issu de la minorité touboue. Il a été le dernier ministre des Finances de Tandja Mamadou avant son renversement par l’armée en 2010. Lamine Zeine avait d’ailleurs été retenu plusieurs semaines prisonnier par les putschistes. Au moment de sa récente nomination, il vivait au Tchad où il occupait le poste de représentant de la Banque africaine de Développement.
Il s’est, logiquement, entouré de proches. Son ami Mahaman Moustapha Barké décroche le portefeuille très stratégique du Pétrole, des Mines et de l’Energie occupé jusqu’au coup d’Etat par le fils de l’ex président Mahamadou Issoufou. Barké est également l’ancien directeur de campagne de Hama Amadou, le fondateur, actuellement en exil, du puissant parti d’opposition Lumana.
Le deuxième Toubou du gouvernement est le ministre de l’Agriculture et de l’Elevage, Mahaman El Hadj Ousmane. Il retrouve le portefeuille de l’Elevage qui était déjà le sien lors du premier mandat de Mahamadou Issoufou. Il serait originaire de la même région que le Président Mohamed Bazoum renversé le 26 juillet et toujours détenu dans sa résidence du Palais.
Un diplomate et une chrétienne
Le nouveau gouvernement fait appel comme ministre des Affaires étrangères à Bakary Yaou Sangaré.en fonction pour l’instant aux Nations Unies où il représentait le Niger. Ce diplomate de métier est est le frère cadet d’une ersonnalité de l’opposition détenue des années pour une obscure affaire, mais jamais jugée.
Une chrétienne, Elisabeth Sherif, universitaire persécutée elle-aussi par le parti rose, assumera le porte-feuille de l’Education nationale. Elisabeth Sherif est spécialiste des élections et elle avait été évincée de l’université nigérienne en raison de ses prises de positions indépendantes.
Une ouverture vers les Touaregs
Deux Touareg ont été nommés au Tourisme et à la Communication. La benjamine du gouvernement est âgée de 28 ans. Mme Guichen Agaichatta Atta était jusqu’ici très active dans la promotion de la jeunesse et membre des Scouts du Niger, révèle le journal en ligne Aïr Info. Sidi Mohamed Raliou est décrit par la même source comme un «ingénieur chevronné spécialiste de gestion des DSI et en réseaux, sécurité et système.» Il était le secrétaire général de ce ministère jusqu’à sa promotion.
Le ministre directeur de cabinet du président du CNSP, le général Tchiani, est le docteur Soumana Boubacar, qui occupait déjà ces fonctions auprès du général Salou Djibo, le tombeur en 2010 du Président Tandja.
Des interrogations sur lr minidt§re de la Justice
Un nom, toutefois, suscite les interrogations. Celui du nouveau ministre de la Justice et des droits de l’Homme, le magistrat Aliou Daouda. A la cour d’appel, il a présidé le tribunal militaire qui a envoyé beaucoup de militaires en prison pour les coups d’Etat réels et imaginaires perpétrés contre Mahamadou Issoufou. Sa proximité avec l’ancien commandant de la Garde présidentielle devenu chef de l’Etat suffira-t-elle à le réhabiliter alors que les militaires nourrissent certainement l’intention de faire libérer leurs camarades ?
La justice est l’une des institutions qui s’est le plus décrédibilisée au fil des douze ans de gouvernance socialiste.
Les préoccupations du CNSP, dans le contexte toujours pressant d’une menace d’intervention militaire de la France et de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest, ont surtout concerné la préparation de la riposte en cas d’attaque. Mais avec la nomination de ce gouvernement, la junte espère pouvoir desserrer l’étau et, au bout de deux semaines, commencer à s’occuper des autres urgences : faire face aux sanctions très dures de la CEDEAO et gérer les pressions diplomatiques contraires des grandes puissances.
Un.gouvernement dont la composition manifeste une volonté de gestion efficace et compétente des affaires du pays. Mais toujours aucune déclaration de politique générale…