Le procès d’Ousman Sonko, ancien ministre de l’Intérieur gambien, s’est ouvert lundi en Suisse. Poursuivi pour crime contre l’humanité, il risque la prison à vie.
Ian Hamel
La compétence universelle permet à la Suisse de juger des crimes qui se sont déroulés à l’étranger, du moins lorsque son auteur se trouve dans la Confédération. Ousman Sonko a été arrêté le 26 janvier 2017 dans le canton de Berne, suite à une dénonciation pénale de l’ONG Trial International, qui lutte contre l’impunité des crimes internationaux. Depuis, il n’a pas quitté sa cellule. Comme l’avait annoncé précédemment Mondafrique, le procès devant le Tribunal pénal fédéral s’est ouvert lundi dernier à Bellinzone, dans le canton suisse du Tessin. Il doit normalement duré jusqu’à la fin du mois.
Inspecteur générale de la police gambienne, commandant de la garde présidentielle, puis ministre de l’Intérieur sous la dictature de Yahya Jammeh, Ousman Sonko, 55 ans aujourd’hui, est accusé de meurtres, d’actes de torture, de séquestration, de violences sexuelles. « Les faits décrits dans les 136 pages de l’acte d’accusation s’étendent sur une période allant de janvier 2000 à 2016 et couvrent cinq volets », rappelle le quotidien suisse Le Temps. De son côté, le prévenu conteste la totalité des charges retenues contre lui. Il plaidera son acquittement.
Des débats en allemand…
Son défenseur rappelle que le droit suisse n’a inscrit les crimes contre l’humanité qu’en 2011. Au nom du principe de non-rétroactivité, il considère que Ousman Sonko ne devrait donc pas être poursuivi pour les faits compris entre 2000 et 2011. Le Tribunal pénal fédéral va devoir trancher. Huit victimes directes et la fille d’une personne disparue en détention se sont constituées parties plaignantes. Pour des raisons budgétaires, le tribunal ne prendra en charge le séjour des témoins que deux jours avant leurs auditions et un jour après, ce qui fait dire à l’ONG Trial que ce manque de considération des victimes est choquant. La moindre chambre d’hôtel en Suisse revient à 100, voire 150 euros. Bien au-dessus des ressources des Gambiens.
Autre problème, les débats se dérouleront en allemand, la langue la plus pratiquée en Suisse, mais que ne maîtrisent pas les habitants de Gambie, ni bien souvent les journalistes venant de l’étranger, le procès étant d’intérêt public international. Seules les questions posées au prévenu et aux plaignants seront traduites en anglais. Mais pas les plaidoiries.