Tunisie, le procès du complot contre l’État s’ouvre sur une épreuve de force

« Non à la justice aux ordres ». Lors de la première audience de ce vaste procès contre une quarantaine d’opposants au régime qui s’est tenue à Tuni, les avocats ont refusé de cautionner la comparution à distance des accusés qui ne garantit pas un procès équitable.

Selim Jaziri

Le procès de l’affaire dite du « complot » impliquant quarante personnes s’est ouvert mardi matin dans l’atmosphère surchauffée d’une salle d’audience qui peinait à contenir la foule compacte des avocats et des soutiens des accusés qui scandaient « Liberté liberté ! non à la justice aux ordres ! ».

Les avocats présents, sur les quelque trois cents qui se sont proposés pour assurer la défense, ont entamé une épreuve de force avec la Cour pour contesté la décision du tribunal de faire comparaître à distance, depuis la prison, les huit accusés en détention cités à comparaître.

« Nos clients ne sont pas des terroristes »

« Nous avons introduit deux recours auprès du Tribunal administratif, a expliqué Dalila Mbarek Msadek, avocate, membre du comité de défense, et sœur de l’un des accusés (Jawher Ben Mbarek). L’un pour contester la décision et l’autre en référé pour en suspendre l’exécution. » L’avocate refuse de croire aux « raisons de sécurité » invoquées pour justifier cette mesure d’exception. « Nos clients ne sont ni terroristes, ni dangereux. Ils n’ont pas de sang sur les mains, ils n’ont jamais porté d’armes. Ils n’accepteront de sortir de prison que la tête haute et aux yeux de tous, pas s’évadant comme des malfrats », a-t-elle insisté. « Nous n’aborderons pas le fond du dossier tant que cette question n’aura pas été réglée avec avec la justice. »

Samir Dilou, a publié, mardi 4 mars 2025, deux photos sur le tribunal vide (voir ci dessus) pour résumer le déroulement de la première audience de l’affaire

« Les conditions minimales d’un procès équitable ne sont pas réunies », a protesté l’avocat Samir Dilou, à la sortie de l’audience. Même son de cloche de la part d’Ahmed Souab, ancien juge administratif et à présent avocat : « Les garanties de l’exercice des droits de la défense dépendent du respect des formes et de la procédure. Un des critères essentiels d’un procès équitable est la confrontation contradictoire. » En attendant, les accusés ont refusé de comparaître « pour ne pas cautionner un procès non équitable ».

Un vendeur de voitures sur le banc des accusés

Sur cette image de la salle d’audience à distance, on découvre que tous les accusés étaient absents, sauf le locataire de voitures d’occasion, véritable extra terrestre au sein de cette enceinte judiciare.

Sur l’écran installé dans la salle d’audience pour visualiser en direct le banc des accusés installé à la prison de Mornaguia, seul siégeait Slama Hattab, dont le sort illustre l’absurdité de la procédure. Intermédiaire dans la vente de voitures d’occasion, son seul tort est qu’une des voitures qu’il était chargé de vendre était garée à proximité du domicile de l’opposant Khayam Turki le jour d’une des réunions qu’il organisait avec des responsables politiques.

« Il n’a rien à voir avec la politique, s’est désolée Dalila Msadek, il ne connaît aucun des autres accusés. Sa page Facebook ne parle que de voitures. Au premier interrogatoire, quand on lui a demandé s’il connaissait Khayam Turki, il a répondu “Je ne connais aucun Turc ” ! ». Alors que la méprise était facile à dissiper, il est maintenu en détention depuis deux ans.

Cette première audience s’est conclue par le report du procès au 11 avril.