Tchad, aucune réparation pour les victimes de Hissène Habré

 Six ans après la condamnation de l’ex Président Hissène Habré, l’Union africaine et le Tchad n’ont toujours pas rempli leurs obligations à l’égard des victimes

(Dakar, le 27 mai 2022) – Les victimes de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré attendent toujours de recevoir des indemnisations, quatre ans après sa condamnation historique au Sénégal, ont indiqué aujourd’hui sept organisations.

Le 30 mai 2016, Habré a été condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, notamment pour des faits de violences sexuelles et viol, par un tribunal sénégalais soutenu par l’Union africaine ; Habré est par la suite décédé en août 2021. À l’issue d’un procès distinct au Tchad, le 25 mars 2015, une Cour criminelle a condamné 20 agents du régime Habré pour des faits de torture et assassinats. Les deux tribunaux ont ordonné le paiement de millions de dollars d’indemnisation au profit des victimes. L’Union africaine et le gouvernement du Tchad devraient respecter leurs obligations vis-à-vis des victimes découlant de ces décisions de justice, ont déclaré les organisations.

« Les victimes de Habré se sont battues sans relâche pendant 25 ans pour traduire en justice leur dictateur et ses sbires, et se sont vu accorder des millions de dollars d’indemnisation, mais à ce jour elles n’ont pas reçu un seul centime de ces réparations », a constaté Jacqueline Moudeina, la principale avocate des victimes. « Nombre d’entre elles qui ont finalement obtenu ces victoires historiques sont dans une situation très difficile et en ont désespérément besoin. »

Le procès de Hissène Habré, qui est le seul au monde lors duquel les tribunaux d’un État ont condamné un ancien dirigeant d’un autre État pour des violations des droits humains, a été considéré par de nombreux observateurs comme « un tournant pour la justice en Afrique ».

Lorsqu’une Chambre d’appel a confirmé la condamnation de Habré en avril 2017, et octroyé 82 milliards de francs CFA (environ 130 millions de dollars) à 7 396 victimes identifiées, elle a mandaté un fonds fiduciaire de l’Union africaine pour lever de l’argent en recherchant les avoirs de Habré et en sollicitant des contributions volontaires. Bien que l’Union africaine ait alloué 5 millions de dollars au fonds fiduciaire, ce dernier n’est toujours pas opérationnel. En septembre 2021, à la suite de la mort de Habré et d’un regain d’intérêt international pour le sort des victimes, l’Union africaine a dépêché une délégation au Tchad, où elle a pris possession d’un bâtiment destiné au Fonds, qu’elle a décrit comme « un tournant décisif dans le processus de réparation » pour les victimes. Un responsable a indiqué que la commission de l’UA travaillait « à rendre opérationnel ce fonds dans les meilleurs délais ». Depuis lors, cependant, et malgré plusieurs promesses, il n’y a pas eu de mission de suivi au Tchad et, selon les organisations, le fonds n’a toujours pas débuté ses activités.