L’avocat Tundu Lissu, 57 ans, a la peau dure. En 2017, il s’est pris 16 balles dans le corps et il en a réchappé par miracle. Chef de l’opposition en Tanzanie, Tundu Lissu a été arrêté le 9 avril, accusé de trahison sans possibilité de libération, il est passible de la peine de mort. On l’accuse également d’« incitations à bloquer les élections » qui auront lieu dans six mois.
Par Ian Hamel
Les élections dans ce grand pays d’Afrique de l’Est (presque deux fois la superficie de la France) manquent terriblement de suspens. Depuis l’indépendance, survenue en 1962, le Chama Cha Mapinduzi (CCM), ce qui signifie « parti de la Révolution » en swahili, n’a jamais lâché le pouvoir. En 2024, lors des élection municipales, il a enlevé 99 % des sièges.
Dans ce pays de 67 millions d’habitants, qui n’intéresse guère l’opinion internationale, il existe pourtant des politiciens qui continuent à dénoncer la corruption endémique et la fraude électorale systématique. C’est le cas de l’avocat Tundu Lissu, né en 1968, sorti de l’université de Warwick au Royaume Uni avec un Maser of Laws en 1996. Ancien député de la région de Singida.
L’opposant principal accusé de trahison
Président du Cadema, le principal parti d’opposition, Tundu Lissu vient d’être arrêté à six mois des élections présidentielles. Si les accusations de « publication de fausses informations » ou d’« incitations à bloquer les élections » ne devraient lui coûter que quelques semaines ou quelques mois de prison – il en a l’habitude – en revanche, celle de « trahison » est beaucoup plus grave car elle est passible de la peine de mort en Tanzanie.
L’avocat sait ce que cela coûte de s’opposer au tout puissant CCM. Rien que pour l’année 2017, l’avocat a été arrêté six fois. En prime, il a réchappé à un attentat fomenté, selon l’opposition, par le gouvernement. Pas moins de 16 balles, certaines dans l’estomac… Soigné à Nairobi, au Kenya, il est resté hospitalité quatre mois.
La cohabitation des chrétiens et des musulmans
Le pouvoir va même le démettre de ses fonctions de député en raison de son absence prolongée. Il faut savoir que les mœurs politiques tanzaniennes sont particulièrement exotiques. L’ancien président John Magufuli, fervent catholique, niait l’existence du coronavirus, affirmant que le pays en était libéré grâce aux prières… Il en est finalement mort en mars 2021, officiellement d’une pneumonie, le coronavirus n’ayant pas touché le pays. John Magufuli a été remplacé par sa vice-présidente, Samia Suhulu Hassan, originaire de Zanzibar, et musulmane. La Tanzanie étant née d’une fusion entre l’immense Tanganyika (972 000 km2), et le minuscule archipel de Zanzibar (1700 km2).
Les deux entités continuent de cohabiter depuis 1962 apparemment sans trop de difficultés. Zanzibar Town, à 99 % musulmane, envahie par les touristes, n’a pourtant pas grand-chose à voir avec Dar es Salam, le centre économique de la Tanzanie qui apparait sur l’image ci dessus, 4,5 millions d’habitants, majoritairement chrétiens.
C’est la section suisse des Médecins pour la responsabilité sociale et des Médecins internationaux pour la prévention de la guerre nucléaire (PSR/IPPNW) qui a alerté Mondafrique sur l’arrestation de Tundu Lissu, précisant que ce dernier entretient des liens personnels avec cette structure helvétique. Et qu’« il a été intervenant lors de nos congrès internationaux ». « Tundu Lissu partage nos positions sur le nucléaire et notamment sur les dangers du radon, un gaz radioactif qui provoque des cancers des os », précise le professeur Andreas Nidecker, membre du comité directeur de la section suisse des PSR/IPPNW. Si le Niger est le principal producteur d’uranium en Afrique, la Tanzanie possède une grande mine à ciel ouvert, à Mkuju River, située dans le sud du pays. Avec des réserves estimées à 182 millions de tonnes de minerai titrant à 0,025 % d’uranium. La mine, est exploitée par le groupe Uranium One, détenu par le russe Rosatom.