Samedi dernier, la diffusion par la chaîne de télévision turque pro islamiste « Mekameleen » d’un enregistrement compromettant relayé par Al-Jazeera a donné des sueurs froides au président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi. On y entend ce dernier parler avec mépris des États du Golfe et envisager de leur faire du chantage afin de soutirer des milliards de dollars. Les dirigeants saoudiens et émiratis qui ont soutenu l’ascension de Sissi à la tête de l’Égypte lors de la chute de l’ex-président Mohamed Morsi issu des Frères musulmans alliés du Qatar, ne sont pas épargnés.
Loin d’être anodin, cet incident qui a déclenché une tempête au Caire, obligeant Sissi à présenter ses excuses, intervient dans un contexte de recomposition des alliances et des priorités du royaume saoudien. En faisant de la bataille contre l’Iran chiite son objectif primordial, Riyad, sous l’égide du nouveau roi Salmane Ben Abdel Aziz, cherche désormais à mobiliser une alliance régionale sunnite aussi vaste que possible. Quitte à se rapprocher du Qatar et de la Turquie, longtemps considérés comme des ennemis jurés de l’Arabie. Par ailleurs, face à la montée de la menace de l’État islamique y compris aux portes du royaume, les dirigeants saoudiens préfèrent jouer la carte de l’apaisement avec les Frères musulmans lourdement réprimés par le président égyptien dans son pays. Un revirement de situation encouragé par les États-Unis qui ont pourtant eux aussi compté parmi les principaux soutiens de Sissi. Certains ne manquent pas d’interpréter l’affaire des dernières fuites comme une façon de faire pression sur le président égyptien pour qu’il revienne à des méthodes moins radicales.