Lors de ses réunions à Beyrouth, début septembre, Emmanuel Macron propose même un nom pour former le « gouvernement de mission » : celui de l’ambassadeur du Liban en Allemagne, Moustapha Adib, originaire de la ville sunnite de Tripoli, au Liban-Nord. Mondafrique revient sur l’échec de cette tentative.
Aucun chef de parti ne s’oppose à cette proposition. Le Hezbollah fait notamment patte de velours mais souligne que tout en soutenant (du moins publiquement) cette initiative française, il refuse trois points : toute éventuelle discussion autour de son arsenal militaire (et pour cause : ses armes sont au service de la stratégie régionale des Pasdarans iraniens et leur sort ne dépend nullement du parti) ; toute enquête internationale sur l’explosion du 4 août (d’autant que les milieux locaux lui font assumer la responsabilité directe de cette explosion) ; et l’organisation d’élections législatives anticipées.
Une source diplomatique française confie dans ce cadre à Mondafrique que l’ambassadeur du Liban en Allemagne était en réalité le candidat aussi bien d’Emmanuel Macron que de la Chancelière Angela Merckel: « les Allemands avaient pressenti Moustapha Adib les premiers et le président français a été rapidement séduit par la personnalité de l’ambassadeur, diplômé de Sciences Po et titulaire de la nationalité française ».
Les Américains torpillent l’homme du Hezbollah
Courant septembre, Moustaha Adib est donc désigné par le président Aoun pour former le gouvernement. Ses négociations commencent et l’un de ses principaux interlocuteurs est le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, principal conseiller du président du Parlement Nabih Berry et, par ailleurs, proche du Hezbollah.« Une semaine plus tard, c’est le coup de tonnerre, indique-t-on au Quai d’Orsay. Les Américains sortent un dossier contre le ministre des Finances (sanctionné pour corruption), ce qui rend impossible à l’avenir qu’il soit le représentant du pays face au FMI. Le Hezbollah, sans en avertir le Premier ministre pressenti, refuse de poursuivre la négociation ».
Le parti chiite aurait-il utilisé ce prétexte pour faire échec à la formation du gouvernement ? Les Américains, de leur côté, auraient-ils voulu saborder l’initiative française qui aurait parasité, si elle avait réussi, les négociations avec l’Iran ? « La nomination de Moustapha Adib, qui n’était pas marqué politiquement au Liban, remettait la machine en route et le dossier libanais au-dessus de la pile, explique un diplomate français à Mondafrique. Ce que l’administration américaine ne voulait sans doute pas ».
Les Français haussent le ton
La mission de Moustapha Adib s’avère plus difficile que prévu. Confronté à des obstacles qui surgissent de manière inattendue, le Premier ministre désigné envisage sérieusement de jeter l’éponge. Mais alors qu’il s’apprête à informer le président Aoun de sa décision, il reçoit un appel téléphonique du président Macron : « Reste encore ! Nous allons y arriver, je vais mettre toutes mes forces dans la balance ». M. Adib accepte de tenter encore une dernière chance. Mais le blocage persiste. « Il n’avait pas d’adversaire connu, souligne une source proche du Quai d’Orsay, mais personne dans la classe politique libanaise ne souhaitait son succès ». Il renonce donc à former le gouvernement.
Suite à ce désistement, et confronté à la complexité des réalités politico-socio-communautaires libanaises, le président Macon se déchaine, depuis l’Elysée, contre les partis libanais, notamment le Hezbollah dont il connait la responsabilité dans l’échec de son « protégé ».
LIRE L’ENQUETE COMPLÈTE DE MICHEL TOUMA SUR LES TENTATIVES DE MEDIATION DE LA FRANCE
Série (3), les idées (trop) simples d’Emmanuel Macron sur le Liban