«La plaignante est crédible (…) Elle a été détruite pendant cette nuit d’horreur », déclare au deuxième jour du procès en appel en Suisse le premier procureur Adrian Holloway. Il demande aux juges de condamner Tariq Ramadan à une peine de prison de 3 ans, dont 18 mois ferme pour viol et contraintes sexuelles.
Par Ian Hamel (à Genève)
Peut-on imaginer qu’une femme choisisse le moment de ses règles pour tenter de séduire un brillant intellectuel musulman ? C’est pourtant la version que Tariq Ramadan donne à la justice. “Brigitte“ (c’est le surnom de la plaignante) se serait montrée très entreprenante. Curieux, le prédicateur l’accueille dans sa chambre d’hôtel. Tout en repoussant “Brigitte“, Tariq Ramadan prétend accepter qu’elle reste dans sa chambre jusqu’au petit matin, sans qu’il n’y ait de rapports sexuels. « J’ai été grossier, je l’ai repoussée. C’est une femme blessée qui se venge en m’accusant de viol », martèle pour sa défense l’auteur de L’islam et le réveil arabe.
La version de la plaignante est totalement différente. Musulmane, elle ne cache pas son admiration pour le prédicateur suisse. Il n’est question que d’un café pris, un soir, au rez-de-chaussée de son hôtel. Prétextant de devoir monter une planche à repasser et un fer, Tariq Ramadan lui aurait demandé de l’accompagner jusque dans sa chambre. Il se serait alors jeté sur elle, la frappant violemment, lui tirant les cheveux, l’insultant, la traitant d’agent des Renseignements généraux venu l’espionner, il la viole à de multiples reprises. En mai 2023, le Tribunal correctionnel de Genève avait acquitté le prédicateur au bénéfice du doute.
« Le tribunal correctionnel ne voulait pas donner raison à la plaignante », déplore le premier procureur Adrian Holloway, alors que sa version de faits a « toujours été constante et cohérente ». la plaignante est « crédible ». En revanche, le récit de Tariq Ramadan est émaillé « d’incohérences ». Alors que “Brigitte“ le dégoûte, pourquoi accepte-t-il qu’elle passe toute la nuit dans sa chambre ? Dans la petite salle du tribunal, la femme de Tariq Ramadan et ses deux filles, assises juste derrière la plaignante, livides, écoutent silencieusement et sans broncher le procureur. Ce dernier ne réclame finalement que 3 ans de prison, dont 18 mois avec sursis, les faits remontant à 2008.
L’enseignant Stéphane Lathion, le premier témoin, a été très proche de Tariq Ramadan pendant vingt ans. Avant qu’ils ne se fâchent définitivement en 2003, et qu’il ne devienne l’un de ses pires détracteurs. Depuis, l’ancien chercheur a recueilli des témoignages accablants d’anciennes élèves mineures, lorsque Tariq Ramadan étant enseignant dans un collège à Genève. Dans un texte publié dans la presse locale, Stéphane Lathion parle de « comportements envers les femmes en totale contradiction avec ses discours (…) Les manœuvres utilisées contre ces femmes, d’anciennes élèves parfois, pour les faire taire, relève de la même logique d’accusation, d’intimidation ». Appelée à la barre, l’épouse de Tariq Ramadan, après avoir répété que son mari était un homme non violent, elle a surtout tenu à dénigrer Stéphane Lathion : « Tariq Ramadan était un père pour lui. Il l’a trahi. Il a voulu tuer le père », assure-t-elle.
Après Dieudonné, un organisateur de spectacles
En première instance, en mai 2023, le sulfureux humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala était venu témoigner en faveur de Ramadan. Selon un lettre anonyme, la plaignante « se vantait d’avoir couché » avec Tariq Ramadan. « Elle ne faisait pas du tout état d’un viol mais d’un coup d’un soir »… Le 24 mai 2023, le tribunal correctionnel reconnaissait que « le témoignage de Dieudonné M’Bala M’Bala n’a, quant à lui, apporté aucun élément probant dès lorsqu’il ne permet ni d’exclure ni de confirmer une agression sexuelle ». malgré cela, Mardi matin, le tribunal a pourtant accueilli un ancien organisateur de spectacles, originaire du Sénégal, venu donner une autre version de cet invraisemblable témoignage. C’est peut-être à Neuchâtel, alors qu’il était « un peu à l’écart », qu’il aurait étendu un technicien dire que la plaignante, évoquant ses relations avec Tariq Ramadan, aurait parlé « d’un coup d’un soir ». A ce stade, ce n’est plus l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours. Mais l’homme, qui a vu l’homme, qui a vu l’homme, qui a vu l’ours… Grotesque.