Niger (1): les droits humains en chute libre

TOPSHOT - This video frame grab image obtained by AFP from ORTN - Télé Sahel on July 28, 2023 shows General Abdourahamane Tchiani, Niger’s new strongman, speaking on national television and reads a statement as "President of the National Council for the Safeguarding of the Fatherland", after the ouster of President-elect Mohamed Bazoum. The chief of the Presidential Guard justifies the coup by evoking "the continued deterioration of the security situation" in the country, as well as "poor economic and social governance". (Photo by ORTN - TéLé SAHEL / AFP)

Le 26 juillet 2023, le général Abdourahamane Tiani et d’autres officiers de l’armée nigérienne du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) ont renversé Mohamed Bazoum, élu à la présidence du pays en 2021, et l’ont détenu arbitrairement, lui, sa famille et plusieurs membres de son cabinet. 


(Nairobi, le 25 juillet 2024) – Les autorités militaires au Niger ont réprimé l’opposition, les médias et la dissidence pacifique depuis qu’elles ont pris le pouvoir lors d’un coup d’État mené il y a un an, ont déclaré aujourd’hui Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).

Elles ont arrêté arbitrairement l’ancien président Mohamed Bazoum, au moins 30 responsables du gouvernement renversé et personnes proches du président destitué, ainsi que plusieurs journalistes. Elles ont rejeté tout examen de leurs dépenses militaires, en dépit de leurs déclarations en faveur de la lutte contre la corruption. Les autorités nigériennes devraient libérer immédiatement toutes les personnes détenues pour des motifs politiques ; garantir le respect des libertés fondamentales, notamment les droits à la liberté d’expression, d’opinion et d’association ; et s’engager publiquement à faire preuve de transparence et de redevabilité dans la gestion des dépenses militaires.

« Un an après le coup d’État militaire, au lieu d’avancer sur la voie du respect des droits humains et de l’État de droit, les autorités militaires accentuent la pression sur l’opposition, la société civile et les médias indépendants », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et centrale. « Les autorités militaires nigériennes devraient libérer Mohamed Bazoum ainsi que toutes les personnes détenues pour des raisons politiques et garantir leurs droits à une procédure régulière. »


Depuis le coup d’État de 2023, la liberté des médias a été fortement restreinte dans le pays. Les autorités ont menacé, harcelé et arrêté arbitrairement des journalistes, dont beaucoup indiquent qu’ils s’autocensurent par crainte de représailles.

Le 30 septembre, des hommes qui se sont présentés comme des membres des forces de sécurité ont arrêté Samira Sabou, blogueuse et journaliste, au domicile de sa mère à Niamey. Le lieu de détention de Samira Sabou est resté inconnu pendant sept jours. La police judiciaire de Niamey a d’abord nié son arrestation mais, le 7 octobre, Samira Sabou a été transférée à l’unité des enquêtes criminelles de la police de Niamey, où son avocat et son mari lui ont rendu visite. Le 11 octobre, elle a été inculpée de « production et diffusion de données susceptibles de troubler l’ordre public » et libérée dans l’attente de son jugement. Aucune date n’a été fixée pour le procès.

Le 29 janvier, le ministre de l’Intérieur a publié un décret qui a suspendu les activités de la Maison de la Presse, une organisation de médias indépendante, et annonçant la création d’un nouveau comité de gestion des médias dirigé par le secrétaire général du ministère de l’Intérieur.

Le 13 avril, les forces de sécurité ont arrêté Ousmane Toudou, journaliste et ancien conseiller en communication du président déchu. Dans les jours qui ont suivi le coup d’État de juillet 2023, Ousmane Toudou a dénoncé la prise de pouvoir par l’armée dans un message largement diffusé sur les réseaux sociaux. En mai 2024, il a été inculpé de « complot contre la sûreté de l’État » et envoyé en détention provisoire.

Le 24 avril, les forces de sécurité ont arrêté Soumana Maiga, le directeur de publication de L’Enquêteur, après que le journal a relayé un article publié par un journal français sur l’installation présumée de systèmes d’écoute par des agents russes sur des bâtiments officiels de l’État. Il a été présenté à un juge en mai, placé en détention pour atteinte à la défense nationale et libéré le 9 juillet dans l’attente de son procès.

Tchima Illa Issoufou, correspondante de la radio BBC en langue haoussa au Niger, a déclaré avoir reçu des menaces de la part de membres des forces de sécurité l’accusant de tenter de « déstabiliser le Niger » en raison de sa couverture de la situation sécuritaire dans la région de Tillabéri, dans l’ouest du Niger, où des groupes islamistes armés mènent des attaques contre les civil·e·s et les forces de sécurité. « J’ai été attaquée par des partisans de la junte sur les réseaux sociaux », a-t-elle expliqué à Amnesty International en mai après avoir fui le Niger pour un autre pays. « Ils m’ont accusée de travailler sous influence étrangère. » Le 26 avril, les forces de sécurité ont arrêté Ali Tera, un militant de la société civile que Tchima Illa Issoufou avait interviewé.

Le 29 mai, le ministre de la Justice et des Droits de l’homme a publié une circulaire suspendant toute visite des organisations de défense des droits humains dans les prisons nigériennes « jusqu’à nouvel ordre », en violation du droit national et international relatif aux droits humains, y compris la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que le Niger a ratifiée en 1988.

(1) En réponse au coup d’État, le 30 juillet 2023, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a imposé des sanctions, notamment des sanctions économiques, des interdictions de voyager et des gels d’avoirs, aux leaders du coup d’État et au pays en général. Le 22 août 2023, l’Union africaine a suspendu le Niger de toute participation à ses organes, institutions et activités. Le 28 janvier 2024, le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont annoncé leur retrait de la CEDEAO, et le 24 février, cette dernière a levé les sanctions contre le Niger.