Dans ses mémoires parues le mois de juillet dernier sous le titre « Le Temps des Tempêtes », Nicolas Sarkozy revient sur sa première visite au royaume du Maroc en tant que Président de la République.
« Le roi m’avait téléphoné juste après mon divorce pour me dire de venir avec des proches. Emmenez vos fils, je ne veux pas que vous soyez seul, j’y tiens beaucoup. Je leur présenterai mes neveux. Ils s’amuseront bien tous ensemble », se rappelle l’ancien président français qui ne tarit pas d’éloge sur le monarque chérifien qu’il décrit comme un «homme d’une grande intelligence, très francophile, et d’une gentillesse qui ne se dément jamais ».
D’ailleurs Nicolas Sarkozy est amoureux du Maroc et de Marrakech et ne le cache pas. S’il a opté pour Marrakech comme première étape de sa visite c’est qu’il s’agissait pour lui d’un « d’un lieu unique au monde ». « Une oasis d’où l’on peut apercevoir les neiges éternelles de la chaîne de l’Atlas ne ressemble à aucun autre endroit. L’air descend des hautes montagnes et se réchauffe progressivement lors de la traversée du désert pour arriver à bonne température au moment d’entrer dans la ville. Le ciel est d’un bleu unique. Les peintures de Majorelle en portent témoignage. Elles ne mentent pas. Les fleurs sont omniprésentes. Les odeurs sont celles d’un Orient qui aurait choisi de se rassembler tout entier dans cette ville miraculeuse. L’art et l’artisanat y ont pris racine depuis des siècles. La population est joyeuse, accueillante, bigarrée et bruyante. L’air est doux. Le soleil y est garanti. J’ai toujours le sentiment d’être à la maison tant tout me paraît familier et différent, car c’est déjà le début de l’Orient. Les Marocains nous sont ainsi tout à la fois proches et lointains », s’extasie l’ex chef d’Etat français sur un air poétique.
La cavalerie marocaine vêtue de rouge, sabre au côté, était nombreuse et impeccable. Le roi était venu m’accueillir.
Une fois à Marrakech, Nicolas Sarkozy, malade et se remettant à peine d’une opération chirurgicale, est d’emblée sous le charme. « Quand la porte s’ouvrit, le spectacle était grandiose. La cavalerie marocaine vêtue de rouge, sabre au côté, était nombreuse et impeccable. Le roi était venu m’accueillir. Une immense voiture décapotable nous attendait. Le soleil était au zénith et tapait fort. J’étais étourdi par la beauté du paysage, le bruit de la foule immense, la chaleur de l’accueil. Je rassemblai toutes mes forces pour tenter de faire bonne figure et profiter de ces moments inoubliables. Nous montâmes dans la voiture où nous restâmes debout un long moment. Le roi avait bien fait les choses. De l’aéroport jusqu’à son palais dans la Médina, la foule était compacte peut-être sur dix à quinze rangées. Des dizaines de milliers de personnes se massaient sur notre passage. Les Marrackchis criaient, chantaient, applaudissaient, s’apostrophaient. Le bruit était ininterrompu. Avec le roi, nous ne pouvions pas échanger un mot. On ne pouvait s’entendre. Les cavaliers de l’armée royale nous précédaient. Vivre de tels moments permettait de comprendre instantanément la profondeur et l’ancienneté de la culture marocaine. Quand le souverain descendit, chacun se précipita pour baiser sa main qu’il retirait aussitôt avec un mouvement étrange de recul. Le palais était somptueux sans être clinquant. Chaque objet y respirait l’histoire, la tradition, le goût le plus raffiné, l’artisanat le plus habile. Tout était beau sans que rien ne semblât neuf », se rappelle-t-il non sans nostalgie.
Lors de cette visite Nicolas Sarkozy était touché par les soins avec lesquels Mohammed VI l’entourait. « Je me sentais vraiment mal, et m’en ouvris à lui. Je lui expliquai ce qui s’était passé (opération chirurgicale) et lui demandai de pouvoir disposer de trente minutes pour me remettre. Avec tact et gentillesse, il accéda à ma demande et, au lieu de parler des dossiers qui nous attendaient, je me suis allongé dans une chambre », sous souvient-il.
Le roi du Maroc va se montrer encore une fois très attentif à la condition de Nicolas Sarkozy « au moment du dîner le soir, il y eut un grand dîner d’État offert par le roi. La nourriture était abondante et succulente. Par prudence, je fus très parcimonieux. Le roi avait fait venir son frère, le prince Moulay Rachid dont j’appréciais l’humour froid, la grande humilité et la finesse d’analyse, et ses trois sœurs. Toute la famille était présente. Soucieux de ma santé, le souverain veilla à ce que les choses ne s’éternisent pas. Je dormis dans une des résidences royales au cœur de la Palmeraie. Le lieu est comme un paradis sur terre. Il est entouré d’un parc de quatre-vingts hectares d’orangers, de citronniers et d’oliviers. L’Atlas y apparaît dans toute sa splendeur. En me réveillant le lendemain, il était là, juste en face de ma terrasse. La neige y scintillait. Il faisait vingt-huit degrés et je la voyais ! Je prenais le petit déjeuner avec mes deux fils. J’aurais tant aimé que cette parenthèse se prolongeât ».
Pour Nicolas Sarkozy, le Maroc a bien de la chance de disposer d’un souverain de cette qualité. « Sa vision est celle d’un pays qui doit se moderniser sans perdre son identité. Il a l’autorité de son père Hassan II et son intelligence, mais il y ajoute la modernité de son âge et l’humanité de son tempérament », résume l’ancien chef d’Etat.