Nabil Karoui, réfugié à Paris, condamné au silence

Poursuivi en Tunisie pour blanchiment d’argent et évasion fiscale, le candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2019, Nabil Karoui, a trouvé refuge en France, à l’instar de nombreuses figures politiques tunisiennes. Toutefois, esseulé, le président du parti Qalb Tounes est contraint au silence depuis son arrivée en France, après sa fuite de Tunis et sa mésaventure en Algérie.

Arrêté à Tébessa, dans l’est de l’Algérie, en 2021 pour avoir tenté d’entrer illégalement sur le territoire algérien, Nabil Karoui a profité de l’absence d’une demande d’extradition officielle de la part de Tunis pour quitter Constantine peu après sa libération. Il s’est d’abord rendu à Barcelone à bord d’un jet privé appartenant à un homme d’affaires, avant de rejoindre Paris, où il a déposé une demande d’asile.

« Après discussions avec le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Intérieur a accepté d’accorder le droit d’asile à Nabil Karoui, à condition qu’il ne fasse aucune déclaration publique sur la situation politique en Tunisie », confie au site marocain Maghreb Intelligence un proche de l’intéressé, selon lequel « tant que Kaïs Saïed est au pouvoir, Nabil Karoui ne fera aucune déclaration, ni officielle ni officieuse ». Le marché passé entre l’homme d’affaires tunisien, actif entre Paris et Dubaï, le contraint effectivement au silence.

Avec la dérive autoritaire du régime de Kaïs Saïed après son coup de force en 2021, le Quai d’Orsay reconnaît que la vie et la liberté de Nabil Karoui sont menacées en Tunisie. Cependant, Paris souhaite éviter tout incident diplomatique avec Tunis, compte tenu des relations déjà très sensibles et compliquées avec le président tunisien.

« Nabil profite de la vie à Paris tout en gardant un œil attentif sur ce qui se passe à Tunis. Il regrette que le pays soit dirigé par une horde d’incompétents », conclut notre source. Désormais, l’exil imposé en échange du silence ne semble pas freiner le train de vie de Nabil Karoui, qui reste attaché à son innocence et continue de contester une instrumentalisation politique de la justice à son encontre.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)