« Le collège des défenseurs » du sénateur mauritanien et opposant au régime, Mohamed Ould Ghadda, détenu sans procès depuis sept mois, proteste contre les conditions contraires aux droits élémentaires de la Défense qui président aux poursuites contre leur client.
Ouverte dans la violation de la loi, un jour férié, au mépris des règles d’immunité transcrites dans la constitution en faveur des membres du Parlement, l’instruction du dossier du sénateur Ould Ghadda se déroule depuis plus de sept mois , à tous les échelons judiciaires , selon une procédure inquisitoire, opaque d’une lenteur injustifiable et , pour certains actes, dans une douteuse célérité.
Dans les rares cas où le Pole d’instruction a donné satisfaction aux demandes de la défense sur des questions de portée plutôt mineure, sa décision a été, sans tarder, infirmée par sa hiérarchie dans des arrêts lapidaires, non motivés.Aucune suite n’a été donnée à ce jour au mémoire ampliatif que la Défense a présenté depuis le 6/3/2018 au juge pour obtenir un non lieu général el l’absence de toute preuve à charge.
Pis encore , à la demande du Parquet et sans que la défense en soit informée , le juge d’instruction, a donné , à la direction de la Police chargée de la répression des crimes économiques – celle là même qui avait conclu au départ et avec acharnement à l’inculpation de nos clients – , une latitude pleine et entière pour mener en son nom tout le travail judiciaire que la loi confère au magistrat instructeur !
- Par ce procédé insolite dans les annales judiciaires, le juge s’est donc dessaisi de fait du dossier dont le sort relève désormais d’un service de police aux ordres à la fois du Procureur de la République et de sa propre hiérarchie.
- Toutes les garanties que confèrent la loi, les conventions internationales et les principes de droit à nos clients durant la phase d’instruction sont ainsi vidées de leur sens :
- l’instruction n’est plus menée par un magistrat supposé indépendant du pouvoir exécutif ;
- elle déroule à charge et non plus à charge et décharge
- la règle fondamentale du contradictoire est bafouée ;
- la défense n’a pas accès aux actes que les services de la police ont entrepris au nom du juge.
En somme, les jalons d’un procès inéquitable sont clairement posés.
- Devant l’échec des services de la police à rassembler des eléments de preuve pouvant justifier aux yeux de l’opinion l’accusation de corruption , et pour pallier le discrédit qui frappe irrémédiablement au niveau national et international l’actuelle procédure, tant son caractère politique et extrajudiciaire est manifeste , le ministère public sort de sa manche de nouvelles accusations.
- Sur la base des procès verbaux dressés par les services de la police agissant en leur qualité de « magistrat délégué », le parquet a demandé et obtenu du Pole d’instruction- pourtant incompétent en la matière- , que soit ouverte , une nouvelle information celle là pour « Blanchiment d’argent, évasion fiscale, et abus de biens d’associés» contre X , l’inconnu , c’est-à-dire personne ou toute personne ! Pourtant les perquisitions ont été menées aux seuls domiciles de Messieurs Bouammatou et Debagh, ce qui démontre que le X n’est pas si inconnue que ça.
- Et de nouveau le Pole d’instruction a délégué ses pouvoirs immenses de magistrat instructeur aux services de la police économique qui à leur discrétion, ou plutôt à celle de leur hiérarchie font leur perquisition ici et ailleurs, saisissent ou saisiront tout document ou biens, interpelleront celui-ci ou celle là.
- A coup sur , ils prolongeront , à l’arrivée de leur terme légal, la détention du sénateur Mohamed Ould Ghadda et les autres actes privatifs de liberté décidés contre les autres sénateurs, journalistes et dirigeants syndicaux; de nouveaux mandats d’arrêt internationaux seront aucun doute émis à l’encontre de Messieurs Mohamed Ould Bouamatou et Mohamed Ould Debagh sur la base des dernières accusations.
Devant ces multiples violations des droits de la défense, le Collège d’Avocats demande :
- la reprise en main de la procédure par les magistrats instructeurs et l’annulation de tous les actes irrégulièrement posés en leur nom par les services de Police
- le libre accès du Collège d’Avocats à l’ensemble des actes de procédure
- le prononcé d’un non lieu général pour l’ensemble des personnes citées dans cette procédure.