Annoncées pour les prochaines semaines par le Premier ministre Chogel Maïga, les assises nationales censées faire un état des lieux consensuel de la gouvernance au Mali ne devraient finalement servir qu’à acter la prolongation de la transition bien au-delà de mars 2022.
C’est une demi-surprise pour de nombreux maliens. Le Premier ministre malien Choguel Maïga annoncé l’organisation prochaine des assises nationales, officiellement pour aboutir à « un diagnostic partagé sur la profondeur et la gravité de la crise » que connaît le Mali. Cette idée a toujours été défendue par Choguel Maïga dans les rangs du Mouvement du 5 juin (M5), attelage hétéroclite de partis et d’organisation de la société civile qui fut le fer de lance de la chute en août 2020 de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita (IBK).
Erreur d’agenda
Dans le contexte actuel du Mali, les assises annoncées par le nouveau Premier ministre de transition suscitent plus d’interrogations qu’elles ne promettent de réponses. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la réelle valeur ajoutée de ces assises aux rencontres déjà organisées, dont le dialogue national inclusif voulu en 2019 par IBK pour sortir de la crise.
D’autres Maliens ne cachent pas leurs inquiétudes sur les modalités de ces assises qui incluent des concertations dans les régions, les cercles et les communes. Outre la mobilisation des autorités administratives, ces concertations devraient ainsi s’étaler sur une longue période alors que le gouvernement est engagé dans une course contre la montre pour organiser un référendum constitutionnel, des élections locales et régionales, des législatives et une présidentielle avant mars 2022. Alors qu’il ne reste que huit mois pour la transition, l’organe en charge de l’organisation des élections n’a pas encore été mis en place, la situation sécuritaire ne permet pas de tenir sereinement des opérations de vote transparentes et crédibles dans de nombreuses parties du territoire malien, particulièrement le Nord, le Centre et la zone dite des trois frontières.
Levée des boucliers
Des partis politiques et des acteurs de la société civile, qui estiment que le Premier ministre se trompe de priorités, ont déjà manifesté leur réticence à l’organisation de ces énièmes assises nationales. Ce qui n’a pas convaincu Choguel Maïga de renoncer. Il ne le fera pas parce que derrière sa démarche se cache la volonté d’obtenir une prolongation de la période de transition. En effet, le Premier ministre compte sur la concertation des Maliens dans les régions, les cercles et les communes pour faire endosser au « Mali profond », l’exigence d’une prolongation de la transition, bien au-delà des 18 mois imposés par la communauté internationale. L’aile « nationaliste » du M5 n’attend que le retour de ces assises pour défendre l’exigence de la prolongation de la période de transition, en expliquant que c’est le peuple malien souverain qui le demande. Cette volonté du peuple précède, dans cette démonstration, le diktat de la communauté internationale.
Si le cap de la prolongation de la transition était finalement franchi au nom de la souveraineté populaire malienne, l’étape suivante devrait être le forcing pour imposer la candidature d’Assimi Goïta à la présidentielle de 2022.