Niger, Mohamed Bazoum fait tomber les tètes

 Le changement dans la continuité, qui a vu Mohamed Bazoum succéder à son mentor Mahamadou Issoufou à la tête du Niger, a laissé de nombreuses personnalités du système sans emploi et pire, sans aucune chance de rebondir. 

Il a battu le record de 7 années et demie de longévité au poste de Premier ministre (PM) détenu par Hama Amadou. Mais depuis le 2 avril, date de l’investiture du nouveau président, Brigi Rafini, qui a été l’unique PM de Mahamadou Issoufou pendant dix ans, n’a plus aucune fonction officielle. Ce militant du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir) attend donc à 68 ans sa reconversion ou sa retraite.

Un autre « inamovible » des années Issoufou,  Foumakoye Gado, unique ministre du pétrole pendant dix ans, a dû se résoudre à quitter le gouvernement et à laisser son maroquin à Sani Mahamadou fils de l’ancien président Mahamadou Issoufou. 

 Venu de la société civile, Marou Amadou ministre de la justice Garde des Sceaux pendant dix ans est redevenu un citoyen ordinaire sans chauffeur, ni garde de corps et voiture ministérielle. Il lui faudra désormais trouver un point de chute. Dans l’appareil d’Etat ? Dans une ONG ?  A l’international?

Les grands perdants de la nouvelle ère   

Même destin contrarié pour Karidjo Mahamadou, tout-puissant membre du Conseil exécutif national (CEN, organe dirigeant du PNDS), qui fut tour à tour ministre de la défense nationale et ministre des Transports, son dernier portefeuille avant l’alternance.

Proche de l’homme d’affaires contesté, Aboubakar Hima, dit « Petit-Boubey », cet ancien ministre de Mahamadou Issoufou ne devrait pas connaître des difficultés de fin de mois. Les fournisseurs qu’il a aidés à la défense s’en souviendront, mais lui-même a profité de son passage dans ces deux ministères stratégiques pour se mettre à l’abri du besoin.

C’est moins vrai pour d’autres ministres d’Issoufou comme Aichatou Kané (Plan), Daouda Marté (Education nationale), Yahouza Salissou (Enseignement supérieur), Assoumana Mallan Issa (Culture), Amina Moumouni (Energie). 

Maigre lot de consolation 

Tous les recalés de la période Issoufou n’auront pas la même chance que Foumokoye Gado qui, après avoir perdu ses postes de ministre du pétrole et de directeur de cabinet du président de la république, a été recasé par le nouveau président dans les fonctions honorifiques de Haut-représentant du président de la république. A ce poste détenu jusqu’à la présidentielle par Seyni Oumarou, devenu président de la nouvelle assemblée nationale, Foumakoye disposera d’un budget annuel bien garni, d’un cabinet et d’une protection rapprochée, de plusieurs véhicules de fonction, d’une maison de fonction ainsi qu’une dotation en carburant. Ce qui n’est pas rien pour un poste qui s’apparente, en réalité, à un emploi fictif. Tant les Nigériens n’en voient ni les contours, ni l’utilité. 

 Par mesure de prudence, d’autres anciens ministres avaient pris le devant pour se lancer dans la bataille des législatives.  Ils ont donc, pour ceux qui ont été élus, atterri à l’assemblée nationale comme députés, après avoir échoué à retrouver leur poste gouvernemental. Ephémère et obscur ministre des Affaires étrangères,  Kalla Hankourao s’est offert, avec l’aide du PNDS et l’appui de son mentor Mahamadou Issoufou, le poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale. Les autres caciques du système, qui ne sont désormais ni ministres ni députés, attendent fébrilement le coup de fil annonçant les nouvelles fonctions auxquelles ils sont appelés. En tous les cas, il y a peu de chance qu’ils pointent à l’Agence nationale pour l’emploi (l’ANPE). Ils peuvent encore garder espoir parce que, après la formation du gouvernement, la mouvance au pouvoir va procéder au partage des postes d’ambassadeurs, de directeurs généraux de société, de présidents de conseils d’administration, de gouverneurs de région… Toutefois, il y a visiblement trop de prétendants pour peu de postes disponibles. Que vont donc devenir ceux-là qui ont fait de la politique leur métier ? Au Niger, grâce à des raccourcis, la politique rapporte bien plus que le business ou les études.