Oumar Mariko, leader du parti de gauche Sadi (voir son portrait ci dessous), a été jeté dans les geôles de Bamako, le 6 décembre dernier, pour « propos injurieux » à l’encontre du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga.
Pour cet opposant considéré comme le « Mélenchon malien » c’est un retour aux sources, puisqu’il avait connu la prison sous le régime autoritaire et militaire de Moussa Traoré. Cette incarcération est un mauvais signal donné par les autorités de transition pourtant déjà bien à la peine sur beaucoup d’autres fronts.
Règlement de vieux comptes
Avec l’arrivée au pouvoir de Choguel Maïga, les vieilles fractures maliennes ressurgissent. Le contentieux entre le Premier ministre et Oumar Mariko, deux hommes de la même génération, date des années 1980. Pendant que le premier soutenait un mouvement de jeunes favorable au parti unique de Moussa Traoré, le second était à la tête de l’Union des élèves et étudiants du Mali et chantait les louanges de Modibo Keïta, père de l’indépendance.
C’est encore lui qui fut le fer de lance de la jeunesse qui a renversé le dictateur lors des journées du 22 au 26 mars 1991.
Pour les deux sexagénaires, la vie repasse les plats. L’un est au sommet de l’Etat, l’autre derrière les barreaux pour une sombre histoire d’audio piraté et publié sur les réseaux sociaux. Ironie de l’histoire, Oumar Mariko répliquait à un long aparté de Choguel Maïga, lui aussi piraté et diffusé sur les messageries privées.
Un emprisonnement qui ne passe pas
Depuis leur arrivée au pouvoir, les autorités de transition ont multiplié les arrestations d’anciens dignitaires, comme celle de l’ex Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, et celles-ci ont toutes été accueillies dans l’indifférence générale. Ce n’est pas le cas de celle d’Oumar Mariko qui ne cesse de faire des vagues. Tous les partis politiques maliens, y compris, ceux opposés au parti Sadi, ont publié des communiqués de soutien. Défenseur du peuple, des paysans, de la veuve et de l’orphelin, le leader de la gauche malienne engrange aussi de nombreux soutiens dans le monde rural, qui a bruyamment manifesté sa désapprobation. D’après une source à la maison d’arrêt, le tribun jouit également de la solidarité de ses 200 compagnons de cellule qui bénéficient de cours de marxisme en accéléré se transformant parfois en véritables meeting au sein de la prison ! Enfin, la futilité du motif de l’arrestation d’Oumar Mariko a été un électrochoc pour certains Maliens qui soutenaient jusque-là aveuglement les autorités de transition. Les colonels au pouvoir n’ont rien a gagné dans cette affaire et c’est un bien mauvais calcul de leur part que d’avoir permis au Premier ministre de régler ses vieux comptes.
Vent mauvais contre la démocratie
Après le dernier sommet de la Cedeao qui a maintenu des sanctions et en a promis de nouvelles après le 1er janvier 2022 si le gouvernement n’était pas en mesure d’annoncer un chronogramme précis pour l’élection présidentielle, la junte a plus que jamais besoin de soutien populaire. En effet, depuis son arrivée au pouvoir, elle n’a engrangé aucun succès, tant sur le front politique que social ou sécuritaire. Son seul exploit consiste à avoir réussi à se maintenir au palais de Koulouba contre vents et marées et surtout contre la volonté de la France et de certains chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest.
« Transition ne rime pas avec chasse aux sorcières et répression judiciaire » Maitre Baya Selle
Alors si le Mali doit faire partie de la longue liste des pays d’Afrique de l’Ouest en état de régression démocratique, le bilan de la junte sera définitiement désastreux… A l’instar, par exemple du Bénin, qui vient d’infliger une peine de 20 ans à l’opposante Reckya Madougou ; ou encore du Togo qui compte à ce jour 116 prisonniers politique… S’agissant du Mali, l’avocat Balla Seye n’hésite pas à parler de « terreur judiciaire ».
Oumar Mariko sera fixé sur son sort le 28 décembre date à laquelle le tribunal appréciera la demande de mise en liberté provisoire déposée par ses avocats. D’ici là, Comme Mondafrique le rapportait le 14 décembre, le président français se sera rendu à Bamako le 20 décembre pour y rencontrer le président Assimi Goïta, une visite sous haute tension puisqu’il sera question de « l’affaire Wagner » et du retour de l’ordre constitutionnel au Mali avec l’organisation de l’élection présidentielle.
Emmanuel Macron demandera-t-il la libération d’Oumar Mariko ? A n’en point douter, Jean-Luc Mélenchon qui a déjà demandé l’élargissement du leader de Sadi ne manquera pas de revenir à la charge