Un acte de vendetta dont a été victime le 31 juillet un responsable du Hezbollah dégénère en accroches au sud de Beyrouth entre miliciens chiites et sunnites.
Jiyeh … Une petite localité libanaise située en bordure de mer à une dizaine de kilomètres au sud de Beyrouth. Une famille chiite célèbre samedi soir, 31 juillet, un mariage dans un centre balnéaire. La plupart des convives sont des partisans du Hezbollah, le parti libanais chiite allié au régime iranien. Parmi eux, un responsable du Hezbollah répondant au nom de Ali Chebli, propriétaire d’un centre commercial situé dans la bourgade de Khaldé, à la sortie sud de la capitale libanaise. Un jeune homme s’approche de Ali et échange quelques mots avec lui puis s’éloigne de lui. Il revient sur ses pas et l’interpelle. Ali se retourne, et le jeune homme sort un pistolet automatique et tire trois balles à bout portant sur Ali. Gravement atteint, le responsable du Hezbollah succombera à ses blessures après avoir été transporté d’urgence à l’hôpital.
La scène est digne du film « Le Parrain ». Et pour cause : il s’agissait bel et bien d’une vendetta dans le plus pur style de la mafia italienne. Ali Chebli avait tué il y a près d’un an à Khaldé le jeune frère de son meurtrier au cours d’un accrochage entre des partisans du Hezbollah et des hommes armés relevant de ce que l’on dénomme au Liban « les tribus arabes » (à l’origine, des bédouins). Le meurtrier de Ali Chebli est membre de ces tribus arabes sunnites, solidement implantées à Khaldé. Conformément aux traditions tribales, il se devait de venger son jeune frère, le Hezbollah refusant depuis un an de livrer Ali Chebli à la justice étatique.
Contre-poids sunnite au Hezbollah
Au-delà de cet acte ponctuel de vendetta, un ancien contentieux d’ordre clanique oppose les tribus arabes au Hezbollah sur fond de tensions religieuses latentes entre sunnites et chiites. Fortement armées, très attachées à leurs coutumes tribales traditionnelles, dont précisément la vendetta, les tribus arabes représentent sur l’échiquier libanais un important contre-poids sunnite face au puissant arsenal militaire du Hezbollah. Elles ont des ramifications tribales en Syrie, en Jordanie et au Koweït, ce qui accroît sans conteste leur influence. A l’époque de l’empire ottoman, et jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, ces tribus circulaient librement sur les territoires des pays de la région, avant le redécoupage géographique effectué par les Français et les Britanniques à la suite de la chute de l’empire ottoman.
L’acte de vendetta perpétré samedi soir à Jiyeh a dégénéré le lendemain en accrochages armés entre les deux camps lors du passage du convoi funéraire de Ali Chebli à Khaldé, dans un secteur contrôlé par les tribus arabes. L’affrontement a débuté lorsque des partisans du Hezbollah ont tenté de décrocher un grand portrait du jeune garçon tué l’an dernier par Ali Chebli. Les hommes armés des tribus arabes ont alors ouvert le feu sur le convoi funéraire qui était formé principalement de miliciens du Hezbollah en armes. L’accrochage était de ce fait inévitable et les échanges de tirs ont fait quatre morts dans les rangs du Hezbollah, dont un haut responsable.
Tensions persistantes
Dimanche, 1er août, l’armée s’est déployée en force, en fin de journée, dans la région de Khaldé pour rétablir le calme. Elle a effectué des patrouilles et des perquisitions dans les quartiers habités par les tribus arabes, à la recherche des éléments armés ayant ouvert le feu sur le convoi funéraire du Hezbollah. Deux membres des tribus arabes ont été arrêtés au cours de ces perquisitions.
Le Hezbollah avait pratiquement lancé un ultimatum à l’armée, la sommant d’arrêter les auteurs des tirs provenant des tribus arabes à Khaldée. Cette attitude du Hezbollah a été vivement stigmatisée sur les réseaux sociaux par les internautes hostiles à l’emprise iranienne. Ces derniers ont rappelé que le Hezbollah refuse systématiquement de livrer à la Justice ses partisans reconnus coupables de meurtres, comme ce fut le cas, entre autres, du cadre du parti chiite, Selim Ayyache, condamné par un tribunal international pour l’assassinat en février 2005 de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et d’une vingtaine d’autres personnes, dont un ancien ministre.
Dimanche soir, le calme avait été rétabli dans la région de Khaldé, mais la tension reste vive, bien que latente, d’autant que le conflit chronique qui oppose sunnites et chiites continue de se manifester en filigrane non seulement au Liban, mais également dans plusieurs pays du Moyen-Orient.