Nos confrères de Tunisie numérique, clairement opposés au mouvement Ennahdha, sortent un dossier fort intéressant et précis sur l’explosion du nombre de fonctionnaires en Tunisie quand les islamistes dirigeaient le gouvernement en 2012 et 2013 ou étaient associés au pouvoir après 2014. Extraits
« Entre 2010 et 2017, le nombre des fonctionnaires a fait un bond vertigineux, passant de 435 487 à 642 918 (+48%), alors que leur masse salariale est passée de 5,6 milliards de dinars à 13 milliards de dinars (+114%), selon les chiffres de l’INS. Cela veut dire que, si le nombre de fonctionnaires augmente à la vitesse V, la masse salariale augmente à la vitesse V × 2,375.
Pour la seule année de 2012, année de la prise du pouvoir par Nahdha, suite à des élections entachées de plusieurs irrégularités liées à l’utilisation de financements douteux, de médias aliénés et de corruption d’électeurs, l’effectif général de l’Etat a augmenté de 88 164 fonctionnaires, ce qui représente 20 fois l’augmentation de 2010 sous Ben Ali (+4312) et environ 10 fois celle de 2011 sous le gouvernement Sebsi (+9418) (…) »
Il est vrai que les islamistes tunisiens au pouvoir en 2012/2013 et associés au gouvernement après 2014 ont ignoré superbement les fondamentaux d’une économie libérale régulée. D’autres gouvernements avant eux, notamment à la fin du rêgne du président Ben Ali, avaient eux aussi embauché au delà du souhaitable.
La vision que les islamistes auront eu de l’État aura été avant tout clientéliste. Mais cette politique d’entrisme au sein de l’administration, aussi condamnable soit-elle, leur a permis de consolider leur rang de première force politique en Tunisie, même si leur influence est aujourd’hui sur le déclin. Les fonctionnaires embauchés ainsi depuis dix ans savent à qui ils doivent leurs postes.
Le mouvement Ennahdha dispose désormais au sein même de l’administration, police comprise, de soutiens réels. Une partie des classes moyennes et populaires qui n’avait pas accès à la fonction publique durant la dictature, ont obtenu depuis des emplois relativement sécurisés malgré le chômage et de crise. Une forme de revanche sociale ! Il ne faut pas sous estimer la capacité militante de la mouvance islamiste face à l’actuel Président désireux de l’écarter définitivement du jeu politique. Kaïs Saied le sait qui ne les a pas attaqués pour l’instant frontalement.
La gestion de la fonction publique de ces dernières années, si elle pose un sérieux problème budgétaire, reste un solide acquis politique pour les chefs du mouvement islamiste.
Nicolas Beau