L’article de S&P Global Ratings BB notant l’amélioration le profil de la dette ivoirienne permet au gouvernement de masquer le surendettement du pays.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
Tout va donc bien. Et c’est tant mieux pour le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly qui s’est délecté de l’article de S&P Global Ratings BB, une agence de notation internationale. La Côte d’Ivoire a vu le profil de sa dette s’améliorer de manière sensible, contrairement au géant sud-Africain qui a perdu des points. « Il n’y a donc pas de surendettement», a expliqué le ministre, la mine triomphante.
Le niveau de l’encours de la dette publique de la Côte d’Ivoire inquiète pourtant les Ivoiriens qui craignent qu’elle ne soit obligée de renégocier une procédure de désendettement comme ce fut le cas le 31 mars 2009. Mais le gouvernement assure que la dette publique nationale qui culmine à 61,7% du Produit intérieur brut (PIB) ne signifie pas que la Côte d’Ivoire soit surendettée, le seuil critique étant de 70%. Selon le FMI, la dette ivoirienne devrait se situer à 60% du PIB en 2024 après avoir atteint 61,7% du PIB en 2023. Pour sauver le soldat ivoirien, Bloomfield Investment avait annoncé que la Côte d’Ivoire représente un faible niveau de risque.
Ce que confirmait la notation de S&P en insistant sur le faible rendement de la dette ivoirienne. « Voici la meilleure trajectoire de ces « des dix dernières années qui reflètent un redressement économique du pays, » a déclaré Samir Gadio, le responsable de la stratégie Afrique de Standard Chartered.
Les produits de base hors de prix
Cela dit, le doux effet lénifiant de ces notes ne suffit pas à conjurer la réalité sociale en Côte d’Ivoire où la cherté de la vie est en tête des revendications des travailleur. dans ces conditions, la dernière trouvaille du gouverneur du District d’Abidjan est de passer à l’attaque contre « la mendicité sous toutes ses formes et en tous lieux » sur le territoire du District. Depuis le 17 mai, Cissé Bacongo, a en effet publié un communiqué dans lequel il prévoit « d’assainir le cadre de vie des populations et d’assurer davantage la sécurité des personnes et des biens, ainsi qu’une meilleure fluidité routière ». Ainsi sont interdits le commerce ambulant sur les grandes artères d’Abidjan, tout comme les charrettes à bagages des commerçants sur les marchés.
Au nombre de ces mesures s’ajoute bien évidemment la mendicité. Sa dissimulation permet ainsi d’éviter de focaliser l’attention sur les difficultés qu’éprouvent de plus en plus d’Ivoiriens à se nourrir correctement en raison des politiques gouvernementales. Le 9 mai 2023, le président Alassane Ouattara avait en effet consenti à lever les subventions sur les produits de base afin de bénéficier des financements du Fonds Monétaire International. Cette décision a eu pour conséquence de faire flamber les produits de première nécessité qui sont devenus, avec l’augmentation du carburant, hors de portée de la majorité des Ivoiriens.
Un miroir aux alouettes
Sans compter que les services de notation sont souvent des miroirs aux alouettes. Entre 2007-2008, nombre d’entre elles ont été accusées d’avoir menti. Il s’agit de Standard & Poor’s dont la responsabilité a été reconnue dans la crise financière de cette période-là. Ses notations de crédit AAA attribuées à de grands pools de prêts les plus risqués sur le marché avaient donné de fausses garanties à des créanciers qui avaient acheté de grandes quantités de titres qui ont ensuite connu des baisses de valeur vertigineuses. Il ne faut pas non plus oublier que les pays ou les entreprises paient ces agences de notation à qui elles sont, du coup, redevables. En 2015, Standard and Poor’s avait dû verser 1,5 milliard de dollars au ministère américain de la justice et à plusieurs États, pour mettre fin à des poursuites judiciaires à cause de ses notations inexactes qui avaient trompé beaucoup investisseurs. De quoi ne pas s’arrêter aux couronnes.